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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2845/2021

JTAPI/919/2022 du 05.09.2022 ( ICC ) , REJETE

REJETE par ATA/704/2023

Descripteurs : DROITS DE MUTATION;RESTITUTION DE L'IMPÔT;ENRICHISSEMENT ILLÉGITIME;INDU;RECONSIDÉRATION
Normes : LDE.182.al1; CO.62; LPA.48
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2845/2021, A/198/2022 et
A/635/2022 ICC

JTAPI/919/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Laurent KYD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne les droits d’enregistrement.

Procédure A/2845/2021

2.             Par acte authentique du 29 octobre 2019, Monsieur B______ a vendu à terme à Monsieur A______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) un appartement à Genève pour le prix de CHF 2.7 millions. La date d’exécution de l’acte devait être fixée d’entente entre les parties, mais au plus tard le 1er mars 2021. Un droit d’emption échéant le 15 avril 2021 a en outre été stipulé.

3.             Le 30 octobre 2019, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a notifié au contribuable un bordereau de droits d’enregistrement d’un montant de CHF 81'016.80.

4.             Par acte notarié du 25 mai 2021, M. A______ et M. B______ ont convenu d’annuler l’acte d’achat-vente du 29 octobre 2019, ainsi que le droit d’emption.

5.             Le 2 juin 2021, le contribuable a sollicité de l’AFC-GE la restitution des droits d’enregistrement qu’il avait payés. Étant donné que l’acte du 29 octobre 2019 avait été annulé, le transfert de propriété ne serait jamais réalisé.

6.             Par décision du 12 août 2021, l’AFC-GE a rejeté cette requête, pour le motif qu’elle était intervenue plus d’un an après le dépôt de l’acte.

7.             Par acte du 30 août 2021, le contribuable, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision du 12 août précédent en concluant, principalement, à ce que l’AFC-GE lui restitue les droits d’enregistrement, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour reconsidération de la décision du 30 octobre 2019, le tout sous suite de frais et dépens.

Dans sa jurisprudence (ATA/242/2011 du 12 avril 2011), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), avait admis la reconsidération d’une décision de taxation lorsqu’on ne se trouvait pas dans un cas de répétition de l’indu. Dans ce cas, l’AFC-GE ne pouvait refuser toute restitution des droits en se prévalant de la péremption.

Dans le cas d’espèce, l’AFC-GE avait refusé d’entrer en matière sur la demande de restitution des droits sans examiner si les faits invoqués constituaient des faits nouveaux ou des moyens de preuves importants donnant lieu à une reconsidération. Or, la caducité de l’acte conduisant à l’absence de transfert de propriété constituait de tels éléments nouveaux importants. En conséquence, la décision entreprise devait être annulée et les droits d’enregistrement remboursés.

8.             Dans sa réponse du 29 octobre 2021, l’AFC-GE a exposé que le courrier du 12 août 2021 constituait un refus d’entrer en matière sur une demande de restitution des droits. Dans sa requête du 2 juin 2021, le contribuable n’avait pas formulé de demande de reconsidération.

Elle a conclu à ce que le recours soit déclaré sans objet, la cause rayée du rôle et que le dossier lui soit restitué afin qu’elle se prononce sur la demande de reconsidération du contribuable. Ce faisant, de nouvelles décisions sur réclamations sujettes à recours seraient rendues.

9.             Dans sa réplique du 3 décembre 2021, le recourant s’est opposé à la radiation du rôle.

L’AFC-GE soutenait à tort qu’il n’avait pas déposé une requête de reconsidération car, dans sa lettre du 2 juin 2021, il s’était fondé sur un fait nouveau, à savoir la caducité de l’acte authentique du 29 octobre 2019. Elle avait fait preuve de formalisme excessif en se limitant à se prévaloir du délai de péremption. Elle devait se déterminer sur l’objet du recours « à la lumière du réexamen ».

10.         Par mémoire complémentaire du 8 décembre 2021, le recourant a informé le tribunal qu’il avait déposé une requête de réexamen de la décision entreprise et qu’il sollicitait la suspension de la cause jusqu’à droit connu sur cette demande.

11.         Dans sa duplique du 17 décembre 2021, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

12.         Le 1er février 2022, l’AFC-GE s’est opposée à la suspension.

Procédure A/635/2022

13.         Le 8 décembre 2021, le contribuable a demandé le réexamen de la décision du 12 août 2021 en concluant à l’annulation de ce prononcé et au remboursement des droits d’enregistrement.

La caducité de l’acte de vente, conduisant à l’absence de transfert de propriété et de paiement du prix, constituait un élément nouveau important, dans la mesure où les conditions de perception des droits d’enregistrement n’étaient plus réalisées. L’AFC-GE ne pouvait ainsi pas refuser toute restitution des droits perçus en invoquant la péremption de la requête.

14.         Par décision du 17 décembre 2021, l’AFC-GE a rejeté la requête de reconsidération, pour le motif que le contribuable ne faisait valoir aucun fait nouveau qu’il n’aurait pu invoquer dans une procédure précédente, puisque la vente avait été annulée plusieurs mois après la signature de l’acte. La voie de la reconsidération ne permettait pas d’obtenir la restitution des droits prévue à l’art. 182 de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30).

15.         La réclamation que le contribuable a interjetée contre cette décision, le 17 janvier 2022, a été rejetée par l’AFC-GE le 31 janvier 2022. Celle-ci a repris la motivation de sa décision du 17 décembre précédent.

16.         Par acte du 23 février 2022, le contribuable, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le tribunal en concluant à l’annulation de la décision du 31 janvier précédent et de l’avis d’imposition du 30 octobre 2019, ainsi qu’au remboursement des droits d’enregistrement de CHF 81'016.80, avec intérêts à 5 % l’an dès le 2 juin 2021, le tout sous suite de frais et dépens.

L’AFC-GE avait violé son droit d’être entendu en ne motivant pas suffisamment la décision entreprise. Elle n’expliquait pas pour quelle raison elle considérait que l’annulation de la vente ne constituait pas un fait nouveau. Sur le fond, il s’est prévalu de l’ATA/242/2011 précité et a repris les arguments de ses précédentes écritures.

17.         Dans sa réponse du 25 avril 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le droit d’être entendu du recourant n’avait pas été violé, car il avait été en mesure de faire efficacement usage de son droit de recours devant le tribunal.

Il n’avait pas démontré l’existence d’une modification notable des circonstances. Les droits d’enregistrement avaient été prélevés en vertu d’une cause valable, à savoir les opérations stipulées dans l’acte de vente. Le fait que le vendeur ait renoncé à céder son bien immobilier ne saurait justifier l’annulation du bordereau de droits d’enregistrement, sauf à violer les principes de sécurité du droit et d’égalité entre les contribuables. En l’absence de tout motif de reconsidération autre qu’un simple changement de volonté du vendeur, la taxation opérée en 2019 ne pouvait être remise en cause.

L’ATA/242/2011 cité par le recourant ne concernait pas une annulation du prix, mais une réduction de la surface d’un balcon, susceptible d’engendrer une reconsidération parce qu’influençant la modification du prix de vente.

18.         Dans sa réplique du 2 juin 2022, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours. La chambre administrative (ATA/741/2002 du 26 novembre 2002) et le tribunal (DCCR/18/2011 du 10 janvier 2011) avaient jugé, dans un cas d’enregistrement obligatoire que le refus de l’État de restituer une somme due pour une prestation qu’il ne pouvait fournir, constituait un déni de justice matériel prohibé par la loi. L’art. 182 LDE avait été introduit dans la loi pour permettre la règle générale de la restitution de l’indu. Il s’agissait d’une institution de droit fédéral, dont la portée ne pouvait être restreinte par le droit cantonal. Ainsi, non seulement il pouvait bénéficier d’une restitution de l’indu, mais également d’une reconsidération. Le changement d’avis du vendeur constituait une modification notable des circonstances.

19.         Par duplique du 23 juin 2022, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse. La demande du recourant fondée sur l’art. 182 LDE devait être déclarée irrecevable pour cause de tardiveté. Il n’établissait nullement que le changement de volonté du vendeur constituait un motif de reconsidération. Les droits d’enregistrement avaient ainsi été prélevés sur la base d’une cause valable.

Procédure A/198/2022

20.         En parallèle à sa réclamation déposée contre la décision du 17 décembre 2021, le contribuable, sous la plume de son conseil, a recouru auprès du tribunal contre ce prononcé, par acte du 17 janvier 2022. Il a conclu à l’annulation de cette décision et de l’avis de taxation du 30 octobre 2019, ainsi qu’au remboursement des droits d’enregistrement. Subsidiairement, il a requis le renvoi de la cause à l’AFC-GE pour instruction de sa demande de réexamen déposée le 8 décembre 2021. Le tout sous suite de frais et dépens.

Il a repris les arguments exposés dans ses précédentes écritures.

21.         Dans sa réponse du 28 mars 2022, l’AFC-GE a conclu à l’irrecevabilité du recours, étant donné que la décision du 17 décembre 2021 devait être attaquée par la voie de la réclamation et non par celle du recours.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 182 al. 3 LDE).

2.             Étant donné que les causes nos A/2845/2021, A/198/2022 et A/635/2022 se rapportent à un complexe de faits et une problématique juridique identiques, le tribunal les joindra sous le numéro de procédure A/2845/2021 afin qu'il soit statué au moyen d'un seul jugement (art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3.             En matière de LDE, les décisions de l’AFC-GE refusant de faire droit à une demande de reconsidération doivent être attaquées par la voie du recours devant le tribunal et non par celle de la réclamation (JTAPI/847/2021 du 30 août 2021).

En conséquence, l’AFC-GE aurait dû transmettre au tribunal comme objet de sa compétence la « réclamation » du 17 janvier 2022 à l’encontre de sa décision du 17 décembre précédent. C’est à tort qu’elle a considéré comme prématuré le recours du 17 janvier 2022, déposé à l’encontre de cette même décision. Cela étant, dans ses différentes écritures, l’autorité intimée s’est prononcée à plusieurs reprises sur la question de la restitution des droits d’enregistrement et sur celle de la reconsidération. Le recourant n’a ainsi subi aucun préjudice procédural.

Pour le surplus, interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 63 al. 1 et 65 LPA.

4.             Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu par l’AFC-GE.

5.             Garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d’être entendu implique, pour l’autorité, l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités).

6.             En l’occurrence, le recourant estime que l’AFC-GE a violé son droit d’être entendu en ne motivant pas suffisamment la décision du 31 janvier 2022. Selon lui, cette dernière n’explique pas pour quelle raison l’autorité intimée considère que l’annulation de la vente ne constitue pas un fait nouveau.

L’intéressé ne peut être suivi. Il est certes vrai que la motivation de ce prononcé paraît succincte, puisque l’AFC-GE rejette la réclamation, du fait que l’intéressé ne fait valoir ni motif de révision, ni argument, permettant de conclure que l’annulation de la vente constituerait une modification notable des circonstances, sans apporter de plus amples explications. Cela étant, le précité, assisté d’un avocat, a été en mesure, non seulement de comprendre cette décision et de la déférer au tribunal, mais de développer dans son acte de recours une argumentation juridique complète. Il n’a ainsi subi aucun préjudice procédural.

7.             Le recourant sollicite la restitution des droits d’enregistrement facturés selon le bordereau du 30 octobre 2019.

8.             L’art. 33 al. 1 LDE dispose que sont soumis obligatoirement au droit de 3 %, sous réserve des exceptions prévues par la présente loi, tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, de la nue-propriété ou de l’usufruit de biens immobiliers sis dans le canton de Genève, notamment les ventes, substitutions d’acquéreur, adjudications, apports et reprises de biens.

Sous réserve des exceptions prévues par la présente loi, les droits d’enregistrement sont définitivement acquis à l’État de Genève et ne peuvent être restitués (art. 8 al. 9 LDE).

Aux termes de l’art. 182 al. 1 LDE, le débiteur des droits peut demander, dans le délai d’une année à compter de l’enregistrement de l’acte ou de l’opération, restitution de l’indu, avec intérêts au taux fixé selon les dispositions de l’art. 28 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18), s’il établit :

a.       qu’il a payé une somme supérieure au montant qui lui était réclamé ;

b.      qu’une erreur de calcul ou de taux a été commise par l’administration de l’enregistrement concernant la taxation de l’acte ou de l’opération ;

c.       que tout ou partie de la taxation constitue manifestement un déni de justice.

9.             L’insertion de cette disposition dans la LDE en 1969 résulte de la volonté du législateur de prévoir une base légale expresse pour permettre la restitution du montant payé indûment. Selon les travaux préparatoires, la doctrine et la jurisprudence avaient en effet déterminé qu’il n’était pas possible de rembourser à l’administré une somme qu’il aurait versée à titre de droits d’enregistrement de manière indue, faute de base légale expresse de droit cantonal. Le législateur avait voulu, par l’adoption de l’art. 182 LDE, créer une telle base légale. Il en résultait qu’à teneur de l’art. 8 al. 9 LDE, le remboursement des droits d’enregistrement était impossible, sauf dans quelques situations prévues expressément dans la LDE (art. 37, 40 et 41), ainsi qu’en cas de paiement indu, lorsque l’une ou l’autre des conditions de l’art. 182 LDE étaient réalisées (ATA/242/2011 du 12 avril 2011 consid. 6b et les références citées).

10.         Le droit à la répétition de l’indu oblige celui qui, sans cause légitime, s’est enrichi aux dépens d’autrui, soit notamment sans cause valable, en vertu d’une cause qui ne s’est pas réalisée ou d’une cause qui a cessé d’exister. Ce principe, posé par l’art. 62 CO, est applicable aux rapports de droit public. A teneur des travaux législatifs rappelés plus haut, l’art. 182 LDE est une législation poursuivant les mêmes objectifs (ATA/242/2011 du 12 avril 2011 consid. 6b et les références citées).

Par déni de justice au sens de l’art. 182 al. 1 let. c LDE, on entend le déni de justice matériel, soit lorsque l’autorité rend une décision manifestement insoutenable (JTAPI/564/2017 du 22 mai 2017 consid. 7 ; DCRI/284/2006 du 6 novembre 2006).

11.         En l’espèce, les droits d’enregistrement perçu selon le bordereau du 30 octobre 2019 ne l’ont pas été sans cause valable, puisque cette décision faisait suite à l’acte de vente du 29 octobre précédent. Le recourant ne prétend pas avoir payé une somme supérieure à ce qui lui était réclamé dans ce bordereau, ni que l’AFC-GE aurait commis une erreur en calculant les droits dus sur la base de l’acte authentique précité. Il ne fait pas non plus valoir que cette décision consacrerait un déni de justice. Enfin, la demande de restitution des droits, du 2 juin 2021, a été déposée plus d’un an après l’enregistrement de la vente du 29 octobre 2019. En conséquence, il ne peut tirer aucun avantage de l’art. 182 LDE.

Cela étant, le recourant, se fondant sur la jurisprudence du tribunal et de la chambre administrative, fait valoir que l’annulation de la vente constitue un motif de reconsidération du bordereau.

12.         Aux termes de l’art. 48 al 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsque :

a.    un motif de révision, au sens de l’article 80 let. a et b LPA, existe ;

b.    les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision.

13.         Contrairement à l’art. 80 let. b LPA (auquel renvoie l’art. 48 let. a LPA), qui prévoit comme motif de reconsidération des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (faits « nouveaux anciens »), l’art. 48 let. b LPA permet de faire valoir une modification notable des circonstances survenue après la prise de la décision litigieuse.

Par modification notable des circonstances, il faut entendre des faits nouveaux « nouveaux » (vrais nova), c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par-là sa remise en cause (ATA/281/2015 du 17 mars 2015 consid. 3).

14.         Le jugement du 10 janvier 2011 (DCCR/18/2011), cité par le recourant concernait des actes portant réquisition au registre foncier en lien avec un projet de construction auquel les contribuables avaient finalement dû renoncer pour des motifs indépendants de leur volonté, raison pour laquelle ces actes avaient été annulés. Les recourants avaient sollicité le remboursement des droits.

Le tribunal a jugé que dans la mesure où les recourants avaient dû renoncer à leur projet de construction et avaient retiré leurs réquisitions d'inscriptions au registre foncier avant que les actes ne soient inscrits au grand livre - de sorte qu’ils n’avaient jamais eu d'effet sous l'angle des droits réels et, par là-même, n'avaient produit aucun fait générateur de l'impôt - il se justifiait de leur restituer les droits d’enregistrement.

15.         Dans l’arrêt du 12 avril 2011 (ATA/242/2011), dont l’intéressé se prévaut également, les recourants avaient acquis une part de copropriété le 1er mars 2006 et, le 2 mars suivant, s’étaient vu notifier un bordereau de droits d’enregistrement. Le 7 janvier 2008, les parties au contrat de vente étaient convenus de réduire le prix en raison de la diminution de la surface du balcon. L’AFC-GE avait rejeté la requête de restitution des droits d’enregistrement.

La chambre administrative a jugé que les droits d’enregistrement n’avaient pas été perçus sans cause valable. Les recourants ne se trouvaient pas dans une situation visée par l’art. 182 LDE. La somme payée correspondait à ce qui leur était réclamé. Aucune erreur n’était imputable à l’AFC-GE sur la base des données fondées dans l’acte du 1er mars 2006. Les sommes versées résultaient de la décision de taxation du 2 mars 2006, qui n’avait pas fait l’objet d’un recours et qui légitimait la créance de l’État par l’autorité de la chose décidée dont elle est munie. On ne se trouvait pas dans un cas de paiement sans cause valable et c’était à tort que la demande de remboursement avait été traitée sous cet angle.

L’acte authentique du 7 janvier 2008 avait modifié celui passé le 1er mars 2006 sur un élément important, soit celui du prix, sous l’angle de la perception des droits d’enregistrement, voire du droit à leur réduction pour l’administré. Dès lors que l’on ne se trouvait pas dans un cas de répétition de l’indu mais de reconsidération possible de la décision de taxation, l’AFC-GE ne pouvait sans autres refuser toute restitution de droits d’enregistrement perçus en invoquant la péremption de la faculté de demander la restitution des droits. Elle se devait soit de reconsidérer sa décision de taxation consécutive à l’acte du 1er mars 2006, soit d’instruire plus précisément les circonstances dans lesquelles les éléments de taxation s’étaient modifiés.

16.         Selon la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.2 ; 2C_116/2010 du 21 juin 2010 consid. 2.2 in RDAF 2010 II 474), la créance d'impôt naît sitôt que les faits générateurs prévus par la loi sont réalisés. La créance fiscale prend naissance ex lege, sans aucune autre intervention extérieure : la doctrine parle de la naissance immédiate de la créance fiscale. La taxation n'a aucun effet constitutif, elle n'est pas une condition de l'existence de la créance d'impôt. L'existence et le contenu de la créance fiscale sont fixés par la loi, raison pour laquelle dite créance est en principe irrévocable : dès l'instant où une créance fiscale est née, elle ne peut être réduite à néant par une opération destinée à effacer les faits générateurs lui ayant donné naissance. La naissance ex lege de la créance fiscale a également pour conséquence que le moment de la réalisation du revenu ne saurait dépendre de la seule volonté du contribuable ; si tel était le cas, le contribuable pourrait différer et, par-là, déterminer lui-même en fonction de ses convenances personnelles à quel moment ce revenu est imposable.

17.         En l’espèce, l’acte authentique du 25 mai 2021 représente un fait nouveau en ce sens qu’il s’est produit après la notification du bordereau contesté.

Quoi qu’en pense le recourant, les circonstances de la présente affaire diffèrent de celles retenues dans les jugements susmentionnés. En effet, à l’inverse du jugement du 10 janvier 2011 rendu par le tribunal, l’annulation de la vente est intervenue de par la volonté des parties. En outre, le contrat du 29 octobre 2019 a été valablement conclu et a produit un fait générateur de l’impôt, ce que le recourant ne conteste pas. Par ailleurs, contrairement à l’arrêt rendu le 12 avril 2011 par la chambre administrative, la présente cause ne concerne pas une demande de restitution des droits d’enregistrement déposée par suite de réduction du prix de vente d’un immeuble, mais une annulation pure et simple de la vente. Enfin, la chambre administrative n’a pas imposé à l’AFC-GE de notifier au recourant un bordereau de dégrèvement, mais lui a laissé la possibilité de choisir entre reconsidérer sa décision de taxation ou instruire les circonstances dans lesquelles les faits se sont modifiés.

Dans le cas présent, hormis la volonté des parties, l’acte du 25 mai 2021 ne comporte aucune indication quant à la raison pour laquelle la vente a été annulée. Il ne ressort par ailleurs d’aucune pièce du dossier que ce contrat serait entaché de nullité. Au contraire, sa validité n’est pas contestée par le recourant. Il en résulte, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, que les droits d’enregistrement ont été perçus le 30 octobre 2019 en vertu d’une cause valable. Aucune réclamation, ni aucun recours n’ont d’ailleurs été interjetés à l’encontre de cette décision de taxation. Permettre au recourant d’obtenir la restitution des droits d’enregistrement en raison de l’annulation de la vente par les parties au contrat aurait pour conséquence que la créance d’impôt puisse être anéantie par leur simple volonté, ce qui enfreindrait la règle suivant laquelle cette créance naît ex lege et ne peut être réduite à néant par une opération destinée à en effacer les faits générateurs.

18.         Ne reposant sur aucun motif valable, les recours doivent être rejetés, dans la mesure où ils sont recevables.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- ; il est couvert par les avances de frais de CHF 2'100.- versées à la suite du dépôt des recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 900.- lui sera restituée.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             joint les causes nos A/2845/2021, A/198/2022 et A/635/2022 sous le numéro de procédure A/2845/2021 ;

2.             rejette, dans la mesure où ils sont recevables, les recours interjetés les 30 août 2021, 17 janvier et 23 février 2022 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 12 août et 17 décembre 2021 et 31 janvier 2022 ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'200.-, lequel est couvert par les avances de frais de CHF 2'100.- ;

4.             ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 900.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Jean-Marie HAINAUT et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière