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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3064/2020

JTAPI/543/2021 du 31.05.2021 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : FIXATION DE L'AMENDE;SOUSTRACTION D'IMPÔT
Normes : LIFD.175.al2; LPFisc.69.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3064/2020 ICCIFD

JTAPI/543/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mai 2021

 

dans la cause

 

A______, représentée par FIGEST Conseil SA, mandataire, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Inscrite au registre du commerce de Genève depuis le ______, A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante) a pour but :

« investissement, gestion, commerce, transport (freight) et autres activités liées aux émissions et à l'énergie, notamment au pétrole, au charbon, aux énergies renouvelables, aux énergies alternatives, à l'électricité, au gaz, au gaz naturel et à tous autres produits pétrochimiques ou matières premières liées, ainsi que l'exercice de toute activité industrielle, financière et commerciale y relative ; financement d'entreprises et de sociétés du groupe de sociétés dont elle fait partie ainsi que création, prise de participations, gestion et prise d'intérêts financiers dans d'autres sociétés ou entreprises ; conseil et fourniture de services administratifs, techniques, financiers, économiques ou de gestion à d'autres sociétés, entreprises ou personnes ; acquisition, vente, gestion et exploitation de biens mobiliers et immobiliers, y compris de brevets, marques, licences, permis et autres droits de propriété intellectuelle ; emprunt et prêt d'argent, levée de fonds, y compris l'émission d'obligations, de notes ou d'autres titres, ainsi que conclusion de tout contrat y relatif ; octroi de garanties et conclusion d'engagements, seule ou conjointement et solidairement, ou à quelque autre titre que ce soit, avec des entreprises et sociétés du groupe de sociétés dont elle fait partie, en leur nom ou au nom de tiers ; commerce de devises, de titres, de dérivés et de tout autre actif en général, ceci seule ou en collaboration avec des tiers, ainsi que toute opération, compris dans un sens large, directement ou indirectement liée à ses buts principaux ». 

2.             Par bordereaux des 10 février 2011, 23 décembre 2011 et 5 décembre 2013, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la contribuable pour, respectivement, les impôt fédéral direct (IFD), cantonal et communal (ICC) 2011, 2012 et 2013.

3.             Ces bordereaux sont entrés en force.

4.             Par courrier recommandé du 21 décembre 2018, l'AFC-GE a informé la contribuable de l'ouverture, à son encontre, d'une procédure en rappel d'impôts et d'une procédure pénale pour soustraction d'impôts pour les périodes fiscales 2007 à 2011, ainsi que d’une procédure en tentative de soustraction d’impôts pour les années fiscales 2012 à 2017, au motif que, selon l’enquête menée à son encontre par le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC), elle aurait versé, au cours de ces années, des commissions « dans le cadre de son activité commerciale et l'obtention de marché pétroliers en Afrique ».

5.             Par ordonnance pénale du 14 octobre 2019, le MPC a constaté que la contribuable n’avait pas « pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher l’infraction de corruption d’agents publics étrangers (art. 102 al. 2 CP en lien avec l’art. 322septies CP) » et l'a condamnée, solidairement avec B______ SA, à payer CHF 4'000'000.- (amende), CHF 89'665'378.- (créance compensatrice), CHF 20'000.- (émolument) et CHF 42'178.- (débours).

Dans les considérants portant sur la quotité de la peine (cf. p. 19), il a notamment retenu que cette corruption d'agents publics étrangers avait été réalisée à de « nombreuses reprises au sein de l'entreprise, celle-ci acceptant ce risque en ne prenant aucune mesure pour l'empêcher, sur une période allant de 2008 à début 2012, et a[vait] pris fin uniquement suite à l'intervention du ([MPC]. Elle a[vait] porté sur plusieurs marchés, dont certains très conséquents, avec des nombreux et réguliers paiements corruptifs portant sur des sommes d'argent très élevées transitant sur la place financière suisse et générant des revenus très importants pour [la contribuable]. Tant la gravité de la faute de l'infraction sous-jacente que celle du défaut d'organisation, impliquant plusieurs employés de l'entreprise sans qu'aucune mesure de réduction du risque ou de contrôle effective ne soit mise en œuvre, dans un domaine d'activité pourtant notoirement sensible en la matière, [devaient] être retenues comme particulièrement élevées ». Il se justifiait dans ces conditions de « fixer une amende correspondant au maximum du cadre légal donné, au demeurant modeste eu égard aux bénéfices dégagés par l'activité en cause ».

6.             Par courrier du 16 juillet 2020, l'AFC-GE a notifié à la contribuable des bordereaux de rappel d'impôts et d'amende pour les périodes fiscales 2009 à 2011.

Les reprises sur les bénéfices - s’élevant à CHF 217'035.- (2009), 7'325'729.- (2010) et 31'778'535.- (2011) - avaient été effectuées sur la base des montants retenus dans l’ordonnance pénale du MPC du 14 octobre 2019. Les ICC et IFD soustraits totalisaient CHF 3'580'726.-. En comptabilisant des charges injustifiées commercialement, à savoir des commissions versées à des agents publics étrangers, la contribuable avait commis une soustraction d’impôt. La quotité des amendes infligées était fixé à 1,25 fois les impôts soustraits, en tenant compte, d’une part, du montant important des reprises, du caractère répétitif des infractions et des « montages juridiques mis en place » et, d’autre part, de la bonne collaboration de la contribuable pendant la procédure. Ainsi, pour la soustraction des ICC, le montant des amendes avait été arrêté à CHF 4'453.- (2009), 217'224.- (2010) et 838'759.- (2011) et, pour celle des IFD, à CHF 18'966.- (2009), 634'993.- (2010) et 2'761'523.- (2011).

7.             Le 14 août 2020, sous la plume de sa mandataire, la contribuable a formé réclamation contre les bordereaux d’amende, dont elle a uniquement contesté la quotité.

Bien que les montants des reprises fussent importants, ils l’étaient nettement moins que les bénéfices qu’ils avaient générés et qui avaient été dûment déclarés et taxés. Ils n’étaient ainsi pas déterminants au regard du chiffre d’affaires et des profits qu’elle avait réalisés pendant les années en cause, si bien qu’ils devaient être relativisés. En outre, elle n’avait pas été condamnée pour corruption, mais seulement pour « défaut d’organisation ayant permis à un ancien employé, assisté de tiers introduit par lui présentés comme des agents, de corrompre des officiels étrangers » (sic). C’était cet employé qui avait était condamné pour corruption, ce qui démontrait bien que sa faute à elle, certes non négligeable, puisque ses contrôles en place à l’époque n’avaient pas permis d’éviter cette situation, devait être relativisée. Compte tenu de ces éléments, dont les bordereaux d’amende ne tenaient pas compte, elle demandait que la quotité des amendes soit fixée à une fois les impôts soustraits.

8.             Par décision du 31 août 2020, signée par ses collaborateurs dont émanaient les courriers précités des 21 décembre 2018 et 16 juillet 2020, l'AFC-GE a annulé les amendes relatives aux ICC et IFD 2009 en raison de la prescription de la poursuite pénale, rejetant la réclamation pour le surplus.

Les soustractions d'impôt en cause avaient été commises intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel. L'ordonnance pénale du MPC rendue à l'encontre de la contribuable avait souligné le fait que celle-ci n'avait pris aucune mesure interne contre la corruption, alors que ce risque était inhérent à son activité déployée sur les marchés au sein desquels les versements de commissions aux agents publics étrangers avaient eu lieu. Ainsi, il apparaissait que le risque de corruption avait été accepté par la contribuable. En outre, sa faute ne pouvait être perçue comme légère. En effet, outre l'absence de mesures internes de contrôle, le MPC avait constaté différentes irrégularités et « signaux d'alerte » à l'époque des faits, soit notamment : i) le C______ et la D______ étaient notoirement des pays à risque de corruption très élevé, ii) la quasi-totalité des contrats en lien avec le marché du C______ avaient été signés de manière individuelle par le même « business developper » de la société, alors qu’il ne disposait pas du pouvoir de signature, iii) la contribuable avait autorisé de nombreux paiements en faveur d'agents sans aucune base contractuelle et iv) aucune des sociétés utilisées par les agents et percevant des commissions versées par la contribuable n'étaient domiciliées dans le pays des marchés pétroliers en question, mais dans des juridictions offshores. Par ailleurs, ces soustractions d’impôt avaient été commises de manière répétée, les commissions en faveur des agents publics étrangers ayant fait l'objet d'une cinquantaine de versements sur une période de trois ans. Les montants versés durant cette période étaient importants (au total CHF 39’321'299.-) même s'ils pouvaient être relativisés à la lumière des flux financiers liés à l'activité économique de la contribuable. Enfin, des structures comprenant différentes sociétés écran avaient été utilisées pour effectuer ces paiements et occulter leurs bénéficiaires. Dans ces conditions, la quotité des amendes avait été fixée à 1,25 fois les impôts soustraits. Cette quotité tenait compte également de la bonne collaboration de la contribuable dans le cadre de la procédure et était justifiée au vu de sa faute et des circonstances. Par conséquent, les amendes relatives aux périodes fiscales 2010 et 2011 étaient maintenues (en revanche, les amendes relatives aux ICC et IFD 2009 étaient annulées en raison de la prescription de la poursuite pénale).

9.             Par acte du 29 septembre 2020, sous la plume de sa mandataire, la contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, dont elle a requis l'annulation, concluant à ce que la quotité des amendes soit fixée aux trois-quarts des impôts soustraits, voire, au maximum, à une fois de ces derniers.

A teneur des art. 135 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 43 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), l'autorité de taxation prenait, après instruction, une décision sur réclamation. Dite notion « instruction » avait pour but de garantir au contribuable un traitement objectif de sa réclamation, qui constituait sa première voie de droit. Or, ce caractère d'objectivité n'avait pas été respecté, dès lors que les mêmes collaborateurs de l'AFC-GE avaient rendu la décision « à la fois en taxation et en réclamation ». Elle s'était ainsi vu privée de toute chance de succès dans l'exercice de sa première voie de « recours ».

Sa collaboration exemplaire dans le cadre de la procédure de contrôle justifiait un abattement d'un tiers ou d'un quart au moins de la quotité des amendes. Par ailleurs, sa condamnation avait résulté d'un défaut d'organisation, lequel ne la rendait pas coupable de l'acte de corruption ayant été commis. Elle n'avait elle-même pas mis en place un montage juridique, étant rappelé que l'un de ses anciens employés, licencié depuis lors, avait été condamné pour corruption, de sorte que sa propre faute devait être dissociée de « l'élément de corruption ». La nature de l’infraction, si elle ne méritait pas une atténuation de la quotité de l'amende, ne justifiait pas non plus une aggravation de cette dernière. A tout le moins, cette aggravation ne devait pas excéder un quart, voire un tiers des impôts soustraits.

Bien qu'élevé, le montant des impôts soustraits (CHF 3'580’726.-) pour les années 2009 à 2011 était singulièrement moins important lorsqu'il était mis en relation avec son chiffre d'affaires total (CHF 148'466'344'879.-) et son bénéfice net total (CHF 510'019'509.-) pour les mêmes périodes fiscales. Ces impôts représentaient ainsi 0,0024 % de ce chiffre d’affaire et 0,70 % de ce bénéfice net, soit des pourcentages pouvant être considérés comme étant peu élevés.

Du fait que l'amende, fixée en fonction du montant de l'impôt soustrait, tenait ainsi « automatiquement déjà compte » de l'importance de la soustraction d'impôt, le montant « absolu » de cette dernière ne pouvait constituer un facteur aggravant, ni atténuant d'ailleurs. Seule l'importance « relative », par rapport à la taille (chiffre d'affaires), respectivement au bénéfice de la société, était à prendre en compte. Dans le cas d'espèce, cette importance était très relative et ne pouvait donc pas constituer un facteur aggravant ; au contraire, elle justifiait un abattement d'un quart de la quotité de l'amende.

Enfin, dans la mesure où elle n’avait finalement fait l’objet d’une amende que pour les périodes fiscales 2010 et 2011, la quotité de cette dernière ne pouvait pas tenir compte d'un caractère répétitif et « punissable supérieur à deux ans ». Dès lors, cet élément ne justifiait pas une aggravation de la quotité de l'amende, à tout le moins pas supérieure à un quart des impôts soustraits.

10.         Dans ses observations du 11 novembre 2020, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le grief de la recourante relatif à la composition de l’autorité de réclamation était infondé, d'autant plus les signataires de la décision sur réclamation querellée avaient procédé d'office au dégrèvement des amendes 2009, ce qui témoignait du traitement objectif du dossier. Cette dernière avait comptabilisé des charges non justifiées commercialement, commettant ainsi des soustractions fiscales intentionnelles, à tout le moins par dol éventuel. Les pots de vin avaient consisté en une cinquantaine de versements, totalisant plus de CHF 39'000’000.-, par le biais de sociétés domiciliées dans des juridictions offshores. La faute de la recourante ne pouvait donc pas être qualifiée de légère. Cela étant, l'importance des commissions versées et leur caractère répété, par l'entremise de différentes sociétés écran, devaient conduire à une aggravation de la peine, que la bonne collaboration de la recourante pendant la procédure ne pouvait compenser afin de retenir la quotité « usuelle » d'une fois les droits soustraits. Ainsi, la quotité qu’elle avait finalement retenue (1,25 fois l'impôt soustrait) devait être confirmée, étant souligné qu'elle était très mesurée par rapport à la peine menace prévue par l'art. 175 al. 2 LIFD, qui autorisait à tripler le montant de l'amende en cas de faute grave.

11.         La recourante n’a pas donné suite au courrier du tribunal du 13 novembre 2020 qui l’invitait à déposer son éventuelle réplique d’ici au 14 décembre suivant.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 LPFisc ; art. 140 LIFD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives et le contenu des pièces qu'elles ont versées au dossier seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.1.1 ; 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités).

4.             La recourante fait valoir qu’elle aurait été « privée de toute chance de succès » de sa réclamation en raison du fait que les mêmes collaborateurs de l'AFC-GE auraient établi les bordereaux d’amende et rendu la décision sur réclamation subséquente.

5.             Selon l’art. 50 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable en matière fiscale par renvoi des art. 2 al. 2 LPFisc et 142 LIFD (cf. cf. Felix RICHNER/Walter FREI/Stefan KAUFMANN/Hans Ulrich MEUTER, Handkommentar zum DBG, 3ème éd., 2016, n. 1 ad art. 142 LIFD, p. 1499), la réclamation (ou l'opposition) a pour effet d'obliger l'autorité qui a rendu la décision administrative attaquée à se prononcer à nouveau sur l'affaire.

Les art. 36 al. 1 LPFisc (cum art. 4 al. 1 LPFisc) et 130 al. 1 LIFD (cum art. 182 al. 4 LIFD) - applicables en matière de soustraction fiscale par renvoi des art. 75 al. 3 LPFisc, respectivement 182 al. 3 LIFD - confèrent à l'AFC-GE la compétence pour procéder à la taxation des contribuables en matière d’impôts directs.

Les art. 42 al. 1 LPFisc et 134 al. 1 LIFD précisent quant à eux que, dans la procédure de réclamation, l'AFC-GE jouit des mêmes compétences que celles qu’elle a dans la procédure de taxation.

Les cantons sont libres de confier la procédure de réclamation au taxateur lui-même ou à un autre fonctionnaire, voire à une commission interne de l'administration. En raison de la nature de la procédure de réclamation, il s'impose cependant que l'auteur de la taxation y soit au moins associé. C'est faire preuve d'une méconnaissance totale du sens et de la nature juridique de la réclamation comme voie de droit interne à l'administration que d'exiger un organe indépendant pour se saisir d'une réclamation ou opposition. Ainsi, une demande tendant à la récusation du taxateur en procédure de réclamation seulement parce qu'il a déjà participé à la taxation doit être rejetée (cf. Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n. 3 ad art. 132 LIFD).

6.             En l’espèce, il découle de ce qui précède que l'AFC-GE était fondée à confier aux mêmes collaborateurs tant l’établissement des bordereaux litigieux que la prise de la décision sur réclamation y relative. Pour sa part, la recourante ne fait état d’aucun élément concret de nature à susciter des doutes quant à l’impartialité ou l’objectivité desdits collaborateurs, de sorte que l’on ne voit pas en quoi elle aurait été « privée de toute chance de succès » de sa réclamation. Partant, ce grief, mal fondé, doit être écarté.

7.             Est notamment puni d'une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée, alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète (art. 175 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc).

8.             Le montant de l'impôt soustrait constitue le premier élément de fixation de la peine. Celle-ci doit ensuite être fixée selon le degré de la faute de l'auteur (cf. ATF 143 IV 130 consid. 3.3). En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en règle générale au montant de l'impôt soustrait (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 10.1 ; 2C_777/2014 du 13 octobre 2014 consid. 6.2 ; 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 6.2).

9.             L’art. 175 LIFD est plus contraignant que le Code pénal suisse (CP - RS 311.0 ; cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 41-42 et 44 ad art. 175 et les références citées) : le cadre de la peine fixé par l'art. 175 al. 2 1ère phr. LIFD ne peut être dépassé ni vers le haut ni vers le bas, à moins que l'on ne soit en présence de circonstances aggravantes ou atténuantes et dans les limites de la deuxième phrase (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_173/2015, 2C_174/2015 du 22 avril 2016 consid. 9.3.1 et les arrêts cités). Il convient notamment de réduire le montant de l’amende lorsque le contribuable a agi par négligence, celle-ci devant être considérée comme un cas de faute légère (Diane MONTI, Les contraventions fiscales en droit fiscal harmonisé, 2002, p. 70).

10.         En cas de faute grave, l'amende doit en principe être supérieure à une fois l'impôt soustrait et peut être au plus triplée (cf. art. 175 al. 2 in fine LIFD et 69 al. 2 in fine LPFisc ; ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_281/2019 du 26 septembre 2019 consid. 8.1). Par faute grave, il faut comprendre entre autres la récidive, de même que l’attitude continuellement récalcitrante du contribuable vis-à-vis des autorités fiscales. Il y a en particulier la circonstance aggravante lorsque la soustraction d’impôt s’étend sur plusieurs années et s’effectue selon différents procédés, en cas d’existence d’un compte bancaire non déclaré ou, par exemple, en cas de présentation planifiée et erronée de bilans, par une personne morale sur plusieurs exercices (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 54 ad art. 175). Si l'infraction est commise par une personne morale (art. 181 al. 1 LIFD et 74 al. 1 LPFisc), l'amende infligée doit obéir aux critères qui sont applicables au degré de la faute des organes, tandis que la situation économique dont il faut tenir compte est celle de la personne morale au profit de laquelle la soustraction a eu lieu et non pas celle de ses organes (ATF 135 II 86 consid. 4.4). La quotité précise de l'amende doit être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, qui ont vocation à s'appliquer en droit pénal fiscal, à moins que la LIFD ne contiennent des dispositions sur la matière (cf. art. 333 al. 1 CP).

Conformément à l'art. 106 al. 3 CP, l'amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l'auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principes régissant la fixation de la peine prévue à l'art. 47 CP s'appliquent (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; 143 IV 130 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 9.2.2). En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3 et les références citées).

Les circonstances atténuantes de l'art. 48 CP sont aussi applicables par analogie en droit pénal fiscal (cf. ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1157/2016 du 2 novembre 2017 consid. 6.2 ; 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1). La bonne collaboration du contribuable dans la procédure en soustraction d’impôt constitue l'un des éléments permettant de réduire la peine (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013). Entrent également en considération le repentir actif (réglé par l’art. 175 al. 3 LIFD) ou encore l’écoulement d’un temps relativement long entre l’acte et sa découverte, durant lequel le contribuable s’est comporté correctement à l’égard du fisc (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 47 ad art. 175 et les références citées).

L'art. 49 al. 1 CP - qui prévoit en substance que si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion, sans pouvoir excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction, le juge étant en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine - ne s'applique pas en cas de soustraction fiscale, soit par hypothèse lorsque la soustraction d'impôt est commise durant plusieurs périodes fiscales. Dans un tel cas, l'art. 175 al. 2 LIFD, qui pose comme critère le montant de l'impôt soustrait, est applicable pour fixer l'amende (art. 333 al. 1 in fine CP). L'art. 175 al. 2 LIFD a en effet vocation à s'appliquer à toutes les soustractions fiscales, y compris celles qui s'étendent sur plusieurs périodes fiscales, ce qui est du reste fréquemment le cas lorsque la soustraction est liée à un comportement durable, tel que la non-déclaration d'un compte bancaire (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 et 7.3.1).

Lorsque le contribuable cache un élément de sa fortune et omet de signaler les revenus qui en découlent dans plusieurs déclarations, on est en présence d'un concours réel : le contribuable commet une nouvelle soustraction fiscale à chaque déclaration (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 46 s., 54 et 56 s. ad art. 175).

11.         Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi, disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende, l'autorité de recours ne censurant que l'abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 144 IV 136 consid. 9.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

12.         En l’espèce, la recourante a commis intentionnellement - ce qu’elle ne conteste du reste pas - une soustraction fiscale importante s'étant déroulée sur plusieurs années et ayant impliqué la mise en place d'une structure complexe comprenant l’utilisation de sociétés écran offshores, afin de dissimuler des montants considérables de bénéfices imposables (CHF 39'321'299.- au total), ses organes ayant pertinemment dû savoir que les commissions illicites versées à concurrence de ce montant faisaient partie de ses bénéfices imposables, parce que ne constituant manifestement pas des charges justifiées par l’usage commercial (cf. art. 12 let. g de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15 ; art. 59 al. 2 LIFD). Pareille soustraction d'impôt procède assurément d'une faute grave, qui doit être sanctionnée, conformément à ce que prévoient les art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc, par une amende supérieure à une fois le montant de l'impôt soustrait.

Dans ce cadre, tenant compte de la bonne collaboration de la recourante, l'AFC-GE a fixé la quotité des amendes à 1,25 fois les impôts soustraits. Il n'est pas insoutenable de considérer que cette seule circonstance atténuante est insuffisante pour contrebalancer les circonstances aggravantes imputables à la recourante (résidant dans le fait qu'il s'est agi d'infractions commises sur trois périodes fiscales et en lien avec des montants d’impôt très importants, atteignant CHF 3'580'726.-), auxquelles l'autorité intimée devait accorder une importance particulière. Dans ces conditions, il ne peut se justifier de réduire encore cette quotité pour l'arrêter à une fois le montant des impôts soustraits.

La recourante semble perdre de vue que sa faute, grave, se rapporte à ses obligations fiscales consistant à remplir ses déclarations de manière complète et conforme à la vérité (cf. art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc), ce qu’elle n’a pas fait, et que cette faute ne peut être mesurée et/ou comparée à celle que le MPC a retenue à son encontre, étant rappelé que celui-ci ne l'a pas reconnue coupable de soustraction fiscale, mais lui a reproché de ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation nécessaires pour empêcher l’infraction de corruption d’agents publics étrangers. Ainsi, le fait qu’elle ait ou non été condamnée pour corruption dans le cadre de la procédure pénale diligentée par le MPC n'a pas d'incidence dans l’appréciation de sa faute sous l'angle fiscal et, partant, sur la quotité des amendes litigieuses.

Pour le surplus, le fait que les amendes relatives à la soustraction des ICC et IFD 2009 aient été annulées pour cause de prescription n’atténue en rien le caractère de récidive des soustractions fiscales qu’elle a commises.

Enfin, réduire la quotité des amendes, comme elle le souhaite, en raison du fait que les commissions occultes corruptives en cause, qu’elle a indûment comptabilisées comme charges, lui auraient permis de réaliser des bénéfices imposables importants reviendrait à encourager les agissements délictueux en raison desquels elle a été condamnée par le MPC. Il faut à cet égard relever que l'importance des montants soustraits ne constitue pas un critère devant jouer en faveur du contribuable, le critère légal des art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc étant celui de la gravité de la faute. Une telle approche serait contraire à la lettre et à l'esprit de ces dispositions légales. Elles prévoient que l'amende doit être fixée dans une fourchette qui peut aller jusqu'au triple de l'impôt soustrait dans les cas les plus graves. Le législateur a accepté par-là qu'un contribuable coupable d'une soustraction d'impôt doive verser à la collectivité publique une somme totale correspondant finalement à quatre fois le montant de l'impôt (rappel d'impôt + amende correspondant au triple de cet impôt), ce même en cas de soustraction de montants importants, la loi ne prévoyant aucun traitement privilégié en pareilles circonstances. Il n'appartient pas aux administrations fiscales de s'écarter des règles des art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc en cas de grave soustraction au motif que ce système aboutirait dans un cas d'espèce à un résultat jugé trop sévère et qu'une amende réduite constituerait déjà, selon elles, une peine suffisante, une correction (reformatio in pejus) par le juge dans le cadre d'un recours pouvant d'ailleurs s'avérer nécessaire (ATF 144 IV 136 consid. 7.3.2).

Force est ainsi de constater que la quotité des amendes retenue par l’autorité intimée apparaît tout à fait proportionnée à l’intensité de la faute de la recourante et aux circonstances, sans que l’on puisse lui reprocher un abus du pouvoir d’appréciation. Il n'y a donc pas lieu de s'en écarter.

13.         Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

14.         Vu cette issue, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 144 al. 1 LIFD et 52 al. 1 LPFisc). Cette dernière n’a en outre pas droit à une indemnité de procédure (cf. art. 87 al. 2 LPA a contrario cum art. 2 al. 2 LPFisc et 142 LIFD).

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 septembre 2020 par A______ contre la décision sur réclamation prise à son égard par l'administration fiscale cantonale le 31 août 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de la recourante, lequel est partiellement couvert par son avance de frais de CHF 700.-, le solde dû s'élevant à CHF 800.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Yves JOLIAT, président, Yuri KUDRYAVTSEV et Jean-Marie HAINAUT, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière