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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18079/2021

DAS/204/2022 du 22.09.2022 sur DTAE/7314/2021 ( PAE ) , ADMIS

Normes : CC.449.leta
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18079/2021-CS DAS/204/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022

 

Recours (C/18079/2021-CS) formé en date du 13 janvier 2022 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me B______, avocate, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 23 septembre 2022 à :

- Madame A______
c/o Me B______, avocat
______, ______.

- Maître C______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a) A______, née le ______ 1939, a fait l'objet d'un signalement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) de la part de son fils D______, en date du 21 septembre 2021. Il exposait que sa mère était veuve, semblait souffrir de la maladie d'Alzheimer et disposait de la totalité de l'usufruit de la succession de feu son époux, portant sur trois biens immobiliers et plusieurs comptes bancaires. E______, son frère, vivait au domicile de leur mère, s'occupait de la gestion de ses affaires et se prévalait d'un "mandat de gestion du patrimoine, du ménage et des affaires de A______" signé en août 2021, moyennant versement de la somme mensuelle de 3'600 fr. payée par celle-ci, rétroactivement depuis le 1er juillet 2021. Il s'inquiétait de la gestion effectuée par son frère. Il lui reprochait en particulier d'avoir retiré entre mars et septembre 2021 une somme de 152'744 fr. 90 notamment pour le remboursement de cartes de crédit et l'achat de lingots d'or pour plus de 20'000 fr. Ces lingots avaient été acquis le lendemain du décès de leur père au nom de E______, qui avait cependant confirmé, à sa demande, qu'ils appartenaient bien à leur mère.

b) Le Tribunal de protection a nommé, par décision du 24 septembre 2021, C______, avocat, aux fonctions de curateur d'office de A______.

c) Le 15 octobre 2021, le curateur d'office a fait parvenir des observations au Tribunal de protection, indiquant notamment qu'il avait rencontré sa protégée à domicile, ainsi que son fils, E______, lequel s'était montré collaborant. Sa protégée se portait bien, parlait allemand et très peu le français. Elle disposait de toute sa mobilité et semblait avoir compris les raisons pour lesquelles il intervenait.

d) Par courriel du 20 octobre 2021 adressé au Tribunal de protection, B______ s'est constitué pour la défense des intérêts de A______ avec élection de domicile et a produit une procuration datée du 19 octobre 2021 signée de cette dernière.

e) A réception de cette constitution, D______, par l'intermédiaire de son conseil, s'est adressé spontanément au Tribunal de protection afin de s'opposer à ce que celui-ci relève C______ de ses fonctions de curateur d'office. Il a allégué un conflit d'intérêts, B______ étant le conseil de E______, ce qui était incompatible avec la fonction de curateur de représentation qui avait pour rôle de défendre de manière neutre et indépendante les intérêts de la concernée.

f) Par courrier du 21 octobre 2021, le Tribunal de protection a interpellé B______ et l'a invité à se déterminer sur le possible conflit d'intérêts évoqué.

g) Le 28 octobre 2021, B______ a précisé au Tribunal de protection qu'il n'avait jamais été mandaté par E______, ce dernier ayant simplement mentionné son nom dans la correspondance adressée au conseil de D______. Il indiquait être au bénéfice d'une procuration de sa mandante, laquelle souhaitait un avocat de langue allemande, ne maîtrisant pas très bien le français, dans une procédure qu'elle trouvait compliquée.

h) Le Tribunal de protection a relevé C______ de ses fonctions de curateur d'office de la personne concernée par décision du 1er novembre 2021 (DTAE/6285/2021).

i) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 7 décembre 2021.

Le Dr F______, médecin de A______, a confirmé la teneur du certificat médical du 19 octobre 2021. Sa patiente avait été vue par un neurologue en juin et juillet 2018, lequel après avoir effectué un test MMS, dont le score était de 17/30, avait diagnostiqué un déclin cognitif progressif. A______ était incapable de gérer ses affaires administratives et financières, de même que sa représentation médicale. Elle risquait de s'engager de manière excessive en raison d'influence de personnes mal intentionnées ou de personnes connues, du fait d'une mauvaise compréhension de ses engagements et pourrait effectuer des retraits d'argent répétés sans se souvenir l'avoir fait auparavant. Elle assurait partiellement sa propre assistance personnelle.

E______ a expliqué qu'il avait établi lui-même le mandat que sa mère avait signé pour lui confier la gestion de ses biens, après avoir été consulté B______ à la permanence de l'Ordre des avocats, qui l'avait conseillé à ce sujet. Il souhaitait continuer à s'occuper des affaires de sa mère.

D______ a reconnu que sa mère avait besoin de la présence de son frère E______ mais il souhaitait qu'un curateur indépendant soit nommé pour représenter les intérêts de celle-ci et la gestion de son patrimoine. Il souhaitait être investi de la représentation médicale.

B______ a indiqué que sa mandante souhaitait que son fils E______ soit nommé curateur et a conclu au statu quo, subsidiairement, il a conclu que E______ soit nommé curateur de gestion sous la surveillance du Tribunal.

A______ a indiqué qu'elle souhaiterait que ses fils s'entendent. Elle ne voulait pas que les choses changent par rapport à sa situation actuelle. Lorsqu'elle avait besoin d'argent, elle allait à la banque avec son fils E______ et ils allaient au guichet. Sinon, elle utilisait le bancomat. Très rarement, il lui était arrivé de donner sa carte à son fils E______.

Le Tribunal de protection a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B.            Par décision DTAE/7314/2021 du 7 décembre 2021, le Tribunal de protection a nommé C______, avocat, aux fonctions de curateur d'office de A______.

En substance, il a considéré qu'il existait un conflit d'intérêts entre B______, lequel défendait les intérêts de la concernée, elle-même vulnérable, et son fils E______, lequel avait été conseillé par ses soins et était lui-même en conflit avec D______. Interpellé sur ses possibles conflits d'intérêts, B______, n'avait pas informé le Tribunal de protection du fait qu'il avait conseillé E______.

C.           a) Par acte du 13 janvier 2022, A______, par l'intermédiaire de son conseil, B______, a recouru contre cette décision. Elle conclut à son annulation et, cela fait, au renvoi de la cause devant l'instance inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Subsidiairement, elle sollicite qu'une nouvelle décision soit rendue ordonnant la nomination d'office de B______, avocat, aux fins de la représenter dans la procédure actuellement pendante devant l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant.

b) Le Tribunal de protection n'a pas souhaité revoir sa décision.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b al. 1 CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Interjeté en temps utile et selon la forme prescrite, par la personne concernée par la mesure, le recours est recevable.

1.2 Le recours peut être formé pour violation du droit, constatation fausse ou incomplète des faits pertinents et inopportunité de la décision (art. 450a al. 1 CC).

2.             2.1.1 L'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle notamment lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (art. 390 al. 1 ch. 1 CC).

2.1.2 Selon l'art. 449a CC, l'autorité de protection ordonne, si nécessaire, la représentation de la personne concernée dans la procédure et désigne curateur une personne expérimentée en matière d'assistance et dans le domaine juridique.

La représentation n'est ordonnée que si elle est nécessaire. La représentation est nécessaire lorsqu'il résulte des circonstances du cas d'espèce que la personne concernée n'est pas en mesure de défendre correctement ses intérêts dans la procédure et qu'elle est, au surplus, hors d'état de requérir elle-même la désignation d'un représentant (Messages, 6713; STECK, CommFam, Protection de l'adulte, 2013, ad art. 449a CC N 14).

La mesure est également nécessaire lorsque la personne concernée est capable de discernement mais qu’elle ne parvient pas à maîtriser le déroulement de la procédure, de sorte que l’aptitude à présenter des requêtes lui fait défaut (Leuba/Stettler/Büchler/Häfeli, op. cit., ad art. 449a CC N 13).

La nomination d'un curateur de procédure doit parfois intervenir contre la volonté de la personne concernée. En pareil cas, cette dernière doit si possible être entendue sur la question de la personne du représentant. On ne porte ainsi pas préjudice au droit de la personne concernée de formuler des propositions et des requêtes (STECK, op.cit. ad art. 449a CC N.15, GEISER/ BaslerKomm, ad art. 397f aCC N 15).

Une décision de l'autorité n'est pas nécessaire lorsque la personne concernée a déjà pourvu elle-même à sa représentation (arrêt du Tribunal fédéral 5C_9/2003 du 27 janvier 2003 consid. 5).

2.1.3 Le droit d'être entendu est une garantie de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1, JdT 2010 I 255). Ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. féd., il garantit au justiciable le droit de s'exprimer avant qu'une décision soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos dans la mesure où il l'estime nécessaire (ATF 139 I 189 consid. 3.2). Il ne confère en revanche pas le droit d'être entendu oralement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_225/2011 du 9 août 2011 consid. 3.2) et ne s'oppose pas à ce que l'autorité mette un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction, quand bien même le procès est soumis à la maxime inquisitoire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_11/2014 du 3 juillet 2014 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a nommé dans un premier temps C______, avocat, en qualité de curateur d'office de la personne concernée pour la représenter dans le cadre de la procédure visant à examiner l'opportunité d'instaurer une mesure de protection en sa faveur, avant de le révoquer à réception du courrier de B______, avocat, lequel se constituait pour la défense des intérêts de l'intéressée. Une audience a été tenue par le Tribunal de protection le 7 décembre 2021, lors de laquelle la personne concernée s'est présentée et a été entendue, assistée de son avocat de choix. Les participants à cette audience (personne concernée, les deux fils de l'intéressée et son médecin) se sont exprimés sur la nécessité du prononcé d'une mesure de curatelle en faveur de la concernée et sur le choix du curateur de cette éventuelle mesure de curatelle, à l'issue de quoi la cause a été gardée à juger.

L'audience n'a pas porté sur l'éventuelle nomination d'un curateur de représentation et l'intéressée, pourvue d'un avocat, n'a donc pas été interrogée sur la personne du curateur de représentation qu'elle souhaiterait, cas échéant, voire nommer. En conséquence, le Tribunal de protection ne pouvait, sans violer le droit d'être entendu de la personne concernée, lui désigner un curateur de représentation, sans l'interpeller sur cette question, ce qu'il n'a pas fait. L'ordonnance entreprise devra ainsi être annulée.

Ce nonobstant, il ne sera pas utile de renvoyer la cause au Tribunal de protection dès lors qu'il n'y a pas place à la désignation d'un curateur de représentation lorsque la personne concernée a déjà pourvu elle-même à sa représentation, ce qui est le cas en l'espèce. Rien ne permet en effet de retenir, en l'état du dossier, que la recourante n'aurait pas été en mesure de désigner elle-même son représentant dans la procédure, son médecin, entendu par le Tribunal de protection, ne l'ayant pas soutenu, ni aucun de ses fils d'ailleurs.

La portée de cette question est cependant limitée, la cause ayant été mise en délibération sur le fond à l'issue de l'audience du 7 décembre 2021 pour déterminer si une mesure de protection en faveur de la concernée était nécessaire et, dans l'affirmative, pour nommer un curateur à la personne concernée, problématique que le Tribunal de protection doit trancher.

3.             Compte tenu de l'issue de la procédure de recours, les frais seront laissés à la charge de l'Etat de Genève et l'avance de frais restituée. Il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 13 janvier 2022 contre l'ordonnance DTAE/7314/2021 rendue le 7 décembre 2021 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/18079/2021.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Laisse les frais à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ l'avance de frais de 400 fr. effectuée.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.