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Décisions | Chambre de surveillance

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C/12580/2020

DAS/84/2021 du 31.03.2021 sur DTAE/6585/2020 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12580/2020-CS DAS/84/2021

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 31 MARS 2021

 

Recours (C/12580/2020-CS) formé en date du 27 novembre 2020 par Monsieur A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Ivana RISTEVSKA, avocate, en l'Etude de laquelle il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 12 avril 2021 à :

- Monsieur A______
c/o Me Ivana RISTEVSKA, avocate,

Rue François-Versonnex 7, 1207 Genève.

- Maître E______

______, Genève.

- Professeur B______
Département ______
Chemin ______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/6585/2020 du 3 novembre 2020, communiquée pour notification aux parties le 18 novembre 2020, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a, préparatoirement, ordonné l'expertise psychiatrique de A______, né le ______ 1984, originaire de ______ (VD), commis un expert à ces fins et assigné à celui-ci une mission, lui impartissant un délai pour rendre son rapport.

En substance, le Tribunal de protection a retenu que, ne disposant d'aucun avis médical au dossier permettant de déterminer la cause de la situation dans laquelle A______ se trouvait, soit une irritabilité et une obsession à l'égard de sa voisine, et en l'absence de collaboration de celui-ci qui refusait de transmettre le nom de son médecin, la mesure prononcée était nécessaire.

B. a) Par acte expédié le 9 décembre 2020 à l'adresse de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision et a conclu, sur le fond, à l'annulation de l'ordonnance et préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif à son recours.

En substance, il estime que la décision du Tribunal de protection est sans nuance et disproportionnée, mais également infondée dans la mesure où il consulte de son propre gré un psychiatre, est en tous points capable de discernement et dispose de sa pleine capacité civile. Il estime disproportionnée l'ordonnance d'une expertise psychiatrique sur le seul signalement d'une voisine qui ne contient aucun fait pouvant la justifier.

b) En date du 22 décembre 2020, le Tribunal de protection a fait savoir à la Cour qu'il n'entendait pas revoir sa décision.

c) En date du 8 janvier 2021 (DAS/2/2021), la présidente ad interim de la Chambre de surveillance a admis la requête tendant à suspendre le caractère exécutoire de l'ordonnance querellée, octroyant dès lors au recours un effet suspensif.

d) Le curateur d'office désigné par le Tribunal de protection à la personne concernée a pris position le 25 janvier 2021. Il a relevé qu'aucun avis médical ne se trouvait au dossier et que dès lors, si A______ acceptait de lever le secret médical de son thérapeute, celui-ci pourrait renseigner les autorités de protection mais qu'à ce défaut, le recours à une expertise serait inévitable.

e) Par courrier du 5 février 2021 à l'adresse de la Cour, A______ a produit une attestation de suivi médical de lui-même par le département de ______ du D______ à ______ [VD] depuis le 27 août 2020. Cette attestation ne dit rien de plus. Le recourant ne dit rien d'une éventuelle levée du secret médical de son médecin.

C. Ressortent pour le surplus du dossier les faits pertinents suivants :

a) En date du 20 mars 2020, C______, domiciliée 1______, à Genève, a signalé au Tribunal de protection l'éventuel besoin d'une mesure de protection de son voisin A______. Elle relevait que celui-ci ne semblait pas en pleine possession de ses capacités mentales et était susceptible d'avoir besoin d'aide. Elle exposait en outre avoir dû avoir recours à la police à plusieurs reprises, A______ hurlant dans son appartement et venant taper avec violence à sa porte à elle.

b) En date du 6 juillet 2020, le Tribunal de protection a désigné un curateur d'office afin de représenter A______ dans la procédure ouverte à son égard.

c) Par courrier adressé au Tribunal de protection le 1er septembre 2020, le curateur d'office a informé le Tribunal de protection qu'à son sens, il n'était ni nécessaire ni utile de mettre en place une mesure de protection sous la forme d'une curatelle à l'égard de A______. Celui-ci était par ailleurs réfractaire à cette idée. Il était autonome dans tous les actes de la vie quotidienne, semblait disposer de sa capacité de discernement et était capable de prendre les décisions nécessaires à la sauvegarde de ses intérêts dans tous les domaines de la vie. Le curateur d'office exposait en outre que A______, qui n'était pas suivi médicalement, avait accepté de commencer un suivi psychiatrique personnel.

d) Le Tribunal de protection a poursuivi son instruction en tenant audience le 3 novembre 2020. L'auteur du signalement a confirmé celui-ci. A______ a contesté les faits qui en ressortent. Le curateur d'office a confirmé ses observations à l'adresse du Tribunal et persisté à considérer qu'aucune mesure de protection n'était nécessaire. A______ s'est refusé à donner le nom de son psychiatre. Il a exposé ne pas avoir d'autre travail que la gestion des immeubles de son père, dans la mesure où il souffre de problèmes d'insomnie. Il envisageait de déménager à ______ [VD] et d'y trouver un logement, ce qui s'avérait difficile, étant sans emploi.

Suite à quoi le Tribunal de protection a rendu l'ordonnance querellée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions d'instruction du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant sont susceptibles de faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de 10 jours à compter de leur notification (art. 450f CC et 321 al. 2 CPC; 53 al. 1 et 2 LaCC et 126 al. 3 LOJ) (DAS/43/2015 consid. 1.2) aux conditions de l'art. 319 lit b CPC.

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC). Disposent de la qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'ordonnance d'une expertise est toujours susceptible de causer un préjudice difficilement réparable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_655/2013),

1.2 En l'espèce, interjeté auprès de l'autorité compétente dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi, par une personne partie à la procédure contre une décision pouvant en faire l'objet, le recours est recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit, et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a al. 1 CC).

Les maximes inquisitoires illimités d'office sont applicables (art. 446 CC).

2. Le recourant reproche à l'autorité de protection d'avoir pris une décision infondée, inutile, disproportionnée et violant les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

2.1.1 Les mesures prises par l'autorité de protection garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

A teneur de l'art. 389 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure de protection lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant. Cette disposition exprime le principe de la subsidiarité (HÄFELI, com.Fam protection de l'adulte no 10 ad art. 389 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

2.1.2 L'autorité de protection de l'adulte procède à la recherche et à l'administration des preuves nécessaires. Elle ordonne si nécessaire un rapport d'expertise (art. 446 al. 2 CC).

Selon l'art. 44 al. 1 LaCC, pour s'éclairer sur une question de fait qui requiert l'avis d'un spécialiste, le Tribunal de protection peut ordonner une expertise confiée à un ou plusieurs experts. Au sens de l'art. 45 al. 1 LaCC, après avoir entendu les parties, le Tribunal de protection désigne l'expert et fixe l'objet de sa mission.

Les démarches de l'autorité dans l'établissement des faits selon l'art. 446 al. 1 et 2 CC s'opèrent d'office et ne sont pas liées à une requête des parties à la procédure (ATF 130 I 180). L'autorité est tenue d'entreprendre toutes les démarches nécessaires et appropriées pour établir les faits juridiquement relevants sans égard à leur coût ou à sa charge de travail. Comme pour l'art. 168 al. 2 CPC, le principe est celui de la libre appréciation des preuves en vertu duquel l'autorité n'est liée par aucune moyen de preuve en particulier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_42/2009 consid. 3).

En outre, l'opportunité de solliciter l'avis d'un expert dépend du type de mesures envisagées, mais une expertise médicale s'avère en principe indispensable lorsqu'il s'agit de limiter l'exercice des droits civils d'une personne en raison d'un trouble psychique ou d'une déficience mentale et qu'aucun membre de l'autorité n'a les compétences nécessaires (ATF 140 III 97 consid. 4; DAS/93/2015 consid. 3.1). A contrario, une expertise médicale n'est pas indispensable lorsqu'un membre de l'autorité a les compétences médicales nécessaires (DAS/108/2014 consid. 2.3 et DAS/93/2015 consid. 3.1 et 3.2).

2.2 En l'espèce, la décision entreprise doit être annulée pour deux raisons.

D'une part, comme cela ressort des considérations rappelées ci-dessus, l'expertise ne doit être ordonnée que lorsqu'une mesure de protection apparaît devoir être envisagée et que, dans ce cadre, la limitation de la capacité civile de la personne à protéger pourrait s'avérer nécessaire. Or, dans le cas d'espèce, si l'on peut légitimement s'interroger sur le besoin d'une mesure de protection en faveur de A______ à ce stade de l'instruction, il s'agit de relever à ce propos que son curateur d'office a, d'entrée de cause après sa prise de fonction, par courrier adressé le 31 août 2020 au Tribunal, estimé qu'il paraissait peu probable ni utile qu'une mesure de protection doive être prononcée en sa faveur. Le curateur d'office a relevé en particulier que celui-ci disposait selon lui de sa pleine capacité de discernement, gérait seul et correctement ses affaires et son quotidien et que, quoi qu'il en soit, une restriction de sa capacité civile n'était pas envisageable. Les autres éléments recueillis au dossier semblent aller dans le même sens.

Par ailleurs, si certes le dossier ne comporte pas en l'état de certificat médical et que le recourant a refusé de donner au Tribunal de protection le nom du psychiatre qu'il consulte, le dossier enseigne que le Tribunal de protection a siégé dans une composition comprenant un juge assesseur médecin psychiatre, et que dès lors, conformément à la jurisprudence, dans cette mesure, l'ordonnance sur mesures d'expertise apparaissait superflue. La volonté du législateur flanquant le juge présidant le Tribunal de protection de juges assesseurs spécialisés, était bien qu'il soit fait appel à leurs compétences professionnelles, sans quoi ces assesseurs sont inutiles. Il apparaît par ailleurs que depuis l'audience du Tribunal de protection, le recourant a communiqué aux autorités de protection le nom de son médecin psychiatre, duquel le Tribunal de protection pourra obtenir, le cas échéant, des informations sur son suivi thérapeutique, le recourant étant invité à lever ce médecin de son secret médical à ce propos (art. 448 al. 1 CC). A défaut, il sera rappelé que le Tribunal de protection pourra prendre, sur la base de l'avis des spécialistes qui le composent, les mesures au fond qui s'avèreraient nécessaires.

3. Vu l'issue de la procédure, les frais sont laissés à la charge de l'Etat de Genève et l'avance de frais versée restituée au recourant.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours déposé le 27 novembre 2020 par A______ contre l'ordonnance DTAE/6585/2020 rendue le 3 novembre 2020 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/12580/2020.

Au fond :

Annule la décision querellée.

Laisse les frais à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne la restitution au recourant de l'avance de frais versée en 400 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.