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Décisions | Chambre de surveillance

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C/24782/2012

DAS/108/2014 du 12.06.2014 sur DTAE/983/2014 ( PAE ) , REJETE

Descripteurs : CURATELLE; EXPERTISE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24782/2012-CS DAS/108/2014

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 12 JUIN 2014

Recours (C/24782/2012-CS) formé en date du 7 avril 2014 par A______, domiciliée ______ (GE), comparant en personne.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 13 juin 2014 à :

- Madame A______
______.

- Mesdames F______ et G______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

- Maître E______
______ Genève.

 


EN FAIT

A.            Par courrier du 22 novembre 2012, l'Hospice général a signalé au Tribunal tutélaire (désormais : Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, ci-après : le Tribunal de protection) que A______, célibataire, née le ______ 1966 au Portugal, ne pouvait plus gérer ses affaires administratives et financières en raison de son état de santé. Etait joint à ce courrier un certificat médical du Dr B______ du 9 octobre 2012 attestant qu'en raison de l'urgence de l'état de santé de l'intéressée, il était impérieux qu'elle puisse bénéficier d'une mesure de tutelle. Selon l'Hospice général, A______ n'avait pas de relais familial et n'était pas suivie de façon régulière sur le plan médical. Le 14 septembre 2012, elle avait refusé de recevoir le médecin de l'unité mobile de psychiatrie qui s'était déplacé à son domicile. Selon l'Hospice général, une mesure de protection s'avérait indispensable.

Par lettre du 4 décembre 2012, le Dr B______ a indiqué au Tribunal de protection qu'il était convaincu que A______ devait pouvoir bénéficier d'une mesure de curatelle. Toutefois, il restait partagé dès lors que sa patiente lui avait fait part en avril 2012 de son opposition à toute démarche la concernant sans son consentement.

B.            Entendue le 15 janvier 2013 par le Tribunal de protection, C______, assistante sociale auprès de l'Hospice général, a confirmé son signalement du 22 novembre 2012. Elle a déclaré que les difficultés rencontrées avec A______ résultaient du fait que celle-ci refusait de signer tout document permettant à l'Hospice général d'intervenir, ce qui posait notamment des problèmes pour le paiement des primes d'assurance-maladie.

Le Dr B______ a déclaré que A______ était sa patiente depuis 1999 et qu'elle se méfiait de façon excessive des personnes qui l'assistaient et des soignants, ce qui conduisait à l'échec de ses traitements. A______ était anosognosique de son état. Il estimait nécessaire qu'elle bénéficie d'une aide pour des soins psychiatriques. Il fallait également qu'elle soit représentée vis-à-vis des administrations et des tiers en général. En revanche, elle assumait le quotidien et n'avait pas besoin d'appui particulier pour la tenue de son ménage, ni pour s'alimenter et se vêtir.

Lors de la même audience, A______ a expliqué qu'elle s'était adressée à l'Hospice général alors qu'elle était au chômage. Selon elle, l'Hospice général ne lui avait pas permis d'exercer ses droits dans ce domaine. Elle a prétendu que l'Hospice général lui avait soustrait de l'argent. Elle refusait que des assistants sociaux agissent pour son compte sans qu'elle puisse participer aux démarches. Elle s'est opposée à l'instauration d'une mesure de curatelle en sa faveur ainsi qu'à la désignation d'un curateur pour l'aider dans le cadre de la présente procédure.

C.            Lors de l'audience du 25 juin 2013 devant le Tribunal de protection, le Dr D______ a déclaré qu'il avait suivi A______ de septembre 2009 à décembre 2009 et qu'il avait diagnostiqué chez elle un trouble délirant persistant dont elle était anosognosique. Aussi longtemps qu'il ne lui avait pas prescrit un médicament, la relation avait été de bonne qualité avec sa patiente, celle-ci ayant le sentiment qu'il l'appuyait et la comprenait. En revanche, lorsqu'il lui avait conseillé en décembre 2009 de prendre un neuroleptique, il avait constaté que cette suggestion braquait sa patiente et lui avait fait perdre sa confiance. Elle avait alors interrompu le suivi, lui écrivant qu'elle était insatisfaite et habitée par le sentiment que ce médecin l'avait trahie.

A______ a déclaré qu'elle se sentait "extraordinairement stressée et fatiguée".

Me E______, curateur de représentation dans la procédure de A______, a déclaré que celle-ci n'avait pas de patrimoine. Il s'en est rapporté à justice quant à l'instauration d'une mesure de protection.

D.           Par décision du 15 juillet 2013, le Tribunal de protection a instauré une mesure de curatelle de portée générale en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), désigné en qualité de co-curatrices F______ et G______, respectivement cheffe de section et assistante sociale auprès du Service de protection de l'adulte (ch. 2), autorisé d'ores et déjà les co-curatrices à prendre connaissance de la correspondance de A______ et à accéder en cas de nécessité à son logement (ch. 3), dispensé A______ du paiement de l'émolument de décision (ch. 4) et déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 5).

En substance, le Tribunal de protection a retenu qu'il ressortait de la procédure que A______ souffrait d'un grave trouble psychiatrique, enraciné depuis de nombreuses années, qui était de nature à l'empêcher totalement de gérer ses affaires et de disposer d'une compréhension appropriée des situations auxquelles elle se trouvait confrontée. Son état de santé, dont elle était anosognosique, expliquait son refus systématique de se soigner par des médications appropriées et induisait des comportements de nature à porter atteinte à ses propres intérêts. Ainsi, elle s'était obstinée à vouloir toucher des indemnités de chômage auxquelles elle n'avait pas droit, et refusait l'aide sociale, ce qui avait eu pour conséquence une absence totale de toute source de revenus, comme l'Hospice général l'avait exposé par courrier du 10 juin 2013. Le Tribunal de protection a encore considéré qu'une solution moins incisive empêcherait une prise en charge appropriée de A______.

Cette décision a été communiquée pour notification le 16 juillet 2013.

E.            Par acte daté du 8 août 2013, A______ a formé un recours contre cette décision, indiquant qu'elle se sentait capable de gérer ses affaires. Elle a par ailleurs complété son recours par une lettre expédiée à la Chambre de surveillance de la Cour de justice le 18 août 2013. En substance, elle a contesté les affirmations de services sociaux ainsi que l'interprétation et l'analyse des médecins, estimant pouvoir gérer son quotidien et sauvegarder ses droits sans l'intervention de tiers. Elle a reconnu qu'à un certain moment de sa vie, les choses n'allaient pas très bien pour elle. A la suite de certaines interventions, elle avait eu des craintes et avait réagi à des médicaments, ce qui avait accru sa méfiance. Elle a également reconnu être très fatiguée, mais a estimé que cette fatigue était due surtout au "trop d'interventionnisme social dans ma vie de tous les jours, aspect qui finit par m'épuiser psychiquement et surtout nerveusement". Elle s'est plainte enfin de se voir refuser de manière arbitraire, depuis avril 2013, l'aide financière à laquelle elle avait droit. Cette situation avait engendré le non-paiement du loyer, de l'assurance-maladie, des Services industriels et des frais de téléphonie. En juillet 2013, dès réception de l'ordonnance du Tribunal de protection, le Service de protection de l'adulte avait rétabli d'urgence la situation et, à ce jour, les paiements étaient en règle.

F.             Par décision du 7 octobre 2013, la Chambre de surveillance a rejeté le recours et a confirmé la décision entreprise. Elle a retenu qu'il ressortait du dossier et de l'audition des médecins que A______ souffrait d'un trouble délirant persistant, enraciné depuis de nombreuses années, dont elle était anosognosique. Ce trouble était de nature à l'empêcher totalement de gérer ses affaires et de disposer d'une compréhension appropriée aux situations auxquelles elle se trouvait confrontée.

G. Par arrêt du 13 janvier 2014, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A______ contre la décision de la Chambre de surveillance. Le Tribunal Fédéral a renvoyé la cause au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour nouvelle décision au sens des considérants. En substance, le Tribunal fédéral a retenu que la curatelle de portée générale avait été instaurée sans expertise et sans qu'il ressorte de la décision attaquée que l'un des membres du Tribunal de protection possédait les connaissances médicales nécessaires pour conclure aux troubles psychiques justifiant la mesure en question.

H. Par ordonnance du 6 février 2014, le Tribunal de protection a confirmé l'instauration d'une mesure de curatelle de portée générale en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), désigné en qualité de co-curatrices F______ et G______, respectivement cheffe de section et assistante sociale auprès du Service de protection de l'adulte (ch. 2), autorisé les co-curatrices à prendre connaissance de la correspondance de A______ et à accéder, en cas de nécessité, à son logement (ch. 3), et dispensé celle-ci du paiement d'un émolument de décision (ch. 4).

En substance, le Tribunal de protection a rappelé qu'en vertu de l'art. 104 al. 1 LOJ, il avait siégé avec dans sa composition un juge, qui le présidait, un juge assesseur psychiatre et un juge assesseur psychologue ou un juge assesseur travailleur social ou autre spécialiste du domaine social. L'ordonnance du 15 juillet 2013 comportait l'énumération des trois magistrats, dont un médecin psychiatre. Ce dernier était titulaire depuis 1999 d'une spécialisation FMH en psychiatrie et avait fonctionné, successivement, comme médecin interne, chef de clinique et enfin médecin adjoint en psychiatrie à Genève. Il était encore actuellement consultant auprès des Hôpitaux universitaires de Genève et exploitait un cabinet privé depuis octobre 2010. Ainsi, lorsqu'il avait instruit et statué, le Tribunal de protection comportait dans sa composition un spécialiste en psychiatrie qui disposait des connaissances médicales nécessaires pour conclure aux troubles psychiques justifiant la mesure de curatelle de portée générale instaurée en faveur de A______. Lors de sa délibération du 6 février 2014, le Tribunal de protection a décidé, dans la même composition, de confirmer son ordonnance du 15 juillet 2013.

L'ordonnance a été communiquée pour notification le 6 mars 2014.

I.              Par acte déposé le 7 avril 2014, A______ a formé un recours contre cette décision. Elle a allégué à nouveau qu'elle était une personne normale. Elle voulait savoir pour quelle raison aucune expertise n'avait été ordonnée. Elle s'opposait au fait qu'une tierce personne ou un organisme s'occupe de ses intérêts.

Elle a écrit dans le même sens à la Chambre de surveillance le 16 avril 2014. Elle a reconnu avoir besoin d'aide mais a refusé de dépendre à 100% d'un curateur. Elle a encore écrit par la suite plusieurs courriers à la Chambre de surveillance, d'un contenu pas toujours très clair. A aucun moment, elle n'a contesté le fait qu'un médecin psychiatre assesseur, disposant des compétences nécessaires pour statuer, avait siégé dans la composition du Tribunal de protection ayant instauré la mesure.

EN DROIT

1. Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Le délai de recours est de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC; art. 53 al. 2 LaCC).

La Chambre de surveillance de la Cour de justice connaît des recours dirigés contre les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 LaCC).

En l'espèce, le recours a été interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi devant l'autorité compétente et par une personne partie à la procédure. Il est donc recevable à la forme.

2. La recourante s'oppose à l'instauration d'une mesure de curatelle de portée générale en sa faveur.

2.1 Une curatelle de portée générale est instituée lorsqu'une personne a particulièrement besoin d'aide, en raison notamment d'une incapacité durable de discernement. Elle couvre tous les domaines de l'assistance personnelle, de la gestion du patrimoine et des rapports juridiques avec les tiers. La personne concernée est privée de plein droit de l'exercice des droits civils (art. 398
al. 1 à 3 CC).

Les conditions de l'art. 390 CC doivent être réalisées pour qu'une curatelle de portée générale soit instituée. Selon cette disposition, l'autorité de protection de l'adulte institue notamment une curatelle lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (art. 3901 al. 1 ch. 1 CC).

2.2 La curatelle de portée générale ne peut être instituée que si l'intéressé a "particulièrement besoin d'aide". Cette exigence renforcée (art. 398 al. 1 CC) complète les conditions générales de l'art. 390 CC. La loi mentionne le cas de figure de l'incapacité durable de discernement de la personne. En réalité, toute personne privée de sa capacité de discernement de façon durable ne doit pas nécessairement être placée sous curatelle de portée générale. Conformément au principe des "mesures sur mesure" (art. 391 CC), il appartient à l'autorité de protection de tenir compte des besoins de la personne concernée (Meier/Lukic, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 231, notes 508 et 510).

Pour déterminer l'existence de troubles psychiques ou d'une déficience mentale, l'autorité de protection, qui établit les faits d'office (art. 446 al. 1 CC), peut ordonner, si elle l'estime nécessaire, un rapport d'expertise (art. 446 al. 2
in fine CC).

2.3 En l'espèce, le Tribunal de protection n'a certes pas ordonné une expertise, mais il ressort de la loi et de ses explications qu'il a instruit et statué dans cette cause avec un membre assesseur psychiatre (art. 104 al. 1 LOJ). Il ressort par ailleurs de l'ordonnance querellée que ce juge assesseur psychiatre est praticien depuis 1999, au bénéfice d'une spécialisation FMH en psychiatrie et qu'il a fonctionné, successivement, comme médecin interne, chef de clinique et enfin médecin adjoint en psychiatrie à Genève. Dans ces conditions, il faut retenir que l'un des membres du Tribunal de protection possédait les connaissances médicales nécessaires pour conclure aux troubles psychiques justifiant la mesure de curatelle en question, ce qui était déjà le cas lorsqu'il avait rendu son ordonnance du 15 juillet 2013. La recourante n'a d'ailleurs pas contesté que tel était le cas.

Par ailleurs, les éléments du dossier et l'audition des médecins montrent que la recourante souffre d'un trouble délirant persistant, enraciné depuis de nombreuses années, dont elle est anosognosique. Ce trouble est de nature à l'empêcher totalement de gérer ses affaires et de disposer d'une compréhension appropriée aux situations auxquelles elle se trouve confrontée. Son état de santé explique son refus systématique de prendre des médicaments et induit des comportements de nature à porter atteinte à ses intérêts.

La recourante a particulièrement besoin d'une aide, puisqu'elle est incapable de gérer ses affaires en raison de son trouble psychique, dont elle n'a pas conscience.

Dans ces conditions, la décision du Tribunal de protection de confirmer l'instauration d'une mesure de curatelle de portée générale en faveur de la recourante n'est pas critiquable. En effet, d'une part les conditions des art. 390 al. 1 et 398 al. 1 CC sont réalisées. D'autre part, la mesure querellée est nécessaire et appropriée (art. 398 al. 2 CC).

2.4 Il résulte de ce qui précède que le recours est infondé. La décision querellée sera donc confirmée.

3. Les frais de la procédure, fixés à 300 fr. seront mis à la charge de la recourante. Ils seront compensés avec l'avance de frais effectuée, qui reste acquise à l'Etat.

4. La présente décision est susceptible d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral (art. 72, al. 2 let. b ch. 6 LTF dans sa teneur au 1er janvier 2013).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/983/2014 rendue par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant le 6 février 2014 dans la cause C/24782/2012-4.

Au fond :

Rejette le recours et confirme la décision entreprise.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 300 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais effectuée, qui reste acquise à l'Etat.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président, Monsieur Jean-Marc STRUBIN et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.