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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/304/2023

ACST/20/2023 du 09.05.2023 ( ABST ) , REJETE

Parties : VILLE DE GENEVE, SOIT POUR ELLE / GRAND CONSEIL
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/304/2023-ABST ACST/20/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 9 mai 2023

 

dans la cause

 

VILLE DE GENÈVE recourante

contre

GRAND CONSEIL intimé


EN FAIT

A. a. Le 2 septembre 2022, le Grand Conseil a adopté la loi 12'993 sur les déchets (LDéchets - L 1 21), dont l’arrêté de promulgation a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 23 décembre 2022. La loi 12’993 modifie notamment la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) de la manière suivante :

Art. 63 Modifications à d’autres lois

8 La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), est modifiée comme suit :

 

Art. 128, al. 1 et 2 (nouvelle teneur) et 5 (nouveau)

1 Les communes fixent les normes relatives à la nécessité, aux dimensions et à l’aménagement des locaux destinés à la remise de conteneurs.

2 En principe, tout immeuble destiné à l’habitation ou au travail doit être pourvu de locaux réservés à la remise de conteneurs. Ces locaux doivent en principe être dimensionnés de manière à permettre un tri et une collecte sélective des déchets.

5 La construction d’une infrastructure de collecte des déchets doit, en principe, respecter une distance minimale de 10 mètres au droit de la façade des immeubles. Des mesures doivent être prises pour réduire les nuisances dans le respect du principe de la proportionnalité.

b. Lors des travaux de la commission parlementaire de l’environnement et de l’agriculture (ci-après : la commission parlementaire) chargée d’étudier le projet de loi (ci-après : PL 12'993), un amendement a été proposé par la Chambre genevoise immobilière (ci-après : CGI) visant à régler la question de la création d’infrastructures extérieures d’« écopoints » et de fixer leur distance par rapport aux immeubles d’habitation. Il était en particulier apparu que plusieurs de ces infrastructures avaient été créées à 5 ou 6 m des jardins ou balcons de locataires, ce qui n’était pas opportun. Une distance de 30 m était donc proposée en vue d’ouvrir la discussion.

Cet amendement a été repris par une commissaire, au motif que la problématique des nuisances sonores et olfactives devait être prise en compte, les « écopoints » devant se situer à au moins 20 m des habitations. Selon le représentant du Conseil d’État, l’inscription d’une distance dans la loi participait à sa rigidité et pouvait conduire à une impossible mise en place de ces installations, ce d’autant plus que la Ville de Genève (ci-après : la ville) comportait un nombre important de façades « borgnes ». Selon d’autres commissaires, la mise en place d’une distance sans qu’il soit tenu compte de l’habitat ou d’autres facteurs était assez arbitraire, ce d’autant plus que l’éloignement des installations de collecte de déchets n’incitait pas à leur fréquentation. L’amendement a été accepté et modifié en troisième débat pour retenir une distance de 10 m au droit de la façade des immeubles.

c. Lors des débats en séance plénière, l’art. 128 al. 5 du PL, tel qu’amendé en commission parlementaire, n’a suscité aucune discussion et la loi 12'993 a été adoptée dans son ensemble en troisième débat par 92 oui contre 2 non.

B. a. Par acte du 31 janvier 2023, la ville a interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la loi 12'993, concluant à l’annulation de l’art. 128 al. 5 LCI.

Elle faisait grief à la disposition attaquée de porter atteinte à l’autonomie communale, de ne poursuivre aucun intérêt public et d’être contraire aux principes de la proportionnalité, de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

b. Le 15 mars 2023, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

c. Le 6 avril 2023, la ville a persisté dans son recours.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

e. Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) 1.1 La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

1.2 Le recours est formellement dirigé contre une disposition de la loi 12'993, à savoir une loi cantonale, et ce en l’absence de cas d’application (ACST/3/2023 du 16 février 2023 consid. 1b). Il a été interjeté dans le délai légal à compter de l’arrêté de promulgation de ladite loi, lequel a été publié dans la FAO du 23 décembre 2022 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3, art. 63 al. 1 let. c LPA), et satisfait également aux réquisits de forme et de contenu prévus aux art. 64 al. 1 et 65 LPA).

2) 2.1 Selon l’art. 60 al. 1 let. d LPA, ont qualité pour recourir les organes compétents des communes, établissements et corporations de droit public lorsqu’ils allèguent une violation de l’autonomie que leur garantit la loi et la Constitution. Cette disposition s’applique aussi au contrôle abstrait des normes (ACST/14/2018 du 28 juin 2018 consid. 3a).

Sont en particulier visés les cas où les communes peuvent invoquer la garantie de leur autonomie communale, ancrée au niveau fédéral à l’art. 50 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et, en droit genevois, à l’art. 132 al. 2 Cst-GE. Il suffit à cet égard que la commune, touchée dans ses prérogatives de puissance publique par l’acte attaqué, fasse valoir de manière défendable une violation de son autonomie, le point de savoir si l’autonomie qu’elle invoque existe réellement étant une question de fond et non de recevabilité (ATF 146 I 36 consid. 1 ; ACST/14/2018 précité consid. 3a).

2.2 En l’espèce, le recours porte sur une disposition de la loi 12'993 modifiant la LCI en matière de police des constructions, soit un domaine dans lequel les communes genevoises ne disposent d’aucune compétence réglementaire et décisionnelle et donc d’aucune autonomie, comme l’a rappelé la jurisprudence à plusieurs reprises (arrêt du Tribunal fédéral 1C_416/2018 du 15 juillet 2019 consid. 1.2 et les références citées). Dans la mesure toutefois où la recourante fait valoir que la contrainte introduite à l’art. 128 al. 5 LCI limiterait sa capacité à assurer la mise en place d’infrastructures assurant la collecte de déchets, soit un domaine relevant de sa compétence en application de l’art. 12 de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) et de l’art. 6 al. 1 LDéchets et dans le cadre duquel elle édicte des règlements particuliers (art. 12 LGD ; art. 7 LDéchets), notamment concernant la localisation des points de collecte, elle est touchée par la disposition contestée en sa qualité de détentrice de la puissance publique, la question de savoir si elle est réellement autonome dans ce domaine relevant du fond du litige (ATF 143 I 272 consid. 2.3.2). Dans ce contexte, la recourante est également habilitée à se plaindre d’autres griefs en rapport suffisamment étroit avec celui de la violation de l’autonomie communale, comme la primauté du droit fédéral ou le principe d’égalité de traitement (ACST/14/2018 précité consid. 3b et les références citées).

3) La chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 148 I 198 consid. 2.2 ; 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2020 du 15 juin 2022 consid. 3.1 ; ACST/4/2023 du 16 février 2023 consid. 3 et les références citées).

4) La recourante fait grief à l’art. 128 al. 5 LCI de violer son autonomie communale.

4.1 Selon l’art. 50 al. 1 Cst., l’autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie ainsi de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive, mais laisse en tout ou partie dans la sphère communale, lui accordant une liberté de décision importante. Le domaine d’autonomie protégé peut consister dans la faculté d’adopter ou d’appliquer des dispositions de droit communal ou encore dans une certaine liberté dans l’application du droit fédéral ou cantonal. Pour être protégée, l’autonomie ne doit pas nécessairement concerner l’ensemble d’une tâche communale, mais uniquement le domaine litigieux. L’existence et l’étendue de l’autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la Constitution et la législation cantonales (ATF 145 I 52 consid. 3.1 ; 143 II 553 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_84/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.2).

L’art. 132 al. Cst-GE garantit l’autonomie des communes dans les limites de la constitution et de la loi. L’art. 2 al. 1 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) précise également que l’autonomie communale s’exerce dans les limites de l’ordre juridique et plus particulièrement des compétences cantonales et fédérales, ainsi que du pouvoir de surveillance auquel la commune est soumise.

4.2 En l’espèce, selon la recourante, les contraintes imposées par l’art. 128 al. 5 LCI empêcheraient la construction d’« écopoints » en zone urbaine et rendraient difficile, voire impossible la mise en œuvre de la réglementation communale et d’un système efficient de collecte des déchets. Au vu des exigences requises par la nouvelle disposition, les communes devraient renoncer à la réalisation d’« écopoints » et seraient contraintes de procéder à un autre mode de collecte des déchets, alors même qu’elles bénéficiaient, de par la loi, d’une autonomie dans ce choix. L’autorité intimée considère, pour sa part, que la disposition en cause relève d’une matière ne ressortissant pas à la compétence des communes, lesquelles ne disposeraient d’aucune autonomie en matière de droit des constructions. L’art. 128 al. 5 LCI n’aurait en outre aucun impact direct sur leurs compétences d’organiser et d’assurer un système de collecte des déchets, compétences qui seraient au demeurant issues de la seule loi cantonale, que le législateur pourrait sans autre modifier.

L’art. 128 al. 5 LCI vise à imposer une distance minimale de 10 m pour la construction d’infrastructures de collecte des déchets par rapport à la façade des bâtiments. Figurant dans la LCI, ladite disposition relève de la police des constructions, soit un domaine dans lequel aucune compétence constitutionnelle n’est reconnue aux communes. En outre, comme précédemment relevé, la jurisprudence a dénié aux communes genevoise toute autonomie décisionnelle en la matière, au motif qu’en application des art. 2 et 3 al. 3 LCI, elles ne rendaient qu’un préavis non contraignant pour le département en cause, seul compétent pour la délivrance des autorisations de construire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_420/2019 du 5 septembre 2019 consid. 2.3 et les références citées). Ainsi, ni la Cst-GE, ni la LCI ne confèrent de compétence réglementaire ou décisionnelle aux communes en matière de police des constructions, de sorte qu’elles ne disposent d’aucune autonomie dans ce domaine.

Pas plus que la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) qui définit les seules compétences des cantons en matière de déchets, la Cst-GE ne confère pas non plus de compétences aux communes en matière de gestion des déchets, les art. 157 et 161 Cst-GE, dispositions sur lesquelles la LGD et la LDéchets se fondent, ayant trait respectivement aux principes relatifs à la protection de l’environnement et à la politique de l’État en matière d’écologie industrielle. La législation d’application de ces dispositions prévoit toutefois une compétence normative des communes, qui adoptent des règlements communaux concernant la collecte, le transport et l’élimination des déchets (art. 12 al. 4 LGD ; art. 7 LDéchets). En outre, selon la LGD, les communes sont chargées de définir l’infrastructure de collecte et d’organiser des collectes sélectives des déchets ménagers valorisables ou nuisibles pour l’environnement, selon les besoins et aux emplacement appropriés (art. 12 al. 2 et 3 LGD). L’art. 7 al. 2 let. a LDéchets prévoit également que les communes déterminent en particulier la fréquence, la localisation et les modalités de collecte.

Il en résulte que l’art. 128 al. 5 LCI restreint certes leur compétence en matière de localisation des points de collecte en leur imposant une contrainte supplémentaire consistant à situer ces « écopoints » en principe à une distance d’au moins 10 m au droit de la façade des immeubles. Il n’en demeure pas moins que l’autonomie dont disposent les communes dans ces domaines résulte de la seule loi. Or, lorsqu’une matière déterminée est de la compétence du législateur cantonal, comme en l’espèce, celui-ci peut restreindre les prérogatives qu’il a préalablement accordées aux communes, sans pour autant violer leur autonomie, pourvu qu’il n’empiète pas sur la compétence législative garantie aux communes directement par la Constitution cantonale (ATF 133 I 128 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_461/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2), ce qui n’est pas le cas conformément à ce qui précède. Par conséquent, en adoptant l’art. 128 al. 5 LCI, le législateur cantonal n’a pas violé l’autonomie communale mais s’est limité à restreindre les compétences précédemment déléguées aux communes par la loi. Il n’est, dans ce cadre, pas déterminant, contrairement à ce qu’allègue la recourante, que la disposition contestée diffère des directives et autres recommandations du département du territoire, voire qu’elle soit contraire à la réglementation communale sur la gestion des déchets, en vertu de la primauté de la loi découlant du principe de la légalité.

5) La recourante invoque le principe de la primauté du droit fédéral.

5.1 Selon l’art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu’elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 148 I 251 consid. 3.4.1 et les références citées).

Le chapitre 4 du titre 2 de la LPE est consacré aux déchets. L’art. 30 LPE prévoit en particulier la limitation (al. 1), la valorisation (al. 2) et l’élimination respectueuse de l’environnement des déchets (al. 3). L’art. 31b al. 1 LPE, consacre le principe de l’élimination des déchets urbains, des déchets de la voirie et des stations publiques d’épuration des eaux usées ainsi que des déchets dont le détenteur ne peut être identifié ou est insolvable par les cantons, les autres déchets étant éliminés par leur détenteur (art. 31c al. 1 LPE).

5.2 En l’espèce, la recourante soutient que les nouvelles exigences posées à l’art. 128 al. 5 LCI entraîneraient le risque qu’une partie de la population ne soit plus desservie par ses prestations, de manière à créer des « poches » dans lesquelles les déchets ne seraient plus collectés, ce qui serait contraire à la LPE. Selon l’autorité intimée, la disposition contestée, relevant du droit des constructions, n’aurait aucune incidence directe sur le système de collecte des déchets, des exceptions étant prévues et d’autres modes de collecte des déchets demeurant envisageables.

Comme l’indique à juste titre l’autorité intimée, l’art. 128 al. 5 LCI, en posant le principe qu’une infrastructure de collecte de déchets doit respecter une distance minimale de 10 m au droit de la façade des immeubles, réserve implicitement des exceptions, en fonction de cas particulier et des circonstances, qu’il appartiendra à l’autorité administrative de mettre en œuvre lors de l’application de la disposition contestée. En outre, même à admettre que dans un cas particulier aucune exception à la distance des 10 m ne soit envisageable, rien n’indique que d’autres moyens de collecte ne seraient pas envisageables, ce que la recourante ne prétend du reste pas. L’art. 128 al. 5 LCI n’entrave ainsi pas la bonne application de la LPE, de sorte que le grief doit être écarté.

6) La recourante soutient que la disposition litigieuse ne poursuivrait aucun intérêt public, ne respecterait pas le principe de la proportionnalité et serait contraire aux principes de la bonne foi et de l’égalité de traitement.

6.1 Conformément à l’art. 5 Cst., l’activité de l’État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé (al. 2). Les organes de l’État et les particuliers doivent en outre agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (al. 3). Par ailleurs, l’art. 8 al. 1 Cst. garantit l’égalité de traitement, en prévoyant que tous les êtres humains sont égaux devant la loi.

6.2 En l’espèce, même si la recourante avait vu son autonomie communale violée, ses griefs seraient infondés.

Selon la recourante, dès lors que l’art. 128 al. 5 LCI avait à son origine un amendement proposé par la CGI et repris par une commissaire, il ne reposerait sur aucun intérêt public, mais sur un intérêt purement privé. La recourante ne saurait toutefois être suivie, dès lors que l’amendement a été adopté par la commission parlementaire, sans égard à son origine, puis par les députés en séance plénière dans le cadre de la loi 12'993. Il ressort en outre des explications fournies en commission parlementaire que la disposition litigieuse vise à éviter les nuisances sonores et olfactives dues aux points de collecte des déchets à proximité des immeubles d’habitation et donc à protéger la santé et la tranquillité publiques, comme l’a indiqué à juste titre l’autorité intimée, buts qui constituent des intérêts publics admissibles. Du reste, l’art. 40 du règlement sur la salubrité et la tranquillité publiques du 20 décembre 2017 (RSTP - E 4 05.03) réprime la mise en déchetterie à certaines heures et jours de matériaux dont le dépôt cause du bruit, notamment le verre.

La recourante conteste le caractère proportionné de l’art. 128 al. 5 LCI, qui ne lui permettrait pas de réaliser un nombre important d’« écopoints » sur son territoire, ce qui serait « contraire à l’intérêt public ». Ce faisant, elle ne conteste pas tant les critères de l’aptitude et de la nécessité, qui sont au demeurant réalisés, que le principe de la proportionnalité au sens étroit. En effet, le fait de placer les installations de collecte des déchets à une certaine distance des immeubles permet de limiter les nuisances sonores et olfactives en découlant. Une distance inférieure ne permettrait pas d’atteindre ces buts, étant rappelé que la proposition d’amendement déposée par la CGI prévoyait une distance de 30 m, ramenée à 20 m, puis finalement à 10 m. S’agissant de la proportionnalité au sens étroit, le régime instauré à l’art. 128 al. 5 LCI permet de prévoir des exceptions, en vue de réduire la contrainte qu’il impose, ce qui pourrait par exemple être le cas de l’exemple des façades « borgnes » mentionnées par le représentant du Conseil d’État en commission parlementaire. En outre, contrairement à ce que soutient la recourante, rien n’indique que les exceptions seraient appliquées de manière à devenir la règle.

La recourante se plaint d’une violation du principe de la bonne foi, sans pour autant motiver ce grief. L’on ne voit toutefois pas en quoi la disposition litigieuse serait contraire à ce principe.

Enfin, la recourante se prévaut d’une inégalité de traitement par rapport aux propriétaires privés, qui ne seraient pas soumis à la même distance pour ériger un bâtiment. Le grief tombe toutefois à faux, dès lors que l’installation d’un « écopoint » n’est pas comparable à la construction d’un bâtiment, qui n’engendre du reste pas les mêmes nuisances sonores et olfactives qu’une installation de collecte de déchets. En outre, la recourante perd également de vue que l’art. 128 al. 5 LCI s’applique à toute construction d’une telle installation, qu’elle soit le fait d’une collectivité publique ou d’un particulier.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2023 par la Ville de Genève contre la loi 12'993 sur les déchets du 2 septembre 2022 (LDéchets - L 1 21), promulguée par arrêté publié dans la FAO du 23 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la Ville de Genève ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève ainsi qu’au Grand Conseil.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Blaise PAGAN, Valérie LAUBER, Philippe KNUPFER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. GUTZWILLER

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :