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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3504/2022

ACST/10/2023 du 06.03.2023 ( ABST ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.04.2023, rendu le 07.12.2023, RETIRE, 9C_273/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3504/2022-ABST ACST/10/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 6 mars 2023

 

dans la cause

 

A______
et
Monsieur B______
et
Monsieur C______
représentés par Me Philippe Ducor, avocat recourants

contre

CONSEIL D’ÉTAT intimé

 


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ayant son siège à Genève. Elle a notamment pour but statutaire de défendre globalement les intérêts de ses membres, à savoir tout médecin exerçant sa profession de manière prépondérante dans le canton de Genève, qui fait preuve d’une qualification professionnelle suffisante et d’une bonne réputation.

b. Messieurs B______ et C______ sont titulaires d’un diplôme fédéral en médecine humaine délivré par l’Université de Genève et poursuivent une formation postgrade respectivement en cardiologie et en chirurgie de la main qu’ils vont achever en 2023. Ils sont respectivement domiciliés dans les cantons de Neuchâtel et du Valais.

B. a.a. Le 1er juillet 2021 est entrée en vigueur la modification du 19 juin 2020 de l’art. 55a de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), dont la teneur est la suivante :

« Art. 55a Limitation du nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires

1 Les cantons limitent, dans un ou plusieurs domaines de spécialité ou dans certaines régions, le nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Lorsqu’un canton limite le nombre de médecins, il prévoit :

a. que les médecins ne sont admis que jusqu’à concurrence du nombre maximal déterminé ;

b. que le nombre de médecins suivants est limité au nombre maximal déterminé :

1. les médecins qui exercent dans le domaine ambulatoire d’un hôpital,

2. les médecins qui exercent dans une institution visée à l’art. 35, al. 2, let. n.

2 Le Conseil fédéral définit les critères et les principes méthodologiques pour fixer les nombres maximaux. Il tient compte en particulier des flux de patients entre les cantons et des régions d’approvisionnement en soins ainsi que de l’évolution générale du taux d’activité des médecins.

3 Avant de fixer les nombres maximaux de médecins, le canton entend les fédérations des fournisseurs de prestations, des assureurs et des assurés. Il se coordonne avec les autres cantons pour les fixer.

4 Les fournisseurs de prestations, les assureurs et leurs fédérations respectives communiquent gratuitement aux autorités cantonales compétentes qui en font la demande, en plus des données collectées en vertu de l’art. 59a, les données nécessaires pour fixer les nombres maximaux de médecins.

5 En cas de limitation des admissions à pratiquer dans un canton, les médecins suivants peuvent continuer de pratiquer :

a. les médecins qui ont été admis à pratiquer et qui ont fourni des prestations ambulatoires à la charge de l’assurance obligatoire des soins avant l’entrée en vigueur des nombres maximaux ;

b. les médecins qui exerçaient dans le domaine ambulatoire d’un hôpital ou dans une institution visée à l’art. 35, al. 2, let. n, avant l’entrée en vigueur des nombres maximaux, s’ils poursuivent leur activité dans le domaine ambulatoire du même hôpital ou dans la même institution.

6 Lorsque, dans un canton, les coûts annuels par assuré dans un domaine de spécialité augmentent davantage que les coûts annuels des autres domaines de spécialité dans ce canton ou que la moyenne suisse des coûts annuels dans le domaine de spécialité en question, le canton peut prévoir qu’aucune nouvelle admission à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins n’est délivrée dans ce domaine de spécialité.

 

Dispositions transitoires relatives à la modification du 19 juin 2020

1 Les réglementations cantonales en matière de limitation des admissions à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins doivent être adaptées dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la modification du 19 juin 2020. L’ancien droit régissant la limitation de l’admission à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins reste applicable jusqu’à l’adaptation des réglementations cantonales concernées, mais pendant deux ans au plus.

2 Les fournisseurs de prestations visés à l’art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, qui étaient admis à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins en vertu de l’ancien droit sont réputés admis au sens de l’art. 36 du nouveau droit par le canton sur le territoire duquel ils pratiquaient à l’entrée en vigueur dudit article. »

a.b. Selon le message du Conseil fédéral concernant ladite modification (FF 2018 3263), l’évolution des coûts des prestations dans le domaine ambulatoire ces dernières années, qui avaient représenté à elles seules en 2016 plus de 70 % des coûts à la charge de l’assurance obligatoire des soins (ci-après : AOS), avait montré la nécessité d’une solution pour piloter ce domaine. Au cours des dix dernières années, les primes avaient connu une hausse annuelle de 3,7 %, dépassant largement l’inflation et prenant une part de plus en plus grande dans le budget des ménages. Un dispositif à trois niveaux était proposé devant permettre, d’une part, de renforcer la qualité et l’économicité des prestations en augmentant les exigences envers les fournisseurs de prestations et, d’autre part, de donner aux cantons un instrument plus efficace pour maîtriser l’offre.

Dans ce cadre, il s’agissait de transférer aux cantons la compétence de fixer des nombres maximaux de médecins et de bloquer les admissions en cas de hausse des coûts dans un domaine de spécialité supérieure à la moyenne par rapport aux autres domaines ou par rapport au reste de la Suisse. Les nombres maximaux s’appliqueraient à l’ensemble des médecins souhaitant exercer dans le domaine ambulatoire, qu’ils entendent pratiquer en cabinet ou dans une institution de soins ambulatoires employant des médecins, y compris dans le domaine ambulatoire des hôpitaux, de sorte à supprimer une importante distorsion du marché et à traiter de la même manière tous les médecins du domaine ambulatoire.

Pour garantir l’efficacité de la mesure et pour que les fournisseurs de prestations ne puissent pas la contourner, les cantons chargés de sa mise en œuvre prendraient en considération tous les secteurs du domaine ambulatoire, donc aussi bien les médecins en cabinet que ceux qui pratiquaient dans des institutions de soins ambulatoires, de même que ceux qui pratiquaient au sein d’un hôpital pour la part exercée dans le domaine ambulatoire. Pour tenir compte de l’évolution de la société, en particulier de l’augmentation du travail à temps partiel, les cantons pondéreraient les nombres maximaux de fournisseurs admis en équivalents plein-temps (ci-après : EPT). Pour fixer les nombres maximaux, ils consulteraient les fédérations de fournisseurs de prestations concernées et d’assureurs, qui devraient leur fournir gratuitement les données nécessaires, ainsi que les fédérations des assurés. La manière d’organiser cette consultation était laissée à l’appréciation de chaque canton.

Par analogie avec la planification hospitalière, le Conseil fédéral définirait des principes méthodologiques et des critères pour fixer les nombres maximaux de fournisseurs de prestations, afin de favoriser une application aussi uniforme que possible entre les cantons tout en leur laissant une marge de manœuvre suffisante.

L’art. 55a LAMal et les dispositions que le Conseil fédéral serait amené à édicter ne seraient plus directement applicables. Il appartiendrait ainsi au droit cantonal de fixer de manière autonome, dans le cadre du droit fédéral, les conditions de la limitation du nombre des médecins, qui constituerait un droit d’exécution cantonal autonome. Les décisions prises en application de l’art. 55a LAMal pourraient faire l’objet d’un recours devant un tribunal cantonal, puis devant le Tribunal fédéral en dernière instance.

b.a. Le 1er juillet 2021 est également entrée en vigueur l’ordonnance sur la fixation de nombres maximaux de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires du 23 juin 2021 (ci-après : l’ordonnance fédérale - RS 832.107) adoptée sur la base de l’art. 55 al. 2 LAMal, qui prévoit notamment ce qui suit :

« Art. 1 Principe

1 La fixation par les cantons des nombres maximaux visés à l’art. 55a LAMal se fonde sur le calcul de l’offre de médecins et du taux de couverture des besoins par région.

2 Les cantons fixent les nombres maximaux en divisant l’offre de médecins par le taux de couverture.

3 Ils peuvent prévoir un facteur de pondération pour les fixer.

 

Art. 2 Calcul de l’offre de médecins

1 Les cantons calculent l’offre de médecins à partir du temps de travail effectué par les médecins, exprimé en équivalents plein temps.

2 Les médecins sont identifiés par leur numéro d’identification (Global Location Number, GLN).

3 Le nombre d’équivalents plein temps correspond au rapport entre le temps de travail effectué par le médecin et le temps de travail moyen effectué par un médecin exerçant à plein temps. Une activité est réputée à plein temps lorsqu’elle est exercée à raison de dix demi-journées par semaine.

4 Si, pour certains médecins, les données disponibles ne sont pas de qualité suffisante pour calculer le nombre d’équivalents plein temps, celui-ci peut être présumé proportionnel au volume de prestations totalisées par des fournisseurs similaires de prestations.

 

Art. 3 Méthode de calcul du taux de couverture

1 Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) définit un modèle de régression de l’offre en prestations médicales ambulatoires, applicable pour l’ensemble de la Suisse. Il en déduit le besoin en prestations médicales par domaine de spécialisation médicale pour chaque région (volume a de prestations ajusté au besoin). Pour définir le modèle, il prend en compte des indicateurs liés à la démographie et à la morbidité de la population résidant en Suisse et peut inclure d’autres indicateurs qui expliquent l’évolution de l’offre.

2 Il définit les régions après avoir consulté les cantons.

3 Il adapte le volume a de prestations ajusté au besoin sur la base des flux de patients entre les régions, afin d’obtenir le volume de prestations nécessaire pour couvrir les besoins dans chaque région et domaine de spécialisation médicale (volume b de prestations ajusté au besoin).

4 Il obtient pour chaque région le taux de couverture par domaine de spécialisation médicale en divisant le volume de prestations fourni par les médecins par le volume b de prestations ajusté au besoin ; il inscrit ce taux dans une ordonnance.

5 Il réexamine périodiquement le taux de couverture et l’adapte si nécessaire.

[ ]

Art. 5 Fixation des nombres maximaux par les cantons

1 Les cantons divisent, pour chaque domaine de spécialisation médicale, l’offre de médecins (art. 2) par le taux de couverture par domaine de spécialisation médicale pour la région correspondante (art. 3), afin d’obtenir les nombres maximaux nécessaires à une couverture économique des besoins sur leur territoire.

2 Ils peuvent prévoir un facteur de pondération afin de tenir compte de circonstances qui ne sont pas prises en considération dans le calcul du taux de couverture. Pour le fixer, ils se fondent notamment sur des enquêtes auprès de spécialistes, sur des systèmes d’indicateurs ou sur des valeurs de référence.

3 Ils réexaminent périodiquement les nombres maximaux et les adaptent si nécessaire.

[ ]

Art. 8 Bases de calcul

L’offre de médecins au sens de l’art. 2, le besoin en prestations médicales au sens de l’art. 3, les domaines de spécialisation médicale au sens de l’art. 4 et le facteur de pondération au sens de l’art. 5, al. 2, sont obtenus notamment au moyen des bases de calcul suivantes :

a. le volume de points selon la structure tarifaire pour les prestations médicales obligatoires ;

b. les prestations brutes à la charge de l’assurance obligatoire des soins ;

c. le nombre de consultations ;

d. les relevés de l’Office fédéral de la statistique, notamment les données structurelles des cabinets médicaux et des centres ambulatoires et les données des patients ambulatoires des hôpitaux et des maisons de naissance au sens de l’annexe 1, ch. 193 et 194, de l’ordonnance du 30 juin 1993 sur les relevés statistiques ;

e. les données relatives aux médecins du registre des professions médicales au sens de l’ordonnance du 5 avril 2017 concernant le registre LPMéd.

 

Art. 9 Disposition transitoire

Les cantons peuvent disposer que, jusqu’au 30 juin 2025 au plus tard, l’offre de médecins calculée conformément à l’art. 2 correspond, par domaine de spécialisation médicale et par région, à une couverture économique répondant aux besoins.

[ ] »

b.b. Selon le commentaire édité par l’office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) du 23 juin 2021, l’ordonnance fédérale fixait les critères et principes méthodologiques pour définir les nombres maximaux de médecins par les cantons. L’approche impliquait de mettre en relation l’offre de médecins exerçant dans une région avec le taux de couverture calculé pour ladite région. Ce dernier taux correspondait au rapport entre l’offre effective en soins et le besoin en soins estimé grâce à un modèle de régression valable au niveau national, tous deux exprimés en volume de prestations. Pour définir les nombres maximaux par domaine de spécialisation médicale et par région selon l’art. 55a al. 1 LAMal, les cantons devaient évaluer le nombre d’EPT effectifs dans ledit domaine et ladite région et diviser ce nombre par le taux de couverture par domaine et par région déterminé par le département fédéral de l’intérieur (ci-après : DFI). Le nombre d’EPT effectifs englobait les médecins exerçant dans le domaine concerné et dans le canton, en cabinet et dans le secteur ambulatoire des hôpitaux. Les cantons pouvaient prévoir un facteur de pondération par domaine et par région, à appliquer sur les EPT ajustés au besoin afin de compenser des éléments influençant le besoin objectif en soins qui n’auraient pas pu être suffisamment pris en compte dans le cadre du modèle national. Par conséquent, le nombre maximal d’EPT de médecins autorisés à pratiquer dans un domaine de spécialisation médicale et dans une région dépendrait du nombre d’EPT effectifs du domaine et de la région évaluée par les cantons, du taux de couverture du besoin en soins du domaine et de la région défini grâce à la modélisation nationale ainsi que du facteur de pondération déterminé par les cantons pour ledit domaine et ladite région.

Plus précisément s’agissant de l’art. 2 de l’ordonnance fédérale, pour définir l’offre de soins, les cantons pouvaient s’appuyer sur les données mentionnées à l’art. 8 de l’ordonnance fédérale ou relever eux-mêmes le nombre d’EPT auprès des fournisseurs de prestations exerçant dans le domaine pour lequel ils souhaitaient fixer des nombres maximaux. Si par manque de données ou de données de qualité suffisante, il n’était pas possible de déterminer précisément le taux de travail d’un fournisseur de prestation, ce taux de travail était calculé proportionnellement au volume de prestations fourni par d’autres fournisseurs de prestations similaires.

C. a. Le 4 novembre 2021, la direction générale de la santé (ci-après : DGS), rattachée au département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département), a informé A______ qu’elle travaillait à la mise en œuvre de la clause du besoin, qui s’appliquerait dans le courant de l’année 2022, et que la modification du système actuel dépendait de la possibilité de disposer d’une base de données des médecins à jour et complète. À cette fin, une enquête serait effectuée au première trimestre 2022, dans le cadre de laquelle elle serait sollicitée.

b. Par courrier du 17 juin 2022 adressé à la DGS, A______ s’est déterminée au sujet du projet de règlement d’application de l’ordonnance fédérale qui lui avait été transmis. Il convenait de tenir compte des sous-spécialités, souvent sensiblement distinctes de la spécialité de base, afin de garantir la qualité et la diversité de l’offre. Or, le formulaire qui avait été adressé aux médecins afin de dresser l’inventaire permettant de fixer de manière provisoire les nombres maximaux ne tenait pas compte de cette situation, pas plus qu’il ne permettait aux médecins d’indiquer s’ils étaient au bénéfice d’une double spécialité. L’activité des médecins des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) devait être régulée, au même titre que celle des médecins de « ville », sous peine d’inégalité de traitement. Dans le même ordre d’idées, un inventaire exhaustif devait être dressé énumérant tous les médecins employés, puisqu’il pouvait s’avérer que leur activité soit facturée à l’AOS par le biais de leur employeur. Enfin, des dispositions transitoires devaient être prévues pour les médecins internes actuellement en cours de formation qui devaient achever leur cursus didactique prochainement.

c. Le 8 juillet 2022, le département a répondu à A______, laquelle avait déjà été entendue au sujet de la mise en œuvre de la nouvelle clause du besoin lors de deux séances en début d’année 2022. La DGS menait à bien ses travaux en toute transparence et avec un fort engagement envers les personnes les plus concernées, soit les étudiants et les médecins en cours de formation. Le canton était entré en matière pour les médecins détenteurs d’un titre postgrade et salariés pour le compte d’une personne morale, ce qui constituait déjà une exception forte au cadre légal et représentait un nombre important de médecins allant potentiellement s’installer et retarder la délivrance d’admission à facturer pour les prochains médecins éligibles. De plus, le recensement de l’offre serait mis à jour annuellement et les taux d’activité en EPT pour chaque titre postgrade détenu par les médecins admis à facturer seraient réévalués dès l’automne 2023. Il serait ainsi possible de renseigner deux spécialités par médecin, ce qui permettrait une analyse fine et évolutive de l’offre disponible dans le canton. Bien que maintenue, la commission quadripartite voyait en outre son rôle modifié, puisqu’elle aurait pour mission de renseigner le département sur les disponibilités dans certaines spécialités. Il n’y avait en tout état de cause pas à remettre en question les principes de la législation fédérale, qui étaient du ressort de la Confédération.

d. Le 27 septembre 2022, se référant à une entrevue ayant eu lieu quelques jours plus tôt, A______ a rappelé à la DGS les points sur lesquels les discussions avaient porté et pour lesquels des ajustements réglementaires pourraient s’avérer nécessaires.

Il était probable que le document inventoriant le nombre de médecins genevois fournissant des prestations ambulatoires à la charge de l’AOS ne soit pas exhaustif et ne reflète ainsi pas précisément la situation existante, dès lors qu’un certain nombre de ses médecins membres n’avaient pas reçu le formulaire leur permettant de répondre à l’enquête. Ce document ne permettait au demeurant pas de signaler une seconde spécialisation ni une sous-spécialisation. Le tableau détaillant l’offre actuelle devait également tenir compte des médecins exerçant aux HUG à la charge de l’AOS dans le domaine ambulatoire, ceux-ci devant en outre être distingués des « médecins de ville ».

Pour que les HUG puissent facturer à l’AOS l’activité de leurs médecins, ceux-ci devaient être au bénéfice d’un droit de pratique. Or, l’éventuel droit de pratique à charge de l’AOS qui serait délivré aux médecins ayant achevé leur formation était visé par la limitation de l’admission. Si le quota était atteint, ce droit de pratique ne pouvait pas être attribué. Dès lors, le règlement, dans sa configuration actuelle, ne permettait pas aux HUG de régulariser la situation des médecins internes qui finissaient leur formation en leur proposant un poste au sein de l’institution, sauf à ne pas facturer leurs prestations. Les médecins concernés n’auraient ainsi d’autre solution que de déménager dans un canton où l’offre était insuffisante.

Dans certaines circonstances, les HUG devraient recruter un nouveau collaborateur aux spécificités particulières en vue de garantir la pérennité des prestations offertes, sans avoir à « piocher » parmi les médecins genevois déjà au bénéfice d’un droit de pratique à la charge de l’AOS. Si aucun médecin ne correspondait au profil ou n’était disposé à travailler pour les HUG, ces derniers devaient pouvoir être autorisés à recruter en dehors de la sphère cantonale, ce qui n’était pas prévu puisque la DGS devait attribuer le droit de pratique laissé vacant par le médecin des HUG qui partait à la retraite au premier médecin figurant sur la liste d’attente de la spécialité considérée. Il se justifiait dès lors également de définir des sous-spécialités au sein du milieu hospitalier afin de permettre le remplacement d’un chef de service parti à la retraite par un médecin répondant à des compétences et à une expérience similaires dont ne disposaient pas les jeunes médecins figurant sur la liste d’attente.

e. Le 11 octobre 2022, la DGS a répondu à A______ que ses services avaient procédé à une enquête aussi exhaustive que possible auprès des médecins en activité pour déterminer l’offre actuelle, conformément à l’ordonnance fédérale, mais qu’ils n’avaient pas comptabilisé les médecins n’ayant pas souhaité communiquer leurs coordonnées ni ceux n’ayant pas répondu à l’enquête. Les sous-spécialités médicales étaient en outre prises en considération par divers biais par la réglementation cantonale.

Ladite réglementation posait le principe qu’une admission à la charge de l’AOS pouvait être délivrée dans une spécialité uniquement si les nombres maximaux n’étaient ni atteints, ni dépassés. Toutefois, des ajustements, qui avaient une influence sur cette liste d’attente, dans la mesure où la réglementation concernée visait avant tout à couvrir les besoins en soins de la population genevoise, étaient prévus, la commission quadripartite ayant un rôle à jouer dans ce cadre.

La réglementation cantonale ne concernait pas le droit de pratique, mais l’autorisation de facturer à la charge de l’AOS. Un médecin pouvait ainsi disposer du droit de pratiquer, sans pour autant pourvoir facturer à la charge de la LAMal. Pour certaines spécialités, des motifs « d’intérêt public » permettraient de ne pas appliquer la clause du besoin pour les médecins internes, de sorte que les HUG pourraient garder ou engager des médecins n’étant plus en formation lorsque l’institution avait des besoins spécifiques. Lesdits médecins pourraient donc le cas échéant rester aux HUG et une autorisation de pratiquer leur serait délivrée, limitée aux HUG. Ils ne pourraient toutefois pas s’installer ailleurs sans passer par la liste d’attente.

Le même raisonnement s’appliquait au recrutement des médecins aux spécificités particulières, la notion « d’intérêt public » permettant dans certains cas de déroger au principe de la limitation de l’admission. Sur le plan pratique, les institutions concernées avaient besoin de médecins qui étaient également aptes à enseigner et former la relève. Il était très peu probable que les médecins sur la liste d’attente remplissent cette condition.

D. a. Le 14 septembre 2022, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’ordonnance fédérale sur la fixation de nombres maximaux de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires (RaOFNMMPA - J 3 05.50), dont la teneur est la suivante :

« Chapitre I Dispositions générales

Art. 1 Objet

Le présent règlement a pour objet de mettre en œuvre la limitation du nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires à la charge de l’assurance obligatoire des soins au sens de l’article 55a de la loi fédérale, conformément à l’article 9 de l’ordonnance fédérale.

[ ]

Art. 3 Autorité compétente

1 Sur délégation du département chargé de la santé (ci-après : département), la direction générale de la santé (ci-après : la direction générale) est chargée de l’exécution de l’ordonnance fédérale, sous réserve des compétences que la législation fédérale et cantonale attribue à une autre instance.

2 Une commission quadripartite consultative se réunit au moins une fois par trimestre afin de suivre la mise en œuvre de l’article 9 de l’ordonnance fédérale et d’informer le département de l’évolution des besoins de couverture en soins de la population ; elle peut, dans ce contexte, recommander la levée provisoire de la limitation de l’admission pour certains domaines de spécialisation, en précisant, cas échéant, la sous-spécialité concernée, en s’appuyant sur des données factuelles et objectives qu’elle partage avec le département.

 

Chapitre II Modalités de régulation des médecins

Art. 4 Principe

Les médecins visés par la limitation de l’admission sont ceux au bénéfice d’un titre postgrade fédéral ou jugé équivalent au sens de la loi fédérale, qui exercent dans un cabinet une activité dépendante ou indépendante, au sein d’une institution au sens de l’article 35, alinéa 2, lettre n, de la loi fédérale, ou dans le domaine ambulatoire des hôpitaux, au sens de l’article 39 de la loi fédérale.

[ ]

Art. 6 Détermination des nombres maximaux

1 Les nombres maximaux constituent l’offre cantonale de médecins exerçant à la charge de l’assurance obligatoire des soins en équivalents temps plein dans chaque domaine de spécialisation et correspondent à une couverture économique répondant aux besoins.

2 Cette offre détaillée est annexée au présent règlement (annexe A).

 

Art. 7 Limitation de l’admission

1 Une admission à facturer à la charge de l’assurance obligatoire des soins ne peut être délivrée que si le nombre maximum de médecins par domaine de spécialisation fixé par l’annexe A n’est pas atteint.

2 En fonction des besoins en soins de la population, en particulier dans une sous-spécialité médicale ou pour des raisons d’intérêt public, la direction générale peut décider de ne pas appliquer momentanément de limitation d’admission dans un ou plusieurs domaines de spécialisation, ou dans un périmètre géographique du canton.

 

Art. 8 Liste d’attente

1 Une liste d’attente par domaine de spécialisation est établie par la direction générale.

2 Elle est gérée de manière chronologique, la date de réception du dossier complet déterminant le rang du médecin dans cette liste.

3 Si le premier médecin de la liste renonce à une admission à facturer à la charge de l’assurance obligatoire des soins lorsque celle-ci lui est proposée, il est considéré comme ayant renoncé et son inscription est rayée de la liste. Une information écrite est alors adressée au médecin concerné.

[ ]

Chapitre III Commission quadripartite consultative

Art. 10 But

La commission quadripartite consultative en matière de limitation de l’admission des fournisseurs de prestations à facturer à la charge de l’assurance obligatoire des soins (ci-après : la commission) a pour but de réunir, aux fins de suivi de mise en œuvre de l’article 9 de l’ordonnance fédérale, les représentants des principaux partenaires de la santé concernés par la limitation.

 

Art. 11 Compétences

1 La commission informe le département de l’évolution des besoins en soins de la population et de l’impact de la mesure en cours.

2 Elle peut, dans ce contexte, recommander la levée provisoire de la limitation de l’admission pour certains domaines de spécialisation, en précisant, cas échéant, la sous-spécialité concernée.

3 Elle apporte au département les données factuelles et objectives concernant les besoins non couverts par domaine de spécialisation lorsqu’ils sont identifiés.

[ ]

Annexe A Estimation de l’offre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires – Nombres maximaux dès le 1er octobre 2022

Domaine de spécialisation

Nbre max EPT

Allergologie et immunologie clinique

19,00

Anesthésiologie

43,22

Angiologie

9,33

Cardiologie

55,79

Chirurgie

31,41

Chirurgie cardiaque et vasculaire thoracique

2,33

Chirurgie de la main

15,50

Chirurgie orale et maxillo-faciale

5,51

Chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur

45,65

Chirurgie pédiatrique

6,00

Chirurgie plastique, reconstructive et esthétique

21,61

Chirurgie thoracique

1,98

Chirurgie vasculaire

5,33

Dermatologie et vénéréologie

52,18

Endocrinologie / diabétologie

18,94

Gastroentérologie

28,68

Génétique médicale

2,40

Gynécologie et obstétrique

99,57

Hématologie

12,19

Infectiologie

16,29

Médecine du travail

6,60

Médecine intensive

17,75

Médecine interne générale

511,08

Médecine légale

2,64

Médecine nucléaire

13,16

Médecine pharmaceutique

0

Médecine physique et réadaptation

17,28

Médecine tropicale et médecine des voyages

1,32

Néphrologie

13,34

Neurochirurgie

5,92

Neurologie

39,43

Oncologie médicale

14,08

Ophtalmologie

72,24

Oto-rhino-laryngologie

29,11

Pathologie

14,30

Pédiatrie

164,08

Pharmacologie et toxicologie cliniques

7,26

Pneumologie

23,23

Prévention et santé publique

4,58

Psychiatrie et psychothérapie

365,55

Psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents

85,89

Radiologie

79,80

Radio-oncologie / radiothérapie

114,38

Rhumatologie

31,59

Urologie

22,78

Total EPT

2 150,30 »

b. Le RaOFNMMPA a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 20 septembre 2022 et est entré en vigueur le 1er octobre 2022 conformément à son art. 17.

E. a. Par acte expédié le 20 octobre 2022, l’association ainsi que MM. B______ et C______ ont saisi la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) d’un recours dirigé contre le RaOFNMMPA, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif, principalement à l’annulation de l’acte entrepris, subsidiairement à l’annulation des art. 6 al. 2 cum annexe A et à ce que les mots « ou pour des raisons d’intérêt public » dans le libellé de l’art. 7 al. 2 soient « tracés », le tout « avec suite de frais et dépens ».

Les nombres maximaux de médecins avaient été fixés arbitrairement, sur la base d’un recensement bâclé et incomplet, comme le reconnaissait du reste la DGS dans son courrier du 11 octobre 2022, en sous-estimant le nombre réel de médecins actifs, alors même qu’elle savait depuis l’automne 2020 qu’elle devait mener à bien cette tâche. Par exemple, pour la chirurgie pédiatrique, l’annexe A du RaOFNMMPA avait fixé un nombre maximal de 6 EPT, alors que le recensement minutieux et nominatif qu’ils avaient effectué était parvenu à 11,4 EPT, voire 13,2 EPT, ce qui montrait une différence importante entre le calcul de la DGS et la réalité. Les pointages effectués avec des collègues d’autres spécialités avaient mené à un constat identique, démontrant que les chiffres maximaux de ladite annexe avaient grossièrement sous-estimé l’offre existante de médecins. Les besoins en soins de la population risquaient ainsi de ne plus être couverts et aucun nouveau médecin ne pourrait être admis à pratiquer à charge de l’AOS afin de contribuer à couvrir ces besoins, ce d’autant plus au regard des nombreux médecins amenés à prendre leur retraite dans les années à venir. Cette sous-estimation s’apparentait à une constatation inexacte des faits pertinents et aboutissait à une violation de l’ordonnance fédérale, sous l’angle de la primauté du droit fédéral, dont la mise en œuvre n’avait pas été correctement effectuée. La liberté économique des médecins désireux de s’installer, qui devaient rester pendant une période prolongée sur une liste d’attente, était aussi gravement atteinte, sans justification conforme puisque les bases de la restriction introduite par le RaOFNMMPA étaient viciées.

Il en allait de même de la levée temporaire des effets de la clause du besoin de l’art. 7 al. 2 RaOFNMMPA du fait de l’utilisation des termes « pour des raisons d’intérêt public », qui avaient été ajoutés dans le projet. Cette exception permettait à la DGS, comme elle l’avait indiqué dans son courrier du 11 octobre 2022, d’admettre les médecins de son choix pour des motifs non spécifiés et non précis, en passant outre la liste d’attente, alors même que les nombres maximaux étaient déjà atteints. Il en découlait une restriction grave à la liberté économique générant un problème additionnel d’égalité de traitement entre concurrents, puisque la possibilité de levée provisoire, qui n’était ouverte qu’à la DGS et non à la commission quadripartite, avait pour seule fin de permettre aux HUG de garder ou d’engager des médecins qui n’étaient plus en formation en cas de besoins spécifiques pour l’institution, alors que l’admission de pratiquer à la charge de l’AOS limitée à un seul établissement n’était pas prévue par le droit fédéral. La DGS avait en outre indiqué que la même solution serait appliquée aux médecins expérimentés, au motif qu’ils étaient aptes à enseigner et à former la relève. Une telle situation créait une importante distorsion du marché entre les médecins exerçant dans le domaine ambulatoire des hôpitaux et ceux fournissant des prestations ambulatoires dans un autre contexte, alors même que la nouvelle réglementation de la clause du besoin avait pour but de supprimer ce type de distorsion. Il s’agissait d’une mesure de politique économique visant à favoriser un type d’acteur économique au détriment des autres.

b. Le 8 décembre 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

En l’absence de données, la DGS avait dû conduire une enquête pour se conformer au droit fédéral. De manière générale, les ETP recherchés ne représentaient que les activités ambulatoires à charge de l’AOS, excluant l’activité stationnaire et celle à charge d’autres régimes d’assurance. Ainsi, par exemple, un médecin spécialiste en chirurgie exerçant à 100 % à la charge de l’AOS ne pouvait être décompté comme un EPT complet dans ce domaine de spécialité car, en pratique, il consacrait une part de son temps de travail à fournir des prestations dans le domaine stationnaire et, sur son temps de travail résiduel, effectuait également des consultations sans activité chirurgicale ou des tâches administratives. Le seul pourcentage d’activité pour la chirurgie pure en ambulatoire, à la charge de l’AOS, avait dès lors été pris en compte dans le calcul. La DGS avait ainsi déterminé le pourcentage d’activité d’un médecin dans la spécialité de prédilection pour laquelle il exerçait à la charge de l’AOS en ambulatoire dans un cabinet, au sein d’une institution ou dans le domaine ambulatoire des hôpitaux. D’abord, des invitations avaient été transmises, d’une part, à toutes les personnes physiques et morales détentrice d’un code créancier actif, auxquelles 60,8 % des participants avaient répondu, et, d’autre part, aux hôpitaux figurant sur la liste hospitalière cantonale concernant les médecins employés fournissant des prestations ambulatoires à la charge de l’AOS. La DGS avait consolidé les données provenant de ces deux sources, éliminé les doublons et pondéré les résultats afin de compenser au mieux les réponses manquantes. Ainsi, un taux d’activité moyen avait été calculé pour chaque spécialité sur la base des réponses valides pour être appliqué au nombre des médecins de ladite spécialité qui n’avaient pas répondu. Il en résultait un calcul de l’offre solide et traçable, qui permettait une analyse des améliorations à mettre en place pour les années à venir. Par ailleurs, à la suite des échanges avec les fédérations médicales genevoises, la DGS avait retenu le besoin de permettre aux médecins de déclarer des taux d’activité pour au moins deux spécialités dès 2023 au lieu d’une spécialité comme pour 2022. Ces améliorations étaient essentielles car la législation fédérale prévoyait que le calcul de l’offre resterait une compétence cantonale même à l’issue de la période transitoire. A______, en tant que membre de la commission quadripartite, avait été régulièrement informée du processus de détermination des EPT maximaux des médecins exerçant à la charge de l’AOS figurant dans l’annexe A du règlement litigieux. Malgré des demandes répétées, elle n’avait toutefois pas été capable de fournir à l’autorité sanitaire cantonale des statistiques fiables sur le nombre de médecins exerçant effectivement à la charge de l’AOS pour chaque spécialité médicale à Genève, alors qu’elle se trouvait sur le terrain.

La liberté économique n’était pas non plus violée, pas plus que le droit supérieur. En effet, le canton devait avant tout s’assurer de l’adéquation de la couverture des besoins en soins ambulatoires et de son adaptation en cas de pénurie avérée. L’objectif du règlement litigieux était de réguler l’admission à facturer à la charge de l’AOS, tout en permettant de couvrir les besoins en soins de la population. Il était dès lors évident que si des besoins devaient être identifiés, rôle de la commission quadripartite, alors la DGS pourrait lever tout ou partie des restrictions, comme le mentionnait l’art. 7 al. 2 RaOFNMMPA, dont aucun des cas de figure n’était à privilégier par rapport à l’autre. Les HUG constituaient un établissement de référence au niveau national et international en matière de formation de médecins et, à ce titre, Genève ne pouvait agir comme un quelconque autre canton et devait ainsi s’assurer qu’il disposait de suffisamment de médecins formateurs admis à facturer à la charge de l’AOS. Ces éléments, précisés à A______ dans le courrier du 11 octobre 2022, ne signifiaient pas que les HUG seraient systématiquement favorisés par rapport aux « médecins de ville ». En définitive, si un intérêt public devait être protégé, il appartiendrait au canton de prendre une mesure respectant la jurisprudence afin de ne pas contrevenir au principe de l’égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique.

c. Par décision du 23 novembre 2022, la chambre constitutionnelle a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

d. Le 9 janvier 2023, les recourants ont persisté dans leur recours.

La fixation arbitraire des nombres maximaux découlait non seulement d’un recensement incomplet, mais également d’une méthodologie non conforme à l’ordonnance fédérale.

En effet, d’une part, à la suite du dépôt du recours, ils avaient procédé à un nouveau calcul pour déterminer l’offre de médecins pour la spécialisation de gastroentérologue, ce qui les avait conduits à constater encore une fois que les EPT figurant dans le RaOFNMMPA étaient le résultat d’une grossière sous-estimation. Ainsi, en prenant en compte les seuls EPT confirmés, ils étaient arrivés à un total de 37,4 EPT pour cette spécialité, alors que le règlement n’en retenait que 28,68.

D’autre part, en procédant au calcul, la DGS avait comptabilisé la seule activité ambulatoire des médecins, en violation de l’art. 2 de l’ordonnance fédérale, qui ne prévoyait pas une telle limitation, pas plus que le commentaire y relatif. Ainsi, le calcul de l’offre de médecins selon le droit fédéral dépendait du temps de travail effectué par les médecins, sans égard à la proportion de ce temps de travail consacrée aux prestations ambulatoires, puisqu’à la fin de la période transitoire, le volume des prestations ambulatoires serait pris en compte au niveau du taux de couverture, par l’entremise du modèle de régression national, qui n’était pas encore disponible. La DGS devait dès lors effectuer le recensement de tous les médecins selon la méthode découlant du droit fédéral et n’était pas habilitée à prendre en compte uniquement leur activité ambulatoire.

e. Le 19 janvier 2023, le Conseil d’État a précisé que les recourants, en prétendant que les EPT auraient dû être calculés sur la base du taux d’activité global de chaque médecin au lieu de celui effectué en ambulatoire à la charge de l’AOS, perdaient de vue la logique du nouveau cadre légal fédéral, qui visait à fixer les nombres maximaux de médecins en EPT uniquement dans le domaine ambulatoire à la charge de l’AOS. Sous peine de violer le droit fédéral, il n’était ainsi pas possible de prendre en considération le taux d’activité de ces médecins pour leurs activités stationnaires ou administratives ou lorsqu’ils délivraient des prestations remboursées par l’assurance-accidents ou l’assurance-invalidité, dès lors qu’il ne s’agissait pas de la couverture de ces derniers besoins qui devait être calculée. Le grief des recourants tombait par conséquent à faux.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) 1.1 La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

1.2. Le recours est formellement dirigé contre un règlement cantonal, à savoir le RaOFNMMPA, et ce en l’absence de cas d’application (ACST/22/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1b). Il a été interjeté dans le délai légal à compter de la publication dudit règlement dans la FAO du 20 septembre 2022 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), et satisfait également aux réquisits de forme et de contenu prévus aux art. 64 al. 1 et 65 al. 1 à 3 LPA. Il sera toutefois précisé que, même s’ils concluent à l’annulation du règlement entrepris, les recourants n’invoquent des griefs qu’à l’encontre des art. 6 al. 2 cum annexe A et 7 al. 2 RaOFNMMPA. Ne seront dès lors examinées dans le cadre du présent contrôle abstrait des normes que les dispositions spécifiquement contestées par les recourants, le contrôle effectué par la chambre de céans ne pouvant s’étendre, en l’absence de tout grief motivé, à l’ensemble des dispositions susmentionnées (ACST/21/2022 du 9 décembre 2022 consid. 2c).

2) 2.1. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). L’art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/3/2023 du 16 février 2023 consid. 2a).

2.1.1. Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 147 I 308 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_357/2021 du 19 mai 2022 consid. 2.2). La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 147 I 478 consid. 2.2).

2.1.2. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir en son nom propre lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure. De même, sans être touchée dans ses intérêts dignes de protection, cette possibilité lui est reconnue pour autant qu’elle ait pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d’entre eux et que chacun de ceux-ci ait qualité pour s’en prévaloir à titre individuel (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; ACST/21/2022 précité consid. 3b). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l’un de ses membres ou pour une minorité d’entre eux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2).

2.2. En l’espèce, les médecins recourants risquent d’être directement concernés par le règlement qu’ils contestent si, après l’obtention de leur diplôme postgrade, ils souhaitent établir leur pratique à Genève et être admis à facturer à la charge de l’AOS, si bien qu’ils disposent de la qualité pour recourir. Il n’en va pas de même de l’association recourante, en l’absence de toute indication sur l’intérêt de la majorité de ses membres, du moins d’une grande partie d’entre eux, à l’annulation de l’acte entrepris, dans la mesure où ceux-ci apparaissent, selon ses statuts, être déjà installés en pratique indépendante et donc admis à facturer à la charge de l’AOS. La question peut toutefois souffrir de rester indécise étant donné que les médecins recourants ont qualité pour recourir.

3) À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 148 I 198 consid. 2.2 ; 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2020 du 15 juin 2022 consid. 3.1 ; ACST/4/2023 du 16 février 2023 consid. 3 et les références citées).

4) Les recourants reprochent à l’art. 6 al. 2 cum annexe A RaOFNMMPA d’être contraires au droit supérieur sous l’angle de la primauté du droit fédéral et d’être arbitraires, griefs qui se confondent avec l’allégué – pour autant qu’il soit invocable dans le cadre du contrôle abstrait d’un acte normatif – selon lequel l’autorité intimée aurait procédé à une constatation inexacte des faits pertinents en lien avec l’offre de médecins au sens des art. 2, 8 et 9 de l’ordonnance fédérale.

4.1. Un acte normatif viole le principe de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) s’il ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou s’il est dépourvu de sens et de but. Les organes politiques se voyant reconnaître une grande liberté dans l’élaboration des lois et règlements, le juge n’a pas à revoir l’opportunité des choix effectués dans ce cadre et n’annulera donc pas une disposition légale au motif que d’autres solutions lui paraîtraient envisageables, voire même préférables (ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 4.1 ; 2C_327/2018 du 16 décembre 2019 consid. 7.1).

4.2. Selon l’art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu’elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 148 II 121 consid. 8.1).

4.2.1. L’art. 117 al. 1 Cst. confère à la Confédération la compétence de légiférer sur l’assurance-maladie et sur l’assurance-accident.

Sur cette base, elle a notamment édicté la LAMal, qui régit l’assurance-maladie sociale comprenant en particulier l’AOS (art. 1a al. 1 LAMal). Le 19 juin 2020, afin d’empêcher l’augmentation du nombre des fournisseurs de prestations et la hausse des coûts de la santé qui y est liée, le législateur fédéral a réintroduit l’art. 55a LAMal, qui prévoit, dans sa teneur applicable depuis le 1er juillet 2021, que les cantons limitent, sous certaines conditions, le nombre de médecins qui fournissent des prestations à la charge de l’AOS.

Faisant usage de la compétence prévue à l’art. 55a al. 2 LAMal, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance fédérale, selon laquelle la fixation par les cantons des nombres maximaux se fonde sur le calcul de l’offre de médecins et sur le taux de couverture des besoins par région (art. 1 al. 1 de l’ordonnance fédérale), les cantons étant chargés du calcul de l’offre de médecins – sur la base de la méthodologie prévue à l’art. 2 de l’ordonnance fédérale – et le DFI de définir un modèle de régression de l’offre en prestations médicales ambulatoires, applicable pour l’ensemble de la Suisse (art. 3 de l’ordonnance fédérale). Durant la période transitoire, soit jusqu’au 30 juin 2025 au plus tard, les cantons peuvent prévoir que l’offre de médecins calculée selon l’art. 2 de l’ordonnance fédérale correspond, par domaine de spécialisation médicale et par région, à une couverture économique répondant aux besoins (art. 9 de l’ordonnance fédérale). Outre le calcul de l’offre de médecins, les cantons peuvent aménager le régime de la limitation, en prévoyant que les nombres maximaux ne s’appliquent pas à un ou plusieurs domaines de spécialités ou à une partie de leur territoire et, si la couverture sanitaire est insuffisante dans un domaine de spécialité, ils peuvent admettre un nombre de personnes supérieur à celui fixé (Message, op. cit., FF 2018 3263, p. 3287). Il appartient ainsi aux cantons, dans le cadre du droit fédéral, de fixer de manière autonome les conditions de la limitation du nombre de médecins, qui constituent dès lors du droit d’exécution cantonal autonome (Message, op. cit., FF 2018 3263, p. 3294).

4.2.2. Dans ce cadre, en vue de la mise en œuvre de la limitation du nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires à la charge de l’AOS durant la période transitoire de l’art. 9 de l’ordonnance fédérale, le Conseil d’État a adopté le RaOFNMMPA (art. 1 RaOFNMMPA), qui limite l’admission des médecins exerçant dans un cabinet une activité dépendante ou indépendante, au sein d’une institution ou dans le domaine ambulatoire des hôpitaux (art. 4 RaOFNMMPA). Les nombres maximaux sont déterminés en EPT dans chaque domaine de spécialisation, conformément à l’annexe A (art. 6 RaOFNMMPA), une admission à facturer à la charge de l’AOS ne pouvant être délivrée que si lesdits nombres maximaux ne sont pas atteints par domaine de spécialisation (art. 7 al. 1 RaOFNMMPA), sauf en cas de besoins en soins de la population, notamment pour des raisons d’intérêt public, auquel cas la DGS, sur recommandation de la commission quadripartite le cas échéant (art. 11 al. 2 RaOFNMMPA), peut décider de ne pas appliquer momentanément de limitation dans un ou plusieurs domaines de spécialisation ou dans un périmètre géographique du canton (art. 7 al. 2 RaOFNMMPA).

4.3. En l’espèce, les recourants se plaignent du recensement de l’offre existante de médecins fournissant des prestations ambulatoires selon l’art. 6 al. 2 cum annexe A RaOFNMMPA de deux points de vue.

4.3.1. En se basant sur un recensement effectué par leurs soins pour les spécialités de la chirurgie pédiatrique et de la gastroentérologie, ils soutiennent en premier lieu que celui effectué par la DGS l’aurait été de manière incomplète, ce qui aurait abouti à une grossière sous-estimation de l’offre et donc des nombres maximaux figurant à l’annexe A. Dans ce cadre, les recourants ne se plaignent pas tant de la méthode utilisée par la DGS, qui leur a été expliquée de manière détaillée, que du résultat auquel elle est parvenue, lui opposant le résultat de leurs propres estimations effectuées selon leur propre méthodologie, ce qui pose du reste problème au regard de ce qui suit concernant leur deuxième grief.

Il ressort en particulier des explications fournies par le Conseil d’État qu’en l’absence de données, la DGS a dû conduire une double enquête, d’abord en envoyant des invitations à toutes les personnes physiques et morales détentrice d’un code créancier actif, auxquelles 60,8 % des participants ont répondu, et, d’autre part, aux hôpitaux figurant sur la liste hospitalière cantonale concernant les médecins employés fournissant des prestations ambulatoires à la charge de l’AOS. La DGS a ensuite consolidé les données provenant de ces deux sources, éliminé les doublons et pondéré les résultats afin de compenser les réponses manquantes.

Le procédé suivi par la DGS s’inscrit dans le cadre du droit fédéral, qui laisse au demeurant une grande autonomie aux cantons pour définir l’offre effective de soins, puisqu’il prévoit que ces derniers peuvent relever eux-mêmes le nombre d’EPT auprès des fournisseurs de prestations et reconnaît que les données peuvent être lacunaires, raison pour laquelle un calcul proportionnel au volume de prestations fourni par d’autres fournisseurs de prestations similaires peut être effectué (art. 2 al. 4 de l’ordonnance fédérale). À cela s’ajoute que de nombreux échanges et plusieurs séances ont eu lieu entre les autorités sanitaires cantonales et l’association recourante, laquelle a été informée de l’enquête menée par la DGS en vue du recensement de l’offre existante, à laquelle elle a du reste été invitée à participer. Par ailleurs, à la suite de ces échanges, la DGS a admis la déclaration des taux d’activité pour au moins deux spécialités, comme l’avait requis A______.

Il s’ensuit que les nombres maximaux établis par l’autorité intimée ne sont pas contraires au droit supérieur et encore moins arbitraires.

4.3.2. En deuxième lieu, selon les recourants, pour effectuer le recensement de l’offre existante, la DGS n’aurait pas dû prendre en compte le seul taux d’activité des médecins dans le domaine ambulatoire, mais aurait dû se baser sur leur temps de travail global, sous peine de conduire à un résultat arbitraire, au demeurant contraire à l’ordonnance fédérale.

Il est vrai que l’art. 2 de l’ordonnance fédérale indique que les cantons calculent l’offre à partir du temps de travail effectué par les médecins, exprimé en EPT, et qu’il ne fait pas mention, pas plus que l’art. 55a LAMal, de l’activité à prendre en compte, ambulatoire ou non. Il n’en demeure pas moins que le calcul du seul taux d’activité dans le domaine ambulatoire est inhérent au système de la limitation du nombre de médecins qui fournissent des prestations dans ledit domaine à la charge de l’AOS et qu’il serait contraire à ce système que les cantons se basent sur le temps de travail global d’un médecin pour établir les EPT. En prévoyant que les cantons chargés de la mise en œuvre de l’art. 55a LAMal prennent en considération tous les secteurs du domaine ambulatoire, soit aussi bien les médecins en cabinet que ceux qui pratiquent dans des institutions de soins ambulatoire ou au sein d’un hôpital pour la part exercée dans le domaine ambulatoire, le message du Conseil fédéral concernant ladite disposition ne va pas dans un autre sens (Message, op. cit. FF 2018 3263, p. 3288). Le fait que le modèle de régression prenne en compte le volume des prestations ambulatoires n’est du reste pas déterminant, dès lors que ledit modèle n’est pas encore disponible, raison pour laquelle, durant la période transitoire, les cantons peuvent prévoir que l’offre de médecins correspond, par domaine de spécialisation médicale et par région, à une couverture économique répondant aux besoins (art. 9 de l’ordonnance fédérale).

Il s’ensuit que pour déterminer l’offre de médecins, la DGS n’avait pas à prendre en compte leur taux d’activité global, mais seulement celui du domaine ambulatoire à la charge de l’AOS. Ainsi, tant la méthode appliquée pour déterminer l’offre de médecins que le résultat auquel le Conseil d’État est parvenu sont exempts d’arbitraire et sont conformes à l’art. 55a LAMal et à l’ordonnance fédérale.

4.4. Enfin, en faisant grief à l’art. 6 al. 2 cum annexe A d’être contraires à la liberté économique en tant qu’ils empêchent les médecins de s’installer en pratique indépendante et les obligent à rester pendant une période prolongée sur une liste d’attente, les recourants contestent indirectement la clause du besoin instituée par l’art. 55a LAMal. Or, le Tribunal fédéral a déjà jugé la conformité à la liberté économique de ladite clause, considérant qu’elle poursuivait un but de politique sociale admissible au regard de cette liberté, dès lors que la limitation de l’admission à pratiquer à la charge de l’AOS visait à freiner l’augmentation des coûts de la santé et donc des primes d’assurance-maladie, et qu’elle était conforme au principe de la proportionnalité (ATF 140 V 574 consid. 5.2.2 ; 130 I 26). Il n’y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence, qui lie la chambre de céans. Le grief sera dès lors écarté.

5) Les recourants critiquent la levée temporaire de la clause du besoin pour des raisons d’intérêt public selon l’art. 7 al. 2 RaOFNMMPA, qui serait contraire à la liberté économique sous l’angle de l’égalité de traitement entre concurrents directs, au vu de l’intention déclarée de la DGS consistant à en faire usage en faveur des seuls HUG, comme l’attesterait le courrier du 11 octobre 2022.

Les recourants ne contestent ainsi pas la disposition en tant que telle, mais la manière par laquelle les autorités sanitaires pourraient l’appliquer, se référant au courrier de la DGS précité. Ils perdent toutefois de vue que ledit courrier répond aux précédentes remarques de l’association recourante du 27 septembre 2022, en particulier s’agissant de la possible levée des nombres maximaux en faveur des HUG lors du départ à la retraite d’un chef de service ou pour régler la situation des médecins internes. L’on ne saurait ainsi y voir l’annonce d’une future pratique ou manière d’appliquer l’art. 7 al. 2 RaOFNMMPA par la DGS, comme l’a du reste indiqué l’autorité intimée devant la chambre de céans. Ladite disposition ne vise dès lors pas à favoriser le domaine ambulatoire des hôpitaux, de sorte qu’elle n’emporte pas d’atteinte à la liberté économique sous l’angle de l’égalité de traitement entre concurrents directs. Il sera en outre rappelé que les décisions prises en application du RaOFNMMPA pourront faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (art. 15 RaOFNMMPA), laquelle est habilitée à procéder au contrôle concret de la disposition litigieuse en lien avec le grief susmentionné s’il est invoqué.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté conjointement le 20 octobre 2022 par A______ ainsi que par Messieurs B______ et C______ contre le règlement d’application de l’ordonnance fédérale sur la fixation de nombres maximaux de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires du 14 septembre 2022 (RaOFNMMPA - J 3 05.50), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 20 septembre 2022 ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de A______ ainsi que de Messieurs B______ et C______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Ducor, avocat des recourants, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mme Lauber, MM. Knupfer et Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :