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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/1700/2022

ACST/22/2022 du 09.12.2022 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 27.01.2023, rendu le 12.02.2024, REJETE, 2C_56/2023, 1C_92/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1700/2022-ABST ACST/22/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 9 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
et
COMMUNE B______
et
COMMUNE C______
représentés par Mes Killian Sudan et Pascal Pétroz, avocats

contre

CONSEIL D’ÉTAT

 


EN FAIT

1) a. Monsieur A______ est propriétaire d’immeubles d’habitation sis à Genève à la route B______, construits avant 1932 et entièrement chauffés au mazout, comprenant plusieurs logements loués.

b. Les communes B______ et C______ disposent d’un patrimoine de plusieurs bâtiments, comme une mairie, des écoles, une salle polyvalente ou encore des logements destinés à la location, qui sont chauffés au gaz ou au mazout.

2) En octobre 2019, le Grand Conseil a adopté la motion M 2'520 « Une réponse politique à l’appel des jeunes pour sauver le climat ! » et invité le Conseil d’État à déclarer l’urgence climatique et à compléter le plan climat cantonal (ci-après : PCC) notamment en fixant une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2050 et en développant des indicateurs concrets permettant de mesurer les progrès réalisés ainsi qu’un calendrier de mise en œuvre.

3) Le 4 décembre 2019, le Conseil d’État a fait droit à cette invite et déclaré l’urgence climatique.

4) Le 2 décembre 2020, le Conseil d’État a adopté le plan directeur de l’énergie (ci-après : PDE) visant à permettre l’accélération de la transition énergétique du canton et prévoyant de diviser par trois et demi la consommation d’énergie et de multiplier par trois la part des énergies renouvelables. Pour ce faire, les orientations prioritaires à atteindre d’ici 2030 au niveau cantonal étaient la sortie du chauffage fossile, la rénovation massive du parc bâti, le développement de réseaux thermiques et la valorisation du potentiel du territoire en matière d’énergies renouvelables.

5) Le 14 avril 2021, le Conseil d’État a adopté le PCC 2030 visant plusieurs axes stratégiques, dont la réduction, en dix ans, d’environ 55 % de la consommation d’énergie primaire fossile par habitant, le développement de solutions de substitution basées sur les énergies renouvelables et la stabilisation de la consommation d’électricité. Dans ce contexte, les limitations à l’installation des chauffages fossiles en vigueur pour les bâtiments neufs devaient être étendues aux bâtiments existants. Parallèlement, des investissements importants seraient consentis en faveur du développement de solutions d’approvisionnement alternatives, basées sur les énergies renouvelables locales. Étant donnée la volonté de reporter les consommations thermiques fossiles vers des consommations électriques, via notamment le développement des pompes à chaleur (ci-après : PAC) et la mobilité électrique, les productions électriques renouvelables locales devaient être augmentées afin de limiter le recours à une électricité importée fortement carbonée.

6) En mars 2022, l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) a établi un rapport de synthèse et de commentaires suite à la consultation de différentes entités publiques et privées au sujet de la modification projetée du règlement d’application de la loi sur l’énergie du 31 août 1988 (REn - L 2 30.01). Il indiquait en particulier que certaines notions seraient clarifiées dans les documents d’accompagnement du REn, à savoir l’aide à l’application ou encore les formulaires, comme la notion de « tout autre composant annexe » des installations de production de chaleur. Par ailleurs, en tous les cas, le principe de proportionnalité resterait applicable.

Au niveau du contenu du concept énergétique de bâtiment (ci-après : CEB), la précision de variantes de haute ou très haute performance énergétique (ci-après, respectivement : HPE et THPE) ou équivalentes permettait d’orienter les propriétaires concernés vers les solutions les plus intéressantes d’un point de vue énergétique, sans pour autant que ces variantes soient effectivement réalisées. Par ailleurs, selon la loi sur l’énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30), l’exigence de l’établissement d’un CEB n’était posée que pour les bâtiments d’importance, soit ceux présentant un enjeu énergétique et pour lesquels la sensibilisation des propriétaires aux solutions de rénovation plus performantes était déterminante. À l’inverse, exiger un CEB avec une seule variante serait inutile et disproportionné, car redondant avec le dossier déposé en autorisation de construire. À cela s’ajoutait que l’exigence de plusieurs variantes relevait directement de la loi.

Un guide de bonnes pratiques pour l’implantation des PAC en zone 4B protégée serait rédigé. La possibilité d’autoriser l’usage des PAC alimentées en énergies renouvelables pour produire du froid était une piste à explorer pour faire face aux étés caniculaires ; dans l’intervalle toutefois, le dispositif légal concernant les autorisations de climatisation resterait pleinement applicable.

Pour les installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles, la fixation d’un seuil bas, à 5 kW, était essentielle dans l’atteinte des objectifs énergétiques afin de permettre le contrôle des installations posées et de soumettre celles de petite puissance à l’alimentation prioritaire et dans toute la mesure du possible en énergies renouvelables ou de récupération. Ce seuil était le résultat du recensement des chaudières, par puissance et selon l’affectation du bâtiment, effectué par l’OCEN et les services industriels de Genève (ci-après : SIG). Ledit recensement avait démontré que la majorité des chaudières fossiles qui seraient changées ces trois prochaines années concernaient des villas et avaient une puissance oscillant entre 10 kW et 30 kW. La plupart de ces chaudières étaient surdimensionnées, si bien qu’en fixant un seuil plus haut, par exemple à 10 kW, de nombreux bâtiments, essentiellement des villas, ne seraient plus concernés par le dispositif réglementaire, alors même que la technologie actuelle était adaptée à ce type de puissance. L’expérience et les études avaient ainsi démontré que pour les petites puissances, l’utilisation d’énergie entièrement renouvelable par le biais de la pose de PAC était réalisable, étant précisé que la mise en place d’installations fonctionnant en bivalence serait examinée au cas par cas. La fixation d’un seuil à 5 kW permettait en outre de contrôler que les conditions d’autorisation pour les chaudières fossiles soient remplies, le régime de déclaration n’ayant pas atteint un tel objectif, puisque sur la centaine de chaudières changées chaque année, seule une dizaine avait été annoncée à l’OCEN. Un régime d’autorisation soumettait ainsi les propriétaires à une procédure administrative et permettait à l’autorité de les orienter vers des solutions en adéquation avec les politiques publiques suivies. Le dispositif devait également être considéré dans son ensemble, puisqu’il n’interdisait pas la pose de chaudières fossiles mais la soumettait au respect de certaines conditions relevant de l’efficacité exergétique.

Le remplacement du brûleur ou de tout autre composant annexe à une chaudière fossile ne nécessiterait aucune autorisation tant que la chaudière avait moins de vingt ans. En cas de chaudière plus ancienne, le principe de la priorité aux énergies renouvelables s’appliquait, de même que l’exigence d’un haut degré d’efficacité exergétique, étant précisé qu’en tous les cas le principe de proportionnalité s’appliquerait.

L’indice de dépense de chaleur (ci-après : IDC) devait être distingué de l’IDC admissible (ci-après : IDCa), qui était un indice théorique établi avant les travaux, et donc avant la mise en service du bâtiment, dans le processus d’autorisation de construire, alors que le premier était un indice mesuré sur la base des consommations réelles. Les seuils actuels d’IDC étaient trop élevés pour inciter la majeure partie du parc bâti à s’engager dans un processus d’optimisation et/ou de rénovation énergétique permettant la transition énergétique du canton. De plus, une multitude de seuils à respecter ou à partir desquels différentes mesures étaient définies pour le propriétaire représentait un obstacle tant pour les administrés que pour l’autorité. Une refonte du dispositif se justifiait par conséquent, laquelle se basait sur trois axes, à savoir un seuil unique enclenchant l’optimisation énergétique, une valeur de dépassement significatif du seuil IDC enclenchant la rénovation énergétique, progressivement abaissée au fil des ans, ainsi qu’une procédure simple et transparente. Cette stratégie et son déploiement dans le temps permettait d’atteindre les objectifs climatiques et énergétiques fixés. De manière générale, étaient en premier lieu visées les « passoires énergétiques », qui devaient faire l’objet de travaux de rénovation énergétiques dans un délai court, ce qui permettait également d’économiser des kWh rapidement et pour un moindre coût, en imposant une optimisation énergétique à tous les bâtiments avec un indice au-dessus du seuil. Enfin, l’abaissement dans le temps de la valeur de dépassement significatif permettait, à terme, de procéder à un assainissement global du parc bâti. Les entreprises et faîtières consultées avaient en outre confirmé la capacité du marché à répondre à la demande selon les délais prévus. Par ailleurs, le délai de douze mois pour mettre en œuvre un audit énergétique et des mesures d’amélioration permettait de donner un cadre, étant précisé qu’un délai supplémentaire pourrait être accordé. L’administration n’avait pas vocation à s’insérer dans la gestion des projets de rénovation des bâtiments, le but de l’obligation de procéder à un audit énergétique et le principe de sa dispense étant que le propriétaire soit conscient de l’état de son bâtiment et des solutions envisageables. Une dispense totale d’audit ne serait ainsi pas conforme au cadre légal, visé à l’art. 15C al. 4 et 6 LEn, et n’atteindrait pas le but recherché. Une précision quant à la capacité du propriétaire à financer les mesures ordonnées par l’administration avait également été prévue dans le REn. Dans ce cadre, l’incapacité financière devait être démontrée par le propriétaire au moyen d’un dossier complet.

En application du principe de la légalité, il n’était pas possible de prévoir dans le REn l’inapplicabilité de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) aux travaux réalisés pour son application. De plus, les « plafonds LDTR » avaient fait l’objet d’une adaptation à la hausse le 12 janvier 2022.

7) Le 13 avril 2022, le Conseil d’État a adopté le règlement modifiant le REn, dont la teneur est la suivante :

« Art. 1 Modifications

Le règlement d’application de la loi sur l’énergie, du 31 août 1988 (REn – L 2 30.01), est modifié comme suit :

[ ]

Art. 12K, al. 1 (nouvelle teneur), al. 6 à 9 (abrogés, les al. 10 à 13 anciens devenant les al. 6 à 9)

Lors de la construction ou de la rénovation d’un bâtiment, un indice de dépense de chaleur admissible relatif aux besoins de chauffage et d’eau chaude sanitaire est calculé par la personne requérante en autorisation de construire.

[ ]

Art. 13 (nouvelle teneur)

Le concept énergétique de bâtiment au sens de l’article 6, alinéa 12, de la loi est fondé notamment sur un concept énergétique territorial.

Un concept énergétique de bâtiment est réalisé dans le cadre de la construction ou de la rénovation de tout bâtiment d’importance au sens de l’article 13B, à l’exception des constructions ou rénovations qui respectent un standard de très haute performance énergétique au sens de l’article 12C.

Le concept énergétique de bâtiment doit présenter au moins une variante conforme ou équivalente à un standard de haute performance énergétique au sens de l’article 12B et une variante conforme ou équivalente à un standard de très haute performance énergétique au sens de l’article 12C, ainsi que les plans d’assainissement portant sur les éléments suivants :

a) l’isolation de l’enveloppe thermique ;

b) les installations productrices de chaleur ;

c) les installations assurant le confort estival et hivernal ;

d) l’exploitation maximale des énergies renouvelables disponibles dans le périmètre du bâtiment ;

e) le système de régulation et de suivi au sens de l’article 14H.

Une étude de rentabilité technico-économique des variantes du concept énergétique de bâtiment est jointe au dossier de requête en autorisation de construire.

Le département peut déroger à certaines prescriptions visées aux alinéas 1 à 4, notamment en matière de variantes, s’agissant de la rénovation de bâtiments d’importance et pour les bâtiments classés, inscrits à l’inventaire ou situés dans les zones protégées de la Vieille-Ville ou du vieux Carouge, au sens de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988.

Un concept énergétique de bâtiment n’est notamment pas exigé :

a) en cas d’extension d’un bâtiment d’importance, si la nouvelle construction représente moins de 15 % de la surface de référence énergétique du bâtiment, pour autant qu’elle ne dépasse pas 500 m2 et n’exige pas une modification du système de production de chaleur ; ou

b) en cas de rénovation partielle d’un bâtiment d’importance concernant moins de 15 % de l’enveloppe thermique hors sol et si elle ne porte pas sur le système de production de chaleur.

[ ]

Section 3A Installations productrices de chaleur

du chapitre IV (nouvelle)

Art. 13M Principe (nouveau)

Lors de la mise en place, du remplacement ou de la transformation d’une installation productrice de chaleur, celle-ci doit être alimentée prioritairement et dans toute la mesure du possible par des énergies renouvelables ou des rejets de chaleur.

Pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire d’un bâtiment, l’énergie issue d’une pompe à chaleur est assimilée à une énergie renouvelable.

Le changement du brûleur ou de tout autre composant annexe d’une installation productrice de chaleur datant de 20 ans ou plus équivaut à une transformation d’une installation au sens de l’article 21, alinéa 2, de la loi.

Les pompes à chaleur réversibles utilisées pour la production de froid de confort sont soumises au régime de l’autorisation énergétique de climatisation de confort au sens de l’article 13H.

Par système de chaleur force ou cogénération au sens de l’article 21, alinéa 1, de la loi, on entend un système ou une installation produisant simultanément de la chaleur et de l’électricité, qui est en règle générale pilotée par les besoins de chaleur.

Les prescriptions énergétiques visées à l’article 12I du présent règlement sont réservées.

 

Art. 13N Installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles ou en bivalence (nouveau)

La mise en place, le remplacement ou la transformation d’une installation productrice de chaleur alimentée en combustibles fossiles est soumis à autorisation énergétique au sens de l’article 13D dès une puissance thermique nominale globale de 5 kW.

Par couverture raisonnable de la demande d’énergie au moyen d’énergies renouvelables ou de rejets de chaleur au sens de l’article 21, alinéa 3, lettre a, de la loi, on entend la présence d’une ressource d’énergie renouvelable ou de rejets de chaleur disponibles en quantité suffisante pour être exploitée à des coûts non disproportionnés.

Par meilleure technologie disponible au sens de l’article 21, alinéa 3, lettre b, de la loi, on entend celle qui permet le plus de limiter les émissions de polluants pour un même degré d’efficacité exergétique.

Par installation présentant un haut degré d’efficacité exergétique au sens de l’article 21, alinéa 3, lettre b, de la loi, on entend :

a) une installation productrice de chaleur à condensation alimentant en basse température un bâtiment présentant une efficacité énergétique globale de classe D selon le certificat énergétique cantonal des bâtiments ; ou

b) une installation productrice de chaleur à condensation alimentant en basse température un bâtiment dont le volume chauffé répond au minimum aux exigences de la recommandation SIA 380/1, édition 1988, et qui intègre une production d’énergie renouvelable couvrant 30 % des besoins globaux de chaleur.

Lorsqu’une installation productrice de chaleur alimentée en combustibles fossiles est soumise à autorisation, la personne requérante remet au département un justificatif selon lequel l’installation s’intègre dans une vision globale du ou des bâtiments qu’elle alimente et tient compte de l’évolution de l’ensemble des besoins thermiques de l’environnement bâti de manière à limiter au maximum les besoins en énergie, notamment en évitant la multiplication des installations.

Sont réservées les dispositions d’autres règlements, notamment du règlement sur la protection de l’air, du 22 février 2012, et du règlement d’application de la loi sur le ramonage et les contrôles spécifiques des émanations de fumée, du 24 mars 1982.

[ ]

Art. 14 Indice de dépense de chaleur et mesures en cas de dépassement du seuil (nouvelle teneur avec modification de la note)

Seuil et dépassement significatif

1 Le seuil d’indice de dépense de chaleur prévu aux articles 15C, alinéa 4, et 22F, alinéa 5, de la loi, est de 125 kWh/m2.an (450 MJ/m2.an). Il y a dépassement du seuil d’indice de dépense de chaleur lorsque l’indice de dépense de chaleur moyen des 3 dernières années est supérieur à cette valeur.

2 Il y a dépassement significatif du seuil d’indice de dépense de chaleur au sens de l’article 15C, alinéa 4, de la loi lorsque l’indice de dépense de chaleur moyen des 3 dernières années est supérieur à 222 kWh/m2.an (800 MJ/m2.an) jusqu’au 31 décembre 2026, supérieur à 180k Wh/m2.an (650 MJ/m2.an) dès le 1er janvier 2027 et jusqu’au 31 décembre 2030, et supérieur à 153 kWh/m2.an (550 MJ/m2.an) dès le 1er janvier 2031.

Audit et mesures énergétiques

3 Lorsque le seuil d’indice de dépense de chaleur est dépassé, le département ordonne la réalisation d’un audit énergétique et l’exécution de mesures d’amélioration aux frais de la personne propriétaire. L’application de l’article 12O est réservée.

4 L’audit énergétique et les mesures d’amélioration sont mis en œuvre dans un délai de 12 mois à compter de la notification de la décision administrative.

5 L’audit énergétique évalue la conformité du bâtiment et de ses installations aux prescriptions applicables en matière énergétique et présente les mesures d’amélioration et les travaux énergétiques qui peuvent être mis en œuvre.

6 Par travaux énergétiques au sens du présent article, on entend tous travaux d’isolation de l’enveloppe thermique du bâtiment, y compris le remplacement des embrasures en façade, le changement d’agent énergétique, la pose de capteurs solaires et la mise en place d’un système de récupération des rejets de chaleur.

7 Par mesure d’amélioration au sens du présent article, on entend toute mesure d’optimisation énergétique de l’exploitation définie par le cahier technique SIA 2048, édition 2015, ainsi que toute mesure permettant une réduction de la consommation énergétique du bâtiment, à l’exception des travaux énergétiques visés à l’alinéa 6.

Dispense d’audit

8 Pour les bâtiments présentant un indice de dépense de chaleur mesuré entre 125 kWh/m2.an (450 MJ/m2.an) et 153 kWh/m2.an (550 MJ/m2.an) inclus, l’établissement d’un audit énergétique n’est pas requis dans le cas où la réalisation de mesures d’amélioration suffit à ramener l’indice de dépense de chaleur au moins en dessous de 125 kWh/m2.an (450 MJ/m2.an).

Travaux énergétiques

9 Lorsque le seuil d’indice de dépense de chaleur est dépassé de manière significative au sens de l’alinéa 2, le département ordonne la réalisation de travaux énergétiques permettant de ramener l’indice de dépense de chaleur au moins en dessous de 125 kWh/m2.an (450 MJ/m2.an). Ces derniers sont réalisés dans un délai de 36 mois à compter de la notification de la décision administrative.

Dérogations

10 Lorsque les circonstances l’exigent, le département peut octroyer des dérogations à l’exécution des mesures prévues à l’alinéa 9, notamment pour :

a) les bâtiments dont l’affectation est hors des catégories définies par la norme SIA 380/1, édition 2016 ;

b) les bâtiments classés, inscrits à l’inventaire ou situés dans les zones protégées de la Vieille-Ville ou du vieux Carouge, au sens de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 ;

c) des raisons de non faisabilité technique démontrées par la personne propriétaire ;

d) les propriétaires qui apportent la preuve d’être dans l’incapacité de financer les mesures d’amélioration et d’assainissement énergétiques.

 

 

 

Art. 14A Modalité et obligation de calcul de l’indice de dépense de chaleur (nouvelle teneur avec modification de la note)

1 La personne propriétaire d’un bâtiment soumis à l’obligation de calculer l’indice de dépense de chaleur procède au calcul.

2 Le département organise un réseau de concessionnaires tiers professionnellement qualifiés habilités à calculer et à communiquer l’indice de dépense de chaleur.

3 La personne propriétaire peut mandater une personne faisant partie du réseau visé à l’alinéa 2 en lui communiquant toutes les données nécessaires au calcul de l’indice de dépense de chaleur. La personne mandatée procède au calcul et communique le résultat au département et à la personne propriétaire.

4 À défaut de calcul de l’indice de dépense de chaleur par la personne propriétaire ou la personne mandatée, le département procède au calcul et communique le résultat à la personne propriétaire, laquelle peut déposer une réclamation auprès du département dans un délai de 30 jours dès notification.

5 Sur demande du département, la personne propriétaire remet les données nécessaires au calcul.

6 En cas de réclamation visée à l’alinéa 4, la personne propriétaire peut mandater une personne faisant partie du réseau visé à l’alinéa 2 en lui communiquant toutes les données nécessaires au calcul de l’indice de dépense de chaleur. La personne mandatée procède au calcul et communique le résultat au département et à la personne propriétaire.

7 Lorsque l’indice de dépense de chaleur moyen des 3 dernières années d’un bâtiment d’habitation alimenté par une seule centrale de chauffe et comprenant moins de 5 preneurs de chaleur est inférieur ou égal au seuil de 125 kWh/m2.an (450 MJ/m2.an), la personne propriétaire est dispensée de l’obligation de calcul de l’indice de dépense de chaleur visée à l’alinéa 1. L’indice de dépense de chaleur doit à nouveau être calculé pendant 3 années consécutives après des travaux d’amélioration énergétique, soit notamment d’isolation d’un élément de l’enveloppe du bâtiment, d’installation de panneaux solaires thermiques, de remplacement des fenêtres ou d’installation d’un générateur de chaleur.

[ ]

Art. 3 Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le lendemain de sa publication dans la Feuille d’avis officielle. »

8) Ce règlement a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 19 avril 2022.

9) Par acte expédié le 24 mai 2022, M. A______ et les communes B______ et C______ ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre ce règlement, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et principalement à l’annulation des art. 12K al. 1, 13 al. 3 et 6 let. a, 13M al. 3 et 4, 13N al. 1, 14 et 14A REn tels que modifiés par le règlement modifiant le REn et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Les dispositions contestées étaient contraires à la garantie de la propriété et à la liberté économique, sous l’angle individuel et institutionnel, en tant qu’elles ne trouvaient aucune assise dans la loi formelle et qu’elles étaient disproportionnées, étant précisé que l’intérêt public qu’elles poursuivaient n’était pas critiquable.

Étant donné que l’art. 13 REn obligeait les propriétaires à élaborer un CEB, et ce même dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée (ci-après : APA), ils devaient assumer des coûts extrêmement importants dans l’étude de variantes THPE, dont la notion devenait plus exigeante au fil des ans, ainsi que dans l’analyse de plans d’assainissement, alors même que les conditions dérogatoires avaient été réduites. Ainsi, tout propriétaire qui entendait obtenir un gain sur la construction ou la rénovation d’un tel bâtiment était désavantagé compte tenu des coûts nouvellement induits par ces exigences, qui ne reposaient sur aucune base légale formelle. Si ces mesures pouvaient éventuellement être aptes à atteindre le but visé, elles n’en étaient pas moins prises au mépris des intérêts des propriétaires. La mission confiée par l’art. 167 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) aux autorités, lesquelles devaient encourager et favoriser les initiatives de rénovation énergétique, notamment sur la base de contributions financières, et non pas mener une politique coercitive en la matière, n’était ainsi pas respectée. Des mesures moins incisives, ménageant les propriétaires, pouvaient entrer en ligne de compte, comme une dérogation en matière d’APA, le maintien de l’art. 13 al. 5 aREn qui permettait de retenir la variante optimale sur le plan énergétique, ou encore le maintien du système dérogatoire, plus souple, de l’art. 13 al. 8 aREn.

Les art. 13M et 13N REn sortaient du cadre de la loi, puisque le Conseil d’État avait étendu l’obligation du dépôt d’une demande d’autorisation énergétique au changement de brûleur ou de tout autre composant annexe d’une installation datant de vingt ans ou plus, sans égard à la puissance de ladite installation, contrairement aux termes de l’art. 21 al. 2 LEn, accordant au demeurant une plus grande marge d’appréciation au département. Par ailleurs, étant donné que toute installation atteignant une puissance thermique nominale globale de 5 kW, soit deux cent fois moins que précédemment, était soumise à autorisation, tous les propriétaires étaient désormais concernés, ce qui engendrerait une procédure longue et coûteuse et, en conséquence, une surcharge de l’administration. Il n’existait pas non plus de nécessité de demander une autorisation énergétique en cas de changement de brûleur ou tout autre composant, puisque l’intérêt public recherché pouvait être atteint d’une autre manière, comme par l’abaissement, dans une juste mesure et de manière progressive, du seuil de puissance de l’installation justifiant le dépôt d’une demande d’autorisation énergétique, sans passer par la mise en place d’un « État de contrôle ».

Les nouvelles obligations liées au calcul de l’IDC n’étaient pas non plus conformes à la LEn, qui confiait à l’autorité le soin de procéder audit calcul, et non aux propriétaires. Le seuil, fixé à 125 kWh/m2.an (450 MJ/m2.an), était en outre si bas que tous les propriétaires étaient automatiquement soumis à un audit énergétique effectué à leurs frais et qui requérait l’exécution de mesures d’optimisation énergétiques, également à leur frais, dans un délai impossible à tenir, sans permettre de dérogation en cas de dépassement ordinaire du seuil de l’IDC. Ces dernières mesures n’étaient pas forcément rentables et ne pouvaient être répercutées sur les locataires en application du droit fédéral, les loyers après travaux étant soumis au contrôle de l’État en vertu de la LDTR, si bien qu’elles devaient figurer dans une loi formelle.

10) Par décision du 24 juin 2022, la présidence de la chambre constitutionnelle a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

11) a. Le 30 juin 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

Le fait que les recourants soient propriétaires de bâtiments édifiés en zone 4B protégée n’empêchait pas la réalisation de travaux de rénovation énergétique. Il ressortait en outre de leurs allégués certaines incohérences, comme la production de formules non validées par l’autorité compétente ou des valeurs d’IDC largement supérieures à celles disponibles dans le système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG), lesquelles ne dépassaient pas le seuil de 450 MJ/m2.an.

Les dispositions qu’ils contestaient n’empêchaient pas les recourants d’acquérir un élément patrimonial, de le conserver, d’en jouir ou de l’aliéner, ce d’autant moins qu’il était notoire qu’un bâtiment entretenu et performant sur le plan énergétique revêtait une plus grande valeur qu’un bâtiment n’ayant fait l’objet d’aucun entretien. De plus, en permettant la mise en œuvre d’une partie du PCC et en s’inscrivant dans l’un des buts de la LEn, soit l’utilisation rationnelle et économe de l’énergie, les dispositions contestées s’inscrivant dans un but de politique environnementale et énergétique, de sorte que la liberté économique et le principe de la liberté économique ne s’appliquaient pas. En tout état de cause, même à admettre une ingérence dans lesdites libertés, les art. 13, 13M, 13N et 14 REn se fondaient sur les art. 6 al. 12, 15C al. 4 et 21 LEn, se justifiaient par un intérêt public consistant à répondre aux objectifs climatiques et énergétiques du canton et étaient conformes au principe de proportionnalité, puisque les mesures envisagées étaient nécessaires à l’atteinte des objectifs climatiques visés, aptes à répondre aux enjeux en matière de protection de l’environnement et conformes au principe de la proportionnalité au sens étroit, étant précisé que l’art. 14 REn prévoyait un mécanisme qui donnait priorité à l’optimisation énergétique, soit des mesures nécessitant peu, voire aucun investissement financier.

Les dispositions querellées étaient conformes au principe de la légalité. En effet, les précisions contenues aux art. 13 al. 3 et 6 let. a REn s’inscrivaient dans le cadre législatif de la LEn, notamment en lien avec l’exigence de l’art. 6 al. 12 LEn, visant à atteindre un standard énergétique, et de l’art. 15 al. 1 LEn.

Il en allait de même de l’art. 13M REn, conforme à l’art. 21 al. 2 LEn. Une chaudière ordinaire ayant une durée de vie et d’amortissement d’environ vingt ans, il convenait d’éviter que le remplacement successif de ses pièces conduise à la prolongation à l’infinie de cette durée. En l’absence de définition légale, le terme « renouvellement » se référait à tout changement de l’un de ses composants, en adéquation avec la volonté du législateur, lequel souhaitait renforcer le contrôle desdites installations en vue d’une utilisation rationnelle et économe de l’énergie. Par ailleurs, étant donné que, d’un point de vue technique, une PAC était une installation identique à une climatisation, mais utilisée différemment, l’art. 13M al. 4 REn renvoyait au dispositif applicable à ces dernières, dans le cadre de l’art. 1 al. 2 LEn, soit l’utilisation rationnelle et économe de l’énergie.

En lien avec l’art. 13N al. 1 REn, si le texte de l’art. 21 LEn ne donnait aucune indication sur le type de puissance soumis à autorisation, il n’en demeurait pas moins que la LEn visait à cibler les procédures sur les installations à fort enjeu énergétique et à rationaliser le travail de l’administration. La question de savoir si la fixation d’un seuil à 5 kW était conforme au principe de la proportionnalité devait être analysée à l’aune du contexte actuel et des connaissances scientifiques en matière de protection climatique. Le but de l’autorisation énergétique était avant tout de permettre à l’autorité compétente de procéder à un contrôle a priori de la conformité des installations productrices de chaleur aux objectifs d’utilisation rationnelle et économe de l’énergie et d’exploitation prioritaire des énergies renouvelables et indigènes, conformément à l’art. 167 al. 1 Cst-GE, à l’art. 14 al. 1 LEn et à l’art. 21 al. 3 et 4 LEn. Par ailleurs, les petits bâtiments, soit ceux dont les besoins en chaleur pouvaient aisément et à moindre coût être couverts par la technologie de la PAC, représentaient les deux tiers du parc immobilier genevois, dont les émissions de CO2 correspondaient à 37 % de la totalité des émissions dudit parc. Il était ainsi indispensable d’accélérer la substitution des chauffages fossiles par des sources renouvelables et la soumission de ces installations à autorisation énergétique, et, dès lors, au contrôle de l’autorité compétente en vue de l’application du dispositif de l’art. 21 LEn. Le seuil de 5 kW était apte à atteindre ce but, en tant qu’il englobait la majeure partie des renouvellements et des transformations d’installations prévisibles à l’avenir, mais aussi parce qu’il prenait en considération le surdimensionnement des installations dans les villas, dont la puissance pouvait être réduite ces prochaines années. Les buts d’intérêt public visés par la novelle ne pouvaient être atteints ou favorisés autrement, puisqu’un seuil plus élevé aurait pour conséquence de soustraire au contrôle de l’autorité une part importante et cruciale des remplacements et des transformations d’installations à énergies fossiles. À cet égard, le régime de la déclaration de conformité avait montré ses limites, puisque seule une dizaine de déclarations était parvenue à l’autorité sur les centaines de changements d’installation annuels. La fixation d’un seuil bas respectait également le principe de la proportionnalité au sens étroit, dans la mesure où il était raisonnable par rapport au bénéfice offert par le contrôle de l’autorité. Ceci était d’autant plus vrai que les conditions matérielles attachées aux installations productrices de chaleur étaient identiques, qu’elles soient ou non soumises à autorisation énergétique. Le bénéfice de la mesure primait ainsi largement les inconvénients pratiques d’une demande d’autorisation.

Les recourants confondaient le dispositif de l’art. 12K et celui de l’art. 14 REn : tandis que le premier portait sur l’IDC admissible, soit l’indice théorique calculé dans le cadre de l’autorisation de construire et qui permettait de définir la future consommation du bâtiment, le second portait sur l’IDC mesuré, soit l’indice réel calculé dans le cadre de l’exploitation du bâtiment. À cela s’ajoutait que les IDC calculés par les recourants paraissaient a priori erronés au vu de ceux indiqués sur le SITG, qui étaient en-deçà du seuil fixé par le REn. Contrairement à ce qu’ils alléguaient, ils ne démontraient ainsi pas l’existence d’un seuil extrêmement bas de nature à entraîner des frais pour les propriétaires. Les recourants faisaient également reproche à l’art. 14A al. 1 REn d’exiger des propriétaires qu’ils calculent l’IDC, alors même que l’art. 15C al. 3 LEn renvoyait au règlement la tâche de définir les modalités dudit calcul.

Enfin, les griefs en lien avec l’application de la LDTR et la répercussion des frais sur les locataires étaient exorbitants au litige, puisque la bonne application de la ladite loi n’avait pas à être examinée dans ce cadre. Au demeurant, les dispositifs actuels en matière de bail à loyer permettaient d’intégrer, dans les frais à la charge des locataires, les coûts liés à un contrat de performance énergétique qui permettait de procéder à une optimisation énergétique d’un bâtiment.

b. Il a notamment produit :

les relevés de l’IDC figurant sur le SITG pour les bâtiments de la route B______ (348 MJ/m2.an en 2011, 426 MJ/m2.an en 2012, 440 MJ/m2.an en 2013 et 292 MJ/m2.an en 2014) et de la route B______ (354 MJ/m2.an en 2011, 434 MJ/m2.an en 2012, 448 MJ/m2.an en 2013 et 298 MJ/m2.an en 2014) ;

un avis de droit du 27 août 2021, adressé à l’OCEN, concernant la modification des art. 13 et 13L à 13N REn du projet de REn (devenus les art. 13 et 13M à 13O REn).

12) a. Le 15 août 2022, les recourants ont persisté dans leur recours.

Les nouvelles mesures prévues par le REn n’étaient pas exécutables, au regard des difficultés de procéder à des travaux de rénovation en zone 4B protégée et de la réglementation protectrice du milieu bâti, malgré la transition énergétique en cours. Les PAC n’étaient pas davantage adaptées en présence d’un patrimoine bâti ancien et des nuisances causées par leur fonctionnement. À cela s’ajoutait que l’ensemble des propriétaires concernés ferait le choix de la même solution, ce qui occasionnerait une hausse exponentielle de la demande et ne permettrait pas l’exécution des obligations réglementaires dans le délai imparti. De même, le changement de brûleur impliquait nécessairement des mesures d’optimisation énergétique pour un nombre démesuré de propriétaires. À cela s’ajoutait que le Conseil d’État s’était montré plus que restrictif pour les dérogations, puisque seuls des dépassements significatifs du seuil d’IDC pouvaient y donner lieu, et ce dans des cas bien particuliers et de manière potestative s’agissant de propriétaires qui avaient prouvé leur incapacité financière. L’on peinait également à saisir pourquoi les dérogations visaient seulement les bâtiments classés, inscrits à l’inventaire ou protégés et non pas tous ceux en zone 4B protégée. Il existait ainsi des impossibilités techniques et juridiques à mettre en œuvre dans les délais les mesures prises.

Les dispositions litigieuses emportaient des atteintes graves aux droits fondamentaux et devaient, de ce fait, figurer dans une loi au sens formel. Le Conseil d’État ne pouvait ainsi affirmer que les mesures en causes ne nécessitaient que peu, voire aucun investissement, puisque de nombreux propriétaires ne disposaient pas des liquidités suffisantes pour y procéder, ce qui les contraindrait à vendre leur bien. Le Conseil d’État faisait également fi de la problématique de la LDTR, que les dispositions en matière de bail à loyer ne permettaient pas de contourner. La possibilité octroyée aux propriétaires de dépasser le seuil du loyer répondant aux besoins prépondérants de la population était extrêmement limitée et une répercussion sur les loyers n’était pas possible ou ne l’était que de manière dérisoire. Il ressortait en particulier des baux les concernant que les loyers qu’ils percevaient se situaient bien au-delà des loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population, si bien que les loyers seraient bloqués pendant des années, et ce malgré la réalisation de lourds travaux de rénovation énergétique. Au-delà de la période de contrôle, le loyer ne pourrait en outre être modifié qu’en application de la méthode dite absolue, qui ne permettait pas, contrairement à la méthode dite relative, de prendre en compte la hausse des coûts et les prestations supplémentaires du bailleur, à l’instar des améliorations énergétiques des bâtiments. Il en résultait une impossibilité de répercuter les travaux de rénovation énergétique après la période de contrôle sur les locataires.

L’art. 6 al. 12 let. b LEn était clair : le concept énergétique territorial était une approche visant à diminuer les besoins en énergie notamment par la construction de bâtiments répondant à un standard HPE, défini à l’art. 12B al. 3 REn. Le Conseil d’État adoptait en revanche une approche biaisée lorsqu’il justifiait l’intégration d’une nouvelle variante impliquant par définition des coûts importants pour les propriétaires sur la base d’une interprétation téléologique de la LEn et ne pouvait se contenter d’une interprétation incertaine de la loi.

La demande d’autorisation pour le changement d’un composant d’une installation productrice de chaleur revenait à procéder par obsolescence programmée, en limitant d’emblée la durée de vie d’une chaudière à vingt ans, plutôt que d’inciter les propriétaires au moyen de subventions à isoler leur maison. L’art. 21 al. 2 LEn se limitait en particulier à prévoir la soumission à autorisation notamment le renouvellement d’une installation d’une puissance supérieure à un seuil fixé par le règlement, et non pas à en déterminer la durée de vie. Pour justifier sa position, le Conseil d’État se fondait également sur une définition du verbe « renouveler », terme qui n’était du reste pas contesté, à la différence du seuil de 5 kW, critiqué dans sa proportionnalité. Par ailleurs, eu égard au critère de la nécessité, le Conseil d’État n’avait pas démontré en quoi un abaissement échelonné n’était pas envisageable ni pourquoi l’encouragement à l’isolation par l’octroi de subventions plus importantes ne serait pas préférable, étant précisé que l’aptitude de la mesure visant à abaisser le seuil de 1'000 kW à 5 kW n’était pas remis en cause.

b. Ils ont notamment produit les baux et les états locatifs de la commune C______ les baux et les loyers de M. A______.

13) Dans ses observations du 12 septembre 2022, le Conseil d’État a persisté dans ses précédentes écritures.

Contrairement à ce qu’affirmaient les recourants sans le démontrer, il existait des possibilités d’implantation d’installations solaires en zone 4B protégée, de manière à favoriser le développement des énergies renouvelables tout en maintenant la préservation du caractère du site. Par ailleurs, depuis la révision de la LEn de 2010, la LDTR contenait une disposition visant à favoriser les rénovations énergétiques, le système mis en place visant une répartition tripartite des coûts de rénovation énergétiques entre l’État, le propriétaire, qui pouvait prétendre à une subvention, et le locataire, raison pour laquelle les mesures d’assainissement pouvaient être répercutées sur les loyers aux conditions du droit fédéral.

14) Le 22 septembre 2022, les recourants ont persisté dans leur recours.

Le Conseil d’État perdait de vue que la pose de panneaux solaires était soumise à des conditions liées à l’esthétique des bâtiments extrêmement strictes. À cela s’ajoutait la pénurie d’électricité à venir, empêchant l’utilisation de PAC. Le Conseil d’État se référait à une politique cantonale « ambitieuse » tendant à valoriser au maximum les énergies renouvelables et à développer l’énergie solaire à Genève. Il n’en demeurait pas moins que plusieurs députés avaient déposé, début septembre 2022, une motion n° M 2'863 pour que le REn soit conforme à la LEn, reprenant les mêmes critiques que celles faisant l’objet du présent recours.

15) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1) a. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Le recours est formellement dirigé contre un règlement cantonal, à savoir le règlement modifiant le REn du 13 avril 2022, et ce en l’absence de cas d’application (ACST/35/2021 du 21 octobre 2021 consid. 1b).

c. Le recours a été interjeté dans le délai légal à compter de la publication du règlement litigieux dans la FAO, qui a eu lieu le 19 avril 2022 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il respecte également les conditions générales de forme et de contenu prévues aux art. 64 al. 1 et 65 al. 3 LPA, sous réserve de ce qui suit concernant l’art. 12K al. 1 REn.

2) a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). Une collectivité publique peut également fonder sa qualité pour recourir sur cette disposition lorsqu’elle est atteinte de la même manière qu’un particulier dans sa situation juridique ou matérielle (notamment s’il s’agit de sauvegarder son patrimoine administratif ou financier), ou lorsqu’elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique et dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l’annulation ou à la modification de l’acte attaqué (ATF 141 II 161 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_469/2021 du 8 mars 2022 consid. 3.2.1).

L’art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/12/2022 du 28 juillet 2022 consid. 4a).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 147 I 308 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_357/2021 du 19 mai 2022 consid. 2.2). La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 147 I 478 consid. 2.2).

b. En l’espèce, dès lors que M. A______ est propriétaire d’immeubles d’habitation sis à Genève, entièrement chauffés au mazout, comprenant plusieurs logements loués, il est directement concerné par les dispositions du REn qu’il conteste, pouvant se les voir appliquer. Il en va de même des communes B______ et C______, qui disposent, dans leur patrimoine administratif et financier, de plusieurs bâtiments chauffés au gaz ou au mazout, si bien que les dispositions querellées leur sont directement applicables, au même titre qu’elles le sont aux particuliers.

Le recours est par conséquent recevable.

3) À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2020 du 15 juin 2022 consid. 3.1 ; ACST/12/2022 précité consid. 5 et les références citées).

4) Les recourants critiquent les art. 12K al. 1, 13 al. 3 et 6 let. a, 13M al. 3 et 4, 13N al. 1, 14 et 14A REn, arguant qu’ils seraient contraires à la garantie de la propriété et à la liberté économique, sous l’angle individuel et institutionnel, en tant qu’ils seraient dépourvus de base légale et disproportionnés, ce que l’intimé conteste. Les parties s’accordent toutefois sur le but d’intérêt public admissible poursuivi par les dispositions en cause, consistant à répondre aux objectifs climatiques et énergétiques du canton, qui n’est pas remis en question dans le cadre du présent recours.

Au niveau du contenu desdites dispositions, l’art. 13 REn définit les variantes attendues par le département compétent lors de l’établissement d’un CEB à l’occasion de la construction ou de la rénovation de tout bâtiment d’importance, à savoir au moins une variante conforme ou équivalente à un standard HPE et au moins une variante conforme ou équivalente à un standard THPE ainsi que les plans d’assainissement, de même que les exceptions à l’exigence d’un CEB. Les art. 13M et 13N REn règlent les modalités en cas de changement d’une installation productrice de chaleur et de ses composants, en soumettant ledit changement à une procédure d’autorisation énergétique au sens de l’art. 21 al. 3 et 4 LEn et au principe de l’alimentation prioritaire et dans toute la mesure du possible par des énergies renouvelables ou des rejets de chaleur (art. 13M al. 1 REn). Enfin, l’art. 12K REn concerne l’IDCa et l’art. 14 REn l’IDC, lequel impose, en cas de dépassement du seuil de 450 MJ/m2.an, des mesures d’améliorations énergétiques et un audit énergétique et, en cas de dépassement significatif d’un certain seuil, l’exécution de travaux énergétiques.

5) a. Invocable tant par les personnes physiques que morales, la liberté économique (art. 27 Cst.) protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 143 I 403 consid. 5.6.1). Elle a une fonction institutionnelle, en tant qu’elle exprime, conjointement avec d’autres dispositions constitutionnelles (notamment l’art. 94 Cst.), le choix du constituant en faveur d’un système économique libéral, fondé sur la libre entreprise et la concurrence, et une fonction individuelle, en tant qu’elle assure une protection contre les mesures étatiques restreignant la liberté d’exercer toute activité économique privée, exercée aux fins de production d’un gain ou d’un revenu, à titre principal ou accessoire, dépendant ou indépendant (ATF 143 II 598 consid. 5.1). Ces deux aspects, institutionnel et individuel, sont étroitement liés (ATF 148 II 121 consid. 7.2). Toute mesure ayant une incidence sur la liberté économique ne constitue toutefois pas une limitation de celle-ci et il y a lieu de se montrer restrictif pour admettre l’existence d’une telle limitation (ATF 148 II 121 consid. 7.1).

En l’espèce, même si les recourants perçoivent un gain du fait de la location des bâtiments dont ils sont propriétaires, les dispositions litigieuses ne restreignent pas leurs activités économiques, dans la mesure où elles ne les empêchent pas ni ne rendent extrêmement difficile la poursuite de cette activité. Elles ne visent pas davantage une profession ou une activité économique en particulier, mais concernent l’ensemble des propriétaires des bâtiments sis sur le territoire cantonal et n’ont aucun effet protectionniste, les recourants ne contestant au demeurant pas qu’elles poursuivent un but d’intérêt public admissible, et non de politique économique. L’on ne saurait ainsi considérer qu’elles emportent une ingérence dans la liberté économique, tant d’un point de vue individuel qu’institutionnel.

b. Aux termes de l’art. 26 Cst., la propriété est garantie. Dans sa dimension institutionnelle, qui concerne au premier chef le législateur, la garantie de la propriété protège l’existence même de la propriété privée, comprise comme une institution fondamentale de l’ordre juridique suisse, soit la possibilité d’acquérir tous éléments patrimoniaux – les droits réels, dont la propriété mobilière et immobilière au sens étroit du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les droits personnels ou obligationnels, les droits immatériels, les droits acquis –, d’en jouir et de les aliéner. Dans sa fonction individuelle, elle protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire, d’une part leur existence, s’étendant à leur conservation, leur jouissance et leur aliénation, et d’autre part leur valeur, sous la forme, à certaines conditions, d’un droit à une compensation en cas de réduction ou de suppression (ATF 119 Ia 348 consid. 2a ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4ème édition, 2021, n. 885 ss et 888 ss). L’atteinte au droit de propriété est tenue pour particulièrement grave lorsque la propriété foncière est enlevée de force ou lorsque des interdictions ou des prescriptions positives rendent impossible ou beaucoup plus difficile une utilisation du sol actuelle ou future conforme à sa destination (ATF 140 I 168 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_573/2021 du 17 août 2022 consid. 4.1).

En l’espèce, en tant que telles, les mesures envisagées n’empêchent pas l’acquisition d’un bien immobilier, sa conservation, sa jouissance ou son aliénation. Elles peuvent toutefois avoir un impact sur la valeur du patrimoine bâti ancien, qui pourrait être dans une certaine mesure revue à la baisse du fait des mesures énergétiques qu’il implique, en particulier s’agissant des installations productrices de chaleur anciennes de plus de vingt ans alimentées en combustibles fossiles ou en cas de dépassement significatif du seuil d’IDC, ce qui emporterait la réalisation de travaux énergétique. Cela étant, si des travaux devaient être entrepris, ils donneraient une plus-value significative audit bien. En tout état de cause, même à admettre l’existence d’une ingérence dans la garantie de la propriété, celle-ci ne saurait être qualifiée de grave, comme le soutiennent les recourants, en l’absence de dispositions rendant beaucoup plus difficile, voire impossible l’exercice de la propriété, les propriétaires conservant la possibilité d’utiliser leurs biens-fonds conformément à leur destination, pour autant qu’ils le fassent dans le respect de la règlementation applicable. La question de l’exigence d’une ingérence dans la garantie de la propriété peut toutefois souffrir de rester indécise, dès lors que les griefs soulevés par les recourants, à savoir une violation des principes de la légalité et de la proportionnalité, se recoupent avec ceux de l’art. 36 al. 1 et 3 Cst., étant rappelé que les recourants ne contestent pas le but d’intérêt public poursuivi par les dispositions litigieuses.

6) a. Le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti, au moins implicitement, par toutes les constitutions cantonales, et à Genève même de manière expresse à l’art. 2 al. 2 Cst-GE, et représente un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen. Il impose le respect des compétences établies par la Cst. et prohibe à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1). Les règlements d’exécution doivent ainsi se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_660/2021 du 28 juin 2022 consid. 5.2).

À Genève, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 Cst-GE) et adopte les lois (art. 91 al. 1 Cst-GE), tandis que le Conseil d’État, détenteur du pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE), joue un rôle important dans la phase préparatoire de la procédure législative (art. 109 al. 1 à 3 et 5 Cst-GE), promulgue les lois et est chargé de leur exécution et d’adopter à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). Il peut ainsi adopter des normes d’exécution, soit des normes secondaires, sans qu’une clause spécifique dans la loi soit nécessaire. Celles-ci peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d’une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 147 V 328 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 précité consid. 7.2). Pour que le Conseil d’État puisse édicter des normes de substitution, ou normes primaires, il faut qu’une clause de délégation législative l’y habilite (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; ACST/35/2021 précité consid. 7c).

b. Consacré à l’art. 5 al. 2 Cst., le principe de proportionnalité exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit), impliquant une pesée des intérêts (ATF 146 I 157 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_762/2021 du 13 avril 2022 consid. 6.1).

7) La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme et ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 147 V 35 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_284/2021 du 11 avril 2022 consid. 7.1 et les références citées).

8) a. Aux termes de l’art. 89 Cst., la Confédération fixe les principes applicables à l’utilisation des énergies indigènes et des énergies renouvelables et à la consommation économe et rationnelle de l’énergie (al. 2). Elle légifère sur la consommation d’énergie des installations, des véhicules et des appareils. Elle favorise le développement des techniques énergétiques, en particulier dans les domaines des économies d’énergie et des énergies renouvelables (al. 3). Les mesures concernant la consommation d’énergie dans les bâtiments sont au premier chef du ressort des cantons (al. 4).

b. La Confédération a matérialisé sa compétence en édictant la loi sur l’énergie du 30 septembre 2016 (LEne - RS 730.0), qui a pour but notamment une utilisation économe et efficace de l’énergie (art. 1 al. 2 let. b LEne). L’art. 45 LEne prévoit en particulier que, s’agissant des bâtiments, les cantons créent un cadre favorable à l’utilisation économe et efficace de l’énergie et à l’utilisation des énergies renouvelables (al. 1) et édictent des dispositions sur l’utilisation économe et efficace de l’énergie dans les bâtiments existants ou à construire ; dans la mesure du possible, ils donnent la priorité à l’utilisation économe et efficace de l’énergie et à l’utilisation des énergies renouvelables et des rejets de chaleur (al. 2).

9) a. Au plan cantonal genevois, l’art. 167 al. 1 Cst-GE fonde la politique énergétique de l’État sur les principes suivants : un approvisionnement en énergies (let. a), la réalisation d’économies d’énergie (let. b), le développement prioritaire des énergies renouvelables et indigènes (let. c), le respect de l’environnement (let. d) et l’encouragement de la recherche dans ces domaines (let. e).

b. La LEn, qui a fait l’objet d’une importante modification par l’adoption de la loi 10'258 entrée en vigueur le 5 août 2010, laquelle visait à faire face à l’accélération du réchauffement climatique et à la raréfaction des énergies fossiles, a notamment pour but de déterminer les mesures visant à l’utilisation rationnelle et économe de l’énergie et au développement prioritaire de l’exploitation des sources d’énergies renouvelables et indigènes (art. 1 al. 2 LEn). Sont considérées comme des énergies renouvelables l’énergie hydraulique, l’énergie solaire, l’énergie géothermique, la chaleur ambiante, l’énergie éolienne ainsi que l’énergie tirée de la biomasse et des déchets de biomasse (art. 6 al. 1 LEn). L’art. 12 LEn précise que la nature des mesures visant à économiser l’énergie doit être adaptée à l’évolution des techniques applicables (al. 2) et que le coût et la nature desdites mesures doivent satisfaire au principe de la proportionnalité (al. 3). Le Conseil d’état est en outre chargé d’arrêter les dispositions nécessaires à l’exécution de la LEn (art. 25 al. 1 LEn).

c. Selon l’art. 14 al. 1 LEn, le règlement fixe les prescriptions et les standards énergétiques applicables notamment en matière d’isolation thermique et de protection thermique estivale (let. a), de préparation d’eau chaude sanitaire (let. b), d’aération (let. c), d’éclairage (let. d), de chauffage et de climatisation (let. e), d’indice de dépense d’énergie (let. f).

Lors des débats en commission parlementaire au sujet du projet de loi (ci-après : PL) 10'258, un amendement visant à introduire la référence aux standards HPE et THPE à l’art. 14 al. 1 LEn a été refusé, au motif que la formulation initiale du texte de cette disposition laissait déjà entendre qu’il pouvait y avoir plusieurs standards. Dans ce cadre, le Conseil d’État a précisé qu’il n’y avait pas lieu d’interpréter ce refus comme une volonté d’exclure de spécifier les différents standards dans le règlement, mais seulement d’éviter une surcharge du texte de la loi (MGC 2008-2009/XII/1 A 15728 s).

10) Les recourants contestent le contenu du CEB, concluant à l’annulation de l’art. 13 al. 3 et al. 6 let. a REn.

a. L’art. 6 al. 12 LEn définit le CEB comme le produit d’une démarche systématique incluant l’élaboration de variantes qui visent à limiter les besoins en énergie d’une construction et de ses installations et à minimiser le recours aux énergies non renouvelables. Il repose sur l’élaboration d’un concept architectural et technique cohérent en fonction du besoin des utilisateurs, des possibilités et des contraintes que présente l’environnement du projet.

L’art. 6 al. 11 LEn a trait aux standards énergétiques, à savoir un ensemble de prescriptions qui fixent des objectifs à atteindre en matière de performance énergétique minimale. Par standard HPE, on entend un standard énergétique qui fixe des objectifs élevés en matière de performance énergétique. Par standard THPE, on entend un standard énergétique qui fixe des objectifs très élevés en matière de performance énergétique. L’art. 12B REn définit le standard HPE et l’art. 12C REn le standard THPE, tant pour les bâtiments neufs (respectivement HPE-Neuf et THPE-Neuf) que rénovés (respectivement HPE-Réno et THPE-Réno).

b. L’art. 15 LEn prévoit des prescriptions en matière de construction et de rénovation. Pour les bâtiments neufs, les prescriptions minimales fixées par le règlement dans les domaines régis par l’art. 14 al. 1 LEn doivent être respectées, tout comme, pour lesdits bâtiments, les standards HPE (art. 15 al. 1 LEn). Pour les bâtiments faisant l’objet d’une rénovation, les mêmes prescriptions minimales figurant à l’art. 14 al. 1 LEn sont applicables (art. 15 al. 4 LEn). Par ailleurs, tout projet de construction ou de rénovation de bâtiments d’importance fait l’objet d’un concept énergétique (art. 15 al. 7 LEn). Le REn fixe la surface de référence énergétique (ci-après : SRE) d’un bâtiment et/ou la puissance énergétique de ses installations à partir desquelles un bâtiment est considéré comme d’importance (art. 15 al. 8 LEn). Ainsi, selon l’art. 13B al. 1 REn, sont d’importance les bâtiments dont la SRE est supérieure à 3'000 m2 pour les bâtiments destinés au logement (let. a) et à 2'000 m2 pour les bâtiments destinés à d’autres affectations (let. b). Sont également d’importance (al. 2) les bâtiments qui font l’objet d’une même requête en autorisation de construire et dont la SRE totale est supérieure au seuil de l’al. 1 (let. a) ainsi que les extensions de bâtiments lorsque la SRE des bâtiments existants et de leurs extensions dépasse le seuil de l’al. 1 (let. b). Les bâtiments des collectivités publiques, des établissements et fondations de droit publique sont également considérés comme des bâtiments d’importance et font notamment l’objet d’un CEB (art. 16 al. 3 LEn).

Il ressort des travaux de la commission parlementaire en charge du traitement du PL 10'258 que le but de l’art. 15 LEn était clair et son message novateur, dans le sens qu’à terme, il fallait se passer des énergies fossiles, si bien qu’il convenait déjà de s’y préparer en réfléchissant à des dispositifs permettant cette évolution et d’amorcer une telle transition énergétique (MGC 2008-2009/XII/1 A 15686).

11) a. En l’espèce, l’art. 13 REn définit les variantes attendues par le département compétent lors de l’établissement d’un CEB à l’occasion de la construction ou de la rénovation de tout bâtiment d’importance, à savoir au moins une variante conforme ou équivalente à un standard HPE et au moins une variante conforme ou équivalente à un standard THPE ainsi que les plans d’assainissement, de même que les exceptions à l’exigence d’un CEB. Il concrétise l’obligation de l’art. 15 al. 7 LEn visant à établir un CEB pour tout projet de construction ou de rénovation de bâtiment d’importance, comme le rappelle l’art. 13 al. 2 REn, à l’exception des constructions ou rénovations qui respectent déjà un standard THPE.

b. Les recourants contestent l’art. 13 REn en tant qu’il inclut dans le CEB une variante THPE. Dans un premier grief, ils allèguent que cette disposition serait dépourvue de base légale et contraire à la mission confiée aux autorités par l’art. 167 Cst-GE visant à encourager les initiatives de rénovation énergétique et non à les imposer.

Il n’est pas contesté que, dans le domaine visé à l’art. 13 REn, l’art. 15 LEn ne contient pas de délégation législative en faveur du Conseil d’État, lequel ne peut pas adopter de règles primaires en la matière, hormis pour les dérogations (art. 15 al. 10 LEn), dans le cadre desquelles il a notamment adopté l’art. 13 al. 6 let. a REn. Il convient dès lors de déterminer si l’intimé, en adoptant l’art. 13 al. 3 REn, s’est limité à édicter des règles de droit secondaires visant à préciser, détailler, concrétiser ou expliciter l’art. 15 LEn ou si, au contraire, il a édicté une règle primaire, ce que ladite disposition n’autorise pas.

Si l’art. 6 al. 12 LEn définit le CEB de manière très générale au niveau des objectifs visés et de la forme qu’il doit revêtir, sans en préciser le contenu de manière détaillée, il indique néanmoins qu’il doit inclure l’élaboration de variantes, et ce au pluriel, à savoir au moins deux types de propositions visant à limiter les besoins en énergie d’une construction et de ses installations et à minimiser le recours aux énergies non renouvelables, qui doivent nécessairement différer l’une de l’autre soit au sujet des objectifs énergétiques, soit à propos des mesures constructives ou d’exploitation envisagées. Étant donné son pouvoir réglementaire, le Conseil d’État pouvait ainsi définir plus précisément ces variantes pour pouvoir appliquer l’art. 15 al. 7 LEn.

Encore convient-il de savoir s’il pouvait les associer à des standards énergétiques et les rendre obligatoires sur cette base réglementaire. Lesdits standards, à savoir HPE et THPE, sont définis en fonction de la performance énergétique des bâtiments, qui décrit la quantité d’énergie qu’un bâtiment consomme chaque année, la consommation dépendant de la qualité du bâti ainsi que de ses équipements énergétiques et de leur mode de fonctionnement. Ils résultent de l’art. 6 al. 11 LEn et sont définis réglementairement aux art. 12B et 12C REn, comme le prévoit l’art. 14 al. 1 LEn. Pour les bâtiments neufs et pour la rénovation de bâtiments, les al. 1 et 4 de l’art. 15 LEn renvoient aux « prescriptions minimales fixées par le règlement dans les domaines régis par l’art. 14 al. 1 LEn », l’art. 15 al. 1 LEn prévoyant au surplus que les bâtiments neufs respectent des standards HPE. Lors des discussions du PL 10'258 en commission parlementaire, un amendement visant à intégrer à l’art. 14 al. 1 LEn la référence aux standards HPE et THPE a été refusée afin de ne pas surcharger son texte, lequel laissait déjà entendre qu’il pouvait y avoir plusieurs standards. Ainsi, puisque le standard HPE constitue un minimum, le CEB ne peut pas se référer à une performance énergétique inférieure. Étant donné l’exigence de variantes, à savoir d’au moins deux propositions différentes, il peut en outre se référer au standard THPE, si bien que l’exigence d’une telle variante est cohérente par rapport au cadre fixé par la loi, dans laquelle il s’inscrit. L’art. 13 al. 3 REn constitue dès lors une norme secondaire de ce point de vue déjà, qui se limite à détailler le contenu du CEB, lequel vise à limiter les besoins en énergie d’une construction et de minimiser le recours aux énergies non renouvelables. À cela s’ajoute que la disposition litigieuse autorise la présentation également de variantes équivalentes aux standards HPE et THPE, et pas seulement conformes auxdits standards, ce qui laisse une marge de manœuvre étendue aux propriétaires concernés.

S’agissant des plans d’assainissement visés par la disposition litigieuse, ils constituent une conséquence de l’exigence du contenu du CEB en lien avec le respect des standards susmentionnés, en vue de les atteindre, et ne vont ainsi pas au-delà du pouvoir d’exécution dont dispose le Conseil d’État et se recoupent avec les prescriptions minimales fixées à l’art. 14 al. 1 LEn.

L’art. 13 al. 3 REn respecte ainsi le principe de la légalité sous l’angle de la séparation des pouvoirs et entre dans le cadre de la politique énergétique de l’État, telle que mentionnée à l’art. 167 al. 1 Cst., lequel ne fait au demeurant pas état de simples mesures incitatives Le grief sera dès lors écarté.

c. Selon les recourants, l’art. 13 al. 3 et 6 let. a REn ne respecterait pas le principe de la proportionnalité sous l’angle du sous-principe de la nécessité et de la proportionnalité au sens étroit, les intéressés admettant néanmoins que les mesures en cause puissent être aptes à atteindre le but visé.

Les recourants indiquent que d’autres mesures, moins incisives, permettraient d’atteindre le même but. L’on ne voit toutefois pas en quoi tel serait le cas d’une dérogation en matière d’APA, qui viserait, au contraire, à soustraire une partie des constructions et rénovations des bâtiments d’importance à l’exigence d’un CEB et donc aux objectifs d’utilisation économe et efficace de l’énergie qu’il sous-tend, ce qui viderait une partie de la LEn de son sens. Il en va de même du maintien de l’ancien système dérogatoire qui prévoyait une plus grande surface d’extension. Les recourants ne peuvent pas non plus être suivis lorsqu’ils indiquent que l’ancien système, selon lequel le requérant retenait la variante optimale sur le plan énergétique pour autant que son coût ne soit pas disproportionné, serait préférable aux nouvelles mesures, puisque l’art. 13 al. 3 REn se limite à prévoir le contenu du CEB afin de permettre une vue d’ensemble des possibilités s’offrant au propriétaire d’un point de vue énergétique et économique, et n’a pas pour vocation de trancher en faveur d’une variante au détriment d’une autre.

Sous l’angle de la proportionnalité au sens étroit, l’exigence d’un CEB pour les bâtiments d’importance comporte un certain nombre d’exceptions, conformément à l’art. 15 al. 10 LEn permettant au Conseil d’État, par voie réglementaire, d’en prévoir notamment lorsqu’une rénovation n’est pas susceptible de présenter un impact énergétique sensible, ce qu’il a fait en adoptant l’art. 13 al. 6 REn, qui prévoit des exceptions en faveur des extensions et rénovations limitées qui présentent en général un impact énergétique non sensible. L’art. 13 al. 5 REn permet en outre de déroger à certaines prescriptions, notamment en matière de variante, s’agissant en particulier de la rénovation de bâtiments d’importance. À cela s’ajoute que l’art. 12 al. 3 LEn rappelle expressément que le coût et la nature des mesures doivent satisfaire au principe de la proportionnalité. Par ailleurs, comme précédemment indiqué, les propriétaires concernés disposent d’une certaine marge de manœuvre, puisqu’ils ne sont pas tenus de présenter des variantes conformes aux standards HPE et THPE, mais peuvent proposer des variantes équivalentes à ces standards. Ils ne sont au demeurant pas tenus de mettre en œuvre de manière effective l’une ou l’autre de ces variantes, mais uniquement leur élaboration afin d’en examiner la faisabilité au regard de l’ensemble des circonstances et opérer ultérieurement, ce faisant, un choix en faveur de la proposition qui permet au mieux de satisfaire aux buts de la loi. La disposition litigieuse tient ainsi compte de manière adéquate de l’intérêt des propriétaires concernés dans le contexte du but d’intérêt public recherché, consistant à répondre aux objectifs climatiques et énergétiques du canton.

Il s’ensuit que l’art. 13 al. 3 et al. 6 let. a REn respecte le principe de proportionnalité, de sorte que ce grief sera également écarté.

12) Les recourants critiquent les nouvelles obligations liées aux installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles ou d’origine renouvelable, concluant à l’annulation de l’art. 13M al. 3 et 4 REn et de l’art. 13N al. 1 REn.

a. L’art. 21 LEn a trait aux installations productrices de chaleur. Afin d’éviter le gaspillage d’énergie lors de la production de chaleur, l’autorité compétente encourage les systèmes chaleur-force, lorsque les conditions techniques et économiques sont réunies (al. 1). La mise en place, le renouvellement ou la transformation d’une installation productrice de chaleur, d’une puissance supérieure à un seuil fixé par le règlement et alimentée en combustibles fossiles ou d’origine renouvelable telle qu’une chaudière est soumise à autorisation de l’autorité compétente (al. 2). L’autorisation relative aux installations alimentées en combustibles fossiles n’est accordée que si la preuve est apportée par le requérant que (al. 3) : la demande d’énergie ne peut pas être raisonnablement couverte au moyen d’énergies renouvelables ou de rejets de chaleur (let. a), l’installation intègre la meilleure technologie disponible et présente un haut degré d’efficacité exergétique (let. b) et répond aux prescriptions fixées par le règlement dans les domaines régis par l’art. 14 al. 1 let. e LEn (let. c). L’autorisation relative aux installations alimentées en combustibles d’origine renouvelable n’est accordée que si la preuve est apportée par le requérant que (al. 4) : la demande d’énergie ne peut pas être raisonnablement couverte au moyen de rejets de chaleur (let. a), l’installation intègre la meilleure technologie disponible et présente un haut degré d’efficacité exergétique (let. b) et répond aux prescriptions fixées par le règlement dans les domaines régis par l’art. 14 al. 1 let. e LEn (let. c). Le règlement peut prévoir des cas de dispense d’autorisation pour les installations alimentées en combustibles d’origine renouvelable (al. 5). Lorsqu’une autorisation n’est pas requise, le propriétaire de l’installation remet à l’autorité compétente avant le début des travaux une déclaration attestant sa conformité aux prescriptions fixées par le règlement dans les domaines régis par l’art. 14 al. 1 LEn (al. 6).

Il ressort des travaux législatifs relatifs à la loi 10'258 que l’art. 21 LEn avait pour objectif de soumettre à autorisation les installations productrices de chaleur de grande puissance afin d’éviter tout gaspillage, de choisir en priorité une solution basée sur des énergies renouvelables et de ne recourir à une chaudière à gaz ou au mazout qu’en dernier ressort (MGC 2007-2008/VIII A 6731). L’autorisation était également requise pour des installations alimentées en combustibles d’origine renouvelable, car le fait d’utiliser des énergies renouvelables ne justifiait pas un manque d’efficacité énergétique dans leur usage (MGC 2007-2008/VIII A 6745).

b. L’art. 22B LEn soumet en outre le montage, la modification ou le renouvellement d’installations de climatisation de confort à autorisation (al. 1), laquelle peut être accordée si (al. 2) : le besoin de climatisation est démontré (let. a), une partie des rejets de chaleur est valorisée (let. b), l’eau de refroidissement est valorisée à sa sortie si l’installation est alimentée par le réseau d’eau potable (let. c), et l’installation respecte les prescriptions énergétiques définies par le règlement dans les domaines régis part. l’art. 14 al. 1 LEn (let. d). Le besoin de climatiser est établi si, malgré le respect des prescriptions énergétiques définies par le règlement dans les domaines régis par l’art. 14 al. 1 LEn, des conditions de confort thermique ne sont pas garanties (al. 3). L’autorisation peut également être accordée dans des cas fixés par le règlement pour les bâtiments conformes à un standard HPE, ainsi que pour les installations dont les rejets de chaleur sont valorisés pour l’essentiel (al. 4).

Une climatisation de confort est une installation qui sert à améliorer le confort thermique (art. 6 al. 14 LEn). Cette définition englobe les installations de climatisation utilisées dans l’habitat, dans des locaux administratifs ou encore dans des hôtels, par opposition aux installations qui visent à garantir le bon fonctionnement d’équipements ou la bonne conservation de produits (MGC 2007-2008/VIII A 6735). L’exigence d’une autorisation pour installer une climatisation de confort a été introduite pour tenir compte de la différence des besoins entre les installations de climatisation destinées au secteur immobilier et celles du secteur industriel (MGC 2008-2009/XII/1 A 15696).

13) a. En l’espèce, l’art. 13M al. 3 REn, sous l’intitulé « principe » et s’appliquant aussi bien aux installations alimentées en tout ou en partie en combustibles fossiles qu’à celles alimentées en combustibles d’origine renouvelable, assimile le changement du brûleur ou de tout autre composant annexe d’une telle installation productrice de chaleur datant de vingt ans ou plus à une transformation d’une installation au sens de l’art. 21 al. 2 LEn, lequel soumet notamment toute transformation d’une installation productrice de chaleur à autorisation.

b. Si les recourants ne contestent pas que l’art. 21 al. 2 LEn permet au Conseil d’État de fixer par voie réglementaire un seuil de puissance à partir duquel une autorisation est requise, ils soutiennent que tel n’est pas le cas du changement de brûleur ou de tout autre composant annexe d’une installation datant d’au moins vingt ans, l’art. 13M al 3 REn ne reposant selon eux sur aucune délégation législative valable.

L’art. 21 al. 2 LEn contient une délégation législative qui permet au Conseil d’État de fixer un seuil de puissance au-delà duquel la mise en place, le renouvellement ou la transformation d’une installation productrice de chaleur est soumis à autorisation, ce qu’il a fait en adoptant l’art. 13N al. 1 REn pour les installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles ou en bivalence, arrêté à 5 kW, et en adoptant l’art. 13O REn pour les installations productrices de chaleur alimentées en combustibles d’origine renouvelable, fixé à 1 Mw et 70 kW. L’art. 21 al. 2 LEn ne contenant pas de délégation législative supplémentaire en faveur du Conseil d’État, il convient dès lors d’examiner si l’art. 13M al. 3 REn constitue une norme secondaire qui se limite à exécuter l’art. 21 al. 2 LEn, auquel il renvoie au demeurant.

L’art. 21 al. 2 LEn ne définit pas ce qu’il faut entendre par « transformation d’une installation productrice de chaleur ». L’art. 13M al. 3 REn le précise en indiquant qu’il s’agit du changement de brûleur ou de tout autre composant annexe d’une telle installation datant de vingt ans ou plus, en considération du fait que le changement des composants annexes d’une ancienne installation conduit dans les faits à modifier l’installation elle-même, en la dotant d’éléments techniques plus modernes, différents des éléments originaux vieux de plus de vingt ans. Ce faisant, le Conseil d’État a pris en considération l’importance des composants annexes de l’installation productrice de chaleur, dont ils doivent, à l’instar du brûleur, être un élément substantiel, et pas seulement des pièces ou éléments secondaires, ce qu’il appartiendra à l’OCEN d’apprécier dans chaque cas particulier. Dans ce cadre, le Conseil d’État a indiqué que cette disposition serait appliquée dans le strict respect du principe de proportionnalité, les décisions administratives prises sur cette base pouvant faire l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire le cas échéant. Dès lors, en adoptant l’art. 13M al. 3 REn, à savoir une norme secondaire, le Conseil d’État a respecté le principe de la séparation des pouvoirs, s’étant limité à définir le terme de « transformation » figurant dans la loi, dont il a précisé la portée, et non pas du terme « renouvellement », comme le soutient l’intimé dans ses écritures.

Par ailleurs, contrairement à ce que semblent affirmer les recourants, l’art. 13M al. 3 REn n’étend pas la portée de l’obligation de dépôt d’une demande d’autorisation énergétique au changement de brûleur ou de tout autre composant annexe d’une installation productrice de chaleur datant de vingt ans ou plus, indépendamment de la puissance de l’installation, puisque cette disposition se trouve dans les principes et doit être lue en parallèle avec les art. 13N et 13O REn qui concernent respectivement les installations productrices de chaleur alimentées en combustibles fossiles ou en bivalence et celles alimentées en combustibles d’origine renouvelable, pour lesquelles des seuils de puissance différents sont fixés, conformément à la délégation de l’art. 21 al. 2 LEn.

L’art. 13M al. 3 REn respecte également le principe de la proportionnalité dans ses différents aspects. Il vise en particulier à garantir que la durée de vie des installations productrices de chaleur ne soit pas prolongée outre mesure en changeant ses seuls composants pour ainsi aboutir à ce qu’une ancienne installation plus énergivore que celles utilisant de nouvelles technologies soient utilisées indéfiniment, hors de toute autorisation. Le fait de soumettre à autorisation énergétique une telle transformation permet d’atteindre le but poursuivi par la LEn, et rappelé en particulier à l’art. 13M al 1 REn, à savoir l’alimentation prioritaire et dans toute la mesure du possible d’une installation productrice de chaleur par des énergies renouvelables ou des rejets de chaleur selon l’ordre de priorité énergétique instauré à l’art. 21 al. 3 et 4 LEn aux fins de favoriser et promouvoir les sources énergétiques les plus économes et les moins émettrices en gaz à effet de serre. L’on ne voit du reste pas d’autre mesure qui permettrait d’atteindre le même but, les recourants n’en mentionnant pas, étant précisé que la disposition litigieuse se limite à renforcer le contrôle des installations productrices de chaleur en soumettant notamment les transformations des plus anciennes d’entre elles au dépôt d’une autorisation énergétique, sans pour autant les interdire.

c. Il en va de même de l’art. 13N al. 1 REn, qui abaisse à 5 kW le seuil de puissance thermique nominale globale à partir duquel la mise en place, le remplacement ou la transformation d’une installation productrice de chaleur alimentée en combustibles fossiles ou en bivalence est soumis à autorisation énergétique, étant précisé que l’art. 21 al. 2 LEn confère une telle compétence au Conseil d’État, ce qui n’est du reste pas contesté.

Les parties s’accordent sur le fait qu’un tel seuil est relativement bas et qu’il conduit, dès lors, à soumettre à autorisation énergétique au sens de l’art. 21 al. 2 LEn une grande partie des installations fonctionnant avec des combustibles fossiles, comme l’a du reste relevé le recensement des chaudières effectué par l’OCEN et les SIG. Ce faisant, la fixation dudit seuil à 5 kW permet d’atteindre le but d’intérêt public visé, à savoir favoriser l’utilisation rationnelle de l’énergie et le recours en priorité aux énergies renouvelables et aux rejets de chaleurs, en atteignant un haut degré d’efficacité exergétique tout en intégrant la meilleure technologie possible. Comme l’a indiqué l’intimé, le régime d’autorisation énergétique permet à l’autorité de procéder par le biais d’un contrôle a priori des installations, en garantissant le respect des exigences légales en la matière, et de veiller à une transition vers des installations alimentées en énergies non fossiles. En cela, la fixation du seuil à 5 kW est apte à atteindre le but d’intérêt public visé.

D’autres mesures, moins incisives, ne permettraient pas d’atteindre un tel but, dès lors que, comme l’a indiqué le Conseil d’État, la fixation d’un seuil plus élevé, à 10 kW, aurait pour effet de soustraire une grande partie des installations concernées à l’autorisation énergétique, si bien que la majorité d’entre elles ne pourraient faire l’objet d’aucun contrôle, en particulier les villas pour lesquelles, selon le recensement susmentionné, un surdimensionnement de certaines installations a été constaté et où la puissance pourrait être réduite. De plus, selon les explications fournies par l’intimé, le régime de la déclaration, précédemment en vigueur, a révélé son manque d’efficacité, puisque sur la centaine de remplacements de chaudières effectuées par année, seule une dizaine d’entre elles ont fait l’objet d’une communication à l’OCEN.

Du point de vue de la proportionnalité au sens étroit, l’atteinte aux intérêts des propriétaires concernés est limitée, puisqu’au lieu d’une déclaration de conformité soumise à un autocontrôle, ils sont tenus de déposer une autorisation énergétique, soit par le biais d’une autorisation de construire (ATA/95/2021 du 26 janvier 2021 consid. 5a), soit par celui d’une autorisation ad hoc, comme le prévoit l’art. 13D REn, soumise au contrôle de l’autorité, étant précisé que, tant dans le cas de l’autorisation que de la déclaration, les conditions à respecter sont identiques (art. 21 al. 6 LEn). Il s’agit dès lors d’une simple exigence administrative supplémentaire à la charge des propriétaires concernés, dont l’intérêt privé ne saurait l’emporter sur l’intérêt public à une mise en œuvre des objectifs énergétiques et climatiques définis dans la LEn.

d. Sous l’angle de la légalité, les recourants critiquent encore l’art. 13M al. 4 REn, qui soumet à l’autorisation énergétique des climatisations de confort les PAC réversibles utilisées pour la production de froid de confort, en tant que le Conseil d’État aurait, ce faisant étendu la portée des autorisations énergétiques en matière d’installations productrices de chaleur.

Ils perdent toutefois de vue la teneur de l’art. 22B al. 1 LEn, qui soumet le montage, la modification ou le renouvellement d’installations de climatisations de confort à autorisation de l’autorité compétente et englobe les installations de climatisation utilisées dans l’habitat, dans des locaux administratifs ou encore dans des hôtels, par opposition aux installations qui visent à garantir le bon fonctionnement d’équipements ou la bonne conservation de produits. Il importe dès lors peu, selon cette disposition, que la climatisation de confort résulte de l’utilisation d’une PAC réversible ou d’une installation de climatisation classique, dont les spécificités techniques sont au demeurant identiques, comme l’a indiqué l’intimé.

En soumettant dès lors à autorisation énergétique l’installation d’une PAC réversible pour la production de froid de confort, le Conseil d’État est resté dans le cadre de la loi et des buts qu’elle poursuit, à savoir l’utilisation rationnelle et économe de l’énergie, y compris lorsque ladite énergie provient de source renouvelable.

14) Les recourants contestent enfin les nouvelles obligations liées au calcul de l’IDC, concluant à l’annulation des art. 12K al. 1, 14 et 14A REn.

a. L’art. 6 al. 8 LEn définit l’IDC d’un bâtiment comme l’indice partiel de dépense d’énergie dudit bâtiment relatif au besoin d’énergie pour la production de chaleur dans ce dernier, le calcul de l’indice étant corrigé en fonction des données climatiques de l’année considérée.

L’art. 15C LEn prévoit que le calcul annuel de l’IDC est obligatoire pour tous les bâtiments chauffés (al. 1). Le propriétaire ou son mandataire communique à l’autorité compétente les données permettant le calcul de l’IDC, lequel est calculé selon les modalités prévues par le règlement (al. 3). Les bâtiments dont l’IDC pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire dépasse le seuil fixé par le règlement sont soumis à un audit énergétique thermique aux frais de leurs propriétaires ; à l’issue de cet audit, des mesures d’amélioration sont réalisés à leurs frais ; en cas de dépassement significatif dudit seuil, l’autorité compétente peur leur ordonner de procéder à leurs frais à l’exécution de travaux permettant de baisser l’IDC pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire en dessous d’une valeur maximale définie par le règlement (al. 4). Les propriétaires qui doivent prendre de telles mesures d’optimisation peuvent notamment bénéficier des mesures d’encouragement (al. 4). Le règlement prévoit des dispenses à l’exécution des mesures et/ou des travaux notamment pour les bâtiments présentant un intérêt sur le plan de la protection du patrimoine et pour les propriétaires qui justifient être dans l’incapacité d’établir un plan de leur financement (al. 6).

b. Selon les travaux législatifs relatifs à la loi 10'258, l’art. 15C LEn visait à généraliser le calcul de l’IDC à tous les bâtiments en exploitation, les dérogations au niveau de la fréquence du contrôle concernant principalement les villas, de petits immeubles ou les immeubles équipés de chaudières individuelles. En cas de dépassement des valeurs admises, il n’y avait pas d’exigence automatique de mise en conformité, dès lors qu’il avait été constaté que les dépassements n’étaient pas nécessairement liés à des défauts de construction ou à une mauvaise gestion, mais parfois à une inadéquation des valeurs admises pour définir des seuils de dépassement, notamment s’agissant du nombre d’heures d’utilisation ou du nombre d’occupants d’un bâtiment. L’obligation de mise en conformité était par conséquent remplacée par une obligation de moyens, soit l’engagement d’une analyse énergétique et la prise de mesures d’améliorations raisonnables, lesquelles devaient être adaptées à l’évolution de la technique et satisfaire au principe de proportionnalité. L’obligation de résultat était toutefois maintenue en cas de dépassement significatif des seuils admis. Les seuils ainsi que l’ampleur d’un dépassement significatif seraient définis dans le règlement par type de bâtiments. Il s’agissait de cibler les bâtiments les plus « gourmands » en énergie et non pas d’exiger que « toute la République fasse des audits ». Il était proposé de retenir un seuil de 800 MJ/m2.an pour exiger un audit et la mise en œuvre des mesures d’optimisation des consommations d’énergie rentables en trois ans, ce qui concernait environ 3 % du parc immobilier genevois. Au-delà de 900 MJ/m2.an, le dépassement était considéré comme significatif et des travaux devaient être réalisés dans un délai de cinq ans pour baisser la consommation en dessous de ce seuil, ce qui concernerait environ 1 % du parc immobilier genevois (MGC 2007-2008/VIII A 6737 ss).

Le PL 10'258 prévoyait initialement que le propriétaire ou son mandataire communiquait à l’autorité compétente l’IDC, lequel était calculé selon les modalités prévues par le règlement. Au cours des débats en commission parlementaire, il a été relevé, au sujet du calcul de l’IDC, que le texte du PL pouvait prêter à confusion, dès lors qu’il n’indiquait pas qui calculait l’IDC et laissait penser qu’il s’agissait du propriétaire. Or, ce dernier se limitait, dans les faits, à communiquer les données permettant le calcul de l’indice, si bien qu’une proposition visant à reformuler le texte de la loi a été acceptée, dans le sens où le propriétaire ou son mandataire communiquait à l’autorité compétente les données permettant le calcul de l’IDC, lequel devait être calculé selon les modalités prévues par le règlement (MGC 2008-2009/XII/1 A 15690).

15) a. En l’espèce, bien qu’ils concluent à l’annulation de l’art. 12K al. 1 REn, qui a trait non pas à l’IDC mais à l’IDCa, à savoir un indice théorique calculé dans le cadre de l’autorisation de construire et qui permet de définir la future consommation d’un bâtiment, les recourants n’émettent aucun grief spécifique à l’encontre de cette disposition, de sorte que leur recours ne répond pas, sous cet angle, aux exigences de l’art. 65 al. 3 LPA.

b. Les recourants critiquent les art. 14 et 14A sous différents aspects. Ils soutiennent d’abord que le calcul de l’IDC par les propriétaires concernés selon l’art. 14A al. 1 REn ne reposerait sur aucun fondement légal, l’art. 15C al. 2 LEn chargeant de cette tâche l’autorité compétente.

Il ne ressort toutefois pas expressément du texte de cette disposition que ladite autorité serait tenue d’y procéder. Cela étant, l’art. 15C al. 2 LEn ne mentionne pas non plus expressément qu’il appartiendrait aux propriétaires concernés d’effectuer ce calcul, puisqu’il se limite à prévoir que ceux-ci communiquent à l’autorité les données permettant ce calcul, dont les modalités doivent être prévues par voie réglementaire. Il résulte en particulier des travaux législatifs relatifs à l’art. 15C al. 2 LEn que la mention selon laquelle le propriétaire communiquait à l’autorité l’IDC a été supprimée, au motif que cette tâche devait revenir à l’autorité compétente. Dès lors, le texte de la loi ne saurait être compris comme chargeant les propriétaires d’effectuer le calcul de l’IDC, mais qu’il leur incombe à tout le moins de fournir les données permettant d’y procéder, étant précisé que rien ne les empêche également de faire ce calcul. Le fait que l’art. 14A al. 1 REn ait repris l’ancienne teneur de l’art. 14 al. 2 a REn ou que le Conseil d’État puisse prévoir les modalités pour procéder au calcul n’y change rien et ne peut pas lui permettre de contredire le texte de l’art. 15C al. 3 LEn.

Au vu de cette contradiction, il ne saurait être question de procéder à une interprétation conforme de l’art. 14A al. 1 REn à la loi, si bien qu’il doit être annulé, étant précisé qu’il n’appartient pas à la chambre de céans de réformer un acte normatif au vu du caractère cassatoire du recours en contrôle abstrait des normes (ACST/15/2021 du 22 avril 2021 consid. 4a). Il reviendra dès lors au Conseil d’État de procéder dans ce sens pour rendre le texte de l’art. 14A al. 1 REn conforme à l’art. 15C al. 3 LEn, par exemple en le reformulant de manière potestative, comme le suggèrent les recourants.

c. Les recourants se plaignent des différents seuils d’IDC visés à l’art. 14 REn, qu’ils jugent trop restrictifs. Ce faisant, ils ne critiquent pas cette disposition tant sous l’angle de sa légalité, étant précisé que l’art. 15C al. 4 LEn confie la tâche de fixer ces différents seuils au Conseil d’État par voie réglementaire, que sous celui de sa proportionnalité, la jugeant trop restrictive s’agissant des seuils prévus et des délais d’exécution des différentes mesures envisagées.

Si les seuils nouvellement prévus diffèrent effectivement de ceux précédemment en vigueur, respectivement de 800 MJ/m2.an et de 900 MJ/m2.an (art. 14A al. 2 et 3 aREn), ils n’en apparaissent pas moins aptes à atteindre les buts visés par la loi, en soumettant d’abord les propriétaires concernés à un audit énergétique et l’exécution de mesures d’amélioration en cas de dépassement ordinaire, puis à des travaux énergétiques en cas de dépassement significatif, respectivement dans un délai de douze et de trente-six mois.

Comme l’a indiqué l’OCEN, les seuils précédemment en vigueur étaient trop élevés pour inciter la majeure partie du parc bâti à s’engager dans un processus d’optimisation et/ou de rénovation énergétique, de sorte à permettre la transition énergétique du canton, étant précisé que les recourants n’évoquent l’existence d’aucune mesure moins incisive pouvant parvenir au résultat recherché. Par ailleurs, la portée des mesures en cause doit être relativisée, comme l’a expliqué le Conseil d’État s’agissant des bâtiments des recourants, pour lesquels le seuil prévu à l’art. 14 al. 1 REn n’apparaît pas franchi, au vu des données du SITG. L’on ne saurait ainsi suivre les recourants lorsqu’il prétendent que l’ensemble des propriétaires dépasserait automatiquement les seuils prévus. Ils perdent en outre de vue qu’en cas de dépassement ordinaire du seuil fixé à l’art. 14 al. 1 REn, un simple audit énergétique et l’exécution de mesures d’améliorations est ordonné, sans exigence automatique de mise en conformité mais pour déterminer comment ramener l’IDC en-dessous du seuil fixé, afin de rendre les propriétaires concernés conscients de l’état de leur bâtiment et des solutions envisageables. Ce n’est qu’en cas de dépassement significatif au sens de l’art. 14 al. 2 REn qu’une obligation de résultat est mise en œuvre, engendrant la réalisation de travaux énergétiques. Ce faisant, au vu des différents seuils et des différentes mesures envisagées, l’art. 14 REn respecte le principe de la proportionnalité.

Il en va de même des délais d’exécution de ces mesures, respectivement de douze et trente-six mois, qui sont certes relativement courts mais de nature à permettre d’économiser rapidement des kWh, étant précisé que l’intimé a indiqué à plusieurs reprises que des délais supplémentaires seraient accordés en cas de besoin et que les nouvelles dispositions seraient appliquées dans le strict respect du principe de la proportionnalité. À cela s’ajoute que les entreprises et organisations faîtières consultées par l’OCEN ont confirmé la capacité du marché à répondre à la demande selon les délais prévus, les recourants n’apportant aucun élément permettant d’affirmer que tel ne serait pas le cas.

d. S’agissant des dérogations, l’art. 15C al. 6 renvoie au règlement pour prévoir des dispenses à l’exécution des mesures et/ou des travaux, notamment pour des bâtiments présentant un intérêt sur le plan de la protection du patrimoine et pour les propriétaires justifiant être dans l’incapacité d’établir un plan de leur financement.

Le fait que l’art. 14 al. 10 REn emploie la forme potestative, en prévoyant que le département peut octroyer des dérogations notamment dans certains cas mentionnés n’est pas critiquable et s’inscrit dans le cadre de loi. Il en va de même des bâtiments concernés et mentionnés à l’art. 14 al. 10 let. b REn, le Conseil d’État s’étant, ce faisant, limité à définir les « bâtiments présentant un intérêt sur le plan de la protection du patrimoine » au sens de l’art. 15C al. 6 LEn. Sur cette base, contrairement à ce que semblent affirmer les recourants, le Conseil d’État ne pouvait pas prévoir des dérogations pour des zones entières, comme la zone 4B protégée. À cela s’ajoute que les dérogations mentionnées à l’art. 14 al. 10 REn ne sont pas exhaustives, du fait de l’emploi de l’adverbe « notamment », si bien que d’autres cas de figure pourraient entrer en considération.

Par ailleurs, le fait que le Conseil d’État n’ait prévu de dérogations qu’en cas de dépassement significatif n’est pas non plus sujet à caution, au vu de l’obligation de moyens résultant d’un dépassement ordinaire de l’IDC, consistant à faire un état des lieux énergétique des bâtiments concernés afin de déterminer les solutions envisageables.

e. Les recourants soutiennent que les dispositions litigieuses devaient figurer dans la LEn afin de déroger à la LDTR, qui ne leur permettait pas de répercuter le coût des travaux énergétiques entrepris sur les loyers des locataires. Ce faisant, sous le couvert d’une violation du principe de la légalité, les recourants se plaignent en réalité d’un déni législatif, ce qu’ils ne sont pas habilités à faire dans le cadre du présent recours (ACST/9/2020 du 6 février 2020 consid. 2 et les références citées).

Indépendamment de la question de la recevabilité d’un tel grief, celui-ci n’apparaît pas fondé. En effet, l’art. 15 al. 11 LEn prévoit qu’un certain nombre de mesures, à savoir celles destinées à réduire les pertes énergétiques de l’enveloppe du bâtiment, celles visant une utilisation rationnelle de l’énergie, celles destinées à réduire les émissions des installations techniques, celles visant à utiliser les énergies renouvelables ainsi que celles ayant trait au remplacement d’appareils ménagers à forte consommation d’énergie par des appareils à faible consommation, peuvent être répercutées sur les loyers, aux conditions prévues par l’art. 14 de l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitation et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 (OBLF - RS 221.213.11). L’art. 15 al. 12 et 13 LEn contient en outre des dispositions pour les loyers, respectivement correspondant aux besoins prépondérants de la population et se situant au-delà desdits besoins. Ces dispositions ont été introduites dans la loi 10'258 au cours des travaux parlementaires, la question s’étant posée de savoir qui, de l’État, des propriétaires et/ou des locataires devait assumer le coût des travaux de rénovation liées aux mesures d’économies d’énergie (MGC 2008-2009/XII/1 A 15669). Les représentants des propriétaires considéraient en particulier que la LDTR ne permettait pas une application complète de l’OBLF puisqu’elle limitait la possibilité de répercuter les investissements engagés par les propriétaires dans des travaux visant à économiser de l’énergie. Il n’était ainsi pas envisageable que la novelle entre en vigueur sans aménagement de la LDTR de façon à ce que les propriétaires puissent répercuter les coûts des travaux d’économie d’énergie sur les loyers en application de la législation fédérale (MGC 2008-2009/XII/1 A 15709 ss). Les recourants ne sauraient ainsi prétendre que la situation des propriétaires n’aurait pas été prise en compte du point de vue de la LDTR, de sorte que le grief doit être écarté.

f. Enfin, il en va de même de l’argument des recourants selon lequel la réalisation de travaux énergétiques serait rendue quasiment impossible en zone 4B protégée en lien avec la protection du patrimoine bâti, au regard de la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice, qui a récemment encore jugé que, dans la pesée des intérêts, celui à promouvoir l’énergie solaire notamment l’emportait en principe sur les aspects esthétiques (ATA/826/2022 du 23 août 2022 consid. 9c).

16) Il s’ensuit que le recours sera partiellement admis et l’art. 14A al. 1 REn annulé, au sens du considérant 15b ci-dessus.

17) Vu l’issue du litige, un émolument réduit, de CHF 1'500.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent pour l’essentiel (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- leur sera accordée, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2022 par Monsieur A______, la commune B______ et la commune C______ contre l’art. 12K al. 1, l’art. 13 al. 3 et 6 let. a, l’art. 13M al. 3 et 4, l’art. 13N al. 1, l’art. 14 et l’art. 14A modifiés par l’art. 1 souligné du règlement modifiant le règlement d’application de la loi sur l’énergie du 31 août 1988 (REn - L 2 30.01), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 19 avril 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule l’art. 14A al. 1 REn ;

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Monsieur A______, la commune B______ et la commune C______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Monsieur A______, la commune B______ et la commune C______, pris solidairement, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Killian Sudan et Pascal Pétroz, avocats des recourants, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mme Lauber, MM. Knupfer et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :