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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3058/2020

ACST/12/2021 du 15.04.2021 ( INIT ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.05.2021, rendu le 04.01.2022, REJETE, 1C_297/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3058/2020-INIT ACST/12/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 15 avril 2021

 

dans la cause

 

Madame A______
et
LE COMITÉ DE L'INITIATIVE « BOUCLIER LAMAL : STOPPER ENFIN L'ESCALADE DES PRIMES MALADIE ! »
représentés par Me Thierry Ador, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 


EN FAIT

1) L'Union démocratique du centre, Genève (ci-après : UDC-GE), constituée sous forme d'association au sens du droit civil, est un parti politique qui a son siège à Genève (art. 1 des statuts). Madame A______, domiciliée à Genève, en est la présidente.

2) Le 20 août 2019, le secrétaire général de l'UDC-GE a informé le Conseil d'État du lancement d'une initiative législative intitulée « Bouclier LAMal : stopper enfin l'escalade des primes maladie ! » (ci-après : l'initiative ou l'IN 175) et désigné Mme A______ comme mandataire.

3) L'IN 175 prévoyait de modifier la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) de la manière suivante :

« Art. 32, lettre a, (nouvelle teneur) Déduction de santé

Sont déduits du revenu :

a) Un montant forfaitaire correspondant au double de la prime moyenne cantonale de l'assurance-maladie obligatoire des soins pour le contribuable et les personnes à sa charge durant l'année fiscale considérée ; »

Selon l'exposé des motifs y relatif, l'initiative instaurait un mécanisme destiné à forcer l'État à agir contre la cherté des primes, en aménageant une déduction fiscale forfaitaire pour les frais de santé fixée au double de la prime moyenne cantonale de l'assurance obligatoire des soins. L'État devrait ainsi rétrocéder, par le biais des impôts, une partie du pouvoir d'achat dont les genevois étaient privés du fait de l'augmentation des primes d'assurance-maladie. Si celles-ci augmentaient, le montant de la déduction fiscale en ferait de même et si elles diminuaient, la déduction fiscale suivrait le même sort. L'État ne serait perdant que s'il n'entreprenait rien pour s'opposer efficacement aux hausses de ces primes.

4) Le 2 septembre 2019, le service des votations et élections (ci-après : SVE) a validé la formule de récolte des signatures.

5) Le lancement et le texte de l'IN 175 ont été publiés dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 septembre 2019 également, avec un délai de récolte des signatures venant à échéance le 2 janvier 2020.

6) Les 12 novembre et 23 décembre 2019, le comité d'initiative (ci-après : le comité) a déposé les listes des signatures auprès du SVE.

7) Par arrêté du 26 février 2020, publié dans la FAO du 28 février 2020, le Conseil d'État a constaté que les signatures avaient été déposées dans le délai légal prescrit et en nombre suffisant, si bien que l'IN 175 avait abouti. Par le même arrêté, il a fixé les délais de traitement de celle-ci, l'arrêté au sujet de sa validité devant être pris au plus tard le 28 juin 2020.

8) Par arrêté du 20 mars 2020 publié dans la FAO du même jour, puis par arrêté du 23 mars 2020 publié dans la FAO du lendemain, le Conseil d'État a suspendu, en lien avec l'épidémie de Covid-19, les délais de traitement des initiatives jusqu'au 31 mai 2020.

9) Le 27 avril 2020, la Chancellerie d'État (ci-après : la chancellerie) a invité le comité à lui faire part de ses déterminations sur la validité de l'initiative. Celle-ci ne précisait pas l'objet de la déduction projetée, à savoir s'il s'agissait d'une déduction des primes d'assurance-maladie et/ou d'assurance-accidents, ces dernières n'étant mentionnées ni dans son titre, ni dans l'exposé des motifs. De plus, malgré la marge de manoeuvre dont bénéficiait le législateur cantonal pour fixer les plafonds pour la déduction des primes, il n'en était pas moins tenu de respecter l'art. 9 al. 2 let. g de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), qui n'autorisait que des déductions très partielles de celles-ci, et non de leur totalité, selon un arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2003 du 13 février 2004.

10) Par courrier du 27 avril 2020 également, dont copie a été transmise au comité, la chancellerie a demandé à l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) de se déterminer sur la conformité de l'initiative à la LHID, en particulier sur le plafond et le montant forfaitaire admissibles, dès lors que, par le passé, elle s'était déjà prononcée sur une initiative neuchâteloise au contenu semblable.

11) Le 26 mai 2020, le comité a répondu à la chancellerie que l'initiative était valable. Le principe de clarté était respecté, puisqu'elle remplaçait la déduction fondée sur l'addition de primes effectivement payées par une déduction forfaitaire d'un montant supérieur au régime actuel, qui correspondait au double de la prime moyenne cantonale de l'assurance-maladie obligatoire pour le contribuable et les personnes à sa charge durant l'année fiscale en cause, telle que définie par le département fédéral de l'intérieur (ci-après : DFI) chaque année pour chaque canton et type d'assuré. L'initiative était également conforme au droit supérieur, dès lors que l'art. 9 al. 2 let. g LHID autorisait les cantons à prévoir des déductions liées aux primes d'assurance-maladie sous la forme d'un forfait, sans préjudice de l'arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2003, qui avait trait à une problématique étrangère aux déductions sociales liées à des frais de santé.

12) Le 28 mai 2020, l'AFC-CH a relevé plusieurs problèmes liés à l'initiative. Même si l'art. 9 al. 2 let. g LHID ne contenait aucune limite de déduction, un montant forfaitaire correspondant au double de la prime moyenne était trop élevé et sans commune mesure ni en proportion raisonnable avec les dépenses effectives consenties par les contribuables, de sorte que l'IN 175 n'était pas conforme à la LHID. En tant qu'elle était accordée à tous les contribuables, indépendamment des frais effectifs, il pouvait toutefois s'agir d'une mesure tarifaire relevant de l'autonomie des cantons, sur laquelle il lui était difficile de se prononcer par rapport à sa conformité au droit supérieur. Par ailleurs, la déduction pour l'assurance-accidents facultative n'était, selon le texte de l'initiative, pas comprise dans la déduction forfaitaire, si bien que les dispositions cantonales ne correspondaient plus à l'art. 9 al. 2 let. g LHID et rendaient le droit fédéral harmonisé directement applicable.

13) Le 8 juin 2020, la chancellerie a transmis les observations de l'AFC-CH au comité, lui accordant un délai pour se déterminer.

14) Le 17 juin 2020, le comité a répondu à la chancellerie ne pas avoir reçu copie de son courrier à l'AFC-CH, si bien qu'elle n'avait pas eu connaissance des questions qui lui avaient été posées. Il ne ressortait toutefois des observations de cette administration aucune conclusion en invalidation de l'initiative pour l'un ou l'autre motif abordé. Au contraire, l'AFC-CH avait confirmé que le domaine relevait de l'autonomie des cantons, tout comme l'application de l'IN 175. De plus, s'agissant des primes d'assurance-accidents, rien n'empêchait le canton de préciser dans son droit fiscal que, par exemple, la large déduction introduite par l'initiative inclurait également, en la forme forfaitaire, le déduction desdites primes. En tout état de cause, il convenait de retenir l'interprétation la plus favorable aux initiants et limiter autant que possible l'invalidation de l'IN 175.

15) Le 19 juin 2020, la chancellerie a transmis au comité une nouvelle copie de son courrier à l'AFC-CH du 27 avril 2020, lui accordant un délai pour lui faire parvenir ses éventuelles observations.

16) Le 24 juin 2020, le comité a relevé que l'AFC-CH n'avait pas fait de parallèle avec la cause neuchâteloise évoquée par la chancellerie, ce qui démontrait que toute comparaison était dénuée de pertinence. Pour le surplus, il a persisté dans ses précédentes déterminations.

17) Par arrêté du 26 août 2020, publié dans la FAO du 28 août 2020, le Conseil d'État a déclaré l'initiative nulle.

L'initiative, entièrement formulée, respectait les principes de l'unité du genre et de la matière.

Elle atteignait toutefois les limites du principe de clarté. La modification projetée de l'art. 32 let. a LIPP ne contenait plus trace de la déduction relative aux primes d'assurance-accidents et laissait entendre aux électeurs qu'elle portait exclusivement sur les déductions relatives aux primes d'assurance-maladie. C'était d'ailleurs dans ce sens que l'AFC-CH avait compris le texte de l'initiative et, même si le comité avait indiqué qu'il ne portait que sur le mode de déduction, il n'était pas évident de se rendre compte de la portée et des conséquences de la modification projetée. Par ailleurs, l'art. 9 al. 2 let. g LHID, qui s'appliquerait alors, ne mentionnait pas de quelle manière et à concurrence de quel montant les primes d'assurance-accidents devaient être déduites, ce dont le comité était conscient, renvoyant la responsabilité au canton pour pallier cette situation. L'initiative ne contenait pas non plus d'indication au sujet de la quotité de la déduction forfaitaire envisagée, le comité ayant simplement renvoyé à l'ordonnance du DFI, qui ne déterminait pas les primes moyennes mais les primes standards pour chaque canton. L'initiative, pas plus que le comité, n'indiquait en outre si le montant forfaitaire déductible devait être calculé en fonction de la prime moyenne du contribuable ou en la cumulant avec celle des personnes à sa charge. Il était néanmoins possible de comprendre que l'initiative n'avait pas pour but de modifier le calcul de la prime moyenne cantonale et que le montant déductible correspondait en définitive au plafond actuellement en vigueur à l'art. 32 let. a LIPP. La question de la conformité au principe de clarté de l'initiative pouvait toutefois rester indécise, dès lors qu'elle devait être invalidée pour d'autres motifs.

L'initiative n'était pas conforme au droit supérieur, et ce sous deux aspects. D'une part, en permettant une déduction forfaitaire correspondant au double de la prime moyenne cantonale de l'assurance-maladie obligatoire, elle dépassait le plafond des déductions très partielles admis par la jurisprudence, telle que concrétisée par la législation fédérale s'agissant de l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) en particulier. La modification projetée ne pouvait être qualifiée de déduction sociale, dès lors qu'elle ne visait pas une catégorie de contribuables en particulier. D'autre part, la suppression de la déduction des primes d'assurance-accidents facultative était contraire à l'art. 9 al. 2 let. g LHID, qui devenait alors directement applicable pour le canton et contraignait le Conseil d'État à édicter dans l'urgence des dispositions provisoires nécessaires à ladite application, dans l'attente de l'adaptation du droit cantonal. En l'absence d'interprétation permettant de concilier l'initiative au droit fédéral harmonisé, elle ne pouvait être rendue conforme à celui-ci et devait être invalidée pour ce motif.

L'exécutabilité de l'initiative prêtait à discussion, puisqu'elle ne pouvait être mise en oeuvre telle quelle, alors qu'elle était rédigée de toutes pièces et susceptible d'application immédiate, dans la mesure où l'application directe du droit fédéral pour la déductibilité des primes d'assurance-accidents nécessitait l'adoption de dispositions provisoires dans l'urgence.

Contraire au droit supérieur, l'initiative devait être déclarée nulle dans son intégralité, puisqu'elle ne contenait que la modification de la LIPP non-conforme au droit supérieur et ne pouvait ainsi subsister partiellement.

18) Par acte expédié le 28 septembre 2020, Mme A______ et le comité (ci-après : les recourants) ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre cet arrêté, concluant à son annulation et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'initiative respectait le principe de clarté. La modification projetée ne portait que sur le mode de déduction, qui passait d'une déduction à concurrence d'un montant maximal à une déduction forfaitaire, laquelle incluait également la prime d'assurance-accidents facultative. Ainsi, par exemple, un couple avec deux enfants pourrait déduire un montant forfaitaire de CHF 43'800.- pour l'année fiscale 2020 en lieu et place des primes d'assurance-maladie effectivement payées de CHF 19'596.-. Ce montant forfaitaire permettait d'inclure les éventuelles primes d'assurance-accidents. Il en résultait qu'au regard du système proposé, la mention de la déductibilité desdites primes devenait sans objet. Le Conseil d'État ayant laissé la question ouverte, sans motivation suffisante en lien avec cette condition de validité, le dossier devait lui être renvoyé.

L'initiative était également conforme au droit supérieur, en particulier à la LHID. La jurisprudence citée par le Conseil d'État était sans pertinence, puisqu'elle ne concernait pas le domaine en cause, l'art. 9 al. 2 let. g LHID réservant le droit cantonal pour la fixation du montant des déductions, qui pouvaient revêtir la forme d'un forfait, ainsi que pour prévoir un plafond. À cela s'ajoutait que le texte de l'initiative devait être compris comme incluant la déduction des primes d'assurance-accidents également dans le forfait relatif à la prime d'assurance-maladie, une telle interprétation étant préférable à une invalidation. La cause devait donc être renvoyée au Conseil d'État pour qu'il examine cette variante sous l'angle du principe d'interprétation conforme.

Dans la mesure où une partie des citoyens avait signé l'initiative, dont ils avaient compris l'objet, chacun d'entre eux devait pouvoir se prononcer à son sujet, ce qui constituait un droit fondamental devant être protégé et non pas bridé par l'exécutif qui, en la déclarant nulle, avait violé leurs droits populaires, de même que les droits du Grand Conseil de procéder à son examen et de lui opposer un contre-projet le cas échéant.

19) Le 23 novembre 2020, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

Il persistait dans les termes de l'arrêté entrepris, précisant que la nouvelle formulation de l'initiative proposée par les recourants ne correspondait pas à son texte et ne ressortait pas non plus de l'exposé des motifs ni des observations du comité. Il s'agissait d'un élément exorbitant au champ de l'arrêté attaqué, qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte dans le cadre de l'examen du recours.

20) Le 12 janvier 2021, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 5 février 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

21) Le 27 janvier 2021, le Conseil d'État a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

22) Le 5 février 2021, les recourants ont persisté dans les conclusions et termes de leur recours, précisant qu'ils proposaient une interprétation de l'initiative conforme au droit supérieur et non pas une nouvelle formulation de son texte.

23) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) a. La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître de recours interjetés, comme en l'espèce, contre un arrêté du Conseil d'État relatif à la validité d'une initiative populaire (art. 130B al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; ACST/15/2020 du 19 juin 2020 consid. 1a).

b. Le recours a été interjeté en temps utile, le délai légal ordinaire de trente jours (art. 62 al. 1 let. a et d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) s'appliquant en la matière, nonobstant le silence de la loi (ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 3a). Il respecte en outre les conditions de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA.

c. Le recours contre une décision relative à la validité d'une initiative rédigée de toutes pièces concerne le droit de vote des citoyens ainsi que les votations et élections au sens de l'art. 82 let. c de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Toute personne physique ayant le droit de vote dans l'affaire en cause est recevable à interjeter un tel recours, de même que les partis politiques et les organisations à caractère politique formées en vue d'une action précise, comme le lancement d'une initiative ou d'un référendum (ATF 139 I 195 consid. 1.4 ; 134 I 172 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 du 7 août 2020 consid. 1 ; ACST/8/2020 du 6 février 2020 consid. 1c). En l'espèce, tel est le cas des recourants, tant s'agissant de Mme A______, citoyenne genevoise et membre du comité d'initiative, que dudit comité qui a lancé l'initiative.

d. Le recours doit donc être déclaré recevable.

2) Le contrôle de la conformité au droit d'une initiative rédigée de toutes pièces s'apparente à un contrôle abstrait des normes. Il ne s'agit pas de prévenir uniquement que les citoyens soient exposés à être appelés à voter sur un objet, qui, d'emblée, ne pourrait pas être finalement concrétisé conformément à la volonté exprimée. Une initiative populaire législative formulée se transforme en loi si elle est acceptée par le Grand Conseil ou en votation populaire (art. 61 et 63 Cst-GE ; art. 122B, 123 et 123A de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 - LRGC - B 1 01 ; art. 94 al. 3 et 4 de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05 ; art. 5 ss de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 - LFPP - B 2 05), sans que son texte puisse être modifié (sous réserve de la correction d'erreurs matérielles de pure forme ou de peu d'importance mais manifestes ; art. 216A LRGC). Il n'y a pas lieu de prévoir deux intensités différentes du pouvoir d'examen de la chambre constitutionnelle, selon que celle-ci examine la conformité au droit respectivement de l'initiative formulée et, subséquemment sur recours abstrait, de la loi adoptée.

Il s'agit donc d'appliquer au recours en matière de validité des initiatives populaires formulées pour l'essentiel les mêmes principes d'interprétation, pouvoir d'examen et pouvoir de décision qu'en matière de contrôle abstrait des normes. Il y a lieu de contrôler librement la conformité du texte considéré avec le droit supérieur, tout en s'imposant une certaine retenue, et d'annuler les dispositions considérées seulement si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles ne soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il faut tenir compte notamment de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée, sans pour autant négliger les exigences qu'impose le principe de la légalité (ATF 145 I 26 consid. 1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2018 du 29 août 2019 consid. 2 ; ACST/8/2020 précité consid. 2).

3) a. Les trois conditions de validité d'une initiative que prévoit l'art. 60 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) sont l'unité du genre, l'unité de la matière et la conformité au droit supérieur ; s'y ajoutent, déduites de la liberté de vote garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE, l'exigence de clarté du texte de l'initiative et celle d'exécutabilité de l'initiative (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 précité consid. 3.1 ; ACST/8/2020 précité consid. 4a et les références citées).

b. D'une manière générale, une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa formulation, ne doit rien contenir de contraire au droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international (ATF 143 I 129 consid. 2.1). En vertu du principe de la primauté du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit, pour autant qu'elles ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation (ATF 143 I 129 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_174/2018 du 13 février 2019 consid. 3).

c. Une initiative populaire doit être invalidée si son objet est impossible. En effet, il ne se justifie pas que le peuple se prononce sur un sujet qui n'est pas susceptible d'être exécuté. L'invalidation ne s'impose toutefois que dans les cas les plus évidents. L'obstacle à la réalisation doit être insurmontable : une difficulté relative est insuffisante, car c'est avant tout aux électeurs qu'il appartient d'évaluer les avantages et les inconvénients qui pourraient résulter de l'acceptation de l'initiative. Par ailleurs, l'impossibilité doit ressortir clairement du texte de l'initiative ; si celle-ci peut être interprétée de telle manière que les voeux des initiants soient réalisables, elle doit être considérée comme valable. L'impossibilité peut être matérielle ou juridique. S'agissant des initiatives tendant à la remise en cause de travaux, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas inexécutabilité du simple fait que l'ouvrage est déjà commencé, mais qu'il y a impossibilité matérielle d'exécution lorsque l'ouvrage est en état d'achèvement (ATF 128 I 190 consid. 5 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 précité consid. 3.2).

d. L'exigence de la clarté du texte de l'initiative découle de la liberté de vote garantie à l'art. 34 al. 2 Cst. ; les électeurs appelés à s'exprimer sur le texte de l'initiative doivent être à même d'en apprécier la portée, ce qui n'est pas possible si le texte est équivoque ou imprécis (ATF 133 I 110 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_146/2020 précité consid. 4.2).

e. À teneur de l'art. 60 al. 4 Cst-GE, l'initiative dont une partie n'est pas conforme au droit est déclarée partiellement nulle si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides. À défaut, l'initiative est déclarée nulle.

4) Pour examiner la validité matérielle d'une initiative, la première règle d'interprétation est de prendre pour point de départ le texte de l'initiative, qu'il faut interpréter selon sa lettre et non pas selon la volonté des initiants (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les références citées). Une éventuelle motivation de l'initiative et les prises de position de ses auteurs peuvent être prises en considération. Bien que l'interprétation repose en principe sur le libellé, une référence à la motivation de l'initiative n'est pas exclue si elle est indispensable à sa compréhension (ATF 139 I 292 consid. 7.2.1). La volonté des auteurs doit être prise en compte, à tout le moins, dans la mesure où elle délimite le cadre de l'interprétation de leur texte et du sens que les signataires ont pu raisonnablement lui attribuer (ATF 139 I 292 consid. 7.2.5).

Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L'interprétation conforme doit ainsi permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité (ATF 132 I 282 consid. 3.1). Tel est le sens de l'adage in dubio pro populo, selon lequel un texte n'ayant pas un sens univoque doit être interprété de manière à favoriser l'expression du vote populaire (ATF 143 I 129 consid. 2.2). Cela découle également du principe de la proportionnalité (art. 34 et 36 al. 2 et 3 Cst.), selon lequel une intervention étatique doit porter l'atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens. Les décisions d'invalidation doivent autant que possible être limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 134 I 172 consid. 2.1).

Cela étant, la marge d'appréciation de l'autorité de contrôle est évidemment plus grande lorsqu'elle examine une initiative non formulée que lorsqu'elle se trouve en présence d'une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d'un acte normatif. Cependant lorsque, de par son but même ou les moyens mis en oeuvre, le projet contenu dans une telle initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l'adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l'initiative et du peuple appelé à s'exprimer ; la volonté de ce dernier ne doit pas être faussée par la présentation d'un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_174/2018 précité consid. 3).

5) a. La Confédération fixe les principes de l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes ; elle prend en considération les efforts des cantons en matière d'harmonisation (art. 129 al. 1 Cst.). L'harmonisation s'étend à l'assujettissement, à l'objet et à la période de calcul de l'impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Les barèmes, les taux et les montants exonérés de l'impôt, notamment, ne sont pas soumis à l'harmonisation fiscale (art. 129 al. 2 Cst.).

b. Le constituant a prévu une harmonisation tant sur le plan horizontal (entre les cantons eux-mêmes, d'une part, et, dans le canton, entre les communes elles-mêmes, d'autre part) que sur le plan vertical (entre la Confédération et les cantons, respectivement entre les cantons et les communes). Le législateur fédéral, qui a pour mandat constitutionnel de mettre en oeuvre l'harmonisation fiscale, doit ainsi veiller à ce que la réglementation concernant l'IFD et les lois fiscales cantonales concordent entre elles. Il doit user de sa compétence législative dans le domaine de l'IFD de telle manière que son propre régime fiscal soit en accord avec les règles contenues dans la LHID (ATF 130 II 65 consid. 5.2 et les références citées).

Les caractéristiques du système juridique suisse exigent, en matière d'impôts, la cohérence des normes fiscales, fédérales et cantonales, ainsi que celle de leur interprétation. En effet, l'harmonisation fiscale a pour but de mettre sur pied un système fiscal cohérent de manière à permettre une vue d'ensemble de la législation fiscale. Cela exige des cantons qu'ils se conforment aux règles et à l'esprit de l'harmonisation. Le principe de cohérence veut également que l'on interprète le droit de l'IFD et le droit cantonal qui règle la même matière de manière à réaliser une harmonisation de la jurisprudence (ATF 130 II 65 consid. 5.2 et les références citées). En particulier, lorsque la disposition de droit fiscal cantonal est semblable à celle de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), il y a lieu, en vue d'une harmonisation verticale, d'interpréter la première de la même manière que celle relative à l'IFD, dont elle reprend la teneur (ATF 140 II 141 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_290/2015 du 24 avril 2015 consid. 5.1).

6) a. Sur cette base constitutionnelle, le législateur a adopté la LHID, qui désigne les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixe les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID). Lorsqu'aucune réglementation particulière n'est prévue, les impôts cantonaux et communaux sont établis en vertu du droit cantonal. Restent en particulier de la compétence des cantons la fixation des barèmes, celle des taux et celle des montants exonérés d'impôt (art. 1 al. 3 LHID).

b. L'art. 9 LHID traite des déductions pouvant être défalquées du revenu imposable et les énumère. Il ressort de la lettre de cette disposition que les déductions autorisées sur le revenu y sont réglées exhaustivement. Ainsi les dépenses d'acquisition du revenu (déductions organiques) sont définies à l'art. 9 al. 1 LHID. L'art. 9 al. 2 LHID donne une liste exhaustive des déductions sociopolitiques autorisées (déductions générales ou anorganiques), qui ne sont pas liées directement à l'acquisition du revenu, mais à la détermination de la capacité contributive subjective. Elles sont accordées en général pour des motifs extra-fiscaux, jusqu'à un montant déterminé, les dépenses pour lesquelles elles sont admises constituant une utilisation du revenu (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2018 du 14 septembre 2020 consid. 8.3 ; 2C_162/2010 du 21 juillet 2010 consid. 6.3). Elles doivent être interprétées restrictivement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_404/2020 du 16 décembre 2020 consid. 3.3.1 et les références citées).

En font partie les versements, cotisations et primes d'assurance-vie, d'assurance-maladie et d'assurance-accidents ainsi que les intérêts des capitaux d'épargne du contribuable et des personnes à l'entretien desquelles il pourvoit, jusqu'à concurrence d'un montant déterminé par le droit cantonal, qui peut revêtir la forme d'un forfait (let. g). Les cantons ont l'obligation de reprendre ces déductions au plan cantonal, une compétence cantonale n'étant réservée que dans certains cas et son étendue expressément limitée au choix des montants des déductions. L'art. 9 al. 2 let. g LHID ne laisse aucune autre marge de manoeuvre aux cantons (arrêt du Tribunal fédéral 2C_162/2010 précité consid. 5.1). Il résulte en particulier du texte de la LHID, qui prévoit la déduction « jusqu'à concurrence d'un montant déterminé par le droit cantonal », que les cantons sont tenus de limiter le montant des déductions générales prévues à l'art. 9 al. 2 let. g LHID (arrêt du Tribunal fédéral 2C_162/2010 précité consid. 6.1), de manière à respecter le sens et l'esprit de cette disposition, même si la LHID ne donne aucune précision sur le montant que les cantons doivent fixer dans leur législation (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2003 précité consid. 7.2).

Dans ce cadre, le Tribunal fédéral a déjà jugé que les primes d'assurances de rente viagère visées à l'art. 9 al. 2 let. g LHID ne pouvaient faire l'objet que d'une déduction très partielle, et que des plafonds si élevés qu'ils autorisaient de fait les contribuables à déduire le plus souvent l'intégralité de primes périodiques substantielles ainsi qu'une partie appréciable, voire la totalité, des primes uniques, n'était pas admissible sous l'angle de la LHID. De plus, de tels montants étaient sans commune mesure avec les limites aménagées par la LIFD, laquelle constituait un élément d'interprétation de poids dans un but d'harmonisation verticale poursuivi par la LHID (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2003 précité consid. 6 et 7.2). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l'obligation faite aux citoyens de souscrire une assurance-maladie ne conduisait pas à une déduction complète des primes relatives à l'assurance obligatoire, contrairement à ce qui était le cas de la pleine déduction des primes des deux piliers obligatoires de la prévoyance vieillesse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_162/2010 précité consid. 6.4).

Selon la jurisprudence, les cantons ne sont pas complètement libres dans l'exercice de la liberté d'organisation que leur confère la LHID (ATF 133 I 210 consid. 5). Ils doivent observer les droits fondamentaux, en particulier le droit à l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.) et ses corollaires en matière fiscale, parmi lesquels figure le principe d'imposition selon la capacité économique (art. 127 al. 2 Cst.). Il en va de même lorsque les cantons sont appelés à limiter la déduction prévue par l'art. 9 al. 2 let. g LHID : ils doivent faire usage de leur liberté dans les limites des droits fondamentaux (arrêt du Tribunal fédéral 2C_162/2010 précité consid. 6.2).

c. Finalement, l'art. 9 al. 4 LHID indique qu'aucune autre déduction ne sera admise, à l'exception des déductions pour enfants et autres déductions sociales qui sont les seules à demeurer dans la compétence exclusive des cantons (arrêt du Tribunal fédéral 2C_686/2018 du 21 janvier 2019 consid. 5.2). La teneur de cette disposition laisse une grande marge de manoeuvre au législateur cantonal dans la mise en place des déductions sociales, qui relèvent du droit cantonal autonome. Constituent des déductions sociales celles qui ne tiennent pas compte des dépenses effectives mais du statut social du contribuable et de l'influence que ce statut produit sur la capacité économique individuelle (ATF 131 I 377 consid. 4.2). Il s'agit, en d'autres termes, d'équilibrer la charge fiscale entre divers groupes de contribuables, selon leur capacité économique. Ce sont autant d'ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles - et sous cet angle restreint - une certaine égalité de traitement (ATF 141 II 338 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_686/2018 précité consid. 5.3).

d. Par ailleurs, selon l'art. 72 al. 1 LHID, les cantons doivent adapter leur législation aux dispositions de la LHID dans les huit ans qui suivent l'entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 1993, à savoir jusqu'au 1er janvier 2001. Dès cette date, la LHID déploie pleinement ses effets et les cantons doivent disposer d'une législation fiscale conforme. À l'expiration de ce délai, le droit fédéral est directement applicable si les dispositions du droit fiscal cantonal s'en écartent, le gouvernement cantonal édictant les dispositions provisoires nécessaires (art. 72 al. 2 et 3 LHID).

7) L'art. 33 al. 1 let. g LIFD prévoit pour sa part que sont déduits du revenu, les versements, cotisations et primes d'assurances-vie, d'assurance-maladie, d'assurance-accidents n'entrant pas dans le champ d'application des déductions pour les primes et cotisations versées en vertu de la réglementation sur les allocations pour perte de gain, des dispositions sur l'assurance-chômage et l'assurance-accidents obligatoire, ainsi que les intérêts des capitaux d'épargne du contribuable et des personnes à l'entretien desquelles il pourvoit, jusqu'à concurrence d'un montant global de CHF 3'500.- pour les époux vivant en ménage commun (ch. 1) et de CHF 1'700.- pour les autres contribuables (ch. 2). Il n'existe pas de différence significative entre cette disposition et l'art. 9 al. 2 let. g LHID, hormis les montants maximaux déductibles mentionnés à l'art. 33 al. 1 let. g LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_429/2008 du 10 décembre 2008 consid. 7).

8) En droit genevois, la LIPP régit la perception de l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune des personnes physiques (art. 1 LIPP). L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions (art. 17 LIPP). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 29 à 37 (art. 28 LIPP). En font partie les déductions de santé visées à l'art. 32 LIPP, en particulier les primes d'assurances-maladie et celles d'assurance-accidents du contribuable et des personnes à sa charge, à concurrence d'un montant équivalant, pour l'année fiscale considérée, au double de la prime moyenne cantonale relative à l'assurance obligatoire des soins déterminée par l'office fédéral de la santé publique par classe d'âge des assurés (let. a).

9) En l'espèce, l'autorité intimée a déclaré l'IN 175 nulle, considérant qu'elle était contraire à la LHID en tant qu'elle prévoyait un montant forfaitaire déductible trop élevé et qu'elle ne permettait plus la déductibilité des primes d'assurance-accidents, ce que les recourants contestent.

L'IN 175, entièrement rédigée, vise à remplacer l'actuel art. 32 let. a LIPP par une nouvelle disposition prévoyant une déduction forfaitaire correspondant au double de la prime moyenne cantonale de l'assurance-maladie obligatoire des soins pour le contribuable et les personnes à sa charge durant l'année fiscale en cause. Elle implique ainsi de modifier le mode de déduction des primes d'assurance-maladie, en faisant passer celles-ci d'un montant maximal admissible à un montant forfaitaire. Une telle possibilité est toutefois réservée à l'art. 9 al. 2 let. g LHID, qui permet aux cantons de prévoir que le montant de la déduction pour les primes visées par cette disposition puisse revêtir la forme d'un forfait, ce qui n'est du reste pas contesté, seul l'étant le plafond ainsi fixé.

Si l'art. 9 al. 2 let. g LHID ne laisse aucune marge de manoeuvre en faveur des cantons autre que la possibilité de fixer le montant des déductions, ils n'en sont pas moins tenus de plafonner celles-ci, comme le rappelle le texte de cette disposition ainsi que la jurisprudence. Les cantons ne sont pas non plus totalement libres dans la limitation dudit montant. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la déduction des primes d'assurance de rente viagère ne pouvait être que très partielle et que des plafonds si élevés qu'ils autorisaient de fait les contribuables à déduire une partie appréciable, voire la totalité desdites primes n'était pas admissible sous l'angle de la LHID. Quoi qu'en disent les recourants, cette jurisprudence est également applicable à la déduction des primes d'assurance-maladie et d'assurance-accidents facultative, visées à l'art. 9 al. 2 let. g LHID aux côtés des versements, cotisations et primes d'assurance-vie, comme les primes d'assurances de rente viagère, ainsi que les intérêts des capitaux d'épargne. À cela s'ajoute que le Tribunal fédéral a également précisé que l'obligation faite de souscrire une assurance-maladie n'était pas synonyme de déduction complète des primes y relatives.

Une telle interprétation restrictive de la déductibilité des primes d'assurance-maladie s'inscrit dans le cadre de la LHID. Il s'agit en effet de déductions générales ou anorganiques, non liées à l'acquisition du revenu mais à la détermination de la capacité contributive subjective, les dépenses pour lesquelles elles sont accordées constituant une utilisation du revenu. À ce titre, elles ne sauraient outrepasser les montants effectivement payés par le contribuable pour ce faire, sous peine de contredire le sens et l'esprit de la LHID et de permettre dans les faits des déductions bien plus importantes que celles exhaustivement énumérées par cette loi (art. 9 al. 4 LHID).

À cela s'ajoute que la LIFD prévoit également une déductibilité très partielle des primes d'assurance-maladie et d'assurance-accidents à concurrence d'un montant global de CHF 3'500.- pour les époux vivant en ménage commun et de CHF 1'700.- pour les autres contribuables. Le principe de cohérence veut ainsi que dans un souci d'harmonisation verticale, le droit cantonal soit interprété de la même manière que le droit fédéral, étant précisé qu'il n'existe aucune différence significative entre l'art. 33 al. 1 let. g LIFD et l'art. 9 al. 2 let. g LHID.

La modification projetée de l'art. 32 let. a LIPP vise à déduire un montant forfaitaire correspondant au double de la prime moyenne cantonale de l'assurance-maladie obligatoire des soins telle que définie par le DFI chaque année, sans égard aux primes effectivement payées par les contribuables pour l'année en cause, comme les recourants l'ont exposé, chiffres à l'appui, dans leur recours. Pour les motifs ci-dessus mentionnés, un tel mécanisme, qui vise en réalité à diminuer le revenu imposable d'un montant forfaitaire largement supérieur aux frais effectifs des primes d'assurance-maladie et cherche, ce faisant, à faire pression sur les autorités politiques afin qu'elles entreprennent les démarches nécessaires en vue de la diminution desdites primes, n'est pas conforme à la LHID. C'est dès lors à juste titre que le Conseil d'État est arrivé à la conclusion que l'art. 32 let. a de l'IN 175 était contraire au droit supérieur pour ce motif déjà, ce que l'AFC-CH a également relevé dans ses observations.

La modification projetée de la LIPP ne saurait entrer dans le cadre des déductions sociales réservées par l'art. 9 al. 4 LHID, de la compétence des cantons, comme l'a suggéré l'AFC-CH dans son courrier du 28 mai 2020. Étant donné que les cantons sont tenus de prévoir les déductions mentionnées à l'art. 9 al. 2 LHID dans leur législation et, qu'à défaut, le droit fédéral est directement applicable, un tel raisonnement conduirait alors à déduire deux fois les mêmes dépenses, la première fois par le biais du droit fédéral applicable et la deuxième fois par les déductions sociales réservées. Une telle situation conduirait en définitive à une double déduction du même montant, ce qui contournerait les limites impératives fixées par l'art. 9 LHID et entraverait l'application du droit harmonisé sur ce point.

Le même raisonnement doit être suivi s'agissant de la déductibilité des primes d'assurance-accidents, qui ne peuvent être considérées comme des déductions sociales cantonales, puisqu'elles sont mentionnées à l'art. 9 al. 2 let. g LHID, aux côtés des primes d'assurance-maladie.

Dans ce cadre, la modification projetée de la LIPP, contrairement à la teneur actuelle de l'art. 32 let. a LIPP, ne fait aucune mention de la déduction de ces primes, alors même qu'elles sont visées à l'art. 9 al. 2 let. g LHID. Les recourants soutiennent qu'elles seraient comprises dans le montant forfaitaire permettant la déduction des primes d'assurance-maladie. Si rien ne s'oppose à ce qu'un même forfait couvre plusieurs déductions, il n'en demeure pas moins que celles en lien avec l'assurance-accident sont absentes du texte et du titre de l'initiative, de même que de l'exposé des motifs, qui n'en fait aucune mention. C'est d'ailleurs dans ce sens que l'AFC-CH a compris la modification projetée, raison pour laquelle elle a indiqué que le droit fédéral harmonisé serait alors directement applicable sur ce point. Il en résulte davantage une contrariété de l'initiative tant au principe de clarté qu'au droit supérieur, dès lors que les électeurs ne sont pas réellement en mesure d'apprécier la portée du texte ni ses implications fiscales. L'on peut ainsi raisonnablement déduire du texte de l'initiative, tout comme d'ailleurs de son intitulé ainsi que de l'exposé des motifs, que les citoyens qui ont signé le texte de l'initiative pouvaient la comprendre comme la déductibilité des seules primes d'assurance-maladie et non pas comme englobant également les primes d'assurance-accidents. L'interprétation que veulent lui donner les recourants ne permet pas d'éliminer ces carences, pas plus qu'elle n'est en mesure de remédier à son absence de conformité au droit supérieur, conformément aux développements qui précèdent.

Par ailleurs, le fait que le Conseil d'État ait laissé la question de la clarté de l'initiative ouverte ne permet pas de conclure à une violation de son obligation de motivation, comme semblent le soutenir les recourants, puisqu'il a traité la question de manière circonstanciée, sans toutefois en tirer de conclusion quant au sort du texte projeté. Il en va de même s'agissant de l'exécutabilité de l'initiative, étant toutefois précisé que celle-ci ne saurait être déniée du seul fait, pour les autorités, d'adopter des dispositions urgentes, en application de la LHID, en vue de la mise en oeuvre de la modification projetée, ce qui ne constitue qu'une difficulté relative. Le Conseil d'État n'a au demeurant pas invalidé l'initiative en raison de son absence de conformité à ces ceux principes, mais du fait qu'elle ne respecte pas le droit supérieur.

Étant donné les carences dont souffre l'art. 32 let. a LIPP projeté, disposition unique de l'initiative, c'est à juste titre que le Conseil d'État a invalidé celle-ci et considéré l'IN 175 comme nulle.

Il s'ensuit que le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 septembre 2020 par Madame A______ et le comité de l'initiative « Bouclier LAMal : stopper enfin l'escalade des primes maladie ! » contre l'arrêté du Conseil d'État du 26 février 2002, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du 28 février 2020, déclarant l'IN 175 « Bouclier LAMal : stopper enfin l'escalade des primes maladie ! » nulle ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge des recourants, pris solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thierry Ador, avocat des recourants, au Conseil d'État ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions, pour information.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mmes Lauber et McGregor, M. Knupfer, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :