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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4071/2020

ACST/44/2020 du 16.12.2020 ( ABST ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4071/2020-ABST ACST/44/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 16 décembre 2020

sur effet suspensif

dans la cause

Madame A______, représentée par sa mère, Madame B______
Monsieur C______, représentée par sa mère Madame D______
Monsieur E______, représenté par sa mère Madame F______
Madame G______, représentée par son père Monsieur H______
Madame I______, représentée par sa mère Madame J______
Madame K______, représentée par son père Monsieur L______
Monsieur M______, représenté par son père Monsieur N______
Madame O______, représentée par sa mère Madame P______
tous représentés par Me Johanna SANZ, avocate

contre

CONSEIL D'ÉTAT


Attendu, en fait, que :

1) Le 29 octobre 2020, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d'État) a adopté l'arrêté concernant l'obligation du port du masque pour les élèves et les collaborateurs et les collaboratrices du degré secondaire I (ci-après : l'arrêté du 29 octobre 2020), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 30 octobre 2020.

2) L'arrêté comprend notamment les articles ci-après :

Article 1

Le port du masque est obligatoire au sein des établissements scolaires publics, ainsi que lors de toute activité ayant lieu en dehors desdits établissements et organisée par ou placée sous la responsabilité de l'école, pour tous les collaborateurs et toutes les collaboratrices ainsi que pour tous les élèves du degré secondaire I, lorsque la distance de 1,5 mètre entre les personnes ne peut pas être respectée ou si une protection physique, par exemple une paroi de protection, n'a pas été mise en place.

...

Article 3

1 Les coûts liés à l'achat de masques pour les élèves du degré secondaire I des établissements scolaires publics sont à la charge du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

...

Article 4

Les types de masques autorisés sont prévus par directive interne.

Article 5

1 Le port du masque est également obligatoire pour tous les collaborateurs et toutes les collaboratrices ainsi que pour tous les élèves des établissements scolaires privées sis sur le territoire de la République et canton de Genève qui dispensent des enseignements de niveau du degré secondaire I, lorsque la distance de 1,5 mètre entre les personnes ne peut pas être respectée, ou si une protection physique, par exemple une paroi de séparation, n'a pas été mise en place.

2 Les modalités liées à cette obligation sont définies pour chaque école privée.

Article 6

Le port du masque n'est pas obligatoire pour les collaborateurs et les collaboratrices ainsi que pour les élèves de l'enseignement spécialisé, aussi bien dans les écoles publiques que dans les écoles privées, si les plans de protection prévoient l'exception.

Article 7

Le présent arrêté entre en vigueur à compter du 2 novembre 2020 et est valable pour l'année 2020-2021.

 

3) Le 1er novembre 2020, le Conseil d'État a adopté l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l'arrêté du 1er novembre 2020), publié dans la FAO du 2 novembre 2020.

4) L'arrêté comprend notamment les articles ci-après :

Chapitre 1 Dispositions générales

Article 1 - État de nécessité

L'état de nécessité, au sens de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est déclaré.

Les mesures prévues dans le présent arrêté visent à prévenir la propagation du coronavirus.

...

Chapitre 2 Autorités compétentes et contrôles

Article 2 - Autorités compétentes

1 Le département chargé de la santé (ci-après : département), soit pour lui la direction générale de la santé, est l'autorité compétente pour édicter les directives d'application nécessaires et mettre en oeuvre les mesures sanitaires fédérales et cantonales, sauf dans les domaines où le droit cantonal ou le présent arrêté désignent d'autres autorités compétentes.

2 Sur demande de ces autorités, le service du médecin cantonal émet un préavis.

Article 5 - Masques

1 Au sens du présent arrêté, on entend par masques les masques d'hygiène ou les masques en tissu à l'exclusion des protections faites « maison ». Les visières, les masques avec valve, les écharpes et les autres vêtements ne sont pas considérés comme des masques.

2 Sont exemptés de l'obligation de porter un masque :

a.       Les enfants avant leur douzième anniversaire ;

b.       Les personnes qui ne peuvent pas porter de masque pour des raisons particulières, notamment médicales, en lien avec une situation de handicap, ou pour communiquer avec une personne sourde ou malentendante.

3 Les masques doivent être portés correctement en couvrant à la fois le nez et la bouche.

...

Chapitre 4 Mesures visant la formation

Article 9 - École obligatoire et du degré secondaire II

1 L'enseignement présentiel à l'école obligatoire et jusqu'au secondaire II y compris est autorisé si un plan de protection, au sens de l'art. 4 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière, est mis en oeuvre.

2 Les mesures propres aux établissements scolaires sont prévues dans des arrêtés ad hoc ainsi que dans les plans de protection.

...

Chapitre 10 Dispositions finales

Article 21 - Entrée en vigueur et durée de validité

1 Le présent arrêté entre en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00.

2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 29 novembre 2020 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin.

 

5) Le 25 novembre 2020, le Conseil d'État a adopté l'arrêté modifiant l'arrêté du 1er novembre 2020, d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l'arrêté du 25 novembre 2020), publié dans la FAO du 25 novembre 2020. Cet arrêté de modification, entré en vigueur le 28 novembre 2020, a notamment prolongé les mesures prévues par l'arrêté du 1er novembre 2020 jusqu'au 17 décembre 2020 (art. 21 al. 2).

6) Le 27 novembre 2020, le service de santé de l'enfance et de la jeunesse (ci-après : le service) a validé le plan de protection pour l'enseignement au cycle d'orientation (ci-après : CO) pendant l'automne 2020. Il ressort notamment de ce plan de protection que les élèves et les membres du personnel du Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) doivent porter le masque en tout temps dans l'enceinte de l'établissement scolaire, aussi durant les récréations. Cette obligation vaut également pour toute activité ayant lieu en dehors desdits établissements et organisée par ou placée sous la responsabilité de l'école. Les masques leur sont fournis par le DIP. Font exception les situations où le port du masque compliquerait considérablement l'enseignement ; la distance interpersonnelle de 1,5 mètre doit alors être strictement respectée. Sont exemptées de l'obligation de porter un masque les personnes qui ne peuvent pas le porter pour des raisons particulières, notamment médicales, en lien avec une situation de handicap, ou pour communiquer avec un personne sourde ou malentendante. Elles doivent alors respecter en tout temps la distance interpersonnelle de 1,5 mètre avec les élèves ou les adultes (ch. B 1.5).

7) Par acte posté le 3 décembre 2020, les enfants A______, représentée par sa mère, C______, représenté par sa mère, E______, représenté par sa mère, G______, représentée par son père, I______, représentée par sa mère, K______, représentée par son père, M______, représenté par son père et O______, représentée par sa mère, ont conjointement interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), concluant, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif et, au fond, à ce que les arrêtés du Conseil d'État des 1er et 25 novembre 2020 et les plans de protection pour l'enseignement au CO soient déclarés « nuls dans leur intégralité », le tout « sous suite de frais et dépens ».

L'obligation de porter le masque dans les établissements scolaires prévue dans les arrêtés litigieux pour les enfants de plus de 12 ans était contraire à la liberté personnelle, au droit à la protection des enfants et des jeunes et au droit à un enseignement de base gratuit. Elle n'était pas fondée sur une base légale suffisante, ne poursuivait pas « un intérêt public absolument évident » et était disproportionnée. Les inconvénients de l'obligation généralisée du port du masque par les enfants n'avaient pas été suffisamment pris en compte. Étaient notamment mentionnés à ce titre le manque d'oxygène, les troubles psychiques et de développement, ainsi que les répercussions sur les liens sociaux et la communication émotionnelle.

8) Par réponse du 11 décembre 2020, le Conseil d'État s'en est rapporté à justice s'agissant de la recevabilité du recours et a conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours.

Les recourants n'invoquaient aucun intérêt public ou privé supérieur en faveur d'une suspension de la mesure litigieuse. Elle se fondait au demeurant sur une base légale suffisante, et l'intérêt public était indéniable. Il s'agissait de la mesure la moins incisive possible permettant de prévenir la propagation du virus entre les élèves du CO.

9) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt au fond, étant précisé que la chambre constitutionnelle est récemment entrée en matière sur un recours contestant des dispositions issues d'un arrêté de même type que celui présentement attaqué (ACST/36/2020).

La conclusion visant à ce que les plans de protection édictés par le service soient déclarés nuls peut toutefois être considérée comme d'emblée irrecevable, la chambre constitutionnelle n'étant compétente que pour procéder au contrôle abstrait des lois constitutionnelles, lois et règlements du Conseil d'État (art. 130B de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 a contrario).

On comprend, par ailleurs, des écritures des recourants, qui ont conclu à l'annulation « dans leur intégralité » des arrêtés litigieux, que leur recours porte uniquement sur l'obligation du port du masque facial par les enfants âgés de plus de 12 ans fréquentant l'école obligatoire, de sorte que seule la conformité aux garanties constitutionnelles invoquées des art. 5 al. 2 let. a (exemption de l'obligation de porter un masque pour les enfants avant leur douzième anniversaire) et 9 al. 1 et 2 (enseignement présentiel et mise en oeuvre d'un plan de protection pour l'enseignement présentiel) de l'arrêté du 1er novembre 2020 sera examinée.

2) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d'urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 LPA).

3) a. Selon l'art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d'État, le recours n'a pas d'effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l'effet suspensif (al. 3). D'après l'exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en oeuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l'absence d'effet suspensif automatique se justifie afin d'éviter que le dépôt d'un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l'effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11311, p. 15).

b. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

L'octroi de mesures provisionnelles - au nombre desquelles figure l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). En matière de contrôle abstrait des normes, l'octroi de l'effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 835 ss ; Claude-Emmanuel DUBEY, La procédure de recours devant le Tribunal fédéral, in François BELLANGER/ Thierry TANQUEREL [éd.], Le contentieux administratif, 2013, 137-178, p. 167).

4) a. Droit constitutionnel garanti par l'art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté personnelle ne tend pas seulement à assurer le droit d'aller et venir, voire à protéger l'intégrité corporelle et psychique, mais elle garantit, de manière générale, toutes les libertés élémentaires dont l'exercice est indispensable à l'épanouissement de la personne humaine et que devrait posséder tout être humain, afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte par le biais de mesures étatiques (ATF 133 I 110 consid. 5.2). Sa portée ne peut être définie de manière générale mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des buts de la liberté, de l'intensité de l'atteinte qui y est portée ainsi que de la personnalité de ses destinataires (ATF 142 I 195 consid. 3.2). La liberté personnelle se conçoit comme une garantie générale et subsidiaire à laquelle le citoyen peut se référer pour la protection de sa personnalité ou de sa dignité, en l'absence d'un droit fondamental plus spécifique (ATF 123 I 112 consid. 4). L'art. 20 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

D'après l'art. 11 al. 1 Cst., les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement. Le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti (art. 19 Cst.). Conformément à l'art. 24 Cst-GE, le droit à l'éducation est garanti (al. 1). Toute personne a droit à une formation initiale publique gratuite (al. 2).

Conformément aux art. 36 Cst. et 43 Cst-GE, toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de restriction grave (al. 1) ; elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis (al. 3), sans violer l'essence du droit en question (al. 4).

b. La Confédération légifère sur la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies très répandues et les maladies particulièrement dangereuses de l'être humain et des animaux (art. 118 al. 2 let. b Cst.).

Le Conseil fédéral peut édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure ; ces ordonnances doivent être limitées dans le temps (art. 185 al. 3 Cst.).

c. Sur la base de l'art. 6 al. 2 let. a et b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme, du 28 septembre 2012 (LEp - RS 818.101), le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 (ordonnance COVID-19 - RS 818.101.26). D'après l'art. 1 al. 2 de cette ordonnance, les mesures visent à prévenir la propagation du coronavirus (COVID-19) et à interrompre les chaînes de transmission.

D'après l'art. 4 al. 1 de l'ordonnance COVID-19, les exploitants d'installations ou d'établissements accessibles au public, y compris les établissements de formation, et les organisateurs de manifestations élaborent et mettent en oeuvre un plan de protection. Le plan de protection est soumis aux règles suivantes : il doit prévoir, pour l'installation, l'établissement ou la manifestation, des mesures en matière d'hygiène et de distance (let. a) ; il doit prévoir des mesures garantissant le respect de l'obligation de porter un masque facial conformément à l'art. 3b (let. b) ; il doit prévoir des mesures limitant l'accès à l'installation, à l'établissement ou à la manifestation de manière à ce que la distance requise soit respectée ; cela ne s'applique pas à l'accès aux véhicules des transports publics (let. c) ; en présence de personnes exemptées de l'obligation de porter un masque facial en vertu de l'art. 3b, al. 2, 6e ou 6f, il est impératif de respecter la distance requise ou de prendre d'autres mesures de protection efficaces, comme l'installation de séparations adéquates ; si cela n'est pas possible en raison du type d'activité ou des particularités des lieux, la collecte des coordonnées des personnes présentes au sens de l'art. 5 doit être prévue (let. d).

Aux termes de l'art. 6d al. 2 de l'ordonnance COVID-19, les enfants et les adolescents du degré secondaire II ainsi que le corps enseignant et les autres membres du personnel de ces écoles sont tenus de porter un masque facial lors d'activités présentielles. Font exception les situations où le port du masque compliquerait considérablement l'enseignement.

d. Selon l'art. 40 al. 1 LEp, les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes. Elles coordonnent leur action. D'après l'al. 2, elles peuvent en particulier prendre les mesures suivantes : prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a) ; fermer des écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées, ou réglementer leur fonctionnement (let. b) ; interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones, ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c). Les mesures ordonnées ne doivent pas durer plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour prévenir la propagation d'une maladie transmissible et elles doivent être réexaminées régulièrement (al. 3). Selon l'art. 75 LEp, les cantons exécutent la présente loi dans la mesure où son exécution n'incombe pas à la Confédération, en particulier en désignant les autorités compétentes (Message concernant la révision de la LEp du 3 décembre 2010, FF 2011 291, p. 398).

En outre, sur la base de l'art. 40 LEp, le canton peut prendre des mesures temporaires applicables régionalement si le nombre d'infections est élevé localement ou menace de le devenir (art. 8 al. 1 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière), notamment imposer des règles de conduite à la population, comme le port de masques faciaux (Rapport explicatif concernant l'ordonnance du 19 juin 2020 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 9 décembre 2020, p. 24 ad art. 8).

Au niveau cantonal, le Conseil d'État est responsable de la sécurité et de l'ordre public (art. 112 al. 1 Cst-GE). En cas de catastrophe ou d'autre situation extraordinaire, le Conseil d'État prend les mesures nécessaires pour protéger la population (art. 113 al. 1 Cst-GE). Les mesures prises en état de nécessité restent valables lorsque le Grand Conseil les approuve : à défaut, elles cessent de porter effet après une année au plus tard (art. 113 al. 3 Cst-GE).

5) En l'espèce, les recourants n'avancent pas de faits démontrant que leurs intérêts seraient gravement menacés, actuellement ou à court terme, par l'application des arrêtés contestés. D'après un premier examen du recours, la chambre constitutionnelle ne le discerne pas non plus.

Dans son arrêt du 23 novembre 2020, la chambre constitutionnelle a déjà eu l'occasion de préciser que, même si le port du masque pouvait occasionner une certaine gêne, subjective et dépendant des sensibilités de chacun, une telle mesure ne constituait pas une atteinte grave à la liberté personnelle (ACST/36/2020 précité consid. 10d). À première vue, il n'en va pas différemment s'agissant des enfants et adolescents âgés de plus de 12 ans. Le port du masque par des enfants de cette catégorie d'âge est du reste recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS) dans son rapport du 21 août 2020 intitulé « Conseils sur le port du masque par les enfants dans la communauté dans le cadre de la pandémie de COVID-19 - Annexe des Conseils sur le port du masque dans le cadre de la COVID-19 ». Alors que, pour les enfants jusqu'à l'âge de 11 ans, l'OMS préconise une approche fondée sur le risque, en prenant notamment en considération les incidences potentielles du port du masque sur l'apprentissage et le développement psychosocial de l'enfant, il recommande aux autorités de suivre les orientations relatives au port du masque par les adultes en ce qui concerne les enfants et les adolescents âgés de plus de 12 ans. Les conseils de l'OMS se fondent notamment sur le constat que les données d'études sur la séroépidemiologie et la transmission indiquent que les enfants plus âgés (p. ex. les adolescents) peuvent jouer un rôle plus actif dans la transmission que les enfants plus jeunes. Le port du masque par les enfants âgés de plus de 12 ans est également préconisé par l'office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP), selon lequel les cours en présentiel doivent être autorisés pour les enfants et les adolescents jusqu'à 16 ans, pour autant qu'ils respectent le plan de protection correspondant et qu'ils portent un masque (pour les enfants/adolescents après 12 ans ; Rapport explicatif concernant l'ordonnance du 19 juin 2020 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 9 décembre 2020, p. 19 ad art. 6d). À noter qu'au niveau fédéral, le port du masque pour les enfants âgés de plus de 12 ans est obligatoire pour les voyageurs dans les véhicules de transports publics depuis le 6 juillet 2020 (art. 3a ordonnance COVID-19 ; RO 2020 2735), ainsi que dans les espaces clos et extérieurs accessibles au public et dans les zones d'attente et d'accès aux transports publics depuis le 18 octobre 2020 (art. 3b ordonnance COVID-19 ; RO 2020 4159). Dans ce cadre, la chambre constitutionnelle doit fait preuve d'une certaine retenue, s'agissant d'un domaine où elle ne saurait substituer son appréciation à celle qui fait référence en matière scientifique. La mesure vise par ailleurs à protéger la santé publique, voire la vie, y compris a priori celles des enfants et des jeunes (art. 11 al. 1 Cst.), et aucune mesure moins incisive ne vient s'imposer à l'évidence. Rien n'indique au demeurant que le port du masque serait plus nocif que de laisser se propager le virus SARS-CoV-2 au sein de la population, l'OMS ayant recensé certains effets indésirables et inconvénients potentiels liés au fait de porter un masque, tout en le recommandant néanmoins pour les enfants âgés de plus de 12 ans. Prima facie, la mesure n'apparaît ainsi pas manifestement disproportionnée.

Pour le reste, dans la mesure où les coûts liés à l'achat de masques pour les élèves du degré secondaire I des établissements scolaires publics sont à la charge du DIP (art. 3 al. 1 de l'arrêté du 29 octobre 2020), la chambre constitutionnelle ne voit pas, à première vue, en quoi la mesure porterait atteinte au droit à un enseignement de base gratuit garanti aux art. 19 Cst. et 24 al. 2 Cst-GE.

Il suit des considérants qui précèdent que, d'après un premier examen du recours, les chances de succès de celui-ci n'apparaissent pas prima facie à ce point manifestes qu'il se justifierait de déroger à la pratique de refuser l'effet suspensif dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes.

Il s'ensuit que la demande d'octroi de l'effet suspensif sera rejetée.

6) Le sort des frais sera quant à lui réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

 

refuse d'octroyer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Johanna Sanz, avocate des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

 

Le président :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :