Aller au contenu principal

Décisions | Cour d'appel du Pouvoir judiciaire

1 resultats
CAPJ/4/2020

ACAPJ/3/2021 (2) du 04.06.2021 , Irrecevable

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR;DÉNONCIATEUR
Normes : LPA.60
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

republique et canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

Cour d’appel du Pouvoir judiciaire

 

 

 

 

 

 

 

 

Arrêt du 4 juin 2021

 

CAPJ 4_2020 ACAPJ/3/2021

 

 

 

 

Monsieur A______, recourant

 

contre

 

 

LE CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE, intimé

 

 

 

 

 

EN FAIT

 

1.   Le 13 août 2020, A______, né le ______ 1984, membre du Conseil municipal de la Ville de Genève depuis novembre 2005 et député au Grand Conseil de la République et canton de Genève du 5 mai 2018 au 17 janvier 2020, par ailleurs employé de la fonction publique depuis le 1er octobre 2014, en qualité d’adjoint administratif du Département de la sécurité et de l’économie puis, à partir du 5 mai 2018, d’adjoint scientifique auprès de la police cantonale, à un taux de 80%, a adressé au Conseil supérieur de la magistrature (ci-après : CSM) une dénonciation concernant Monsieur B______, Procureur général.

 

Dans sa dénonciation, assortie de nombreuses pièces, A______ exposait, en résumé et en substance, qu’il avait fait l’objet, avec deux autres conseillers municipaux, d’une plainte pénale de la Ville de Genève, déposée le 13 décembre 2018, pour violation du secret de fonction en relation avec la publication partielle, dans la presse locale, d’un rapport d’audit de conformité émanant du Contrôle financier de la Ville à propos des frais professionnels du personnel et dont il avait reçu un exemplaire en sa qualité de parlementaire, plus précisément en sa qualité de membre de la Commission des finances.

 

Fin mai 2019, il avait été contacté par un inspecteur mis en œuvre par le Procureur général en vue de son audition en tant que personne appelée à donner des renseignements (PADR). Il s’était étonné que le Procureur général ne diligentait pas personnellement cette audition comme le prescrivait la directive de service concernant la gestion des affaires sensibles DS OSI.02.4 (du 19 juillet 2017), soit une procédure dirigée notamment contre un élu, mais l’inspecteur l’avait assuré que cette audition était une formalité et que, par ailleurs, la présence d’un avocat n’était pas nécessaire. Il avait donc été interrogé concernant le rapport d’audit et ses relations avec les journalistes de médias locaux. De plus, il lui avait été demandé de laisser contrôler son téléphone portable, ce qu’il avait fini par accepter, après avoir consulté son avocat et après avoir attiré l’attention des inspecteurs sur la problématique de son immunité parlementaire, le téléphone contenant de nombreuses informations confidentielles. Dans le contexte de la prétendue violation de son secret de fonction, il avait signalé aux inspecteurs, pour montrer sa collaboration, l’existence d’un vieil appareil téléphonique qui se trouvait au domicile de sa mère, et avait accepté de s’y rendre et de permettre la saisie de cet appareil.

 

Six mois plus tard, et alors que le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence avait qualifié le rapport d’audit comme non confidentiel, un rapport d’enquête intermédiaire avait été remis, le 12 décembre 2019, au Procureur général par l’inspecteur mandaté par celui-ci. Selon ce rapport d’enquête, l’examen du téléphone portable avait révélé un échange de messages entre A______ et le Conseiller d’État C______, et permettait de suspecter que A______ avait transmis des informations tirées du journal de la police (P2K), sans autorisation. Cette supposition était fausse et aurait pu être facilement vérifiée, dès lors qu’il ne s’était jamais connecté à ce journal, comme l’avait ultérieurement confirmé l’Inspection générale des services (IGS) dans un rapport du 24 février 2020.

 

Sur la base de ce rapport d’enquête intermédiaire du 12 décembre 2019, le Procureur général B______ avait aussitôt décerné un mandat d’amener contre A______ et rendu diverses ordonnances de séquestre contre celui-ci et ses proches. Ces ordonnances se référaient expressément au contenu du téléphone portable saisi à la demande du Procureur général début juin 2019 et le mandat d’amener autorisait la fouille corporelle complète. Ainsi, le vendredi 13 décembre 2019, à 7h15 du matin, alors que A______ s’apprêtait à se rendre sur les lieux de ses activités parlementaires, jour de la semaine réservé à cette fin, le mandat d’amener avait été exécuté par neuf agents de police et A______ avait été conduit dans les locaux de l’IGS, mis en cellule (cachot sans fenêtre) moyennant une fouille corporelle complète, sa demande de pouvoir contacter son avocat ayant été refusée, puis il était ressorti, menotté, en vue d’être auditionné. Les inspecteurs chargés de cette audition l’avaient invité, de manière répétée, sous la menace d’être arrêté et gardé en détention, ou encore d’être soumis à un test ADN, à dénoncer le Conseiller d’État C______ comme étant la personne lui ayant demandé de fournir le rapport d’audit à la presse. Après plusieurs heures d’interrogatoire, il avait été libéré vers 22 heures et avait alors réalisé que son arrestation et les circonstances de celle-ci avaient été rendues publiques à travers différents organes de presse et que plusieurs journaux avaient obtenu des informations qui lui étaient inconnues concernant l’enquête menée contre lui.

 

Selon A______, non seulement les moyens utilisés par le Procureur général et les inspecteurs de police étaient sans rapport avec les faits qui lui étaient reprochés, mais ils étaient totalement disproportionnés et abusifs, dans la mesure où il avait collaboré à l’enquête et qu’aucun élément ne pouvait expliquer un tel déploiement de mesures coercitives. Il était domicilié à Genève, se rendait sur son lieu de travail selon des horaires connus et de manière régulière, et assumait des mandats publics importants comme conseiller municipal et député. Il était par ailleurs notoire qu’il était candidat au Conseil administratif de la Ville de Genève aux élections prévues pour le printemps 2020. Son interpellation l’avait empêché de participer aux séances plénières du Grand Conseil et du Conseil municipal, avec l’enjeu, en fin d’année, des budgets cantonal et municipal. La procédure dirigée contre lui avait ensuite été prolongée de manière artificielle par l’audition d’agents de police, alors qu’il était établi, courant décembre 2019, qu’il (A______) ne s’était jamais connecté au journal de la police (P2K) et qu’il ne pouvait donc avoir transmis une quelconque information tirée de ce journal au Conseiller d’État C______. Le Procureur général avait donc retardé le classement de ce volet de la procédure jusqu’à la fin du mois de février 2020, ce dans le but évident d’assurer sa propre réélection.

 

Le 5 mars 2020, A______ avait déposé plainte pénale contre le sergent-chef D______ mis en œuvre par le Procureur général, ainsi que contre tout participant, pour abus d’autorité, induction de la justice en erreur, violation du secret de fonction et dénonciation calomnieuse en raison des circonstances de l’enquête menée contre lui, notamment de l’interpellation du 13 décembre 2019 et les circonstances des perquisitions menées à son domicile et au domicile de sa famille et de proches, l’analyse complète de son téléphone portable, au-delà des besoins procéduraux, et la communication à différents organes de presse du détail de son audition. Après plus de deux mois et des relances de son conseil, le Procureur général B______ avait délégué le traitement de cette plainte au Premier Procureur E______, par ailleurs en charge de l’instruction de la procédure dirigée contre le Conseiller d’État C______ (sous n° P/_______).

 

2. Par décision du 7 septembre 2020, communiquée par lettre recommandée à A______, respectivement à son conseil, le CSM, sous la signature de sa Présidente, a classé cette dénonciation, considérant qu’il « n’est pas une autorité de révision, ni de recours contre les décisions des juridictions cantonales. Cette autorité statue uniquement sur les manquements disciplinaires des magistrats du Pouvoir judiciaire genevois. La compétence du conseil se limite ainsi aux éventuels éléments à caractère disciplinaire [ ]. Dans sa séance du 7 septembre 2020, le Conseil supérieur de la magistrature a décidé de classer la dénonciation de A______, aucun manquement disciplinaire n’étant relevé. »

 

3. Par acte du 7 octobre 2020 reçu au greffe de la Cour d’appel du Pouvoir judiciaire en date du 8 octobre 2020, A______ a recouru contre cette décision, concluant à l’annulation de la décision de classement du 7 septembre 2020, à la constatation des manquements du Procureur général B______ et au prononcé de mesures à l’encontre de ce dernier au sens des articles 20 et 21 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ – RS/GE E 2 05), avec suite de frais, subsidiairement à ce que la Cour enjoigne le CSM d’ouvrir une instruction disciplinaire à l’encontre du Procureur général B______ pour ses manquements dans la procédure et au renvoi de la cause au CSM pour nouvelle analyse et nouvelle décision, avec suite de frais et dépens.

 

A______ a fait valoir, à titre préliminaire, que le CSM n’avait évoqué, ni analysé aucun des griefs qu’il avait fait valoir dans sa dénonciation. Ainsi, il était recevable de se plaindre de la violation de l’art. 61 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-RS/GE E 5 10), à savoir pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

 

4. Dans le délai imparti pour se déterminer concernant le recours de A______, le CSM n’a pas pris position.

 

5. Par courrier du 13 novembre 2020, la Cour de céans a informé A______, respectivement son conseil, de la réception, par son greffe, du dossier transmis par le CSM et lui a imparti un délai échéant le 15 décembre 2020 pour le consulter et pour faire ses observations éventuelles.

 

6. Alors que le dossier se trouvait en délibération, A______, soit pour lui son avocat, a adressé à la Cour de céans, le 15 avril 2021, un bordereau de pièces complémentaires, dont il ressortait, selon lui, que, le 13 décembre 2019 déjà, il était établi qu’il (A______) ne s’était jamais connecté à la base de données P2K et, qu’ainsi, tout soupçon de violation du secret de fonction en lien avec son activité de fonctionnaire de police était écarté. Il était ainsi avéré, sur la base des auditions menées dans le cadre de la plainte pénale dirigée contre le sergent-chef D______, que son interpellation en date du 13 décembre 2019, dans les circonstances évoquées, était le résultat d’un abus de pouvoir de la part du Procureur général.

 

Selon le courrier de l’avocat du 15 avril 2021, une réunion avait eu lieu, le 12 décembre 2019, sous la direction du Procureur général et de fonctionnaires de police, dont le sergent-chef D______, lors de laquelle le premier nommé avait ordonné la mise en place d’une souricière autour de A______, au mépris de la directive de service DS OSI.0204 concernant la gestion des affaires de police sensibles, dont celles touchant un élu.

 

Le bordereau de pièces transmis consiste en un rapport à l’intention du Ministère public, soit plus précisément à l’intention du Premier Procureur E______, daté du 24 février 2021, lequel porte sur les procès-verbaux d’audition de tous les fonctionnaires de police intervenus lors de l’interpellation de A______ et les différentes perquisitions menées à son encontre, ainsi que sur diverses correspondances en lien avec cette plainte.

 

7. Le 27 avril 2021, la Cour de céans a transmis au CSM le courrier de l’avocat de A______ du 15 avril 2021 et les annexes jointes, pour détermination éventuelle.

 

Le 10 mai 2021, le CSM a fait savoir à la Cour qu’il renonçait à toute détermination.

 

 

 

 

EN DROIT

 

1. Le recours a été interjeté dans le délai et les formes prescrites par la loi, auprès de la Cour de céans, compétente pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions du CSM (art. 62 al. 1 let. a, art. 64 al. 1 et art. 65 al. 1 et 2 LPA ; art. 138 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ – RS/GE E 2 05)).

 

2. La loi de procédure administrative (ci-après : LPA) est applicable aux procédures relevant de la compétence de la Cour de céans (art. 139 al. 1 LOJ).

 

3. Le recours devant la Cour de céans peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA).

Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA) non réalisée en l’espèce.

 

La juridiction administrative chargée de statuer sur un recours est liée par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 LPA).

 

4. La Cour de céans peut, sans instruction préalable, par une décision sommairement motivée, écarter un recours manifestement irrecevable ou rejeter un recours mal fondé (art. 72 LPA).

 

Tel est le cas, en l’espèce, pour les motifs qui suivent.

5.

 

5.1. A teneur de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir, notamment, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (let. b).

 

Les lettres a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/57/2018 du 23 janvier 2018, consid. 3a et les références citées).

 

Les deux conditions de l’art. 60 al. 1 let. b LPA sont conformes au droit fédéral, selon lequel la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant toutefois libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 135 II 145, consid. 5 et les arrêts cités).

 

En effet, l’art. 60 al. 1 let. b LPA n’est pas plus restrictif ni plus large que l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), à teneur duquel a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c) (arrêts CAPJ 2/2020 du 19 juin 2020 consid. 5.1 ;13_2016 du 2 février 2017 consid. 3 ; 11_2016 du 12 octobre 2016 consid. 3).

 

A cet égard, le Tribunal fédéral a précisé que constitue un intérêt digne de protection, au sens de l'art. 89 al. 1 let. c LTF, tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l'annulation de la décision attaquée ; il consiste donc dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Cet intérêt doit être direct et concret ; en particulier, le recourant doit se trouver, avec la décision entreprise, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grande que l'ensemble des administrés (ATF 137 II 40, consid. 2.3 ; 135 II 145, consid. 6.1 ; 131 II 649, consid. 3.1 et les arrêts cités).

 

La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n'importe quel administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'Etat dans l'intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l'autorité pourrait intervenir d'office. En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d'effets, car l'autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n'a même pas de droit à ce que l'autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468, consid. 2 et les références citées).

 

Même si le tiers dénonciateur est désigné comme plaignant à l'art. 19 al. 4 LOJ – terme qui a été réintroduit sans explication aux cours des débats sur le PL 11873-A (MGC [en ligne], Séance du jeudi 24 novembre 2016 à 20h30 – 1ère législature – 3ème année – 10ème session – 54ème séance, disponible sur http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010310/54/6/), lequel tendait, entre autres, à modifier la terminologie de « plainte » et « plaignant » pour utiliser celle plus adéquate de « dénonciation » et « dénonciateur » (PL 11873, p. 7) –, il s’agit d’une situation analogue à celle d’une dénonciation, qui tend à obtenir le prononcé d’une sanction à l’encontre d’un magistrat. La dénonciation n’ouvre pas une procédure administrative, proprement dite, mais constitue une simple démarche visant à ce que l’autorité fasse usage de ses pouvoirs (T. Tanquerel, Les tiers dans les procédures disciplinaires, in Les tiers dans la procédure administrative, Genève, 2004, p. 106 ; P. Moor et E. Poltier, Droit administratif, Volume II, 3ème édition, Berne 2011, p. 616, 617). Il s’ensuit que, même si la loi octroie certains droits à un dénonciateur-plaignant, tel que le droit à l’information ou à une audition (Tanquerel, op. cit., p. 115 à 118 ; cf. art. 19 al. 4 et 5 LOJ), celui-ci n’a pas la qualité de partie, car il n’est pas touché dans un intérêt digne de protection direct et concret, ni n’a le droit de recourir (Tanquerel, op. cit., p. 108-109 ; Moor et Poltier, op.cit., p. 617 ; Tanquerel, Manuel de droit administratif, 2018, p. 496, ch. 1442 ; cf. à cet égard également la jurisprudence cantonale ATA/12/2007 du 16 janvier 2007 et fédérale ATF 133 II 468, consid. 2 ; 135 II 145 consid. 6.1 et 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_365/2018 du 20 septembre 2018, consid. 2).

 

Dans une procédure de cette nature, la seule qualité de plaignant ou de dénonciateur ne donne ainsi pas le droit de recourir contre la décision prise par l’autorité disciplinaire, en l’occurrence le CSM : pour être en droit d’agir, il faut que le plaignant ou le dénonciateur réunisse les deux conditions cumulatives prévues à l’art. 60 al. 1 let. b LPA précité, à savoir, être touché directement par la décision querellée et avoir un intérêt personnel digne de protection à ce que cette décision soit annulée ou modifiée.

 

Sur la base de ces principes, le Tribunal fédéral a confirmé une décision de la Commission du barreau genevoise qui avait dénié la qualité pour recourir au plaignant dans le cadre d'une procédure disciplinaire dirigée contre un avocat, considérant que le plaignant n'avait pas un intérêt propre et digne de protection à demander une sanction disciplinaire à l'encontre de cet avocat pour une éventuelle violation de ses obligations professionnelles. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que la procédure de surveillance disciplinaire des avocats avait pour but d'assurer l'exercice correct de la profession par les avocats et de préserver la confiance du public à leur égard, et non pas de défendre les intérêts privés des particuliers (ATF 135 II 145, consid. 6.1 ; 132 II 250, consid. 4.4 ; 108 Ia 230, consid. 2b).

 

Cette jurisprudence a été également appliquée, dans le cadre d'une procédure disciplinaire dirigée contre un notaire vaudois (ATF 133 II 468, consid. 2) ainsi que contre des magistrats du Pouvoir judiciaire vaudois (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1D_2/2016 du 7 juin 2016, consid. 2, avec références aux arrêts du Tribunal fédéral 1C_408/2011 du 7 octobre 2011, consid. 1, et 1B_273/2008 du 16 octobre 2008, consid. 3.1) et genevois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_365/2018 du 20 septembre 2018, consid. 2 in fine). Dans la décision du 7 juin 2016, le Tribunal fédéral a rappelé que « selon la jurisprudence, ni le dénonciateur ni les tiers intéressés n’ont qualité pour recourir auprès du Tribunal fédéral contre le refus de l’autorité cantonale de surveillance de donner suite à une dénonciation visant l’ordre judiciaire en général ou l’un de ses membres faute de pouvoir se prévaloir d’un intérêt digne de protection à son annulation au sens de l’article 89, alinéa 1, lettre c LTF ou d’un intérêt juridique au sens de l’article 115, lettre b LTF. La surveillance des magistrats vise en effet à assurer un exercice correct de leur charge et à préserver la confiance des justiciables et non à défendre les intérêts privés des particuliers » (arrêt du Tribunal fédéral 1D_2/2016, consid. 2).

 

5.2. Au vu de l’ensemble des principes sus-énoncés le recourant n’est pas – et ne peut pas être – partie à la procédure concernant le magistrat qu’il a dénoncé, faute d’avoir un intérêt direct et concret digne de protection à l’annulation ou à la modification de la décision entreprise au sens de la jurisprudence précitée. En effet, A______ ne conteste pas, à juste titre, que la procédure prévue par l’art. 19 LOJ a été respectée à son égard.

 

Il s’ensuit que le recourant, dénonciateur, n’est pas habilité à recourir contre la décision du CSM, de sorte que son recours doit être déclaré irrecevable (art. 72 LPA).

 

6. La Cour de céans se doit, néanmoins, d’observer que le résultat de l’analyse qui précède peut s’avérer insatisfaisant, dans la mesure où le CSM, en présence d’arguments relevant du domaine disciplinaire, n’a pas déterminé, par une instruction et une appréciation, si ces griefs étaient fondés ou non, mais les a écartés sans examen.

 

Parmi les griefs invoqués par le recourant, il y a le non-respect de la directive de service concernant la gestion des affaires sensibles DS OSI.02.4, dont il aurait a priori dû bénéficier en sa qualité d’élu cantonal et communal, de surcroît membre du personnel de police. Il y a l’émission contre le recourant d’un mandat d’amener avec fouille corporelle complète, alors que la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de dignité de la personne est soumise, de longue date, à des conditions restrictives. Il y a la détention du recourant, durant plusieurs heures, pour partie dans une pièce sans lumière du jour et par intermittence avec des menottes, qui a suscité des désaccords entre les policiers présents quant à sa justification. Il y a le fait qu’avant l’exécution de l’interpellation du recourant, dans les circonstances qui ont motivé sa plainte, le Procureur général et les policiers sous ses ordres pouvaient contrôler, de manière simple, si le recourant s’était connecté – ou non – au journal de la police (P2K). La réponse à cette question aurait possiblement rendu disproportionné l’ensemble de l’intervention.

 

La communication du CSM au dénonciateur, respectivement au recourant, ne permettait pas de comprendre ce qui avait conduit le CSM à considérer qu’il n’existait en l’occurrence aucun manquement justifiant une instruction de sa part.

 

7. Au vu des circonstances du cas d’espèce, un émolument de CHF 500 sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA).

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

 

LA COUR D’APPEL DU POUVOIR JUDICIAIRE

 

 

- Déclare irrecevable le recours formé le 7 octobre 2020 par A______ contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 7 septembre 2020.

 

- Met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.

 

- Dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. Le délai est suspendu pendant les périodes prévues à l’article 46 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuves et porter la signature du recourant ou de son mandataire. Il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recours invoquées comme moyens de preuves doivent être joints à l’envoi.

 

- Communique le présent arrêt à A______ et au Conseil supérieur de la magistrature.

 

 

 

Siégeant : M. Matteo PEDRAZZINI, Président, Mme Renate PFISTER-LIECHTI, Vice-Présidente, Mme Marie-Laure PAPAUX VAN DELDEN, Juge titulaire.

 

 

 

 

 

AU NOM DE LA COUR D’APPEL DU POUVOIR JUDICIAIRE

 

 

Sonia NAINA Matteo PEDRAZZINI

Greffière Président

 

 

 

 

 

 

 

 

Copie conforme du présent arrêt a été communiqué à A______ et au Conseil supérieur de la magistrature, par pli recommandé.