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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/5504/2022

ACJC/1318/2025 du 29.09.2025 sur JTPH/120/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5504/2022 ACJC/1318/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 29 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

A______ SARL, sise c/o [fiduciaire] B______, ______ [GE], appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 10 mai 2024 (JTPH/120/2024), représentée par Me Tobias HERREN, avocat, Bratschi SA, Bollwerk 15, 3001 Bern,

 

et

Monsieur C______, domicilié ______ [VD], intimé et appelant sur appel joint, représenté par Me Nicolas MOSSAZ, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/120/2024 du 10 mai 2024, notifié aux parties le 13 mai 2024, le Tribunal des prud'hommes (ci-après, le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 7 juillet 2022 par C______ contre A______ SARL (ch. 1 du dispositif), renoncé à l'audition du témoin D______ (ch. 2), condamné A______ SARL à verser à C______ la somme brute de 1'577'784 EUR avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er janvier 2022 (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5), réparti les frais de la procédure, arrêtés à 11'210 fr. (ch. 6), à hauteur de 8'407 fr. 50 à charge de A______ SARL et de 2'802 fr. 50 à charge de C______ (ch. 7), compensé partiellement ces frais avec l'avance de 10'000 fr. effectuée par C______ qui restait acquise à l'Etat de Genève (ch. 8), condamné A______ SARL à verser la somme de 1'210 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de l'Etat de Genève (ch. 9), condamné A______ SARL à verser à C______ la somme de 7'197 fr. 50 (ch. 10) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 11).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 12 juin 2024, A______ SARL appelle des chiffres 3 et 4 du dispositif de ce jugement, dont elle demande l'annulation. Cela fait, elle conclut au rejet de la demande en paiement du
7 juillet 2022, subsidiairement à son irrecevabilité, avec suite de frais et de dépens.

Elle produit deux pièces nouvelles, à savoir deux versions du contrat de travail des 8 et 10 juin 2021.

b. Dans sa réponse du 16 septembre 2024, C______ conclut au rejet de l'appel, avec suite de frais et de dépens. Préalablement, il conclut à l'irrecevabilité des pièces nouvelles produites par sa partie adverse.

C______ forme par ailleurs appel joint, concluant à l'annulation du jugement entrepris et, cela fait, à la condamnation de A______ SARL à lui verser la somme brute de 1'893'340.80 EUR avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2022, la somme nette de 332'500 fr. – subsidiairement de 250'000 EUR et 82'500 fr. – avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2022, ainsi que la somme nette de
4'791 fr. 78 avec intérêts à 5% l'an dès le 4 mars 2022, avec suite de frais judiciaires et dépens des deux instances.

Il produit deux pièces nouvelles, soit des décomptes de la Caisse de chômage E______ pour les mois de janvier à avril 2023 et un contrat de travail conclu avec F______ SA le 12 avril 2023.

c. A______ SARL conclut au rejet de l'appel joint, avec suite de frais et de dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué sur leurs appels respectifs, persistant chacune dans ses conclusions.

e. Elles ont encore échangé des écritures les 17 avril, 25 avril et 19 mai 2025.

C.           a. A______ SARL (ci-après également, l'employeuse), inscrite au Registre du commerce de Genève depuis ______ 2021, a pour but de fournir des conseils commerciaux et techniques, ainsi que des produits logiciels aux sociétés de négoce de matières premières et aux entreprises associées dans toute l'Europe.

G______ en est le gérant-président depuis sa création.

C______ en a été l'un des gérants avec pouvoir de signature individuelle entre la création de la société et la fin du mois mars 2022.

b. A______ SARL fait partie d'un groupe de sociétés, dont la société-mère, A______ INC., est basée aux Etats-Unis d'Amérique.

A______ SARL est détenue à 100% par A______ LTD, ayant son siège à H______ (Irlande). G______ est le directeur général de celle-ci (en dehors des Etats-Unis d'Amérique).

c.a Le 15 décembre 2020, G______ a adressé un courriel à C______ (ci-après également, l'employé) lequel contenait l'offre d'emploi suivante (traduction libre de l'anglais) :

"Poste : Associé de A______ LTD avec la responsabilité globale de la croissance de la partie conseil de l'activité ["Position : Partner A______ LTD with overall responsability for growing the Advisory side of the business"].

Lieu de base : Suisse

Salaire de base : CHF 300K

Date de début : A déterminer avec C______. A______ souhaite aussi vite que possible.

Avantages : Avantages habituels en termes d'assurances locales, de couverture santé, d'ordinateur portable de l'entreprise, de logiciels requis, de facture de téléphone portable, etc.

Capitaux propres ["Equity"] : 10% des capitaux propres de A______ LTD à la réalisation d'un événement déclencheur défini ["defined trigger event"].

Evénement déclencheur défini pour la remise de parts sociales : Nouveau revenu net de 2 millions au cours d'une année civile avec une marge nette/EBITDA (Bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements) de 25%. Pour plus de clarté, 500'000 EBITDA l'emporte sur le revenu de 2 millions ["Defined equity trigger event : Net new 2 MM revenue in a calendar year with a 25% net margin/EBITDA (Earning Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization). 500 K EBITDA trumps 2MM revenue number for clarity"]. Le fait que ces chiffres soient exprimés en euros ou en francs suisses reste à déterminer, sans que A______ ait une opinion tranchée à ce sujet. Le commentaire relatif au nouveau revenu net ci-dessus vise à prendre en compte le montant des revenus liés à l'activité de conseil ["the amount of Advisory revenue"] que nous avons déjà confirmés ou qui sont considérés comme hautement probables (90%+) pour 2021 sur la base de notre pipeline existant."

c.b Par courriel du 17 décembre 2020 adressé à G______, C______ s'est déterminé sur l'offre d'emploi qui lui avait été faite. A ce courriel était annexée une liste de questions, par lesquelles il demandait notamment des précisions sur les affaires à inclure dans le calcul des objectifs fixés. Il formulait par ailleurs les commentaires suivants s'agissant du salaire et de la participation qui lui étaient proposés (traduction libre de l'anglais) :

"1. Base : j'apprécie l'effort consenti pour arriver à 300K, étant donné que A______ n'est pas un mastodonte comme I______, comme nous en avons discuté. Compte tenu de l'engagement que je prendrais sur l'aspect financier selon la feuille de calcul que j'ai envoyée et de la valeur plus large, pourrions-nous convenir d'une base légèrement plus élevée ? Je ne considère pas le salaire de [la société] J______ que je touchais à 448K comme un point de comparaison, mais 300K me ramèneraient 10 ans en arrière en termes de niveau de salaire. Serait-il possible de convenir d'une base de 330'000 ?

2. Capitaux propres – je vous remercie pour la confiance que cela indique et c'est une grande motivation sur le long terme. Pour la première année, je pense qu'il est peu probable que les objectifs fixés soient atteints – mon objectif serait d'atteindre le seuil de rentabilité, puis de le dépasser au cours de la deuxième année. Par conséquent, sur l'offre que vous avez présentée, je serais probablement limité au salaire de base la première année. Pourrions-nous convenir d'un objectif de bonus discrétionnaire de 150'000 CHF pour la première année (sur la base de paramètres financiers convenus et d'autres axés sur le développement de l'activité) qui s'appliquerait si les objectifs de rémunération ne sont pas atteints ? Je pense qu'il serait juste d'avoir une certaine compensation variable étant donné la quantité de travail parallèle et du BD [sic] qui doivent être fait."

d. Par courriel adressé le 5 janvier 2021 aux employés de A______ LTD, G______ a annoncé la nomination de C______ au sein de l'équipe de A______ LTD en tant que partenaire responsable de la promotion et du développement des offres de conseils en matières premières ("as Partner with responsibility for further elevating and growing our Advisory and Commodity Consulting offerings"). Il a ajouté que C______ apportait une grande expérience à la fois dans les domaines de l'industrie et du conseil.

e. Le 25 janvier 2021, C______ a signé un contrat de service ("Master Service Agreement") avec A______ LTD, dans le cadre duquel il exerçait une activité de consultant pour cette dernière.

f. Les parties ont continué à discuter des conditions du futur contrat de travail que C______ signerait avec la société A______ SARL.

g. Le 6 juin 2021, C______ a renvoyé à K______ – responsable des ressources humaines pour le groupe A______ en Europe, Australie et Inde depuis mai 2016 – le projet de son contrat de travail à conclure avec la société A______ SARL, nouvellement créée, précisant qu'il y avait apporté quelques modifications qui lui semblaient justes et qui reflétaient les discussions de décembre 2020.

h. Par courriel du 8 juin 2021, G______ a transmis à K______ la dernière version du contrat de travail de C______, en lui précisant que cette dernière version était basée sur les conversations qu'il avait eues avec le précité. Il a ajouté que C______ devait encore apporter quelques reformulations/amendements le lendemain et qu'ils pourraient ensuite signer le contrat.

i. Quelques minutes plus tard, C______ a fait parvenir à K______, par courriel, une version du contrat de travail qu'il avait mise à jour.

j. Le 10 juin 2021, K______ a adressé un courriel à C______ en lui transmettant la dernière version du contrat de travail, ainsi que, pour information, une convention d'actionnaires ("Shareholders Agreement"). C______ a confirmé la bonne réception de ces documents en lui indiquant qu'il était heureux de signer son contrat de travail.

k.a Aux termes du contrat de travail signé par les parties les 13 et 14 juin 2021, C______ a été engagé par A______ SARL, en qualité de "Partner Commodity Consulting", sous la responsabilité de G______, directeur général de A______ LTD, avec effet rétroactif au 1er mai 2021 (art. 1.1 et 2.1 du contrat de travail).

Parmi les principales tâches définies par l'art. 1 du contrat figuraient celles de "mener la croissance rentable des activités suisses de A______" et de "mener la croissance rentable des activités de conseil aux entreprises de A______".

k.b Le salaire annuel convenu était de 330'000 fr. bruts, payable en douze mensualités (art. 3.1.1 du contrat de travail).

k.c En outre, l'art. 3.2 du contrat de travail prévoyait la participation de l'employé à un plan de bonus, en indiquant ce qui suit (traduction libre de l'anglais) :

"L'Employeur accepte de verser à l'Employé un bonus de performance unique de 150'000 CHF pour l'exercice 2021, à condition que les objectifs suivants soient atteints et que l'événement déclencheur de la remise de parts sociales ne soit pas atteint :

- Ventes de l'exercice 2021 supérieures à 1 million d'euros avec une marge EBITDA de 25% ["Financial year 2021 sales in excess of EUR 1 MM at 25% EBITDA"].

- Les plans de marketing et de développement commercial approuvés ainsi que les étapes sont atteintes, y compris la définition des clients cibles et le suivi des plans d'engagement des clients par rapport aux étapes.

Si le seuil du déclenchement de la remise de parts sociales est atteint, la prime de performance de 2021 est remplacée par un paiement de dividendes alignés sur la participation au capital tel qu'approuvé par le Conseil d'administration de A______ LTD."

k.d De plus, l'article 4 stipulait ce qui suit (traduction libre de l'anglais) :

"4. Capitaux propres ["Equity"]

1. L'Employeur souhaite vous offrir 10% du capital de A______ LTD si vous atteignez l'événement déclencheur défini.

2. L'événement déclencheur défini est le suivant:

Nouvelles ventes nettes de 2 millions d'euros au cours d'une année civile avec une marge d'EBITDA de 25%. Pour plus de clarté, une marge EBITDA de EUR 500'000 l'emporte sur EUR 2'000'000 de chiffre de ventes
["Net new EUR 2 MM sales in a calendar year with a 25% EBITDA margin. EUR 500K EBITDA trumps EUR 2 MM sales number for clarity"]. Les nouvelles ventes nettes sont définies comme des ventes réalisées par ["sales driven by"] C______, dépassant les ventes prévues que A______ LTD a déjà confirmées ou qui sont considérées comme hautement probables (90%+) pour 2021 sur la base de notre pipeline existant."

l. Fin septembre 2021, lors d'une réunion à AG______, en Irlande, C______ a requis de G______ le transfert de 10% du capital de A______ LTD au motif qu'il avait atteint les objectifs décrits dans son contrat de travail.

Interrogé par le Tribunal, C______ a déclaré que cette réunion avait duré deux jours et que lui-même et G______ avaient alors discuté de leurs aspirations respectives au sein de A______ SARL et de leur vision de la société dans cinq ans. Les deux jours de réunion avaient ainsi porté "sur la stratégie, les objectifs pour les affaires et les améliorations internes requises pour atteindre ces objectifs". Lors de cette discussion, G______ avait indiqué à C______ qu'il allait parler du transfert des parts sociales en sa faveur avec le conseil d'administration de A______, en particulier avec L______, co-fondateur de A______ HOLDING et administrateur de A______ LTD.

m. Interrogé pour le compte de l'employeuse, L______ a déclaré au Tribunal avoir reçu en octobre 2021 un courriel de C______ demandant à obtenir 10% du capital social de A______ LTD. Il avait été très surpris par ce courriel, car l'employeuse estimait que les critères prévus dans le contrat de travail pour l'obtention de ces parts sociales n'avaient pas été remplis.

n. Entre le 18 novembre et le 19 décembre 2021, C______ s'est trouvé en incapacité de travail.

o. Le 18 novembre 2021, C______ a adressé un courriel à G______ et L______, dans lequel il confirmait aux précités qu'il avait rempli tous les objectifs prévus par son contrat de travail pour bénéficier de l'attribution de parts dans la société A______ LTD.

p. Par courrier daté du 19 novembre 2021, A______ SARL a contesté la teneur de ce courriel et informé C______ qu'il devait cesser toute activité pour la société. Il n'était plus autorisé à contacter les clients, ni à représenter l'employeuse jusqu'à nouvel ordre.

q. Les parties ont ensuite échangé des correspondances par courriels et courriers, maintenant leurs positions respectives.

r. Par pli de son conseil du 8 décembre 2021, C______ a, à nouveau, fait valoir ses prétentions en octroi de 10% du capital de A______ LTD tel que le prévoyait son contrat de travail dès lors qu'il avait atteint les objectifs prévus.

s. Le 14 décembre 2021, l'incapacité de travail de C______ a été prolongée jusqu'au 16 janvier 2022.

t. Le 17 décembre 2021, A______ SARL a rejeté les prétentions émises par C______.

u. Par pli du 18 décembre 2021, A______ SARL a résilié le contrat de travail de l'employé avec effet au 30 juin 2022, le libérant de son obligation de travailler.

v. Le 21 décembre 2021, C______ a formé opposition à son licenciement qu'il considérait comme abusif.

D.           Les parties sont en litige sur l'interprétation et la réalisation des conditions de
l'art. 4 du contrat de travail, donnant droit à C______ au 10% du capital social de A______ LTD.

A cet égard, les éléments suivants résultent de la procédure :

a. L'art. 4 du contrat de travail a fait l'objet de discussions entre les parties lors des pourparlers précontractuels.

C______ a déclaré à ce sujet qu'une des raisons principales qui l'avait décidé à rejoindre A______ SARL était la possibilité d'obtenir 10% du capital de A______ LTD. Cette possibilité avait d'ailleurs été le point principal de ses discussions avec l'employeuse. A cette époque, il avait deux autres offres d'emploi pour des sociétés plus grandes, mais la perspective de devenir actionnaire d'une société de type entrepreneuriale était très attractive pour lui. Lors des discussions précontractuelles, il voulait être le plus précis possible, car en trente ans d'expérience, il avait rédigé beaucoup de contrats et s'était aperçu que des problèmes survenaient toujours quand la rédaction n'était pas suffisamment précise. Ces discussions avaient essentiellement porté sur le montant et les éléments constitutifs des ventes nettes à atteindre. La définition des ventes donnant droit au bonus et figurant dans son contrat était restée très large. Les parties s'étaient mises d'accord pour la garder la plus large possible. Ainsi, les ventes issues de mandats additionnels conclus par des clients préexistants pouvaient lui être attribuées. Concernant la notion de "pipeline" à laquelle se référait le contrat, il s'agissait de toute affaire conclue avec un client existant. Selon le contrat, si la conclusion d'une affaire avait une probabilité d'aboutir inférieure à 90%, elle donnait droit au bonus.

A______ SARL soutient que l'art. 4 du contrat de travail prévoyait que seules les nouvelles ventes nettes conduites et réalisées par C______ devaient être prises en compte. Interrogé à ce sujet le 8 janvier 2024, G______ a déclaré au Tribunal que le contrat de travail avait été préparé par le service juridique de la société et revu par C______ le 8 juin 2021. A cette date, le contrat mentionnait les termes "nouveau revenu" - au lieu de "nouvelles ventes nettes" – et se référait spécifiquement aux activités de "consulting" ("advisory"). Il avait ensuite transmis ce projet de contrat à K______, en lui indiquant qu'il s'agissait de la version approuvée, mais que C______ souhaitait modifier certains "mots de nature mineure". La version finale avait été signée deux jours plus tard, avec plus de changements qu'attendus; les termes de "revenue in advisory" avaient notamment été remplacés par "sales". Il n'avait pas émis d'objections, car il n'avait réalisé ces modifications que dans le cadre de la présente procédure.

G______ a ajouté que les services de "consulting" que C______ devait offrir étaient clairs et définis. L'intention de la société était que C______ développe les activités de "consulting" de A______ SARL. Les termes "driven by C______", figurant dans le contrat de travail, signifiaient par ailleurs que ce dernier devait être directement responsable de la création de ces opportunités commerciales. Il ne s'agissait pas de toutes les ventes effectuées sous sa supervision. En outre, le seuil de 2'000'000 EUR prévu par le contrat pour le transfert de 10% du capital était un seuil élevé qui n'était pas censé être atteint au bout d'une année.

Entendue à titre de témoin, K______ a déclaré qu'elle rédigeait tous les contrats de travail au sein de l'entreprise, en consultation avec des bureaux d'avocats pour s'assurer de la conformité légale de ces documents. Elle avait rédigé le premier contrat de travail de C______ sur instructions de G______ en mai 2021. L'employé avait eu des commentaires relatifs à ce contrat et était en désaccord sur un certain nombre de termes; il en avait discuté avec G______. En juin 2021, C______ lui avait envoyé un projet de contrat qui le satisfaisait après en avoir discuté avec G______. Elle n'avait pas soumis cette version finale à ce dernier, car elle considérait que les deux parties étaient satisfaites. Elle avait ensuite préparé la signature du contrat via "Docusign". Elle n'avait pas participé à l'élaboration du système de rémunération de C______ et avait suivi les instructions de G______ sur ce point. A sa connaissance, il n'y avait pas d'autre collaborateur bénéficiant, dans leur contrat de travail, d'une clause similaire, prévoyant la possibilité d'obtenir des parts sociales de A______ LTD.

b. Le 13 août 2020, A______ LTD a conclu avec la société M______ AG (ci-après, M______) un "Master Service Agreement" et un "Statement of Work for consulting Service".

c. Le 14 janvier 2021, M______, par le biais de N______, "IT manager" chez cette société, a contacté G______ par courriel pour lui demander si A______ LTD pouvait l'aider dans le cadre d'un projet en cours.

C______ a déclaré qu'il connaissait bien un membre de la direction de M______. Il entretenait de bonnes relations avec cette société, raison pour laquelle N______ l'avait contacté en août 2021 pour qu'il lui fasse une offre. Après des discussions, il avait soumis une offre à M______ qui avait été acceptée.

Entendu à titre de témoin, O______, employé chez A______ SARL en tant que "managing consultant" depuis mars 2021, a déclaré qu'il avait travaillé avec C______ jusqu'à ce que ce dernier quitte la société. Il avait été engagé par C______ et G______. Il pensait que c'était C______ qui avait initié le projet avec M______, car C______ connaissait un "project manager" de cette société et le témoin un "trader" de celle-ci. Ce dernier avait indiqué au témoin la personne à contacter chez M______. Le témoin avait travaillé avec C______ sur ce contrat. Ils avaient élaboré la proposition ensemble.

L______ a déclaré qu'il avait travaillé avec C______ sur quelques projets, mais de façon peu importante. Un de ces projets était le projet M______.

d.a Le 30 avril 2021, C______ a transmis à D______, l'un des responsables de la société P______ LTD (ci-après, P______) , une offre portant sur des conditions tarifaires. Son courriel débutait ainsi (traduction libre de l'anglais) : "D______ merci de m'avoir consacré du temps après l'appel de l'autre jour et de m'avoir fait part de vos commentaires sur les taux, ce que j'ai bien assimilé. J'ai bien réfléchi et j'ai formulé la proposition suivante : […]".

d.b Au mois de mai 2021, A______ LTD a signé un "Statement Of Work" avec P______. Il ressort de ce contrat que la personne de contact pour A______ LTD était C______.

d.c A______ LTD a par la suite adressé les factures suivantes à P______ : une facture du 30 juin 2021 d'un montant de 220'395 USD; une facture du
31 juillet 2021 d'un montant de 294'652.58 USD; une facture du 30 septembre 2021 d'un montant de 433'825 USD; deux factures du 31 octobre 2021 d'un montant de 10'800 USD, respectivement de 440'493.75 USD.

Entendu à titre de témoin, Q______ a déclaré avoir été recruté par C______ et avoir travaillé pour A______ LTD entre mai 2021 et avril 2023 en tant que "managing consultant". Il était débiteur de cette société en lien avec des frais de déménagement à rembourser. Il travaillait actuellement pour C______ au sein de la société F______, étant précisé qu'il avait travaillé avec lui sur le projet P______. Il s'agissait d'un gros projet pour A______ LTD. Les revenus et marges générés par ce projet étaient supérieurs aux projets précédents. Ils en étaient d'ailleurs fiers. Le témoin ignorait toutefois la valeur totale du contrat avec P______.

O______ a confirmé au Tribunal que la marge réalisée sur la transaction conclue avec P______ était nettement plus importante que celle générée par d'autres projets sur lesquels A______ SARL travaillait. G______ et C______ lui avaient dit que cette marge était "supérieure à la normale".

d.d Devant le Tribunal, G______ a déclaré que les discussions avec P______ avaient duré de juin 2020 à mars 2021. P______ souhaitait faire appel aux services de A______ car l'entreprise bénéficiait d'une bonne réputation dans l'implémentation du logiciel "R______". Au sein de A______, ce projet était géré par S______, T______ et lui-même. C______ n'y avait participé qu'à partir de Pâques 2021, date à laquelle lui-même avait dû être hospitalisé. Au cours des 5-6 semaines qui avaient suivi, il y avait eu beaucoup de travaux effectués pour évaluer les coûts et trouver les meilleures solutions techniques. Ces travaux avaient été effectués surtout par les équipes techniques, soit par T______, O______, U______ et lui-même.

Interrogé pour le compte de l'employeuse, T______ a déclaré au Tribunal qu'il était employé de A______ LTD et actionnaire de cette société à hauteur de 10%. Il était le "managing partner" responsable de la technologie informatique dans le domaine de l'énergie depuis 2015. Il avait le même niveau hiérarchique que C______. Dans le cadre du projet P_______, en 2021, il était l'expert du logiciel R______ pouvant estimer le temps nécessaire et le nombre d'employés requis pour mettre en place le projet. C______ était intervenu tard dans les négociations pour remplacer G______ qui était absent en raison de vacances ou d'une maladie. P______ était une cliente amenée en 2020 par G______, S______ et lui-même. Il s'agissait d'une longue relation d'affaires. T______ a précisé que "C______ a[vait] mené en partie les discussions avec le client, et en partie c'était un effort collectif entre S______, [lui]-même, G______ et O______". Après le départ de S______ de A______, en mars 2021, les personnes en charge des discussions étaient toujours G______, C______ et lui-même. Les décisions relatives aux tarifs étaient prises par C______ et G______. C______ avait signé l'un des "Statement of Work" avec P______.

C______ a déclaré que P______ était une importante cliente de son ancienne employeuse, l'entreprise I______ AG. Il connaissait D______ depuis cette époque. Lorsque A______ avait offert ses services à P______, la société était en concurrence avec trois autres sociétés; deux sociétés travaillaient déjà avec P______ et A______ avait perdu un autre projet face à la troisième. C______ a ajouté que, de son point de vue, P______ LTD avait retenu l'offre de A______ parce que lui-même avait réussi à persuader P_______ qu'il pouvait combiner l'expertise technique de son employeuse avec sa propre expérience professionnelle et celle de l'équipe qu'il avait recrutée en la matière. O______ avait rédigé l'offre pour P______, qu'il avait ensuite corrigée et améliorée.

O______ a déclaré qu'il avait préparé toute la documentation relative au projet P______ et qu'il avait assisté à toutes les discussions avec cette cliente en 2021, sous la supervision de C______. Il discutait avec ce dernier sur une base quasi-quotidienne du contenu de la proposition et, ensemble, ils rencontraient les dirigeants de P______. Il avait préparé quatre options différentes à proposer à la cliente et avait discuté avec C______ pour savoir quelle était la plus avantageuse à lui soumettre. C'était également avec le précité qu'il fixait les tarifs de leur offre en fonction de leur expérience du marché suisse et du marché européen et qu'il négociait ces tarifs avec P______. Le témoin "présentai[t] les faits" et C______ "poussait les termes de la négociation". C______ prenait la décision finale avant présentation à la cliente. Au début des discussions, G______ était présent, en sa qualité de directeur de A______ LTD, ainsi que T______, en raison de son expérience du logiciel R______. Selon le témoin, G______ n'avait pas de rôle décisionnel direct dans ce dossier, même s'il pouvait y avoir des discussions "dans les coulisses" avec C______. Lui-même n'était pas impliqué dans les discussions entre C______ et G______. Le témoin et C______ étaient libres d'établir la proposition. G______ était mis en copie des courriels. La plupart des informations venait de C______ et de lui-même. Il partait de l'idée que G______ était satisfait. Selon lui, au mois de mai 2021, C______ passait plus de 50% de son temps sur le projet P______.

O______ a ajouté que lui-même et C______ avaient fixé le taux-horaire des consultants de A______ investis sur le projet P______, selon leurs expériences passées sur le marché. L'idée était de faire une offre légèrement inférieure à celle des grandes sociétés, tout en essayant de maintenir la valeur globale du contrat. Environ 50% des consultants travaillant sur le projet P______ avaient été recrutés par C______ et lui-même. La réputation de A______ LTD, qui disposait de spécialistes du logiciel R______, avait contribué à conclure le contrat avec P______. C______ connaissait des personnes au sein de P______, où lui-même avait précédemment travaillé. Avec C______, ils avaient recruté des collaborateurs de bonne réputation qui soit étaient des ex-employés de P______, soit connaissaient des personnes chez cette dernière. Ils avaient été capables de rédiger rapidement une offre pour P______.

e. Au mois de juin 2021, A______ SARL et la société V______ ont signé une "lettre d'engagement" de la première par la seconde grâce à C______. Les revenus générés par cette opportunité ("vente nette") se sont élevés à 20'000 EUR et sont attribuables à C______ (fait admis).

f. En mai 2021, une "lettre d'engagement" a été signée entre A______ LTD et la société W______ LTD (ci-après, W______). Ce contrat a été prolongé par Addendum du 27 octobre 2021.

C______ a déclaré que W______ avait d'abord contacté X______, qui occupait le poste de "principal consultant" dans le négoce de l'énergie et la modélisation du marché de l'électricité chez A______ LTD depuis 2016. Toutefois, par la suite, il avait pris la direction du projet et c'était lui qui avait rédigé la proposition pour cette cliente.

Entendu à titre de témoin, X______ a confirmé au Tribunal avoir été contacté par W______ pour discuter d'un projet. Il avait mené les discussions initiales. Après avoir vérifié que A______ LTD avait les capacités et les connaissances pour accomplir le projet, il s'était mis en retrait du projet et les discussions avaient ensuite été menées par C______ et Y______. Selon le témoin, c'était C______, en collaboration avec Y______, qui fixait les prix dans le cadre de ces discussions.

Entendu à titre de témoin, Y______, employé de A______ LTD depuis juillet 2016 et directeur du département de "consulting" depuis 2023, a déclaré avoir revu le contrat signé avec W______ en 2021. Le rôle de C______ dans le cadre de ce contrat était de faire en sorte que les négociations avancent comme prévu. C______ avait fourni les tarifs standards à W______. C'était C______ qui était en charge de ce projet, étant précisé que, selon ses souvenirs, tous les contrats étaient signés par G______.

g. Le 13 septembre 2021, A______ SARL et la société Z______ SA (ci-après, Z______) ont signé un "Master Service Agreement". Ce contrat a été signé par C______ pour le compte de l'employeuse.

Les 15 septembre et 2 novembre 2021, les deux sociétés ont encore conclu deux "Statements Of Work", que C______ a également signés pour le compte de A______ SARL.

Il convient de préciser qu'un "Master Services Agreement" avait déjà été conclu entre Z______ et A______ LTD en date du 27 mars 2018.

C______ a déclaré qu'il connaissait depuis de nombreuses années la personne de contact chez Z______. Lorsqu'il s'était rendu compte que le contrat entre A______ LTD et Z______ avait expiré depuis deux ans, il avait fait signer à celle-ci deux nouveaux contrats avec A______ SARL. Son activité n'avait pas simplement consisté dans le renouvellement d'un contrat existant, mais dans la conclusion d'un nouveau contrat.

Entendu à titre de témoin, S______, employé de A______ LTD de
juillet 2017 à mars 2021, a exposé qu'il avait eu "le contact initial" avec Z______ en 2018. A son départ de A______ LTD, il avait transféré la relation à C______, car celui-ci avait un lien professionnel antérieur avec quelqu'un de chez Z______ qui pouvait servir pour "développer le succès des affaires" avec cette cliente.

h.a En 2021, A______ SARL utilisait le système informatique "AA_____"
(ci-après, le système AA_____), dans le cadre duquel C______ était inscrit en qualité de "owner" des projets intitulés "P______/R______ G&P Phase 1 et 2", "P______ Performance R______" et "Consulting M______", ainsi que d'un projet avec W______.

h.b En outre, dans un tableau établi par A______ LTD et validé par G______, C______ figurait en qualité de "client partner" notamment des dossiers suivants : AB_____, Z______, P______, M______ et V______.

h.c Selon C______, le système AA_____ servait de registre pour la prospection des clients et permettait de mesurer l'avancée des projets, selon une échelle de 1 à 6. D'après la terminologie de ce système, le terme "owner" désignait l'associé en charge du projet. Il a déclaré au Tribunal qu'en février 2021, lui-même et G______ étaient convenus d'utiliser plutôt les termes "client partner" pour indiquer la personne "responsable ultime" du client. Les termes "client partner" mentionnés dans le tableau de A______ LTD correspondaient à celui de "owner" inscrit dans le système AA_____. Ainsi, la réalisation de tous les projets pour lesquels il était désigné comme "owner" devait lui être attribuée.

A______ SARL conteste le fait que le système AA_____ puisse servir de base pour déterminer "l'événement déclencheur" ouvrant le droit de C______ à l'octroi de 10% du capital de A______ LTD. Selon l'employeuse, le champ "owner" se référait en principe à la personne identifiée qui avait géré une opportunité avec un client potentiel et, le cas échéant, avait conclu un nouveau mandat avec ce dernier, étant précisé que les termes "client partner" avaient été introduits par C______ en 2021. Lors de son interrogatoire, G______ a déclaré qu'un grand nombre d'employés utilisaient le système AA_____; il n'y avait "pas de processus standardisé" et les données figurant dans ce système étaient subjectives.

Devant le Tribunal, O______ a exposé que le système AA_____ était un outil qui permettait de calculer l'apport de nouveaux clients ou de nouveaux mandats. Cet outil était partiellement fiable, dans la mesure où son contenu dépendait de la qualité des données inscrites dans le système et de la motivation des utilisateurs. L'accès à ce système devait être autorisé, mais la plupart des personnes avec qui il travaillait y avaient accès. Il ne connaissait pas la différence entre les termes "owner" et "client partner", étant précisé que les personnes avec lesquelles il travaillait utilisaient plutôt les termes "client partner".

X______ a déclaré que, de manière générale, le système AA_____ était précis, mais que lui-même tardait parfois à y inscrire les données pertinentes. De son côté, S______ a déclaré que ce système pouvait contenir des erreurs.

i. Dans son courrier du 8 décembre 2021 (cf. supra let. C.r), C______ a réclamé à A______ SARL l'octroi de 10% du capital social de A______ LTD, exposant avoir largement atteint le seuil fixé par l'art. 4 de son contrat de travail, dès lors qu'il avait généré plus de 4 millions de recettes en faveur du groupe au travers des opérations suivantes : P______ (4'200'000 USD), M______ (71'500 fr.), W______ (250'000 EUR) et Z______ (50'000 fr.).

Dans son courrier du 17 décembre 2021 (cf. supra let. C.t), A______ SARL a contesté le fait que C______ ait atteint les objectifs fixés, au motif qu'il n'avait pas eu de rôle déterminant pour les contrats conclus avec P______, W______, Z______ et M______ et que le contrat avec AB_____ s'était renouvelé conformément à la convention signée en 2017. Seul le contrat conclu avec V______ (20'000 fr.) lui était attribuable. Ce dernier n'atteignait toutefois pas le seuil minimum requis par l'art. 4 du contrat de travail.

j. Les parties ne s'entendent pas sur l'activité de l'employé donnant droit à la rémunération prévue par l'art. 4 du contrat de travail.

Selon A______ SARL, seule une activité de conseil ("consulting" ou "advisory") pouvait entrer en ligne de compte. Selon C______, l'art. 4 du contrat de travail ne distinguait pas le type de services pris en considération, étant précisé qu'il disposait de l'expérience requise pour suivre l'installation de logiciels dans de grandes sociétés, comme il l'avait fait chez ses précédents employeurs.

O______ a déclaré que le "consulting" était une activité très générale qui pouvait couvrir aussi bien les conseils commerciaux que techniques et l'accomplissement des travaux "sur une base temporaire". Y______ a ajouté que l'activité de "consulting" au sein d'un groupe tel que A______ incluait la gestion de projets et de programmes, ainsi que l'analyse du "business" et du "management consulting", bien que A______ SARL en fasse très peu.

E.            Les parties ne s'entendent pas non plus sur la position hiérarchique occupée par C______ au sein du groupe A______.

Interrogé par le Tribunal, T______ a confirmé que le supérieur direct de C______ était G______.

K______ a déclaré que son supérieur direct et celui de C______ était G______, de sorte qu'elle considérait C______ comme un collègue. S______ a déclaré qu'il avait à l'époque le même rang hiérarchique que C______, étant précisé que leur supérieur direct était G______. Q______ a indiqué que C______ se trouvait "au même niveau" que T______ et G______ et qu'il les considérait tous les trois comme ses patrons. Y______ a enfin déclaré que les liens hiérarchiques n'étaient pas toujours très clairs au sein de l'entreprise; lui-même "rapportait" en partie à C______ et en partie à G______.

F.            Les parties sont également en litige sur les motifs du licenciement de C______. A______ SARL soutient avoir résilié les rapports de travail en raison de son insatisfaction quant aux performances et à l'attitude générale de l'employé, laquelle devenait de plus en plus agressive et n'était plus alignée sur les valeurs de l'entreprise. C______ s'était attribué un rôle qui n'était pas le sien, en décidant unilatéralement de se concentrer sur le processus de management interne du groupe A______. De plus, en septembre 2021, il avait pris la liberté de créer un nouveau système de planification des mandats et d'allocation des ressources, alors que le système mis en place par G______ était parfaitement efficace. Enfin, l'employé se vexait lorsque la direction n'allait pas dans son sens et avait un comportement agressif à l'égard de ses collègues. De son côté, C______ conteste la réalité des motifs de licenciement invoqués par l'employeuse.

A cet égard, les éléments suivants ressortent de la procédure :

a. Le 11 mai 2021, AC_____, employé d'une agence de recrutement mandatée par le groupe A______, a demandé à C______ et à K______ où en était l'examen du dossier de candidature de Q______. C______ lui a répondu le lendemain en ces termes (traduction libre de l'anglais) : "AC_____, je comprends que tu essaies de faire un suivi, mais tu dois comprendre que nous sommes tous submergés. Envoyer des messages à moi ou K______ plusieurs fois par semaine devient agaçant. Si nous mettons du temps à revenir, nous mettons du temps – ce n'est pas idéal, mais c'est comme ça. Si les candidats veulent aller ailleurs, c'est leur affaire et je n'apprécie pas que vous essayiez d'augmenter la pression pour que l'on se rapproche d'un candidat en faisant allusion à d'autres entreprises, d'accord ?"

b. Le 27 septembre 2021, C______ a écrit à K______ au sujet de sa fiche de salaire qui venait de lui être transmise par AD_____, une employée du groupe A______ : "Je ne veux pas paraître susceptible, mais je ne suis pas à l'aise avec le fait que AD______ puisse voir ce que je gagne."

Le même jour, K______ lui a répondu que c'était AD_____ qui s'occupait désormais des salaires pour toutes les sociétés du groupe A______.

C______ s'est alors étonné du fait que l'intéressée s'occupait des salaires alors qu'elle était employée à temps partiel.

K______ lui a répondu que cette employée avait augmenté son taux d'activité, qu'elle était en mesure de traiter la problématique des salaires et qu'elle avait été déchargée d'autres fonctions. Il n'y avait donc pas matière à discussion.

Plus tard dans la journée du 27 septembre 2021, C______ lui a adressé le courriel suivant (traduction libre de l'anglais) : "pour quelqu'un dans les RH K______, vous communiquez souvent de manière très péremptoire. Essayez de relire mes courriels et convainquez-moi du contraire. J'ai une inquiétude légitime – je suis partner de cette entreprise et je pense qu'il est raisonnable de ne pas avoir le responsable des ressources humaines qui me dise d'aller voir ailleurs".

Le même jour, K______ lui a répondu qu'elle s'était limitée à énoncer des faits.

c. Le 20 octobre 2021, C______ a indiqué à G______ qu'il souhaitait s'entretenir avec lui au sujet de la convention d'actionnaires.

d.a Le 21 octobre 2021, C______ a adressé un courriel à L______ et à G______ dont la teneur était, en substance, la suivante (traduction libre de l'anglais) :

"Les gars, je voulais faire le suivi des discussions que j'ai eues avec vous récemment au sujet de A______ et de la direction. Comme vous le savez tous les deux, je pense qu'il y a un grand potentiel pour l'entreprise, mais pas avec la gouvernance, la stratégie et l'organisation interne que nous avons aujourd'hui. Les ventes ayant atteints le seuil de rentabilité des partenaires, j'aimerais que l'accord soit signé, mais je ne me sens pas en mesure de signer l'accord existant dans ce contexte."

Il a ensuite proposé d'organiser une rencontre pour en parler.

d.b L______ a confirmé le lendemain à C______ que la société avait un potentiel énorme, mais qu'ils devaient d'abord s'aligner et procéder à des changements et des améliorations. Il a proposé d'en parler de vive voix. S'en est suivi un échange entre C______ et ce dernier pour fixer une date d'entretien.

d.c Un peu plus tard dans la même journée, C______ a répondu à L______ par courriel en soulevant des questions relatives à la gouvernance, au partenariat et à la convention d'actionnaires.

d.d Le même jour, L______ a adressé un courriel à G______ lui indiquant qu'il ne s'attendait pas à ce que C______ aborde ces sujets. G______ a abondé dans le sens de L______.

e. Le 1er novembre 2021, une employée du groupe A______, AE_____, a proposé que les employés envoient leurs photos personnelles faites à l'occasion d'Halloween pour qu'elles soient publiées. C______ lui a répondu le même jour (traduction libre de l'anglais) : "AE______, je suis sûr que ça ne va pas vous plaire, mais il s'agit d'une utilisation inefficace et inappropriée des courriels. Il y a treize " larges courriels " dans ma boîte de réception de personnes que je ne connais pas contenant des photos personnelles de leur famille et qui ne m'intéressent pas."

C______ a transféré cet échange de courriels à L______ et G______ le même jour en leur indiquant que, selon lui, il n'était pas souhaitable de recevoir des courriels de cette nature. Il a également transmis cet échange de courriels à K______ en soulignant que l'envoi de photos personnelles via la messagerie de l'entreprise ne lui semblait pas opportun.

f. Une réunion a eu lieu le lendemain pour évoquer les objectifs fixés pour les années 2021 et 2022. K______ a déclaré que C______ et G______ n'étaient pas d'accord sur les objectifs de croissance de l'activité de "consulting".

Selon C______, la discussion portait sur les objectifs 2022. Lors de cette réunion, G______ lui avait indiqué ne plus être d'accord avec le transfert des parts sociales en sa faveur, alors qu'il lui avait assuré jusque-là qu'il parlerait de ce transfert avec le conseil d'administration de A______.

g. Le 2 août 2022, Y______ s'est adressé en ces termes à C______, sur la plateforme LinkedIn (traduction libre de l'anglais) : "je voulais juste vous dire que j'ai vraiment apprécié travailler avec vous et qu'il est vraiment dommage que les choses n'aient pas fonctionné. Je pensais vraiment que les choses étaient en train de changer pour le mieux et que vos idées emmenaient la société dans la bonne direction."

Devant le Tribunal, Y______ a déclaré avoir écrit spontanément ce message. Il avait eu de nombreuses discussions avec C______, O______ et Q______ en vue d'améliorer la procédure de conclusion des contrats au sein de A______. C______ avait de bonnes connaissances et beaucoup d'expérience. Il avait fait des propositions pour modifier les processus existants. Toutefois, à cette époque, il y avait eu "pas mal" de résistance et peu de changements étaient intervenus. C______ avait soutenu Y______ dans sa carrière. Le témoin avait l'impression que C______ était apprécié de ses collègues et de ses supérieurs. Toutefois, certains employés, notamment ceux en charge de la comptabilité, ne l'appréciaient pas. Dans certains cas, l'intéressé "pouvait être assez rugueux". Par ailleurs, la façon dont il voulait changer les choses irritait un certain nombre d'employés d'autres départements.
A la connaissance du témoin, les gens qui travaillaient directement avec C______ l'appréciaient.

h. L______ a déclaré au Tribunal avoir participé à la décision de licencier C______ qui avait été prise pour deux raisons : la première était le manque de croissance des activités de "consulting" pour lesquelles l'employé avait été engagé et la seconde, qui était plus critique, était que beaucoup d'employés n'étaient pas satisfaits de la façon dont il les traitait. Il s'agissait notamment de K______ et de AD_____ qui étaient basées à H______ (Irlande). Par ailleurs, les relations entre C______ et G______ étaient devenues difficiles.

i. K______ a déclaré que C______ avait été engagé pour développer les activités de "consulting" de A______ SARL, et non pour s'occuper des questions de management interne. En effet, de telles questions devaient être soumises à G______ et au département des ressources humaines. Il en allait de même du recrutement de nouveaux collaborateurs, ce qui devait faire l'objet de discussions entre trois ou quatre personnes au sein de l'entreprise. C______ était intervenu dans le processus de recrutement d'une personne, dont le dossier de candidature n'avait finalement pas été retenu. Il avait également pris l'initiative de lui envoyer une proposition pour "modifier les positions hiérarchiques au sein du groupe", alors que ce n'était pas son rôle et que de tels changements nécessitaient d'impliquer d'autres participants selon un processus bien défini. Selon elle, l'attitude de C______ n'était pas en adéquation avec les valeurs de A______ SARL, l'intéressé ayant décidé de son propre chef de s'impliquer dans des domaines qui ne relevaient pas de sa compétence, comme par exemple la facturation, sans en parler aux personnes chargées de ces questions. G______ l'avait informée de la décision du conseil d'administration de licencier C______, mais elle n'avait pas été impliquée dans la prise de cette décision. Le licenciement était dû au fait que les activités de "consulting" n'avaient pas progressé et que l'attitude de C______ vis-à-vis du personnel et de la direction n'était pas adéquat. Elle a ajouté avoir "fourni un certain nombre d'informations contenues dans la présente procédure en [s]a qualité de responsable RH".

j. O______ a déclaré que les deux ou trois premières factures envoyées à P______ étaient incorrectes, de sorte qu'il avait demandé à pouvoir vérifier toutes les factures avant envoi à cette cliente. C______ l'avait soutenu dans cette démarche. Ils avaient discuté des améliorations qui pouvaient être apportées "au processus de suivi au sein de la société, car la société connaissait une importante croissance et [devait] gérer cette croissance". C______ avait présenté certaines de ses idées "pour améliorer et faire croître la société" à des réunions et "beaucoup de gens" y avaient adhéré, mais d'aucuns ne souhaitaient pas changer leurs habitudes. O______ avait apprécié de travailler avec C______ qui avait de bonnes idées. D'autres personnes, que ce soit des collègues ou des supérieurs hiérarchiques, partageaient cette opinion. Deux ou trois personnes avaient eu des "frictions" avec le précité. Il s'agissait en particulier de personnes en fonction depuis longtemps, plus résistantes aux changements.

k. Q______ a déclaré avoir apprécié le "leadership" et les conseils de C______. Ce dernier était apprécié de ses collègues, de ses subordonnés et des clients de A______. Lui-même avait assisté à des réunions avec C______ et d'autres personnes de même niveau hiérarchique que celui-ci. Ces réunions s'étaient bien passées et "de façon collaborative".

G.           a. Par demande déposée en conciliation le 23 mars 2022, déclarée non conciliée le 3 mai 2022 et introduite devant le Tribunal le 7 juillet 2022, C______ a assigné A______ SARL, en dernier lieu, en paiement des sommes suivantes :

·      1'903'367 EUR bruts – subsidiairement 1'903'367 fr. bruts – à titre de rémunération variable convenue, avec intérêt moratoires à 5% l'an dès le
1er janvier 2022;

·      332'500 fr. nets – subsidiairement 250'000 EUR nets et 82'500 fr. nets – à titre d'indemnité pour licenciement abusif, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le
1er juillet 2022;

·      4'791 fr. 78 nets, à titre de remboursement de ses frais d'avocats avant procès, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 4 mars 2022.

En substance, il a fait valoir que l'art. 4 de son contrat de travail prévoyait le versement d'une rémunération variable. Dans la mesure où, pour l'année 2021, il avait permis la conclusion des mandats suivants pour le bénéfice du groupe A______, il estimait avoir largement dépassé les seuils de 2'000'000 EUR
(de revenus) et 500'000 EUR (de marge EBITDA) de "ventes nettes" lui donnant droit à une participation de 10% dans la société A______ LTD (cf. demande du 7 juillet 2022, pp. 18 ss et 46) :

·      P______ : "ventes nettes" (au sens de l'art. 4 du contrat de travail) ayant généré des revenus de 4'200'00 EUR (un total de 4'083'000 EUR lié à un premier projet, prolongé à plusieurs reprises, ce qui avait généré de nouveaux revenus, et 160'000 EUR liés à un deuxième mandat);

·      M______ : "vente nette" ayant généré des revenus de 71'500 EUR;

·      V______ : "vente nette" ayant généré des revenus de 20'000 EUR;

·      W______ : "vente nette" ayant généré des revenus de 280'000 EUR;

·      Z______ : "vente nette" ayant généré des revenus de 50'000 fr.

A l'appui des revenus allégués ci-dessus, C______ s'est prévalu notamment des estimations de revenus figurant dans le système AA_____ pour chacune des opportunités commerciales susmentionnées. Il s'est référé à cet égard aux extraits du système AA_____ produits avec sa demande. S'agissant des mandats conclus avec P______, il a précisé que les revenus estimés par le système AA_____ avaient été calculés de manière objective et concertée avec P______, sur la base des taux horaires convenus par consultant (selon leur statut et leur lieu géographique) et d'une estimation des heures de travail nécessaires (cf. allégués n. 78 à 87, pp. 22-23 demande). Il a ajouté que la marge EBITDA prévue par l'art. 4 du contrat se calculait selon la formule suivante : revenus des ventes – coûts des consultants de A______ ayant travaillé sur le projet – frais généraux d'entreprise (cf. allégué n. 23, p. 10 demande). S'agissant de la marge réalisée pour les projets avec P______, elle était de plus de 40%, soit supérieure à toutes celles précédemment réalisées par A______ LTD (cf. allégué n. 90, p. 24 demande).

Aucune part sociale de A______ LTD ne lui ayant été remise, il était contraint de solliciter la contrevaleur de ces parts sociales et des dividendes qu'il aurait obtenus si celles-ci lui avaient été remises. C______ a proposé deux méthodes pour calculer cette contrevaleur. La première consistait à appliquer par analogie le calcul proposé dans la convention d'actionnaires (cf. allégués n. 253 à 259, p. 50 demande), étant précisé que cette convention prévoyait qu'un actionnaire qui cessait d'être employé par A______ LTD ou une autre société du groupe recevait un dédommagement pour la valeur de ses parts sociales. La seconde consistait à estimer cette contrevaleur par expertise.

Par ailleurs, son licenciement devait être qualifié de congé-représailles. Il était en effet intervenu à l'issue de son délai de protection, après qu'il ait demandé à l'employeuse de se conformer à ses obligations contractuelles relatives à sa rémunération. Il réclamait donc une indemnité correspondant à trois mois de salaire.

Enfin, il avait déboursé le montant de 4'791 fr. 78 à titre de frais d'avocat avant procès pour les activités rendues nécessaires par le refus injustifié de l'employeuse de lui verser sa part de rémunération variable.

b. Le 11 novembre 2022, dans une réponse de 109 pages, A______ SARL a conclu au rejet de la demande.

Elle a admis que l'art. 4 du contrat de travail prévoyait le paiement d'une rémunération variable, à laquelle l'employé avait droit s'il réalisait des "ventes nettes" atteignant le seuil fixé de 2'000'000 EUR (cf. réponse, p. 102). Selon elle, les conditions prévues par cette disposition n'étaient toutefois pas remplies, dans la mesure où la seule nouvelle opportunité commerciale réalisée par C______ était celle conclue avec V______, qui n'avait généré qu'un revenu de 20'000 EUR
(cf. réponse, p. 95). S'agissant des revenus de plus de 4'080'000 EUR que l'employé alléguait avoir réalisés par la conclusion du premier contrat avec P______, l'employeuse a fait valoir que le délai pour réaliser ce projet avait été prolongé deux fois en raison de retards, ce qui avait "augmenté les coûts pour P______"; elle n'a toutefois pas contesté que ces phases du projet lui avaient procuré des revenus supplémentaires. Elle a ajouté que les montants articulés par l'employé étaient erronés, sans donner de précision supplémentaire (cf. ad 81 à 83, p. 17 réponse). Elle n'a pas remis en cause le total allégué des ventes réalisées en 2021 en lien avec P______, estimé à plus de 4'200'000 EUR, contestant soit le rôle de C______ dans la conclusion de ces ventes soit que celles-ci puissent être qualifiées de "nouvelles". Elle a en revanche contesté la quotité des revenus de 50'000 fr. allégués pour Z______, indiquant qu'ils se chiffraient tout au plus à 5'700 fr. Concernant la formule proposée par C______ pour calculer la marge EBITDA prévue par l'art. 4 du contrat, elle l'a contestée, se limitant à relever que les pièces fournies par l'employé ne contenaient aucune indication sur la formule à utiliser. Elle a ajouté que ce dernier ne disposait pas des informations utiles pour calculer la marge réalisée dès lors qu'il n'avait accès ni aux salaires des employés, ni aux dépenses de la société (cf. ad 90, p. 18 réponse). Enfin, selon elle, le calcul de la contrevaleur des parts sociales proposé par la convention d'actionnaires n'était pas pertinent (cf. ad 254 à 263, p. 35 réponse).

c. Par ordonnance du 10 janvier 2023, le Tribunal a ordonné un second échange d'écritures.

Dans sa réplique du 24 avril 2023, C______ a requis la production de nombreux documents soit par A______ SARL, soit par A______ LTD.

Il a allégué que le montant des "ventes nettes" réalisées s'élevait à plus de
4'200'000 EUR, de sorte que les seuils de 2'000'000 EUR (de revenus) et de
500'000 EUR (de marge EBITDA) prévus par l'art. 4 du contrat de travail étaient atteints. Il a rappelé que, selon la formule détaillée dans sa demande, la marge EBITDA correspondait aux revenus générés par la vente (opportunité commerciale), après déduction du coût des consultants de A______ ayant travaillé sur le projet concerné et des coûts généraux de l'entreprise (i.e. les "Sales General and Administrative Costs", incluant les coûts généraux de back office, de location, de matériel, etc.). Il avait déterminé le coût des consultants en divisant leur salaire par 220 (nombre de jours moyens travaillés dans une année), puis en appliquant une charge de coûts généraux de 40% afin de définir le coût réel de chaque consultant – étant précisé que cette charge de 40% était un montant très conservateur puisqu'il s'agissait "typiquement de la charge considérée par les sociétés internationales de consulting en commodities, telles que I______". Il a ajouté qu'il pouvait estimer correctement le montant des salaires des consultants de A______, puisqu'il les avait lui-même recrutés et qu'il avait discuté de leur rémunération avec G______ et K______. En application de cette formule, la marge EBITDA réalisée avec les mandats P______ dépassait les 47%, et ainsi très largement les 25% exigés par l'art. 4 du contrat (cf. allégués n. 354 à 359, pp. 59-60 réplique).

Il a par ailleurs produit une évaluation approximative de A______ LTD réalisée le 13 avril 2023 par AF_____, professeur à l'Université de AH______ (Royaume-Uni), estimant que la valeur de cette société était comprise entre 15'777'840 EUR et 22'088'976 EUR, soit une valeur moyenne de 18'933'408 EUR.

Dans sa duplique du 31 août 2023 comprenant 96 pages, A______ SARL a relevé que, selon l'art. 4 du contrat de travail, l'employé devait réaliser, en 2021, des "ventes nettes" pour un revenu de 2'000'000 EUR ou une marge EBITDA de 500'000 EUR pour avoir droit aux parts sociales litigieuses (cf. duplique, pp. 65 et 91). Elle a contesté en bloc le calcul effectué par C______ pour établir la marge EBITDA sur les ventes réalisées, en particulier la marge réalisée sur le projet P______, se limitant à réitérer que l'employé n'avait pas accès aux données salariales des employés de A______, hormis ceux de ses quelques subordonnés.

d. Par ordonnance de preuves du 6 novembre 2023, le Tribunal a rejeté les réquisitions de pièces faites par C______, à l'exception de celle en lien avec la production des états financiers de A______ LTD pour l'année 2022.

Le 3 janvier 2024, A______ SARL a produit les comptes audités de A______ LTD pour l'année 2022.

e. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties et de plusieurs témoins les 8 et
10 janvier, 26 et 28 février et 4 mars 2024. Leurs déclarations ont été reprises ci-avant dans la mesure utile.

Entendu à titre de témoin, AF_____ a confirmé au Tribunal qu'il était professeur à l'Université de AH______, où il enseignait le "consulting", domaine dans lequel il effectuait des recherches et écrivait des articles. Il offrait également ses services de "consulting" à des consultants. Il était régulièrement mandaté pour estimer la valeur de sociétés, à raison de trois fois par an pour des valorisations importantes et de six fois par an pour des évaluations moins importantes. Il était l'auteur de l'évaluation approximative du 13 avril 2023 produite par C______, dont il confirmait la teneur. Selon lui, il s'agissait d'une "petite évaluation" car il lui manquait des données. Pour évaluer une société dans le cadre d'une acquisition ou d'une vente, la méthode la plus courante était d'utiliser l'EBITDA comme référence. Pour une société de la taille de A______ LTD, il fallait retenir en général un multiple de l'EBITDA compris entre 7 et 7.5. Dans la règle, six autres facteurs permettaient de diminuer ou d'accroître cette valeur et, parmi les facteurs importants, il y avait la croissance des revenus, du bénéfice et de la marge calculée sur trois à cinq ans. D'autres facteurs, moins importants, étaient également à considérer, comme la durée des contrats avec les clients, la part des droits de propriété intellectuelle détenue par la société, la dépendance par rapport aux fondateurs et le "turnover" des employés. Il ne disposait d'aucun chiffre précis concernant le domaine du "trading", mais il avait tendance à assimiler cette activité à l'activité de finance et donc à un domaine avec une croissance et une valeur importantes. Vu qu'il connaissait moins le secteur dans lequel A______ LTD était active que d'autres domaines, il n'avait pas attaché beaucoup d'importance aux types d'activités de la société dans le cadre de son évaluation. C'était la première fois qu'il évaluait une société de "consulting" active dans le domaine du "trading".

f. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 6 mars 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

g. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que le contenu de l'art. 4 du contrat de travail avait fait l'objet de discussions entre les parties. S'agissant du sens des termes "nouvelles ventes nettes réalisées", la réelle et commune volonté des parties au moment de la conclusion du contrat de travail ne pouvait pas être établie avec certitude. L'employeuse avait fait preuve d'une certaine négligence au moment de la finalisation du contrat de travail, dans la mesure où elle l'avait signé sans le relire. L'employé pouvait de bonne foi partir du principe que l'employeuse acceptait les modifications effectuées, s'agissant notamment des termes "nouvelles ventes nettes réalisées par l'employé". Ces termes devaient être interprétés, selon le principe de la confiance, comme signifiant que la conclusion de toute nouvelle opportunité commerciale dans laquelle serait impliqué l'employé – à l'exception des ventes que le groupe A______ avait 90% de chances de conclure avant l'intervention de l'employé – devait être prise en compte pour calculer s'il avait droit à 10% du capital social de A______ LTD. Ainsi, le renouvellement d'un contrat déjà existant avec de nouvelles conditions devait être considéré comme une nouvelle opportunité au sens de l'art. 4 du contrat. De plus, l'employeuse n'avait pas contesté la suppression du terme "advisory" – présent dans la proposition faite le
15 décembre 2020 – de la version du contrat signée en juin 2021. Enfin, une interprétation in dubio contra stipulatorem de l'art. 4 du contrat amènerait à la même conclusion que celle précitée s'agissant de la signification des termes "nouvelles ventes nettes réalisées par l'employé".

Les opportunités commerciales conclues avec P______, W______, M______ et Z______ devaient être attribuées à l'employé et être considérées comme de "nouvelles ventes nettes" réalisées par celui-ci pour l'année 2021, au sens de
l'art. 4 de son contrat de travail.

A l'appui de cette conclusion, le Tribunal s'est fondé, pour les opportunités conclues avec P______, sur les indications figurant dans le tableau validé par G______, ainsi que dans le système AA_____ et dans le "Statement Of Work" de mai 2021, désignant C______ comme "client partner", "owner" ou encore personne de contact pour cette cliente. Il a en outre retenu que le courriel adressé à D______ le 30 avril 2021 attestait de ce que C______ avait un rôle central dans le cadre des négociations avec P______, ce qui avait été confirmé par les enquêtes.

Pour l'opportunité conclue avec M______, le Tribunal s'est également fondé sur les indications figurant dans le tableau validé par G______ et dans le système AA_____. Le témoin O______ avait en outre confirmé que C______ avait élaboré la proposition soumise à M______, tandis que L______ avait reconnu l'implication de celui-ci dans la conclusion de cette opportunité.

Pour l'opportunité liée à W______, le Tribunal s'est fondé sur les témoignages de X______ et de Y______, et, pour celle liée à Z______, sur l'indication figurant dans le tableau validé par G______, sur le fait que le "Master Service Agreement" conclu avec cette société avait été signé C______ pour le compte de l'employeuse et sur le témoignage de S______.

Dès lors que l'employeuse n'avait pas remis en cause la quotité des revenus que l'employé avait allégué avoir réalisés grâce à ces opportunités ("ventes nettes"), le seuil de 2'000'000 EUR prévu par l'art. 4 du contrat de travail était largement dépassé. En conséquence, les conditions de cette disposition étaient remplies pour l'année 2021, de sorte que l'employé avait droit à l'octroi de 10% du capital de A______ LTD. Au surplus, cette clause contractuelle ne prévoyait pas la signature d'une convention d'actionnaires comme condition à l'octroi de participations au sein de la société-mère de l'employeuse. Le fait que l'employé n'aurait pas respecté les conditions résultant de cette convention ne pouvait donc pas lui être reproché. Partant, l'employé avait droit à la contrevaleur de 10% du capital social de A______ LTD dès lors que son contrat de travail avec le groupe A______ avait pris fin et qu'il n'avait plus d'intérêt à en être l'un des actionnaires.

L'employeuse n'avait pas fait valoir de motifs justifiés et prouvés pour remettre en cause l'évaluation faite par AF_____. Ce dernier avait estimé la valeur totale de A______ LTD à une valeur comprise entre 15'777'840 EUR et 22'088'976 EUR, étant précisé qu'il s'était fondé sur un multiple d'EBITDA compris entre 7.5 et 10.5. Toutefois, lors de son audition, l'intéressé avait précisé que pour une société de cette taille, il fallait en général retenir un multiple d'EBITDA compris entre 7 et 7.5. Il se justifiait par conséquent de retenir une valeur de 15'777'840 EUR à titre d'évaluation des titres de A______ LTD. L'employé avait ainsi droit au 10% de cette valeur, soit 1'577'784 EUR.

Le Tribunal a par ailleurs retenu que les motifs du licenciement de l'employé n'étaient pas fictifs, de sorte que le congé n'était pas abusif.

Enfin, les conditions pour obtenir une indemnité pour frais d'avocat avant procès n'étaient pas remplies.

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

Interjeté contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. A CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. A LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme écrite prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 3 CPC, art. 311
al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Formé dans la réponse à l'appel, laquelle a été déposée dans le délai de trente jours fixé à cette fin et dans le respect de la forme écrite (art. 312 al. 2 et 313 al. 1 CPC), l'appel joint est également recevable.

Les parties se réfèrent à plusieurs reprises à leur motivation de première instance, se limitant à renvoyer aux écritures formées devant le Tribunal (notamment : appel, n. 66, 68 et 79, pp. 24 et 28; appel joint, n. 377, p. 58). Cette manière de faire n'étant pas admissible, seuls les griefs dûment motivés en appel seront traités ci-après
(cf. arrêt du Tribunal fédéral
5A_488/2015 du 21 août 2015 consid. 3.2.1; Jeandin, in CR CPC, 2019, n. 3 ad art. 311 CPC).

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties en appel, l'employeuse sera ci-après désignée en qualité d'appelante et l'employé en qualité d'intimé.

1.2 La valeur litigieuse en première instance étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire s'applique et le procès est régi par le principe de disposition (art. 58 CPC) et la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC, art. 243 et art. 247 al. 2 CPC a contrario).

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. A CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. B CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. B CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; 138 III 374 consid. 4.3.1).

Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance
(ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du
6 septembre 2016 consid. 5.3).

2.             2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. A) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. B).

2.2 En l'espèce, les parties ont produit des pièces nouvelles, toutes antérieures au
6 mars 2024, date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal. Aucun motif valable n'a été exposé pour justifier cette production tardive. C'est en vain que l'appelante soutient n'avoir remarqué la suppression du terme "advisory" dans le contrat de travail qu'après le 8 janvier 2024 pour justifier la production d'une version antérieure du contrat. En effet, il résulte de l'audition du 8 janvier 2024 de son représentant, G______, que celui-ci s'était alors déjà rendu compte de cette modification, puisqu'il a explicitement relevé que les termes de "revenue in advisory" avaient disparus dans la version finale au profit du terme "sales". Il eût en tout état de cause appartenu à l'appelante de vérifier avec diligence le contrat au début de la procédure de première instance déjà, puisque son contenu était litigieux.

Par conséquent, ces pièces nouvelles, ainsi que les faits nouveaux qui s'y rapportent, sont irrecevables.

3.             Dans un grief d'ordre formel, l'appelante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, dès lors que la motivation du Tribunal serait insuffisante sur plusieurs points, à savoir sur la conversion des parts sociales de A______ LTD en somme d'argent, sur les motifs l'ayant conduit à considérer qu'elle n'avait pas suffisamment motivé sa contestation des montants allégués au titre des "nouvelles ventes nettes réalisées par l'employé", sur la réalisation de la condition liée à la marge EBITDA prévue à l'art. 4 du contrat de travail, sur l'application de la convention d'actionnaires, sur la disparition du terme "advisory" dans le contrat signé et sur l'interprétation des termes "nouvelles ventes", "nettes" et "réalisées". Cela étant, elle ne conclut pas au renvoi de la cause au Tribunal et demande que le jugement soit réformé par la Cour pas souci d'économie de procédure.

3.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. Implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. Lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1).

La jurisprudence admet qu'un manquement au droit d'être entendu puisse être considéré comme réparé si la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de seconde instance disposant d'un pouvoir de cognition complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4) et, lorsqu'il s'agit d'un vice grave, si le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195
consid. 2.3.2; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 et les arrêts cités).

3.2 En l'espèce, le jugement querellé comporte 44 pages, dont 17 pages d'argumentation juridique. L'ensemble des prétentions de l'employé ont été traitées. La motivation du jugement permet par ailleurs de comprendre les motifs – quand bien même ceux-ci seraient implicites ou succincts – qui ont guidé le Tribunal et sur lesquels il a fondé sa décision. L'appelante a du reste été en mesure de critiquer le jugement et de faire valoir ses arguments devant la Cour sans difficulté.

Au demeurant, l'appelante se prévaut pour la première fois en appel du fait que l'intimé ne pouvait pas demander la conversion de 10% du capital de A______ LTD en somme d'argent et de l'applicabilité directe de la convention d'actionnaires au cas d'espèce. Aussi, à supposer que ces griefs soient recevables, elle ne saurait reprocher au Tribunal une motivation succincte à cet égard.

Enfin, ainsi que l'appelante l'admet, une éventuelle violation de son droit d'être entendue peut quoi qu'il en soit être réparée devant la Cour, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit et devant laquelle l'appelante a pu s'exprimer librement sur ces différents points.

Ce grief sera donc rejeté.

4.             Pour la première fois devant la Cour, l'appelante soutient qu'à teneur de l'art. 4 du contrat de travail, l'intimé ne pouvait prétendre qu'à l'octroi des parts sociales de A______ LTD et non à leur contrevaleur. Par ailleurs, elle-même ne disposait pas de la légitimation passive, vu qu'il ne s'agissait pas du transfert de ses propres parts sociales, mais de celles d'une société tierce.

4.1 Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_219/2024 du 2 avril 2025 consid. 4.1).

4.1.1 Conformément au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1), le juge doit rechercher en premier lieu la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves –, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, c'est-à-dire conformément au principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626
consid. 3.1; 130 III 417 consid. 3.2). Les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 133 III 61 consid. 2.2.1).

4.1.2 Celui qui se porte fort (ou garant) promet au bénéficiaire (ou stipulant) le fait d'un tiers et s'engage à lui payer des dommages-intérêts si ce tiers ne s'exécute pas (art. 111 CO). Il assume une obligation indépendante qui peut exister même si le tiers n'est pas débiteur du bénéficiaire ou si son obligation est nulle ou invalidée (ATF 125 III 305 consid. 2 p. 307 et les références). Sauf convention contraire, la garantie est exigible dès que la prestation du tiers n'est pas effectuée au moment convenu. Le bénéficiaire de la promesse n'est pas tenu de mettre le tiers en demeure, ni de le rechercher (ATF 131 III 606 consid. 4.2.2 et les auteurs cités).

Le dommage à réparer consiste dans la différence entre la situation patrimoniale du bénéficiaire telle qu'elle est et telle qu'elle serait si le tiers avait eu le comportement promis; sauf convention contraire, les dommages-intérêts doivent être fixés conformément aux règles usuelles régissant l'inexécution des obligations (arrêts du Tribunal fédéral 4A_450/2019 du 18 mai 2019 consid. 4.2.1; 4A_290/2007 du
10 décembre 2007 consid. 6.1 et les auteurs cités).

4.1.3 Conformément à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), applicable au présent litige (cf. supra consid. 1.2), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès, c'est-à-dire d'alléguer les faits pertinents (fardeau de l'allégation subjectif), d'offrir les moyens de preuve propres à établir ceux-ci (fardeau de l'administration de la preuve) et de contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation), le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC)
(ATF 149 III 105 consid. 5.1; 144 III 519 consid. 5.1).

En vertu des art. 221 al. 1 let. D et 222 al. 2 CPC, les faits pertinents doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse. Ils peuvent également l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux, avant les premières plaidoiries (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1; 144 III 67 consid. 2). Après la clôture de la phase d'allégation, la présentation de nova n'est plus possible qu'aux conditions restrictives de l'art. 229 al. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_70/2019 du 6 août 2019 consid. 2.5.2 publié aux ATF 146 III 55). Seuls pourront être introduits des éléments qu'il est excusable de n'avoir pas invoqués avant, soit parce qu'il s'agit de vrais novas (novas proprement dits; art. 229 al. 1 let. A CPC), soit parce qu'il s'agit de pseudo novas excusables (novas improprement dits excusables; art. 229 al. 1 let. B CPC) (ATF 146 III 55 consid. 2.5.2; JEANDIN/PEYROT, Précis de procédure civile, 2015, n. 525 p. 200; TAPPY, in CR CPC, 2019, n. 3-4 ad
art. 229 CPC).

Les faits doivent être contestés dans la réponse (art. 222 al. 2, 2ème phrase, CPC) et, pour les faits allégués par le défendeur, en règle générale, dans la réplique. Une contestation en bloc (pauschale Bestreitung) ne suffit pas (ATF 141 III 433
consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_261/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.3). La partie adverse peut en principe se contenter de contester les faits allégués
(ATF 115 II 1 consid. 4), puisqu'elle n'est pas chargée du fardeau de la preuve (Beweislast) et n'a donc en principe pas le devoir de collaborer à l'administration des preuves (ATF 117 II 113 consid. 2).

Toutefois, dans certaines circonstances exceptionnelles, il est possible d'exiger d'elle qu'elle concrétise sa contestation (charge de la motivation de la contestation), de façon que le demandeur puisse savoir quels allégués précis sont contestés et, partant, puisse faire administrer la preuve dont le fardeau lui incombe; plus les allégués du demandeur sont motivés, plus les exigences de contestation de ceux-ci par la partie adverse sont élevées (ATF 141 III 433 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_261/2017 précité loc. cit.). Lorsque le demandeur a présenté un allégué et l'a suffisamment motivé, par exemple son dommage, le défendeur doit le contester de manière précise et motivée. A défaut, l'allégué du demandeur est censé non contesté (ou reconnu ou admis), avec pour conséquence qu'il n'a pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC). Ainsi, lorsque le demandeur allègue dans ses écritures un montant dû en produisant une facture ou un compte détaillés, qui contient les informations nécessaires de manière explicite, on peut exiger du défendeur qu'il indique précisément les positions de la facture ou les articles du compte qu'il conteste, à défaut de quoi la facture ou le compte est censé admis et n'aura donc pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 6.1.2; 4A_164/2021 du
21 décembre 2021 consid. 3.3; 4A_126/2019 du 17 février 2020 consid. 6.1.4).

4.2 En l'espèce, l'art. 4 du contrat de travail prévoit que l'employeuse offrirait à l'employé 10% du capital de A______ LTD si certains objectifs étaient atteints.

En réclamant à son employeuse la contrevaleur des parts sociales non transférées par A______ LTD, l'intimé est parti du principe que cette disposition stipulait un engagement ferme de l'appelante à garantir la prestation due par sa société-mère et, en cas d'inexécution par cette dernière, à le dédommager en conséquence.

Selon le texte clair de cette disposition, l'appelante a manifestement voulu prendre un engagement ferme et indépendant au sujet du transfert des parts sociales si les conditions de l'art. 4 du contrat étaient remplies. Elle n'a d'ailleurs jamais soutenu le contraire devant le Tribunal. En particulier, elle n'a pas contesté qu'en cas de réalisation des conditions de l'art. 4 du contrat, elle serait débitrice de cette obligation vis-à-vis de l'intimé et devrait, le cas échéant, lui verser des dommages-intérêts. Elle s'est donc engagée en tant que porte-fort. Une interprétation objective du contrat de travail conduirait à la même appréciation.

L'appelante n'a remis en cause s'être engagée à fournir la prestation promise à
l'art. 4 du contrat de travail que devant la Cour. Or cette contestation, tardive, est irrecevable en appel, dès lors qu'elle sort du cadre des débats. Par ailleurs, si l'appelante réfute sa légitimation passive, elle ne fournit aucun élément pour faire échec à l'interprétation retenue ci-avant.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait que l'intimé ne s'est pas explicitement prévalu des dispositions régissant le porte-fort n'est pas pertinent. Cette qualification relève du droit, que le juge est tenu d'appliquer d'office
(cf. art. 57 CPC). La décision du Tribunal – en tant que celui-ci a retenu que l'intimé pouvait réclamer à l'appelante des dommage-intérêts pour inexécution de la prestation promise – n'est ainsi pas critiquable.

Les griefs de l'appelante doivent donc être rejetés.

5.             L'appelante soutient pour la première fois en appel que la convention d'actionnaires s'appliquerait au cas d'espèce en vertu de l'art. 5 du contrat de travail, libellé comme suit (traduction libre de l'anglais) : "L'Employé accepte que toute propriété par l'Employé de parts sociales de A______ LTD sera régie par les termes de la Convention d'actionnaires ["The Employee agrees that any ownership by the Employee of shares in A______ LTD will be governed by the Shareholders Agreement"]. En signant ce contrat de travail, l'Employé accepte que s'il acquiert des parts sociales, il se conformera avec les conditions de la Convention d'actionnaires". Elle soutient, également pour la première fois, que cette convention prévoyait des conditions en cas de départ de l'intimé, que celui-ci n'aurait ni alléguées ni remplies, ainsi qu'un calcul de la contrevaleur des parts sociales, auquel le Tribunal aurait dû se tenir, et que tout litige portant sur l'octroi des parts sociales ou le paiement de leur contrevaleur devrait, toujours selon cette convention, être soumis aux tribunaux de la République d'Irlande, le droit irlandais étant au surplus applicable.

Ces arguments nouveaux impliquent des faits nouveaux qui sortent du cadre des débats. En effet, la procédure n'a pas porté sur l'interprétation de l'art. 5 du contrat de travail, ni sur l'applicabilité directe de la convention d'actionnaires au cas d'espèce, ni sur les dispositions de cette convention ayant trait au départ de l'intimé ou au calcul de la contrevaleur des parts sociales. Sur ce dernier point, la demande en paiement de l'intimé proposait de calculer cette contrevaleur en appliquant par analogie le calcul proposé par la convention d'actionnaires. Dans sa réponse, l'appelante a affirmé que ce calcul n'était pas pertinent, de sorte qu'elle est malvenue de s'en prévaloir au stade de la procédure d'appel. Le grief de l'appelante repose sur des faits nouveaux irrecevables, de sorte qu'il apparaît d'emblée infondé.

A titre superfétatoire, il sera relevé qu'au vu des éléments au dossier, seule une interprétation objective de l'art. 5 du contrat de travail pourrait entrer en ligne de compte pour établir la volonté des parties. Selon le texte de cette disposition, l'intimé pouvait comprendre de bonne foi qu'il ne serait lié par la convention d'actionnaires que s'il devenait propriétaire de parts sociales de A______ LTD. Or il n'a jamais fait l'acquisition de telles parts sociales, ce qui n'est pas contesté. Il n'a au surplus jamais signé de convention d'actionnaires, seul un exemplaire de cette convention lui ayant été remis, pour information, par l'employeuse.

L'argument de l'appelante doit donc être rejeté.

6.             L'appelante conteste l'interprétation faite par le Tribunal de l'art. 4 du contrat de travail. Selon elle, "l'événement déclencheur" permettant à l'employé d'obtenir la rémunération promise par cet article ne visait ni les ventes qui ne relevaient pas de l'activité de consultant de l'employé, ni celles qui ne reposaient pas sur un investissement exceptionnel de l'employé, ni encore celles qui découlaient du simple renouvellement d'un contrat avec des clients existants.

6.1
6.1.1 L'appelante soutient tout d'abord que seules les ventes conclues en lien avec l'activité de "consulting" déployée par l'intimé pouvaient entrer en ligne de compte. Or, l'intimé n'avait ni allégué, ni démontré que les ventes dont il se prévalait étaient en lien avec son activité de consultant.

Selon elle, les parties avaient déjà fixé les conditions-cadre applicables au contrat de travail en décembre 2020. Il résultait de l'échange de courriels des 15 et
17 décembre 2020 que la notion de "nouveau revenu net" se rapportait au montant des revenus liés à l'activité de conseil ("advisory") effectuée par l'intimé. G______ n'avait pas remarqué, en juin 2021, que l'intimé avait supprimé cette précision contenue dans la version initiale du contrat de travail. L'intimé n'avait toutefois pas souhaité modifier le contenu de la clause litigieuse en procédant à ce changement. Ledit changement avait en effet été effectué pour éviter une répétition inutile, l'intimé accordant de l'importance à un contrat de travail bien rédigé et exempt de redites. Dès lors que le travail de l'intimé consistait à conseiller les clients dans le négoce de matières premières ("advisory" ou "consulting") (cf. art. 1 du contrat de travail), il allait de soi qu'une rémunération variable dépendrait de la plus-value apportée dans son domaine d'expertise et de compétence. Les parties avaient ainsi la volonté réelle et commune de ne viser que les revenus liés à l'activité d'"advisory". Une interprétation objective du contrat conduirait à la même conclusion. A titre subsidiaire, l'appelante se prévaut d'une erreur essentielle.

L'appelante ne précise pas quelle vente (ou opportunité commerciale) serait en particulier visée par cet argument. Elle ne donne ainsi aucune explication sur l'activité déployée, selon elle, par l'intimé dans le cadre des ventes conclues avec P______, M______, W______ et Z______.

6.1.2 L'appelante soutient en vain que les conditions-cadre du contrat de travail auraient déjà été fixées le 17 décembre 2020, par l'acceptation par l'intimé des conditions fixées par G______ dans son courriel du 15 décembre 2020, lequel précisait que les revenus pertinents étaient ceux liés à l'activité d'"advisory". En effet, dans son courriel du 17 décembre 2020, l'intimé demandait des précisions notamment sur les revenus à prendre en considération pour l'obtention des parts sociales, de sorte qu'un accord définitif sur ce point n'était pas encore trouvé à cette date. Après cet échange, les parties ont d'ailleurs continué à discuter du contenu du contrat de travail et elles en ont modifié le texte à plusieurs reprises.

A cela s'ajoute que l'art. 1 du contrat de travail, qui détaille les tâches confiées à l'employé, ne reprend pas les termes de l'offre de l'employeuse du
15 décembre 2020 (à savoir "Poste : Associé de A______ LTD avec la responsabilité globale de la croissance de la partie conseil de l'activité ["Advisory side of the business"]"), mais indique des tâches dépassant la fonction de consultant au sens strict. En effet, parmi les principales tâches définies par l'art. 1 du contrat figurait notamment celle de "mener la croissance rentable des activités suisses de A______".

A cet égard, le courriel envoyé aux employés de A______ LTD par G______ le 5 janvier 2021 mettait en évidence que l'intimé disposait d'une grande expertise non seulement dans le domaine du conseil, mais également dans celui de l'industrie.

Par ailleurs, entendus sur l'activité de "consulting" au sein de l'appelante – étant précisé que celle-ci ne fait pas de différence entre les termes "advisory" et "consulting" –, les témoins O______, "managing consultant" depuis 2021 auprès de l'appelante, et Y______, employé du groupe depuis 2016 et directeur du département de "consulting" depuis 2023, lesquels ont tous deux travaillé avec l'intimé, ont expliqué qu'il s'agissait d'une activité très générale qui pouvait couvrir aussi bien les conseils commerciaux que les conseils techniques, l'accomplissement de travaux, ainsi que la gestion de projets et de programmes.

En outre, à teneur des déclarations de T______, représentant de l'appelante, et du témoin O______, l'intimé était intervenu dans les négociations avec P______ pour remplacer G______ qui était alors absent pour cause de maladie; il avait participé activement à ces négociations, en fixant les tarifs proposés à la cliente, et avait d'ailleurs signé lui-même un des contrats conclus. Il résulte du témoignage de O______ – retenu par le Tribunal et non remis en cause par l'appelante – que l'intimé avait, dans le cadre des contrats avec P______, négocié les tarifs et les taux-horaires des collaborateurs du groupe A______ et qu'il avait passé plus de 50% de son temps sur ces projets en mai 2021. Par ailleurs, toujours selon ce témoin, la moitié des personnes travaillant sur les projets P______ avaient été recrutées par l'intimé, avec l'aide du témoin. Ce dernier avait lui-même travaillé précédemment chez P______ et l'intimé connaissait des personnes au sein de cette société. Ensemble, ils avaient recruté des personnes de bonne réputation qui soit avaient déjà travaillé chez P______, soit connaissaient des personnes chez P______. L'équipe mise en place avait de plus été en mesure de faire rapidement une offre à la cliente. Tous ces éléments tendent à démontrer que l'intimé a eu un rôle important et déterminant dans les opportunités signées avec P______. Cette dernière a certes signé les contrats en raison de la bonne réputation de A______ LTD et de sa maîtrise du logiciel R______. Il n'en reste pas moins, à la lumière des déclarations susvisées, que l'équipe mise en œuvre par l'intimé, ainsi que son importante implication, en temps et en prise de décision, ont clairement favorisé la réalisation des ventes concernées.

Au vu de ce qui précède, il appert que l'activité déployée par l'intimé au sein de l'appelante dépassait celle d'un simple consultant. Il n'est au demeurant pas crédible que l'essentiel des tâches effectuées par l'intimé, en particulier dans le cadre des projets avec P______, ne fassent pas partie de son cahier des charges. L'appelante ne le soutient d'ailleurs pas dans son appel. Aussi, dans l'esprit des parties, la fonction de "consulting" ou d'"advisory" évoquée lors des pourparlers précontractuels répondait à une définition très large de l'activité de conseil, incluant notamment "l'accomplissement de travaux, [ainsi que] la gestion de projets et de programmes". Le fait que le terme "advisory" a été supprimé de la version définitive du contrat de travail vient confirmer ce qui précède. La Cour retiendra, à l'instar de ce qu'allègue l'appelante, qu'il allait de soi que la rémunération variable prévue par le contrat dépendait de la plus-value apportée par l'employé dans son domaine d'expertise et de compétence. Les parties avaient ainsi la volonté réelle et commune de viser tous les revenus générés par l'activité de "consulting" – prise au sens large défini ci-dessus – de l'intimé.

Les revenus générés par les opportunités ("ventes nettes") signées avec
P______ doivent donc être pris en compte pour déterminer si l'intimé peut, en application de l'art. 4 du contrat de travail, prétendre à l'octroi de 10% du capital de A______ LTD. L'appelante n'explique pas en quoi l'activité effectuée par l'intimé dans le cadre des autres opportunités, telle que retenue par le Tribunal, ne ferait pas partie de son cahier des charges. Faute de motivation à ce sujet, il sera retenu que les revenus générés par celles-ci doivent également être pris en considération.

6.2
6.2.1 L'appelante fait grief aux premiers juges de ne pas avoir déterminé le degré de participation de l'employé dans le processus de réalisation des ventes litigieuses. Les parties s'entendaient sur le fait qu'un certain investissement temporel était requis de la part de l'intimé, qui devait être à la hauteur de la contrepartie offerte par l'appelante, à savoir la possibilité d'intégrer l'actionnariat extrêmement restreint de sa société-mère (interprétation subjective). Une simple participation ou la simple signature d'un contrat ne suffisait pas. Il y avait lieu de retenir comme décisif l'ensemble des efforts fournis par l'employé pour arriver à la conclusion des contrats. Il devait s'agir de performances extraordinaires, le travail "ordinaire" de l'employé étant rémunéré par son salaire de base, déjà très élevé. L'intimé s'était prévalu des extraits du système AA_____ pour démontrer son implication dans les opportunités réalisées. Or ce système n'était pas fiable. Par ailleurs, le terme "owner" figurant dans ces extraits désignait la personne qui avait identifié et gérait l'opportunité; être "owner" ne signifiait donc pas avoir réalisé la vente.

6.2.2 Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que la réelle et commune intention des parties ne pouvait être établie s'agissant des termes "nouvelles ventes nettes réalisées par l'employé". Selon le principe de la confiance, le contrat de travail devait être interprété en ce sens que l'art. 4 visait la conclusion de toutes nouvelles opportunités commerciales dans lesquelles l'employé serait impliqué, à l'exception de celles que le groupe A______ avait 90% de chances de conclure avant l'intervention de l'employé. S'agissant des opportunités conclues avec P______, le Tribunal a souligné l'implication de l'intimé dans les négociations et le fait qu'il avait dédié la moitié de son temps à ces opportunités, en se fondant sur les extraits du système AA_____, mais également sur d'autres pièces au dossier (notamment le tableau validé par G______, le courriel du 30 avril 2021 de l'intimé à P______ et le "Statement of Work" de mai 2021), sur l'interrogatoire de T______ et le témoignage de O______. Il a par ailleurs retenu que l'employeuse n'avait pas prouvé que ces ventes seraient susceptibles de tomber dans l'exception prévue par l'art. 4 du contrat de travail. L'appelante ne critique pas ce raisonnement de façon motivée, se limitant à remettre en cause la fiabilité du système AA_____. Son grief doit par conséquent être rejeté pour cette raison déjà. En tout état de cause, ainsi qu'il a été relevé plus haut (cf. consid. 6.1.2), la procédure permet de retenir que l'intimé a eu un rôle déterminant à tout le moins dans les opportunités conclues avec P______.

6.3
6.3.1 L'appelante soutient qu'une interprétation selon le principe de la confiance aurait dû conduire le Tribunal à retenir que seule la conclusion de ventes avec de nouveaux clients, ou avec d'anciens clients mais "à des conditions nettement améliorées", pouvaient être prises en considération. Au vu de la rémunération promise, soit l'octroi de parts sociales dans A______ LTD, société-mère de l'appelante non cotée en bourse, seule une contribution extraordinaire de l'intimé au développement des affaires de l'entreprise pouvait justifier que celui-ci obtienne une telle influence dans le groupe A______. Or, selon elle, aucune des ventes alléguées par l'intimé ne pouvait être qualifiée de nouvelle, hormis celle conclue avec V______ à hauteur de 20'000 EUR.

6.3.2 Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu, sur la base d'une interprétation objective, que l'art. 4 du contrat de travail visait la conclusion de toutes nouvelles opportunités, sauf celles que le groupe A______ avait 90% de chances de conclure avant l'intervention de l'employé. Ainsi, le renouvellement d'un contrat déjà existant à de nouvelles conditions devait être considéré comme une nouvelle opportunité au sens de l'art. 4 du contrat. En particulier, les parties n'auraient pas prévu une clause d'exception pour certaines opportunités si le renouvellement de contrats à de nouvelles conditions n'était pas visé.

Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique. Certes, comme le relève l'appelante, l'exception prévue pour les ventes que le groupe avait 90% de chances de conclure pouvait également viser des contrats avec de nouveaux clients sur le point d'être conclus au moment de l'engagement de l'intimé. Toutefois, le texte de l'art. 4 du contrat de travail ne permet pas, en soi, d'exclure les opportunités conclues avec d'anciens clients. L'appelante l'admet elle-même, puisqu'elle reconnaît que de nouveaux contrats conclus avec d'anciens clients mais "à des conditions nettement améliorées" pouvaient entrer en ligne de compte. Il est par ailleurs vrai que la rémunération promise, vu son importance, laissait supposer que seule une contribution remarquable de l'employé pouvait justifier l'octroi des parts sociales litigieuses. Cependant, l'ampleur de cette contribution a été définie clairement par les parties, puisque celles-ci ont stipulé que pour obtenir la rémunération promise, l'intimé devait réaliser des "ventes nettes" atteignant les seuils fixés de 2'000'000 fr. (revenus), respectivement de 500'000 EUR (marge EBITDA). Il n'est pas contesté que de tels montants étaient difficiles à obtenir. Selon le principe de la confiance, l'intimé pouvait dès lors comprendre de bonne foi que, dans la mesure où les ventes conclues ne faisaient pas partie de celles que le groupe A______ avait 90% de chances de conclure avant son intervention, il lui suffisait d'atteindre ces seuils, très élevés, pour avoir droit à la rémunération promise, à l'exclusion de toute autre exigence, telle que la négociation de ventes à "des conditions nettement améliorées".

L'argument de l'appelante ne convainc pas et sera donc rejeté.

6.4 L'appelante soutient pour la première fois en appel que le seuil de
2'000'000 EUR prévu par l'art. 4 du contrat ne serait pas déterminant pour obtenir les parts sociales, seule une marge EBITDA de 500'000 EUR étant pertinente. Cela résulterait, selon elle, de la phrase "Pour plus de clarté, un EBITDA de
EUR 500'000 l'emporte sur EUR 2'000'000 de chiffre de ventes
". Ainsi, même un chiffre de ventes de 10'000'000 EUR, mais avec une faible marge de moins de 500'000 EUR (par exemple en raison de hauts coûts salariaux engendrés) n'aurait pas été suffisant pour déclencher l'octroi aux parts sociales.

En première instance, les parties se sont accordées sur le fait que l'employé devait atteindre l'un des deux paliers prévus à l'art. 4 du contrat de travail (soit
2'000'000 EUR de revenus, soit 500'000 EUR de marge EBITDA) pour avoir accès à la rémunération promise. Ainsi, dans sa réponse du 11 novembre 2022, l'appelante a elle-même relevé que, selon cet article, l'employé avait droit aux parts sociales litigieuses s'il réalisait des "ventes nettes" atteignant un revenu de 2'000'000 EUR
(cf. réponse, p. 102). Dans sa duplique du 31 août 2023, elle a encore souligné que pour avoir droit à la rémunération promise, l'employé devait réaliser des "ventes nettes" pour un revenu de 2'000'000 EUR ou une marge EBITDA de 500'000 EUR (cf. duplique, pp. 65 et 91). Dans ce contexte, l'art. 4 du contrat – en tant qu'il stipule qu'une marge EBITDA de 500'000 EUR l'emporte sur 2'000'000 EUR de chiffre de ventes – doit être compris en ce sens que des "ventes nettes" ayant généré un revenu inférieur à 2'000'000 EUR, mais une marge EBITDA de 500'000 EUR, donnaient également droit aux parts sociales. Aussi, l'appelante ne saurait reprocher au Tribunal de ne pas avoir examiné si les opportunités réalisées par l'intimé avait atteint une marge EBITDA de 500'000 EUR, dès lors que les premiers juges ont retenu que le seuil de 2'000'000 EUR (de revenus) avait quoi qu'il en soit été atteint.

En tout état, comme il sera vu ci-après, l'intimé a démontré à satisfaction de droit avoir réalisé des "ventes nettes" atteignant à la fois le palier de 2'000'000 EUR
(de revenus) et celui de 500'000 EUR (de marge EBITDA).

7.             L'appelante fait valoir que l'intimé n'aurait pas allégué avec suffisamment de précision la réalisation des conditions de l'art. 4 du contrat de travail.

7.1
7.1.1 Selon l'appelante, l'intimé était tenu d'alléguer et de prouver que les ventes avaient été conclues durant sa période d'engagement, soit durant la période allant du 1er mai au 31 décembre 2021, ce qu'il n'avait pas fait.

7.1.2 Dans sa demande, l'employé a clairement allégué que les opportunités dont il se prévalait avaient été réalisées au cours de l'année 2021. L'appelante soutient pour la première fois en appel que leur réalisation n'était pas nécessairement intervenue durant cette année-là et qu'il n'était pas évident de savoir si les montants articulés pour les différents contrats devaient être attribués à 2021 ou 2022, dans la mesure où la durée de certains projets inscrite dans le système AA_____ pouvait être de sept mois. Ces allégués nouveaux sont irrecevables, faute d'avoir été introduits en temps utile devant le Tribunal.

Le grief de l'appelante sera par conséquent rejeté.

7.2
7.2.1
L'appelante soutient que l'intimé n'aurait pas suffisamment allégué les revenus générés par les "ventes nettes" dont il se prévalait, lesquels devaient atteindre le seuil de 2'000'000 EUR. Les extraits du système AA_____, dont elle conteste la fiabilité, n'indiquaient que des revenus potentiels et non des revenus effectifs. Dans ces circonstances, le Tribunal ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir suffisamment contesté les allégués de l'intimé au sujet des revenus réalisés. Par ailleurs, les allégués de l'intimé au sujet de la marge EBITDA de 25% donnant droit à l'octroi des parts sociales litigieuses étaient également insuffisants.

7.2.2 Devant le Tribunal, l'intimé s'est prévalu des montants figurant dans le système AA_____ pour établir la quotité des revenus générés par les "ventes nettes" qu'il avait réalisées en 2021. Se référant aux extraits du système AA_____ versés au dossier, il a ainsi allégué que ces opportunités commerciales, conclues grâce à son intervention, avaient procuré à l'appelante, respectivement au groupe A______, des revenus supérieurs à 4'200'000 EUR, ce qui dépassait largement le seuil de 2'000'000 EUR prévu par l'art. 4 du contrat de travail. Contrairement à ce que plaide l'appelante, ces allégués étaient suffisamment précis pour lui permettre de se déterminer utilement, ce d'autant qu'elle disposait de tous les éléments pertinents pour motiver sa contestation et présenter ses éventuelles contre-preuves (par ex. offres, devis, et factures adressés à P______ et aux autres clientes, décomptes des heures de travail effectuées par les consultants de A______ sur les différents projets, tarifs horaires appliqués et/ou convenus avec les clientes, etc.).

Or dans ses écritures de première instance, comprenant plus de 200 pages, l'appelante s'est limitée, pour l'essentiel, à contester que le rôle de l'intimé ait été déterminant pour la conclusion des ventes signées avec P______, M______, W______ et Z______, d'une part, et que ces ventes puissent être qualifiées de "nouvelles", d'autre part. En revanche, elle n'a pas contesté la quotité des revenus allégués par l'intimé pour les ventes conclues avec P______, M______ et W______. En particulier, l'appelante n'a pas remis en cause ces montants en tant qu'ils n'auraient, selon elle, pas représenté les revenus nets effectivement générés par ces ventes et/ou en tant que ceux-ci auraient, toujours selon elle, été inférieurs à 2'000'000 EUR (avant le début de la procédure, l'appelante n'a d'ailleurs jamais contesté – notamment dans son courrier du 17 décembre 2021 – que le seuil de 2'000'000 EUR donnant droit aux parts sociales avait été atteint par les ventes dont l'intimé s'attribuait le mérite). Au contraire, dans sa réponse du
15 novembre 2022, l'appelante s'est bornée à contester la quotité des revenus allégués par l'intimé pour la seule vente signée avec Z______, à l'exclusion des autres ventes, indiquant que ceux-ci se chiffraient tout au plus à 5'700 fr. et non à 50'000 fr. (cf. supra EN FAIT, let. G.b). Aussi, s'agissant des autres revenus allégués par l'intimé – et ressortant des extraits du système AA_____ figurant au dossier – en lien avec les ventes P______, M______ et W______, le Tribunal a retenu à juste titre que leur quotité n'était pas contestée. L'appelante a certes remis en cause, en première instance, la fiabilité du système AA_____ en tant qu'il attribuait la responsabilité de ces ventes à l'intimé. Elle n'a toutefois pas contesté, en soi, les estimations de revenus inscrites dans ce système. Pour la "vente nette" réalisée avec V______, elle a d'ailleurs elle-même reconnu que les revenus à prendre en considération se montaient à 20'000 EUR (cf. son courrier du
21 décembre 2021 et sa réponse du 11 novembre 2022, p. 95), montant qui correspond à celui figurant dans le système AA_____. Au surplus, les éléments au dossier ne permettent pas de retenir que certains coûts auraient dû être retranchés des revenus allégués par l'intimé. Il convient dès lors d'admettre que, faute de contestation valable par l'appelante, le Tribunal était fondé à retenir que les revenus générés par les "ventes nettes" attribuables à l'intimé en 2021 s'élevaient à plus de
4'200'000 EUR, ce dernier montant ayant été généré par les seules opportunités liées à P______.

Par ailleurs, contrairement à ce que plaide de l'appelante, l'intimé a dûment allégué dans sa demande que les revenus générés par les "ventes nettes" dont la réalisation lui étaient attribuables avaient largement dépassé la marge EBITDA de
500'000 EUR prévue par l'art. 4 du contrat de travail. Dans sa demande, il a explicité la formule applicable selon lui pour calculer cette marge et estimé la marge liée aux seules ventes conclues avec P______ à plus de 40%. Dans sa réplique, il a chiffré la marge EBITDA pour les opportunités liées à P______ à 47%, en détaillant son calcul y relatif, relevant qu'il s'était basé sur le salaire estimé des consultants de A______ ayant œuvré sur ces projets et sur des frais généraux de 40%. L'appelante s'est bornée à contester en bloc ces allégués, en soulignant que l'intimé ne disposait pas des informations nécessaires pour calculer la marge EBITDA avec plus de précision, puisqu'elle seule (respectivement sa société-mère) avait accès à ces informations. Ce faisant, l'appelante n'a pas exposé quelle méthode de calcul devrait s'appliquer selon elle, ni fourni le moindre élément susceptible de remettre en cause les estimations effectuées par l'intimé quant au salaire des consultants mis en œuvre et aux frais généraux de l'entreprise – quand bien même elle reconnaît être la seule à détenir les informations utiles pour procéder à un calcul précis. Il y a ainsi lieu d'admettre que l'appelante n'a pas suffisamment motivé sa contestation sur ce point, alors qu'il lui appartenait de le faire. Faute de contestation valable, la marge EBITDA de 47% alléguée par l'intimé est ainsi réputée admise. Il résulte de surcroît des témoignages de O______ et de Q______ que la marge réalisée dans le cadre des ventes conclues avec P______ était nettement plus importante que celle réalisée sur d'autres projets et qu'elle était "supérieure à la normale", ce qui vient corroborer les dires de l'intimé quant à la réalisation d'une marge exceptionnelle. Ces éléments viennent ainsi confirmer que le seuil de 500'000 EUR (marge EBITDA) fixé par le contrat de travail a bien été atteint par l'intimé.

Les griefs de l'appelante seront rejetés sur ces points également.

8.             Les conditions de l'art. 4 du contrat de travail étant remplies pour l'année 2021, l'intimé avait droit à 10% du capital social de la société-mère de l'appelante. Celle-ci ne s'est pas exécutée, de sorte que l'intimé avait le droit de réclamer à l'appelante un dédommagement, correspondant à la contrevaleur de ces parts sociales. Le Tribunal a estimé cette contrevaleur à 1'577'784 EUR. L'appelante n'a pas contesté ce montant en appel. Si elle s'est prévalue de ce que la contrevaleur des parts aurait dû être calculée selon les dispositions topiques de la convention d'actionnaires, elle n'a toutefois ni allégué, ni établi que ce calcul aurait conduit à un autre montant.

 

En revanche, dans son appel joint, l'intimé critique la contrevaleur des parts sociales retenue par le jugement attaqué. Il reproche au Tribunal de s'être écarté de la valeur moyenne de 18'933'408 EUR retenue par AF_____ dans son évaluation du 13 avril 2023, sans explication, violant ainsi l'art. 4 CC.

8.1 Selon l'art. 4 CC, le juge applique les règles du droit et de l'équité, lorsque la loi réserve son pouvoir d'appréciation ou qu'elle le charge de prononcer en tenant compte soit des circonstances, soit de justes motifs.

La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO applicable par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO; art. 8 CC). Toutefois, lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO applicable par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO).

La preuve facilitée prévue par l'art. 42 al. 2 CO ne libère pas le demandeur de la charge de fournir au juge, dans la mesure où cela est possible et où on peut l'attendre de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices de l'existence du dommage et qui permettent ou facilitent son estimation; elle n'accorde pas au lésé la faculté de formuler sans indications plus précises des prétentions en dommages-intérêts de n'importe quelle ampleur. Par conséquent, si le lésé ne satisfait pas entièrement à ce devoir, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l'existence d'un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition; la preuve du dommage n'est pas rapportée et, en conséquence, conformément au principe de l'art. 8 CC, le juge doit refuser la réparation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_97/2017 du 4 octobre 2017 consid. 4.1.3).

8.2 En l'occurrence, il incombait à l'intimé de démontrer la contrevaleur des parts sociales litigieuses. Une preuve stricte du dommage étant nécessaire, cette contrevaleur ne pouvait pas être établie "en équité".

Dans le jugement entrepris, le Tribunal s'est fondé sur l'évaluation approximative de AF_____, produite par l'intimé, pour calculer la contrevaleur des parts sociales. Dans cette évaluation, le précité avait estimé la valeur de A______ LTD à une somme comprise entre 15'777'840 EUR et 22'088'976 EUR, cela en se basant sur un multiple d'EBITDA compris entre 7.5 et 10.5. Lors de son audition en qualité de témoin, l'intéressé avait toutefois précisé que pour une société de la taille de A______ LTD, il fallait en général retenir un multiple compris entre 7 et 7.5.
Il se justifiait par conséquent de retenir la valeur la plus basse mentionnée dans l'évaluation approximative, soit 15'777'840 EUR. L'employé avait donc droit au 10% de cette valeur, soit 1'577'784 EUR.

Le Tribunal a ainsi considéré, sur la base des déclarations de AF_____, qu'il convenait de s'écarter des conclusions de l'évaluation établie par ce dernier et d'admettre que la valeur du capital social de A______ LTD n'était établie qu'à hauteur de 15'777'840 EUR. Cette appréciation des preuves ne prête pas le flanc à la critique. Au demeurant, l'intimé n'explicite pas les motifs qui justifieraient de ne pas tenir compte des dires de AF_____ sur le multiple EBITDA généralement applicable pour une société de la taille de A______ LTD. Son grief doit par conséquent être rejeté.

Les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement attaqué seront dès lors confirmés.

9.             Dans son appel joint, l'intimé reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que la résiliation des rapports de travail par l'appelante constituait un congé-représailles. Selon lui, les motifs de licenciement invoqués par cette dernière étaient fictifs. La chronologie des faits démontrait que l'appelante ne souhaitait pas lui transférer les parts sociales promises, raison pour laquelle elle l'avait congédié. L'intimé réclame le paiement de 332'500 fr. nets, intérêts moratoires en sus, à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

9.1 Aux termes de l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties.

9.1.1 Les parties sont en principe libres de résilier le contrat sans motif particulier. Le droit suisse du contrat de travail repose en effet sur la liberté contractuelle. Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO;
ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1).

Est abusif le congé donné pour l'un des motifs énumérés à l'art. 336 CO, qui concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit, et y assortit les conséquences juridiques adaptées au contrat de travail (ATF 132 III 115
consid. 2.1, JT 2006 I 152; 131 III 535 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_224/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.1). Cette liste n'est pas exhaustive. Un congé peut donc se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1; 131 III 535 consid. 4.2). Ainsi, le caractère abusif du congé peut résider dans le motif répréhensible qui le sous-tend, dans la manière dont il est donné, dans la disproportion évidente des intérêts en présence, ou encore dans l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but (ATF 136 III 513 consid. 2.3;
132 III 115 consid. 2.2 et 2.4).

Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel
(ATF 136 III 513 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_368/2022 du
18 octobre 2022 consid. 3.1.2 et les réf. Citées). Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). L'appréciation du caractère abusif du licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances du cas d'espèce (ATF 132 III 115 consid 2.5 et les références citées).

9.1.2 Selon l'art. 336 al. 1 let. D CO, qui vise le congé de représailles, le licenciement est abusif s'il est donné par une partie parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Cette disposition tend en particulier à empêcher que le congé soit utilisé pour punir le travailleur d'avoir fait valoir des prétentions auprès de son employeur (portant par ex. sur des salaires, des primes ou des vacances) en supposant de bonne foi que les droits dont il soutenait être le titulaire lui étaient acquis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_407/2008 du 18 décembre 2008 consid. 4.1).

Les prétentions émises par l'employé doivent avoir joué un rôle causal dans la décision de l'employeur de le licencier (ATF 136 III 513 consid. 2.6). Le fait que l'employé émette de bonne foi une prétention résultant de son contrat de travail n'a pas nécessairement pour conséquence de rendre abusif le congé donné ultérieurement par l'employeur. Encore faut-il que la formulation de la prétention en soit à l'origine et qu'elle soit à tout le moins le motif déterminant du licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.3).

9.1.3 En application de l'art. 8 CC, c'est à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif. Le travailleur doit établir le motif abusif, ainsi que le lien de causalité entre le motif abusif et la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_240/2017 consid. 3). Cependant, la preuve ayant souvent pour objet des éléments subjectifs, le juge peut présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme fictif le motif avancé par l'employeur, et le motif abusif plus plausible. Cette présomption de fait n'a cependant pas pour effet de renverser le fardeau de la preuve. L'employé doit alléguer et offrir un commencement de preuve d'un motif abusif de congé. De son côté, l'employeur ne saurait alors demeurer inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_408/2011 du 15 novembre 2011).

9.1.4 La partie qui entend demander l'indemnité fondée sur les art. 336 et 336a CO doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé (art. 336b al. 1 CO). Si l'opposition est valable et que les parties ne s'entendent pas pour maintenir le rapport de travail, la partie qui a reçu le congé peut faire valoir sa prétention à une indemnité. Elle doit agir par voie d'action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de péremption (art. 336b al. 2 CO).

9.2 En l'espèce, l'intimé a formé opposition au congé avant l'échéance du délai de congé. Il a par ailleurs agi en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat.

L'appelante soutient avoir mis fin aux rapports de travail parce qu'elle n'était pas satisfaite des performances de l'intimé et parce que l'attitude générale de celui-ci était de plus en plus agressive et n'était plus alignée sur les valeurs de l'entreprise.

S'agissant de ce dernier motif, l'appelante a allégué que l'intimé s'attribuait un rôle qui n'était pas le sien au sein de l'entreprise et qu'il se mêlait de problématiques qui ne le concernaient pas. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu que ces allégués étaient corroborés par la proposition que l'intimé avait adressée à K______, responsable des ressources humaines pour la groupe A______, en vue de "modifier les positions hiérarchiques au sein du groupe", et par les courriels que l'intimé avait envoyés à la précitée pour s'enquérir des raisons pour lesquelles une employée à taux partiel s'occupait des salaires.

Dans son appel, l'intimé soutient avoir été engagé pour apporter son expertise à l'entreprise et développer l'activité de cette dernière, de sorte qu'il devait occuper une fonction d'associé au sein du groupe A______, indépendamment de la remise des parts sociales de A______ LTD. Ainsi, son rang hiérarchique étant supérieur à celui de la responsable des ressources humaines, il ne pouvait lui être reproché d'avoir envoyé à celle-ci la proposition susvisée ou de l'avoir questionnée sur le taux d'activité de l'employée chargée des questions liées aux salaires.

Il résulte des échanges de courriels produits et du témoignage de K______ que les parties ont longuement discuté avant que l'intimé ne soit engagé par l'appelante. Afin de s'assurer ses services, cette dernière lui a offert la possibilité d'acquérir des parts de sa société-mère pour autant qu'il atteigne certains objectifs. La responsable des ressources humaines a déclaré qu'à sa connaissance, aucun autre employé n'était au bénéfice d'une telle clause. Ces éléments confirment que l'appelante accordait beaucoup d'importance à ce que l'intimé rejoigne ses effectifs. Ils corroborent ainsi la thèse de l'intimé, selon laquelle son engagement représentait aux yeux de l'appelante une opportunité pour développer ses affaires. Si l'appelante souhaitait effectivement profiter de l'expertise de l'intimé à cette fin, les éléments au dossier ne permettent toutefois pas de retenir qu'elle entendait donner à l'intimé les mêmes pouvoirs que ceux attribués aux dirigeants de la société. En effet, il ressort tant du contrat de travail signé par les parties que des témoignages de K______ et S______ que l'intimé travaillait sous la responsabilité de G______ et qu'il avait le même niveau hiérarchique que les deux témoins précités. Partant, il y a lieu d'admettre que l'intimé a adopté à plusieurs reprises un comportement inadéquat, s'immisçant dans des questions qui ne le concernaient pas et excédaient ses prérogatives au sein du groupe. Le motif avancé par l'appelante apparaît donc réel.

L'appelante a également allégué que le congé était motivé par l'attitude générale de l'intimé, laquelle devenait de plus en plus agressive vis-à-vis du personnel et de la direction. A cet égard, le Tribunal a retenu que les échanges de courriels produits par l'appelante démontraient que l'intimé pouvait effectivement se montrer agressif envers ses collègues, mais également envers des partenaires de l'appelante comme par exemple une agence de recrutement. Par ailleurs, même si la plupart des collègues ou anciens collègues de l'intimé avaient confirmé qu'il était agréable de travailler avec lui (témoins O______, Q______ et Y______), certains avaient admis que des employés du groupe de l'appelante n'appréciaient pas sa manière de travailler (témoins O______ et Y______). L______ avait également déclaré qu'à la fin de l'année 2021, les relations entre l'intimé et G______ étaient devenues difficiles.

L'intimé reproche au Tribunal de n'avoir pas retenu que la plupart de ses collègues ou anciens collègues avaient confirmé qu'il était agréable de travailler avec lui, seules K______ et AD_____, soit deux employées travaillant hors de Suisse, ne l'appréciant pas. K______ adoptait de surcroît une attitude d'opposition et un ton très agressif et irrespectueux à son encontre. Si lui-même avait pu faire preuve de rigidité dans certains échanges de courriels, son attitude ne pouvait être qualifiée d'agressive.

Les témoins O______, Q______ et Y______ ont certes déclaré que l'intimé était apprécié par de nombreux employés. Néanmoins, tant O______ que Y______ ont relevé que sa volonté de modifier certains processus irritait certaines personnes. A cet égard, O______ a exposé que des erreurs de facturation étaient apparues en lien avec les projets P______, de sorte que l'intimé avait souhaité en améliorer le suivi. Même si les modifications proposées par l'intimé pouvaient apparaître souhaitables, elles s'étaient heurtées à la résistance de certains membres du groupe. Il résulte par ailleurs des échanges de courriels de l'intimé des 11 mai, 27 septembre et
1er novembre 2021 avec, respectivement, AC_____, K______ et AE_____, que l'intimé pouvait adopter à l'encontre de ses collègues, subordonnés ou partenaires d'affaires une attitude rigide, voire blessante, qui pouvait ne pas être appréciée. Y______ a déclaré que dans certains cas, l'intimé "pouvait être assez rugueux". A cela s'ajoute que l'intimé s'attribuait parfois un rôle qui ne lui appartenait pas, se mêlant de domaines qui n'entraient pas dans son cahier de charges, ce qui pouvait davantage irriter certains collègues. Selon L______, des tensions étaient également nées avec G______. Il ressort de l'échange de courriels entre les parties du 21 octobre 2021 que les précités étaient surpris des questions soulevées par l'intimé au sujet de la gouvernance au sein du groupe et des relations avec les actionnaires. Lors de la réunion du 2 novembre 2021, des désaccords sur les objectifs à fixer pour 2022 étaient également apparus entre l'intimé et G______. Aussi, les tensions nées entre les deux hommes ne semblent pas liées à la rémunération de l'intimé, mais bien plutôt au comportement rigide et intrusif de ce dernier. Il en résulte que les motifs de licenciement avancés par l'appelante ayant trait à l'attitude problématique de l'intimé ne sont pas fictifs.

En conséquence, le congé ne saurait être qualifié d'abusif. L'appel joint sera donc rejeté sur ce point.

10.         L'intimé reproche enfin au Tribunal de ne pas lui avoir alloué une indemnité de 4'791 fr. 78, intérêts en sus, pour ses frais d'avocat avant procès.

10.1 Selon la jurisprudence, lorsque le droit de procédure civile permet au plaideur victorieux de se faire dédommager de tous les frais nécessaires et indispensables qu'il a consacrés à un procès, ce droit est seul applicable, et il ne laisse aucune place à une action qui serait fondée sur le droit civil fédéral, séparée ou ultérieure, tendant au remboursement des frais par l'adverse partie. Le dommage sujet à réparation comprend en revanche les frais engagés par le lésé pour la consultation d'un avocat avant l'ouverture du procès civil, lorsque cette consultation était nécessaire et adéquate et que les frais ne sont pas couverts ni présumés couverts par les dépens (ATF 139 III 190 consid. 4.2; 133 II 361 consid. 4.1).

Une action en dommages-intérêts séparée ou ultérieure est exclue de manière générale pour tous les frais qui s'incorporent aux dépens d'un procès selon l'art. 95 al. 3 CPC. Cela concerne aussi les procédures et les domaines juridiques pour lesquels une règle spécifique fédérale ou cantonale exclut que ces dépens soient taxés et répartis conformément aux art. 105 al. 2 et 106 CPC. En effet, les actions en dommages-intérêts accordées par le droit de la responsabilité civile, notamment par les art. 41 ou 97 CO, ne sont pas disponibles pour éluder les règles spécifiques du droit de procédure civile et procurer au plaideur victorieux, en dépit de ces règles, une réparation que le législateur compétent tient pour inappropriée ou contraire à des intérêts supérieurs. Dans le même sens, un plaideur ne saurait obtenir par une action en dommages-intérêts, non plus, les dépens que le juge du procès s'est abstenu d'allouer en application de l'art. 107 CPC. En revanche, quelles que soient les règles spécifiques en cause, l'art. 115 CPC garantit une réparation au plaideur dont l'adverse partie s'est comportée avec témérité ou mauvaise foi
(ATF 139 III 190 consid. 4.4).

Les frais d'avocat avant procès sont en règle générale inclus dans les dépens
(ATF 133 II 361 consid. 4.1; 117 II 394 consid. 3), lesquels peuvent indemniser des opérations antérieures au procès dans la mesure où elles étaient destinées à préparer celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A_501/2021 du 2 février 2022 consid. 9.2.2 et les références citées). Ils ne peuvent qu'exceptionnellement être réclamés séparément en tant que dommage, en motivant spécialement le fait qu'ils ont été occasionnés de manière illicite par la partie adverse (arrêts du Tribunal fédéral 4A_501/2021 du 2 février 2022 consid. 9.2.2; 4A_148/2016 du 30 août 2016 consid. 2.4).

10.2 En l'espèce, l'intimé a précisé que l'activité déployée par son avocat avant procès consistait essentiellement en deux entretiens avec lui-même, environ quatre échanges de courriels avec le conseil de sa partie adverse et l'analyse des pièces au dossier. Il soutient que le refus de l'appelante de lui verser sa rémunération variable consacrait une violation du contrat de travail, ce qui lui donnait droit à la prise en charge de ses frais d'avocat avant procès.

Ces frais d'avocat ont été engagés peu avant l'introduction de la présente procédure, à un moment où il fallait déjà s'attendre de manière raisonnable à un éventuel procès. L'intimé reconnaît lui-même que ces frais ont été occasionnés par la prise de connaissance du dossier et la tentative de résoudre le litige à l'amiable. Ils couvrent donc une activité qui avait pour but de permettre, de faciliter ou d'éviter la préparation du présent procès, de sorte qu'ils sont inclus dans les dépens. Le fait que le droit cantonal genevois ne prévoit pas l'allocation de dépens dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC) n'y change rien.

C'est dès lors à juste titre que le Tribunal a écarté les prétentions de l'intimé en paiement d'une indemnité pour frais d'avocat avant procès.

11.         En définitive, tant l'appel que l'appel joint se révèlent mal fondés, de sorte que le jugement attaqué sera entièrement confirmé.

12.         Les frais judiciaires de l'appel et de l'appel joint seront arrêtés à 17'500 fr. au total au vu de la valeur litigieuse (supérieure à 1'000'000 fr. pour l'appel et de l'ordre de 650'000 fr. pour l'appel joint) et de l'activité déployée par la Cour (art. 95 al. 1
let. A et al. 2, 104 al. 1 et 105 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. C LaCC; art. 71 RTFMC). Ils seront compensés avec les avances de frais effectuées par les parties, qui restent acquises à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC). Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer à l'intimé le solde de son avance en 2'500 fr. Compte tenu de l'issue du litige, aucune des parties n'ayant obtenu gain de cause, ces frais seront mis à la charge des parties à hauteur de
10'000 fr. pour l'appelante et de 7'500 fr. pour l'intimé (art. 106 al. 2 CPC).

Il n'est pas alloué de dépens d'appel dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevables l'appel formé le 12 juin 2024 par A______ SARL, ainsi que l'appel joint formé le 16 septembre 2024 par C______ contre le jugement JTPH/120/2024 rendu le 10 mai 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/5504/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 17'500 fr., dit qu'ils sont entièrement compensés avec les avances de frais versées par les parties, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève à due concurrence, et les met à raison de 10'000 fr. à la charge de A______ SARL et à raison de 7'500 fr. à la charge de C______.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 2'500 fr. à C______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Monsieur Claudio PANNO, Madame Karine RODRIGUEZ, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.