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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/5571/2022

CAPH/62/2023 du 08.06.2023 sur JTPH/350/2022 ( OO ) , ARRET/CONTRA

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5571/2022-4 CAPH/62/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 8 JUIN 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______[GE], et

Monsieur B______, domicilié ______[GE],

tous deux recourants contre la décision rendue le 18 novembre 2022 par le Collège des présidentes et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes, comparant en personne,

Madame C______, domiciliée ______, France, intimée, comparant en personne,

D______ SA, sise ______[VD], intimée, comparant en personne,


EN FAIT

A.           a. A______ SA (anciennement A______ SA) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève en ______ 2021 dont le but est ______, ______ et la fourniture de toutes prestations juridiques, en Suisse et à l'étranger, ainsi que toutes autres activités en lien direct ou indirect avec ce but.

Son siège se situe avenue 1______ no. ______, [code postal] F______, à Genève.

G______ et H______ en étaient les administrateurs avec signature individuelle.

A______ SA employait plusieurs avocats brevetés et juristes, dont I______ et B______, tous deux titulaires du brevet d'avocat.

Elle exerçait le conseil juridique indépendant et proposait ses prestations à ses clients sous la forme d'un abonnement.

b. C______, représentée par I______, a déposé le 23 mars 2022 auprès du Tribunal des prud'hommes, une requête en conciliation contre D______ SA, ayant son siège à J______, portant sur le paiement d'un montant total en capital de 165'897 fr., plus intérêts.

c. Par courrier du même jour adressé au Tribunal des prud'hommes, sur papier à en-tête de A______ SA, I______ a sollicité d'être admis à représenter C______ en qualité de mandataire professionnellement qualifié, en tant qu'employé de E______ SA.

Le greffe de l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes a répondu favorablement à cette requête le 7 avril 2022, pour le stade de la conciliation.

d. Par courrier du 11 avril 2022, I______ a requis le Tribunal des prud'hommes d'autoriser B______ à le remplacer à l'audience de conciliation.

Le greffe du Tribunal des prud'hommes, sur instruction du conciliateur en charge de la procédure, a accepté cette représentation, au stade de la conciliation.

e. Lors de l'audience de conciliation du 3 mai 2022, C______, a comparu, assistée de B______ en qualité de mandataire professionnellement qualifié.

La tentative de conciliation ayant échoué, l'autorisation de procéder a été délivrée à C______.

f. C______, faisant élection de domicile chez A______ SA et représentée par B______, a déposé le 11 juillet 2022, auprès du Tribunal des prud'hommes, une demande en paiement d'un montant total en capital de 165'898 fr., plus intérêts, avec suite de frais judiciaires et dépens, contre D______ SA.

g. Dans sa réponse du 2 septembre 2022, D______ SA, représentée par un mandataire, soit K______, juriste, exerçant rue ______[adresse postale], a conclu à l'irrecevabilité de la demande en raison de l'incompétence à raison du lieu du Tribunal des prud'hommes de Genève et, subsidiairement, au rejet de la demande.

B. Par décision JTPH/350/2022 du 18 novembre 2022, reçue le 21 novembre 2022 par A______ SA, le Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes a, statuant sur la qualité de mandataire professionnellement qualifié au sens des art. 68 al. 1 let. c CPC et 15 LaCC, dénié cette qualité à A______ SA.

En substance, le Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes a considéré que A______ SA n'était pas une organisation professionnelle syndicale ou patronale, notamment active dans la défense des travailleurs ou employeurs, ni une assurance de protection juridique, ni encore un organisme soumis à surveillance à l'instar des avocats, seules entités généralement admises au nombre des mandataires professionnellement qualifiés autorisés à représenter des parties devant le Tribunal des prud'hommes.

La décision était signée par la greffière de juridiction, L______, et la ______[statut] du Tribunal des prud'hommes, M______. Elle ne mentionnait pas les membres du Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes qui avaient effectivement pris part à la décision.

C. a. Par acte expédié le 1er décembre 2022 à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice (ci-après la Chambre), A______ SA et B______, ce dernier agissant à titre personnel, ont formé un recours contre la décision du 18 novembre 2022 du Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes, concluant à ce qu'elle soit annulée, puis, cela fait, à ce que la qualité de mandataire professionnellement qualifié leur soit reconnue. Ils concluaient encore à ce que la cause C/5571/2022 soit suspendue et à ce qu'une équitable indemnité à titre de dépens soit mise à la charge du fisc.

En substance, ils se prévalaient du fait que la qualité de mandataire professionnellement qualifié avait été reconnue à plusieurs reprises par le Tribunal des prud'hommes à I______ et B______, notamment dans les causes C/5571/2022, C/2______/2020 et C/3______/2021. Les recourants se prévalaient également d'un courrier du 16 mars 2022 des vice-présidentes du Tribunal des baux et loyers et de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers autorisant B______ à intervenir devant ces juridictions comme mandataire professionnellement qualifié en sa qualité d'employé de A______ SA.

Les collaborateurs précités étaient titulaires du brevet d'avocat de sorte que les recourants présentaient les qualités requises pour agir en qualité de mandataire professionnellement qualifié, de même que les autres employés de A______ SA. Le fait que cette dernière ne soit pas une assurance de protection juridique ou une organisation professionnelle ayant pour but la représentation individuelle de ses membres n'était pas pertinent.

b. Invitées à répondre au recours par courriers des 7 décembre et 16 janvier 2023, C______ et D______ SA ne se sont pas déterminées.

c. Les parties ont été informées par courrier de la Chambre du 10 février 2023 que la cause était gardée à juger.

D. a. Par décision de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (ci-après la FINMA) du 4 avril 2023, A______ SA a été dissoute et mise en liquidation. La société n'existe plus qu'aux fins de liquidation. N______ SA, succursale de Genève, a été désignée en qualité de liquidatrice, avec signature individuelle. Les pouvoirs de signature de G______ et H______ ont été radiés.

Ces informations ont été portées à l'extrait du registre du commerce consacré à A______ SA.

b. C______ a informé le Tribunal des prud'hommes de cette décision par courriel du 17 avril 2023 et manifesté le souhait que le recours soit retiré afin que l'affaire puisse reprendre en première instance avec un nouveau conseil qu'elle avait l'intention de désigner.

Le Tribunal des prud'hommes a répondu à C______ le jour-même qu'il ne pouvait enregistrer le retrait du recours, la cause étant pendante devant la Chambre des prud'hommes. Il a communiqué l'échange de courriels à la Chambre le 17 avril 2023.

c. C______ a écrit à la Chambre le 20 avril 2023 pour l'informer de la décision de la FINMA. Elle annonçait vouloir constituer un nouveau conseil, A______ SA ayant cessé son activité. Elle concluait à ce que le recours soit déclaré sans objet et à ce que la cause reprenne son cours en première instance.

d. B______ a écrit le 24 avril 2023 à la Chambre qu'il avait été licencié par A______ SA "de sorte qu'il n'existait plus aucun intérêt pour [lui] de représenter C______" et qu'il "convenait de déclarer la cause sans objet".

EN DROIT

1.             1.1.1 En procédure civile, la décision sur la capacité de postuler de l'avocat – ou de tout autre mandataire au sens de l'art. 68 al. 2 CPC – vise à garantir la bonne marche du procès. Elle entre donc dans la catégorie des décisions relatives à la conduite du procès, au sens de l'art. 124 al. 1 CPC (ATF 147 III 351 consid. 6.3).

La voie du recours est ouverte contre les ordonnances d'instruction et autres décisions au sens de l'art. 124 al. 1 CPC pour autant qu'elles causent un préjudice difficilement réparable. Le recours, écrit et motivé est introduit auprès de l'instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision pour les autres décisions et dans les 10 jours pour les ordonnances d'instruction (art. 319 let. b ch. 2, 321 al. 1 et 2 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 10 et ss ad art. 319 CPC).

Le mandataire auquel la vocation à postuler a été déniée par une décision a la qualité pour recourir contre celle-ci, même s'il n'est pas personnellement partie à la procédure dans laquelle cette décision a été rendue (arrêts du Tribunal fédéral 5A_124/2022 du 26 avril 2022 consid. 1.1; 5A_967/2014 du 27 mars 2015 consid. 1.2 et 1.3).

1.1.2 En l'espèce, le recours, formé contre une "autre décision", a été déposé selon les formes et délais légaux, par A______ SA et B______, soit des personnes ayant qualité pour le faire et ayant subi un préjudice difficilement réparable autrement que par un recours immédiat. Partant, il est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en droit et avec un pouvoir d'examen restreint à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. C______ et B______ ont déposé des courriers après que la cause a été gardée à juger informant la Chambre de la décision de la FINMA d'ordonner la dissolution et la liquidation de A______ SA. Ils en déduisaient d'une part que le recours devait être déclaré sans objet. D'autre part, C______ déclarait retirer le recours.

2.1.1 Le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action, notamment la capacité d'être partie et la capacité d'ester en justice des parties, ainsi que l'intérêt digne de protection à l'action (art. 59 al. 1 et al. 2 let. c CPC). Il examine d'office la réalisation de ces conditions (art. 60 CPC).

2.1.2 Les faits nouveaux ne peuvent être invoqués en seconde instance dans le cadre d'un recours (art. 326 CPC).

L'art. 326 CPC ne s'oppose toutefois pas à l'allégation de faits nouveaux portant sur l'intérêt à recourir ou qui rendent sans objet le recours (ATF 145 III 422 consid. 5.2; 139 III 466 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_375/2022 du 31 août 2022 consid. 5.2; arrêt du Tribunal suprême de Zurich du 18 mai 2021 OGer/ZH RT200042 consid. 2.4).

En outre, les faits notoires ne doivent être ni allégués ni prouvés (art. 151 CPC; ATF 135 III 88 c. 4.1; 134 III 224 c. 5.2), de sorte qu'ils sont soustraits à l'interdiction des nova (arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1 et 3.2.3). Les inscriptions au registre du commerce sont des faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver (arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 19 décembre 2012 TC/VD 2012/19 n. 533 consid. II.b).

A partir du début des délibérations, les parties ne peuvent en revanche plus introduire de nova. La phase des délibérations débute dès la clôture des débats, s'il y en a eu, respectivement dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger. Toutefois, après avoir communiqué que la cause est en état d'être jugée, le juge peut décider d'office, en revenant sur son ordonnance d'instruction, de rouvrir la procédure d'administration des preuves pour tenir compte de faits nouveaux, en particulier de vrais nova qui se sont produits subséquemment, notamment l'aliénation de l'objet litigieux. Cette possibilité offerte à la juridiction de recours de rouvrir l'instruction ne donne cependant aucun droit aux parties de l'obtenir (ATF 143 III 272 c. 2.3.2; 142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6 = JdT 2017 II 153; 138 III 788 c. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.1 et 4.1.2; 4A_467/2019 et 4A_469/2019 du 23 mars 2022 consid. 7.3.1.2 - 7.3.1.3 et c. 7.3.2; 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1).

2.2.1 En l'espèce, B______, en tant que recourant, est fondé à intervenir à titre personnel à la procédure de seconde instance. Il sera considéré qu'il a retiré son recours au vu des termes de son courrier du 24 avril 2023.

En revanche, il n'a plus qualité pour intervenir pour le compte de A______ SA dont il n'est plus l'employé ni le représentant, de son propre aveu. Les dernières écritures et conclusions de B______ ne sont donc imputables qu'à ce dernier et non à A______ SA. Les termes et les conclusions du recours formé par A______ SA le 1er décembre 2022 restent par conséquent inchangés et la Chambre demeure saisie du recours dans cette mesure.

C______ ne peut retirer un recours qu'elle n'a pas déposé et qui concerne des intérêts propres à A______ SA, de sorte de sa déclaration de retrait est sans portée.

2.2.2 Les faits nouveaux et conclusions nouvelles présentés par C______ après que la cause a été gardée à juger ne sont en principe plus recevables, même s'ils portent sur les conditions de recevabilité du recours et sont constitutifs de faits notoires. La Chambre n'entend pas rouvrir l'instruction à cet égard, ces éléments n'ayant en définitive aucune portée sur l'issue du litige, vu les conclusions auxquelles elle parvient ci-après (paragraphe suivant et infra 3.2.1).

En tout état, les circonstances et conclusions nouvelles que C______ aurait souhaité voir introduites aux débats n'auraient pas conduit à ce qu'il ne soit pas entré en matière sur le recours ou que ce dernier soit déclaré sans objet. La décision de la FINMA n'a pas privé A______ SA de sa qualité de sujet de droit. Elle est simplement entrée en liquidation. Le recours reste donc recevable sous l'angle de la capacité d'être partie et d'ester en justice de A______ SA. Par ailleurs, le recours garde un intérêt puisque la recevabilité de la demande en justice déposée par A______ SA pour C______ dépend de la réponse apportée à la question de savoir si A______ SA avait la qualité de mandataire professionnellement qualifié autorisé à représenter des parties en justice.

2.2.3 En conclusion, le recours a toujours un objet ainsi qu'un intérêt et il n'a pas été valablement retiré, de sorte qu'il convient d'aborder les griefs de la recourante.

3. Celle-ci reproche à la décision entreprise de lui dénier la qualité de mandataire professionnellement qualifié.

3.1.1 Sont autorisés à représenter les parties à titre professionnel, devant les juridictions spéciales en matière de contrat de bail et de contrat de travail, les mandataires professionnellement qualifiés si le droit cantonal le prévoit (art. 68 al. 2 let. d CPC). A Genève, l'art. 15 LaCC le prévoit, à l'instar de ce qui prévalait sous l'empire de l'ancien droit cantonal de procédure.

Le législateur cantonal a volontairement laissé la notion de mandataire professionnellement qualifié imprécise et souhaité une application souple, ce qui peut se concevoir s'agissant de procédures soumises à la maxime d'office. Vu le silence des travaux préparatoires et du texte légal, la jurisprudence a retenu qu'un mandataire est professionnellement qualifié dès que la pratique lui a permis d'acquérir au moins les connaissances juridiques élémentaires dans les domaines relevant du droit du bail ou du droit du travail, ainsi que de la procédure applicable devant les juridictions compétentes en ces matières. Il doit être admis que le titulaire du brevet d'avocat possède, en raison de sa formation, les qualités requises pour être considéré comme un mandataire professionnellement qualifié, à moins qu'il n'ait été suspendu ou radié du barreau pour des manquements professionnels graves ne permettant pas de garantir la protection des justiciables (arrêts de la Cour de justice ACJC/77/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2.1; ACJC/1655/2012 du 19 novembre 2012 consid. 3.1; ACJC/1034/2008 du 8 septembre 2008 consid. 2.4; ACJC/1145/2003 du 10 novembre 2003 consid. 2c; ACJC/57/1987 consid. 2; ACJC/56/1987 consid. 2b).

La qualité de mandataire professionnellement qualifié est surtout reconnue, devant la juridiction des prud'hommes, à des personnes morales actives à Genève dans la défense des travailleurs ou des employeurs, c'est-à-dire à des associations professionnelles, syndicales ou patronales, ou à des sociétés de protection juridique. Ces organisations professionnelles spécialisées agissent par l'intermédiaire d'employés qu'elles forment; ceux-ci, même s'ils ne sont pas titulaires du brevet d'avocat ni d'une licence en droit, disposent des connaissances théoriques et pratiques indispensables à leur activité, connaissances qu'ils acquièrent notamment par leur participation aux négociations des partenaires sociaux tendant à la conclusion des conventions collectives de travail. L'organisation qui prétend à la qualité de mandataire professionnellement qualifié doit rendre au moins vraisemblable qu'elle dispose d'un collaborateur ainsi formé, et cette qualité peut en tout temps lui être refusée, alors même qu'elle lui aurait été plusieurs fois reconnue, si les compétences de son représentant se révèlent manifestement insuffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_268/2010 du 21 octobre 2010 consid. 6.2).

La qualité de mandataire professionnellement qualifié ne saurait être réservée aux organismes affiliés à une organisation syndicale faitière et refusée à des organismes souhaitant rester indépendants. Ce qui est déterminant, c'est que l'organisme puisse mettre à disposition des plaideurs, au minimum, une collaboratrice ou un collaborateur doté des connaissances théoriques et pratiques nécessaires à la conduite de procédures. La vérification des qualités de l'organisme est ainsi liée à celle du collaborateur qui intervient en son nom (arrêt du Tribunal fédéral précité, consid. 6.4).

3.1.2 Pour l'acte introductif d'instance, la capacité de postuler du mandataire qui a rédigé la demande est une condition de sa recevabilité (art. 59 al. 1 CPC). Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC). Si la capacité de postuler est déniée à un mandataire, un délai doit être fixé à la partie concernée pour remédier à l'irrégularité (art. 132 CPC par analogie). Il s'ensuit que, dans une procédure pendante, l'autorité qui doit statuer sur la capacité de postuler du mandataire est le tribunal compétent sur le fond de la cause ou, sur délégation, un membre de ce même tribunal (art. 124 al. 2 CPC). La primauté du droit fédéral interdit aux cantons de consacrer la compétence d'une autre autorité (ATF 147 III 351 consid. 6.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 3.2.3).

3.1.3 Aux termes de l'art. 7 LTPH, le collège des présidents et vice-présidents de groupe réunit les présidents et vice-présidents de groupe et le président des juges conciliateurs et des juges conciliateurs-assesseurs (al. 1). Le collège constitue la séance plénière du tribunal au sens de l'art. 30 LOJ (al. 2).

Selon l'art. 1 al. 5 RTPH, la séance plénière exerce les attributions que la loi lui confère de même que celles qui sont attribuées au collège des présidents et vice-présidents de groupe.

L'art. 2 al. 1 RTPH prévoit que la commission de gestion du Tribunal des prud'hommes se compose des 10 présidents et vice-présidents de groupe élus lors des assemblées générales annuelles, du greffier de juridiction et des greffiers-adjoints.

Selon l'art. 3 RTPH, la commission est compétente pour tout ce qui n'est pas de la compétence de la séance plénière, du président ou du greffier de juridiction (al. 1), Dans ce cadre, elle règle les questions organisationnelles liées à l'activité judiciaire communes à l'ensemble du Tribunal ou à plusieurs groupes professionnels. Elle est notamment habilitée à : a. adopter des directives relatives au fonctionnement des juges prud'hommes favorisant une saine administration de la justice ou une pratique uniforme dans les différents groupes professionnels; b. désigner les présidents amenés à siéger dans un autre groupe professionnel en application de l'art. 12 al. 3 LTPH.

3.1.4 Des décisions entachées d'erreurs sont nulles si le vice qui les affecte est particulièrement grave, s'il est manifeste ou du moins facilement décelable et si, de surcroît, la sécurité du droit n'est pas sérieusement mise en danger par l'admission de la nullité. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure. La nullité d'un jugement peut être invoquée et doit être relevée d'office, en tout temps et par toutes les autorités chargées d'appliquer le droit. Elle peut également être invoquée dans un recours – et même encore dans la procédure d'exécution (ATF 145 III 436 consid. 4; ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 129 I 361 consid. 2.1, JT 2004 II 47; arrêts du Tribunal fédéral 5D_78/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.1).

3.2.1 En l'espèce, la décision attaquée porte sur la capacité à postuler de A______ SA en qualité de mandataire professionnellement qualifié et, partant, sur la recevabilité des actes qu'elle a effectués au nom d'une partie dans le cadre d'une procédure en cours. Elle a été rendue par le Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes. Or, elle relève de la compétence du Tribunal des prud'hommes en charge de la procédure au fond – constitué conformément à l'art. 12 LTPH, soit un président, un juge prud'homme employeur et un juge prud'homme salarié – qui est seul fondé à examiner les conditions de recevabilité des actes et à rendre des décisions en matière de conduite du procès.

Les compétences légales du Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes, soit qu'il soit constitué en séance plénière de la juridiction, soit qu'il soit constitué en commission de gestion, sont de nature administrative ou organisationnelle; elles ne lui permettent pas de s'immiscer dans la conduite d'une procédure judiciaire prud'homale.

Au vu de l'incompétence fonctionnelle de l'autorité qui a prononcé la décision attaquée, celle-ci est nulle, ce qui sera constaté d'office.

3.2.2 Même si cette décision avait été rendue par le tribunal compétent, elle aurait été annulée au vu des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus dans la mesure où les premiers juges retiennent que seuls un syndicat ou une association professionnelle ayant pour but la représentation individuelle de leurs membres, une assurance de protection juridique ou des personnes soumises à une autorité de surveillance, à l'instar des avocats, pourraient être admis en tant que mandataires professionnellement qualifiés.

4. Le constat de nullité de la décision entreprise auquel parvient la Chambre épuise le débat en seconde instance, la cause devant être renvoyée à l'autorité inférieure (art. 317 al. 1 let. c CPC). La Chambre ne saurait statuer à nouveau (art. 317 al. 1 let. b CPC) en l'absence de décision valable de première instance sur laquelle se prononcer.

5. Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens de recours (art. 22 al. 2 LaCC).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 1er décembre 2022 par A______ SA contre la décision JTPH/350/2022 du 18 novembre 2022 du Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes.

Donne acte à B______ du retrait de son recours.

Au fond :

Constate la nullité de la décision JTPH/350/2022 du 18 novembre 2022 du Collège des présidents et vice-présidents de groupe du Tribunal des prud'hommes.

Retourne la cause au Tribunal des prud'hommes, groupe ______[no].

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

Le président :

Jean REYMOND 

 

 

Le greffier :

Javier BARBEITO 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile aux conditions limitées de l'art. 93 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.