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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/30479/2018

CAPH/83/2022 du 07.06.2022 sur JTPH/16/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/30479/2018-1 CAPH/83/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 7 juin 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 18 janvier 2021 (JTPH/16/2021), comparant par Me Stéphanie FULD, avocate, rue Jacques-Balmat 5, case postale 1203, 1211 Genève 1, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

SOCIETE IMMOBILIERE B______ SA, sise c/o C______ SA, ______ Genève, intimée, comparant par Me Thierry ADOR et Me Christian JOUBY, avocats, avenue Krieg 44, case postale 445, 1211 Genève 12, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/16/2021 du 18 janvier 2021, reçu par A______ le 20 janvier suivant, le Tribunal des prud'hommes, groupe 1, statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable la demande formée le 5 juin 2019 par A______ contre SOCIETE IMMOBILIERE B______SA (chiffre 1 du dispositif), condamné SOCIETE IMMOBILIERE B______SA à verser à A______ la somme nette de 4'639 fr. 50 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le ______ 2015 [date du décès de D______] (ch. 2), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 3), arrêté les frais de la procédure à 1'780 fr. (ch. 4), compensés avec l'avance effectuée par A______ et répartis en équité à raison de 1'200 fr. à charge de A______ et 580 fr. à charge de SOCIETE IMMOBILIERE B______SA (ch. 5 et 6), condamné en conséquence SOCIETE IMMOBILIERE B______SA à verser à A______ la somme de 580 fr. (ch. 7), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 9).

B. a. Par acte expédié le 19 février 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, requérant l'annulation des chiffres 3 à 9 de son dispositif. Il conclut, avec suite de frais, à la condamnation de SOCIETE IMMOBILIERE B______SA à lui verser 173'412 fr. brut avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 15 août 2016 sous réserve d'amplification du fait des salaires devenus exigibles en cours de procédure. Il conclut également à ce que, "pour les salaires devenus exigibles et dans la mesure où ils ne [pourraient] pas faire l'objet de l'augmentation de la conclusion en condamnation prise sous chiffre 3", la Cour constate, "et ce jusqu'au terme des rapports de travail, que les 30% de salaire afférent à l'époque aux tâches de feue Madame D______, conformément à son contrat de travail conclu avec SOCIETE IMMOBILIERE B______SA [ ] doivent être versés à Monsieur A______" (conclusion IV, p. 3).

b. SOCIETE IMMOBILIERE B______SA conclut, avec suite de frais, à l'irrecevabilité de la conclusion en constatation IV de A______ portant sur le versement du 30% des salaires devenus exigibles en cours de procédure, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

d. SOCIETE IMMOBILIERE B______SA a renoncé à dupliquer.

e. Les parties ont été informées par avis du 22 juin 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. SOCIETE IMMOBILIERE B______SA (ci-après: B______) est une société de droit suisse dont le but est notamment la détention en propriété, achat, vente et location de tout ou partie des parts de propriété par étages, et des droits en dépendant, des immeubles sis 1______. Son siège est à Genève.

Les immeubles détenus par B______ sont gérés par C______ SA.

b. A______, né le ______ 1956, et feu D______, son épouse, ont été engagés par B______ en qualité de concierges à partir du 16 mai 1983, par contrat de travail à durée indéterminée du 29 mars 1983, signé par les deux époux. Cet engagement intervenait "aux conditions prévues par la convention collective de travail pour concierges professionnels en vigueur et par le présent contrat".

Les tâches du couple A/D______ portaient sur les immeubles sis 12, 14 et 18 1______ et étaient définies dans un cahier des charges faisant partie intégrante du contrat.

Le salaire contractuellement prévu pour le couple était de 2'926 fr. brut par mois, auquel s'ajoutaient des prestations en nature à concurrence de 150 fr. Le salaire de A______ représentait 70% de ce montant et celui de D______ 30%. Les époux A/D______ se sont répartis les tâches arrêtées par le cahier des charges à concurrence des pourcentages de salaire précités.

En cas d'incapacité de travail pour cause de maladie, une assurance perte de gain garantissait le versement du 80% du salaire dès le troisième jour d'incapacité et ce, pendant sept cent vingt jours sur une période de neuf cents jours consécutifs. Dites prestations remplaçaient toutes les charges et obligations que l'employeuse pouvait être tenue de supporter. En outre, le contrat stipulait un délai de congé de trois mois pour la fin d'un mois dès la dixième année de service.

c. Par avenant du 5 juin 2001, le cahier des charges du couple A/D______ a été étendu à deux nouveaux immeubles, pour comprendre les numéros 10, 12, 14, 16 et 18 de 1______, dès le 1er juillet 2001.

Le salaire du couple s'élevait, dès cette date, à 6'800 fr. brut, dont 4'760 fr. pour A______ et 2'040 fr. pour D______, les proportions de 70%-30% étant maintenues. Toutes les autres clauses du contrat initial restaient valables.

Les salariés étaient invités à retourner un double de ce document muni de leur signature pour accord, ce qu'ils ont fait.

d. Par courrier du 1er février 2007, B______ a chargé A______ de l'entretien de la toiture et des piscines s'y trouvant, conjointement et solidairement avec L______. La rémunération mensuelle relative à cette charge s'élevait à 1'000 fr. brut.

Le salarié était invité à retourner un double constresigné dudit courrier pour accord, lequel faisait office d'avenant à son contrat de travail.

e. Les salaires des époux A/D______ ont connu des augmentations annuelles liées à l'évolution du coût de la vie, oscillant entre 0.98% et 1% selon les décomptes de salaire produits. Un treizième salaire était également versé en décembre de chaque année.

A teneur d'un courrier adressé le 6 mai 2010 par B______ à A______, le salaire de ce dernier bénéficiait en outre d'une indexation contractuelle de 1%.

f. Dès le 1er avril 2008, D______ a été en incapacité totale de travailler, situation qui a perduré jusqu'à son décès le ______ 2015.

A______ l'a remplacée à compter de cette date, réalisant seul l'intégralité du cahier des charges du couple.

D______ a toutefois continué à percevoir son salaire, correspondant au 30% du salaire total convenu pour le couple, jusqu'au mois de septembre 2013.

g. En 2010, B______ a versé la somme de 51'972 fr. à A______. Selon son certificat de salaire 2009, daté du 24 mars 2010, cette somme apparaissait sous "prestation salariale accessoire" et était désignée comme "Ind. perte de gain suite à remplacement maladie de l'épouse D______, du 07.08.2008 au 31.12.2009".

Selon A______, ce montant correspondait aux arriérés de salaire qui lui étaient dus pour avoir assumé la charge de 30% contractuellement dévolue à feu son épouse.

B______ affirme quant à elle avoir versé ce montant à bien plaire et sans reconnaissance de responsabilité afin de clore le litige qui l'opposait à A______ en relation avec la surcharge de travail alléguée par ce dernier du fait de la maladie de feu son épouse.

h. A teneur des décomptes de salaire de D______, le salaire de la précitée a été versé, à tout le moins de mai 2010 à septembre 2013, à A______, les virements étant opérés sur le compte postal de ce dernier.

B______ allègue que ces versements sont intervenus à bien plaire compte tenu des longs rapports de service et constituaient une "avance d'indemnité" versée avec la conviction de l'intervention rapide de l'assurance-invalidité et devant être remboursés à ce moment-là.

i. En date du 24 septembre 2013, A______ s'est entretenu avec E______, administrateur PPE pour C______ SA. L'entretien a eu lieu en présence de F______, secrétaire.

Par courrier du même jour, B______ a confirmé à A______, pour faire suite à cet entretien, que son salaire mensuel passerait de 5'308 fr. 25 à 6'308 fr. 25 dès le mois d'octobre 2013, montant auquel s'ajoutaient une prime, une participation facultative à la prime LAMal et la rémunération pour l'entretien de la piscine de 1'000 fr., soit au total 7'169 fr. 50 brut par mois. Ce courrier ne contenait pas d'autre information.

j. Par un courrier du même jour, signé par E______ et indiquant "Courrier remis en main propre", l'employeuse informait D______ de ce qui suit :

"Compte tenu de votre état de santé, qui ne vous permet plus, depuis de nombreuses années, d'effectuer vos prestations de concierge, nous avons, après que l'assurance maladie ait cessé ces prestations, continué de vous verser votre salaire.

Nous espérions que l'AI reprenne rapidement la suite des prestations, or, cela n'a pas été le cas.

Dès lors, nous vous informons qu'il nous est plus possible de vous avancer cette somme, raison pour laquelle nous cesserons, à la fin septembre 2013, de verser cette indemnité."

k. B______ a allégué avoir, par un autre pli du même jour, résilié le contrat de travail de D______ en ces termes :

"Compte tenu de votre état de santé, qui ne vous permet plus, depuis de nombreuses années, d'effectuer vos prestations de concierge, et pour faire suite à notre entretien de ce jour, nous vous informons que nous mettons fin à votre contrat de travail pour le 30 septembre 2013."

A______ a contesté que lui ou feu son épouse ait reçu le courrier susmentionné.

l. Selon le décompte du mois de septembre 2013, le dernier salaire versé à D______ s'élevait à 2'399 fr. 95, y compris 125 fr. brut de participation facultative à la prime LAMal.

m. Par courrier du 23 février 2016, A______ a résilié sa charge d'entretien des toitures et des piscines pour le 31 mai 2016. Il a dès lors cessé de percevoir la part de salaire de 1'000 fr. afférente à ce poste d'entretien dès le 1er juin 2016.

n. Dans le courant du mois de juillet 2016 et au début de l'année 2017, un différend a opposé A______ et B______ à la suite de reproches formulés par l'employeuse au sujet de l'état de propreté des toilettes situées en toiture de l'immeuble.

Considérant que l'employeuse ne lui avait pas fourni d'informations suffisantes pour juger du bien-fondé des reproches qui lui avaient été adressés et ressentant ceux-ci comme une injustice, A______ a mandaté un conseil pour contester les accusations dont il était l'objet, ce à quoi le nouvel administrateur de la B______, G______, a répondu que si un tel problème devait à nouveau se présenter, il rencontrerait l'intéressé pour en discuter de vive voix avec lui.

o. Par pli recommandé du 22 septembre 2017 adressé à B______ par l'entremise de son assurance de protection juridique, A______ a fait valoir ce qui suit :

"Vous n'êtes pas sans le savoir que durant la maladie de Madame D______, mon mandant a effectué toutes les tâches incombant à leur fonction, totalisant ainsi le 100% d'activité.

Par courriers du 24 septembre 2013 ci-joints ( ), vous avez d'une part arrêté de prester en faveur de Madame D______ et d'autre part augmenté le salaire de Monsieur A______ d'un montant de CHF 1'000.- faisant ainsi passer son salaire mensuel de CHF 5'308.25 à CHF 6'308.25.

Vous avez également décidé de rémunérer mon mandant de CHF 1'000.- de plus s'agissant l'activité supplémentaire demandée, à savoir l'entretien de la piscine et de la toiture, faisant ainsi travailler mon mandant à un taux supérieur à 100% en violation de la loi sur le travail, norme de droit public.

Epuisé, par courrier du 23 février 2016 ( ), mon mandant a finalement résilié cette prestation de travail qui était pour lui une charge excessive compte tenu de son activité de concierge à 100%.

Aujourd'hui, la présente a, plus particulièrement, pour but de vous sommer de verser dans les 30 jours à Monsieur D______ l'arriéré de salaire depuis le 1er octobre 2013, correspondant au 30% d'activité de Madame D______, qu'il a effectué ( )."

p. En date du 2 février 2018, B______ a renoncé à se prévaloir de la prescription à l'encontre des prétentions de son employé jusqu'au 2 février 2019.

q. Par courrier du 1er juin 2018 adressé au conseil de son employeuse, A______ a chiffré ses prétentions à 143'997 fr. pour la période allant du 1er octobre 2013 au 31 mai 2018.

r. Par courriel du 26 juillet 2018, A______ a modifié sa prétention, "pour tenir compte du versement mensuel de fr. 1'000.- effectué en [sa] faveur ( ) dès le mois d'octobre 2013", la réduisant à 89'796 fr. 90 pour la période du 1er octobre 2013 au 31 juillet 2018.

D. a. Par demande déposée en conciliation le 19 décembre 2018 et portée devant le Tribunal le 5 juin 2019, A______ a conclu à la condamnation de B______ à lui verser la somme de 173'412 fr. brut à titre de salaires impayés du 1er octobre 2013 au 31 mai 2019, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 15 août 2016 et sous réserve d'amplification, ainsi que la somme de 4'639 fr. 95 net à titre d'indemnité due par l'employeuse en raison du décès de D______, avec intérêts à 5% l'an dès le ______ 2015 [date du décès de D______].

Il a également conclu à ce que, "pour les salaires devenus exigibles et dans la mesure où ils ne [pourraient] pas faire l'objet de l'augmentation de la conclusion en condamnation prise sous chiffre III", le Tribunal constate, "et ce jusqu'au terme des rapports de travail, que les 30% de salaire afférent à l'époque aux tâches de feue Madame D______, conformément à son contrat de travail conclu avec B______ [ ] doivent être versés à Monsieur A______ ".

A______ a notamment allégué que lors de son entretien du 24 septembre 2013 avec E______, ce dernier lui avait indiqué que la situation devait être éclaircie et que la société cesserait de verser les 30% de salaire correspondant à la charge de son épouse, son salaire étant en revanche augmenté de 1'000 fr. Il s'était opposé à la cessation du versement des 30% de salaire mais avait consenti à sa propre augmentation. Il avait expliqué qu'il devait percevoir le 100% du salaire convenu pour le couple dès lors qu'il effectuait la totalité du cahier des charges. La discussion, envenimée, avait pris fin, non sans qu'il souligne "qu'il ne signerait rien qui irait dans le sens d'une cessation du versement du salaire relatif au 30% du contrat". Les termes du courrier qui lui avait été adressé le même jour l'avaient partant surpris, ce pli l'informant uniquement de son augmentation dès le mois d'octobre 2013, sans indication complémentaire relative à son cahier des charges ou au sort réservé à la part de salaire contractuellement due à sa femme. A compter du 1er octobre 2013, il n'avait plus perçu de contrepartie pour la part de travail auparavant effectuée par son épouse. Anéanti par la maladie puis le décès de celle-ci, préoccupé par l'éducation de ses deux enfants mineurs et craignant de perdre son emploi en cas de réclamation, il n'avait trouvé le courage de contester l'existence de tout accord relatif à la baisse de sa rémunération qu'à la fin 2016.

Compte tenu du dernier salaire perçu par feu son épouse, soit 2'274 fr. 95, indexé annuellement de 0.98% en moyenne, treizièmes salaires compris, c'était la somme brute de 173'412 fr. qui lui était due pour la période allant du 1er octobre 2013 au 31 mai 2019 (74 mensualités).

b. B______ a conclu à l'irrecevabilité de la conclusion IV de A______ portant sur le versement du 30% des salaires devenus exigibles en cours de procédure, ainsi qu'au déboutement du travailleur de l'ensemble de ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et de dépens.

Elle a en substance fait valoir que les discussions formalisées par courriers du 24 septembre 2013 impliquaient que l'augmentation de 1'000 fr. accordée à A______ valait indemnisation du 30% de la charge de travail auparavant réalisée par feu D______. Cette modification avait été convenue d'un commun accord au terme d'un entretien avec le travailleur. Celui-ci ne l'avait par la suite jamais contestée, notamment pas lorsqu'il avait résilié sa charge relative à l'entretien des toitures et piscine par courrier du 23 février 2016. En réalité, si le précité avait ouvert action, c'était en réaction à un différend né de divers reproches – notamment au sujet de l'entretien des toilettes – que lui avait adressés la régie et qu'il avait perçus comme des injustices. Ces doléances avaient donné lieu à l'échange de plusieurs courriers entre janvier 2016 et mars 2017, A______ ayant mandaté un conseil dans ce cadre en mars 2017.

c. A______ a répliqué et persisté dans ses conclusions.

Il a allégué avoir, au cours de l'entretien du 24 septembre 2013, indiqué à son employeuse qu'il n'était pas en mesure d'entreprendre des démarches en recouvrement compte tenu de sa situation personnelle et familiale, dont son employeuse était parfaitement informée. Par la suite, il n'avait jamais renoncé à obtenir la pleine rémunération de son travail et s'en était ouvert à réitérées reprises auprès de B______, sans succès. Il s'était notamment entretenu avec le nouvel administrateur de la PPE, G______, en 2016.

d. B______ a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

Elle a notamment contesté l'affirmation de A______ selon laquelle celui-ci aurait évoqué la question de sa rémunération dans les quatre années qui avaient suivi l'entretien du 24 septembre 2013.

e. Le Tribunal a tenu une audience de débats d'instruction le 24 août 2020 ainsi qu'une audience de débats principaux le 26 octobre 2020, lors de laquelle il a entendu les parties et trois témoins. Il ressort de leurs déclarations les éléments pertinents suivants :

e.a A______ a déclaré qu'il s'était adressé à plusieurs administrateurs quant à sa situation. Il avait notamment demandé à E______ de "mettre les choses en ordre" dès 2010 ou 2011. Ce dernier lui avait répondu qu'il était indifférent que ce soit lui ou feu son épouse qui perçoive le salaire. L'entretien du 24 septembre 2013 s'était déroulé en présence de E______ et de F______, la secrétaire. L'administrateur lui avait alors déclaré qu'il fallait "modifier les choses" dès lors que son épouse ne pouvait plus travailler. L'employeuse avait décidé de lui verser 1'000 fr. de plus, sans pour autant pouvoir lui expliquer à quoi cette somme correspondait. Il n'avait ni accepté ni refusé, mais demandé à E______ "s'il pensait que ce qu'il faisait était juste". Quant à lui, il avait proposé un accord à hauteur de 1'500 fr. par entrée d'immeuble, soit un salaire de 7'500 fr. pour un 100%, entretien de la piscine non compris. E______ avait finalement décidé que ce serait 1'000 fr. après lui avoir demandé ce qu'il voulait gagner, ce à quoi il avait répondu "ce qui est juste".

S'il s'était immédiatement rendu compte de la cessation du versement du 30% du salaire, il avait décidé de ne pas agir sur le moment car il devait s'occuper de son épouse. Il s'était adressé à plusieurs reprises à Monsieur H______, membre du comité de gestion de l'immeuble, en vain. Au mois de juin 2017, il s'était entretenu avec G______, le nouvel administrateur, auquel il avait demandé le paiement de son salaire à 100%.

e.b Interrogé en qualité de représentant de B______, G______ a déclaré avoir pris ses fonctions à la fin du mois de janvier 2017. Il s'était effectivement entretenu avec A______ au cours de l'été 2017. Il avait pris note de sa demande mais n'avait aucune idée de ce dont il parlait à ce moment-là. Ayant beaucoup de dossiers à traiter, il n'y avait pas donné suite immédiatement. Il avait par la suite reçu un courrier de la protection juridique de A______.

e.c A______ a précisé, suite à cette déclaration, avoir relancé G______ avant de s'adresser à sa protection juridique, qui était intervenue en septembre 2017.

Sur question de son conseil, il a déclaré que B______ avait souvent changé d'administrateur. Il se souvenait avoir abordé le problème avec un Monsieur I______, du vivant de sa femme, lequel n'avait pas pu lui apporter de réponse car il avait quitté B______ peu après. Il n'avait cessé de réclamer le paiement de son salaire "auprès de tout le comité", toujours oralement car il souhaitait "procéder à l'amiable". Il a précisé que c'était le comité qui décidait et non les administrateurs. Il avait décidé de se défendre et de faire valoir ses droits en septembre 2017 car il ne recevait aucune réponse à ses demandes. La régie ne lui avait jamais demandé de cesser d'accomplir le travail de feu son épouse.

Sur question du conseil de B______, A______ a déclaré qu'il n'avait pas réclamé son salaire au moment de l'incident relatif à la piscine car ce n'était pas le même contrat.

e.d J______, entendue en qualité de témoin, a confirmé les déclarations de son père, A______, quant à la charge de travail de ce dernier. Elle ignorait s'il était payé à 100%, mais se souvenait que son père "se plaignait d'un dysfonctionnement quelque part", sans pour autant savoir ce qui ne jouait pas exactement quant à sa rémunération. Elle se souvenait que son père, qui voulait faire valoir ses droits, s'était entretenu avec un employé de la régie, sauf erreur à deux reprises mais sans souvenir des dates de ces discussions, en vain. Enfin, il était exact que son père avait d'autres priorités durant la maladie de sa mère.

e.e Entendu en qualité de témoin, K______, exhorté à dire la vérité, a déclaré avoir travaillé pour B______ avec A______, qu'il connaissait depuis trente-huit ans. Il a confirmé que ce dernier avait repris les tâches de feu son épouse, mais ignorait s'il avait été rémunéré à cette fin. A______ ne s'était jamais plaint envers lui au sujet de son salaire.

e.f M______, anciennement E______, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir administré B______ entre 2000 et 2014. Dans son souvenir, B______ avait continué à rémunérer D______ pour éviter des lacunes de cotisations AVS, sur demande de A______. B______ rémunérait A______ à hauteur de 70% et D______ à concurrence de 30%, même si le premier effectuait le 100% des tâches. Il ne se souvenait pas de l'entretien du 24 septembre 2013, de la modification salariale intervenue ou des courriers adressés à cette date. Il se souvenait cependant s'être entretenu avec A______ à réitérées reprises au sujet de la rémunération du couple, en 2011 ou 2012, soit lorsque les indemnités perte de gain maladie avaient cessé d'être versées à D______. Le travailleur estimait en effet avoir droit à une rémunération entière en sus des indemnités pour son épouse, alors qu'il estimait quant à lui au contraire que le salaire dû était un salaire de couple, qui correspondait aux 100% effectués par A______. Ce dernier n'était pas d'accord avec ce calcul.

f. A l'issue de l'administration des preuves, le Tribunal a clos l'instruction et ajourné les débats pour les plaidoiries finales.

g. A l'audience de débats principaux du 2 novembre 2020, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, ce sur quoi la cause a été gardée à juger.

F. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a considéré, notamment, que B______ avait échoué à prouver la réception par feu D______ du courrier du 24 septembre 2013 résiliant les rapports de travail. Il s'ensuivait que lorsque celle-ci était décédée, le rapport de travail était toujours existant. En tant que conjoint survivant, A______ pouvait dès lors prétendre au versement d'une indemnité de 4'639 fr. 50 net, équivalant à deux mois du salaire de feu son épouse (art. 338 al. 2 CO).

S'agissant des points litigieux au stade de l'appel, le Tribunal a considéré que A______ avait consenti, par actes concluants, à la modification de son contrat de travail avec effet au 1er octobre 2013, de sorte qu'il devait être débouté de ses prétentions en paiement de la part de salaire correspondant au 30% anciennement accompli par feu son épouse.

Les considérants du jugement entrepris seront pour le surplus résumés ci-après dans la mesure nécessaire à la compréhension des griefs des parties.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.2 Sont également recevables la réponse de l'intimée ainsi que la réplique de l'appelant, déposées dans le délai légal, respectivement imparti à cet effet (art. 312 al. 2, 316 al. 1 CPC).

1.3 La recevabilité de la conclusion en constatation IV de l'appelant portant sur le versement du 30% des salaires devenus exigibles en cours de procédure peut souffrir de rester indécise, l'appel devant de toute manière être rejeté sur le fond.

2. La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

3. L'appelant fait en substance grief au Tribunal d'avoir considéré qu'il ne s'était pas opposé à la modification de sa rémunération et qu'une acceptation tacite de celle-ci pouvait être inférée de son silence. Il lui reproche en outre d'avoir considéré que ses relations contractuelles avec l'intimée n'étaient pas soumises au respect de la forme écrite. Les parties étaient en effet convenues de soumettre leur contrat aux dispositions de la convention collective de travail pour les concierges (ci-après CCT-concierges), laquelle imposait le respect de ladite forme. Le courrier de l'intimée du 24 septembre 2013 n'ayant pas été contresigné par ses soins, la modification contractuelle en résultant était dénuée d'effets. Il avait dès lors toujours droit au versement de la part de salaire de 30% afférente aux prestations qu'il avait assumées en lieu et place de feu son épouse.

En l'occurrence, la Cour examinera en premier lieu le grief de l'absence de respect de la forme écrite lors de la modification du contrat de travail intervenue le 24 septembre 2013 (cf. infra consid. 4). Elle se penchera ensuite sur la question de l'acceptation tacite de la modification en question (cf. infra consid. 5).

4. 4.1.1 A teneur des art. 356 ss CO, les clauses normatives d'une convention collective de travail (CCT) n'ont en principe d'effet qu'envers les employeurs et travailleurs qu'elles lient, c'est-à-dire les employeurs qui sont personnellement parties à la convention, les employeurs et travailleurs qui sont membres d'une association contractante, ou encore les employeurs et les travailleurs qui ont déclaré se soumettre à la convention au sens de l'article 356b CO (ATF 141 III 418 consid. 2.1; 139 III 60 consid. 5.1).

En outre, un employeur, lié ou non, peut également convenir avec le travailleur d'incorporer dans le contrat de travail les dispositions d'une convention collective de travail; celle-ci ne produit alors pas directement un effet normatif, mais les parties peuvent exiger le respect de la CCT en réclamant l'exécution des clauses du contrat qui reprennent les dispositions conventionnelles (effets dits indirects de la CCT; ATF 141 III 418 consid. 2.1 ; 139 III 60 consid. 5.1). La CCT est alors intégrée de manière conventionnelle au contrat; elle ne s'applique qu'en vertu de la volonté commune des parties (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 1071).

4.1.2 A teneur de l'art. 16 al. 1 CO, les parties qui ont convenu de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n'en exige point, sont réputées n'avoir entendu se lier que dès l'accomplissement de cette forme. L'art. 16 CO présume donc que la forme réservée est une condition de la validité du contrat. Cette présomption peut être détruite par la preuve que la forme volontaire ne vise qu'à faciliter l'administration des preuves (ATF 128 III 212 consid. 2b/aa) ou que les parties y ont renoncé subséquemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_663/2012 du 6 mars 2013 consid. 5.2.1), que ce soit expressément ou par actes concluants (arrêt du Tribunal fédéral 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 7.3.1.2 et la référence).

En particulier, les parties peuvent s'écarter de la forme réservée en fournissant et acceptant sans réserve les prestations contractuelles, nonobstant l'inobservation de la forme. Une telle renonciation doit cependant correspondre à la volonté commune et réelle des parties ou pouvoir être déduite du principe de la confiance. En revanche, le fait que les parties ne respectent pas la forme réservée ne doit pas, en tant que tel, être interprété comme une renonciation à la réserve (Xoudis, Code des obligations I, Commentaire romand, 3ème éd. 2019, art. 16 CO, n° 29).

La partie qui se prévaut de l'inefficacité d'un contrat au motif qu'il ne respecte pas la forme réservée doit établir la conclusion d'une forme volontaire, alors que, si la conclusion d'une forme réservée est établie, le fardeau de la preuve de la modification ou de la suppression d'une telle forme incombe à la partie qui se prévaut de la validité de l'acte passé oralement ou par actes concluants (arrêt du Tribunal fédéral 4A_663/2012 précité, ibidem).

4.1.3 La forme réservée par les parties est constitutive, en ce sens que son inobservation entraîne la nullité de l'accord (arrêt du Tribunal fédéral 4A_663/2012 précité, consid. 5.2.3 et la référence).

L'invocation du vice de forme peut toutefois constituer un abus de droit manifeste (art. 2 al. 2 CC), lequel n'est pas protégé par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_98/2014 du 10 octobre 2014 consid. 4.2.2).

Le comportement contradictoire (venire contra factum proprium) forme une des catégories d'actes susceptibles de constituer un tel abus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2018 du 13 décembre 2018 consid. 4.2.1).

Commet ainsi un abus de droit la personne qui, par son comportement initial, inspire à autrui une confiance digne de protection qui est ensuite trahie par des comportements ultérieurs (ATF 143 III 666 consid. 4.2). Une faute de l'auteur des actes contradictoires n'est pas nécessaire; il suffit que par son comportement interprété normativement, il ait suscité une confiance légitime qui est ensuite déçue. Est notamment digne de protection la confiance de celui qui, sur la base de l'attitude initiale de son partenaire, a pris des dispositions qui se révèlent ensuite désavantageuses en raison du revirement d'attitude (ATF 125 III 257 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2018 précité, ibidem).

Le simple fait d'attendre avant de faire valoir son droit dans le délai de prescription ne suffit généralement pas encore pour retenir un abus de droit. Il faut que s'ajoutent des circonstances particulières. Il en est notamment ainsi lorsqu'on peut inférer avec certitude du silence du créancier qu'il renoncera à faire valoir son droit, ou lorsque l'exercice tardif entraîne de façon reconnaissable des inconvénients pour autrui (ATF 131 III 439 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2018 précité, ibidem).

La question d'un abus de droit doit se résoudre au regard des circonstances concrètes de chaque cas. L'art. 2 CC est un remède destiné à éviter que l'application de la loi conduise dans un cas particulier à une injustice flagrante. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement (ATF 143 III 666 consid. 4.2; 143 III 279 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_320/2018 précité, ibidem).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu, aux termes du jugement entrepris, que la CCT-concierges, dans sa teneur de 2009, s'appliquait, à tout le moins de manière indirecte, aux rapports de travail entre les parties depuis le 1er janvier 2009, ce que l'intimée ne remet pas en cause devant la Cour. Il a en revanche considéré que le renvoi figurant en préambule du contrat de l'appelant, selon lequel ce dernier était engagé "aux conditions prévues par la CCT-concierges en vigueur", ne signifiait pas que les parties étaient convenues d'incorporer audit contrat les dispositions de la CCT relatives à la forme conventionnelle réservée des rapports de travail. Le fait que la CCT-concierges prévoie que les contrats de conciergerie soient établis en la forme écrite n'impliquait en outre pas nécessairement que cette forme ait une fonction constitutive. Celle-ci se limitait souvent à faciliter l'apport de la preuve du contenu des rapports de travail. L'absence de signature de l'appelant au bas du courrier du 24 septembre 2013 modifiant ses conditions de rémunération n'invalidait dès lors pas cette modification.

4.3 En l'occurrence, le bien-fondé du raisonnement susmentionné peut souffrir de rester indécis. A supposer que les parties aient entendu, par le renvoi aux dispositions de la CCT-concierges, ériger la forme écrite en condition de validité de leur contrat et de ses modifications subséquentes, force serait en effet d'admettre qu'elles y ont renoncé par actes concluants.

A l'issue de son entretien du 24 septembre 2013 avec l'intimée et de la réception du courrier du même jour, lui annonçant la modification de son salaire à compter du 1er octobre 2013, l'appelant a en effet continué à accomplir l'intégralité du cahier des charges du couple et à recevoir en contrepartie son salaire, sans élever une quelconque objection à ce sujet (sur ce point, cf. également infra consid. 5.2). Ce faisant, l'appelant a de toute évidence renoncé par actes concluants à l'éventuelle exigence de forme écrite résultant de la CCT-concierges. L'admission d'une telle renonciation doit être d'autant plus admise que la modification litigieuse a été discutée lors d'un entretien entre l'appelant et l'intimée et confirmée par courrier du même jour, seule la signature de l'appelant au bas de cette lettre faisant défaut. L'intéressé ne saurait dès lors tirer argument de l'absence de forme écrite pour s'opposer à la modification en question.

Même à supposer que l'appelant n'ait pas renoncé, par son comportement, à la réserve de forme écrite stipulée par la CCT-concierges, l'invocation de la nullité de l'accord en raison de ce vice de forme serait constitutive d'un abus de droit. Comme il sera exposé ci-après, l'appelant a en effet adopté, jusqu'au mois de septembre 2017, un comportement purement passif, lequel ne pouvait être interprété par l'intimée que comme une renonciation à faire valoir ses droits. Ce faisant, il a suscité une confiance légitime auprès de son employeuse dans le fait qu'il ne reviendrait pas sur l'accord conclu en dépit du vice dont il était entaché. Son revirement du mois de septembre 2017, motif pris de l'absence de respect de la forme écrite, constitue dès lors un comportement contradictoire et manifestement abusif.

Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en tant qu'il retient que l'absence de respect de la forme écrite dans le cadre de la modification contractuelle du 24 septembre 2013 n'emporte pas la nullité de celle-ci.

5. Reste à examiner le grief de l'appelant selon lequel le Tribunal aurait retenu à tort qu'il ne s'était pas opposé à la diminution de son salaire et qu'il avait accepté celle-ci de manière tacite.

5.1.1 Selon l'art. 322 al. 1 CO, l'employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective. Cette disposition étant de droit dispositif (non soumise à l'art. 341 CO; ATF 124 II 436 consid. 10e/aa), les parties peuvent conventionnellement diminuer le salaire en cours de contrat, avant l'échéance du délai légal de congé. Un tel accord ne vaut toutefois que pour le futur et ne peut se rapporter à des prestations de travail déjà accomplies (arrêts du Tribunal fédéral 4A_370/2017 du 31 janvier 2018 consid. 3.1; 4A_434/2014 du 27 mars 2015 consid. 3.2). Si la conclusion du contrat primitif n'était pas soumise à la forme écrite, la réduction du salaire arrêté dans le contrat passé peut être convenue tacitement, c'est-à-dire par le silence ou par actes concluants (arrêts du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.3; 4A_404/2014 du 17 décembre 2014 consid. 5.1et les arrêts cités).

En principe, le silence du travailleur ne vaut pas acceptation de la réduction du salaire proposée par l'employeur. Une acceptation tacite ne peut être admise que dans des circonstances où, selon les règles de la bonne foi, on doit attendre une réaction du travailleur en cas de désaccord de sa part. Il appartient à l'employeur d'établir ces circonstances. Tel est le cas lorsqu'il est reconnaissable pour le travailleur que l'employeur en déduit son accord tacite et que, dans le cas contraire, il prendrait d'autres mesures ou résilierait le contrat; dans ce cas, le travailleur doit exprimer son désaccord dans un délai raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_434/2014 précité, ibidem; 4A_404/2014 précité, ibidem).

Si, conformément à ce qu'il a annoncé au travailleur, l'employeur paie un salaire réduit, il est en règle générale reconnaissable pour le travailleur que l'employeur part d'une acceptation tacite de la réduction. Il est aussi admis que, si le travailleur a encaissé pendant au moins trois mois un salaire réduit par rapport à celui convenu initialement, sans formuler de réserve, il y a présomption de fait qu'il a accepté tacitement la baisse de salaire. Si, par la suite, le travailleur entend réclamer une créance de salaire en raison de cette réduction, il lui incombe de renverser cette présomption en établissant des circonstances particulières sur la base desquelles l'employeur n'aurait pas dû déduire, malgré son long silence, un accord de sa part avec cette réduction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_404/2014 précité, ibidem et les arrêts cités). De telles circonstances peuvent notamment consister en l'inexpérience du salarié, sa timidité face à sa hiérarchie, son naturel docile ou sa crainte de provoquer des difficultés (Witzig, Droit du travail, 2018, n. 1835).

Dans un arrêt du 28 janvier 2014 qui concernait une employée dont le salaire n'avait pas été adapté à la hausse durant les rapports de travail à l'encontre de ce que prévoyait la CCT à laquelle le contrat renvoyait, le Tribunal fédéral a retenu que le simple fait de percevoir, pendant presque quatre ans, un salaire inférieur à celui initialement convenu n'impliquait pas en soi d'acceptation tacite de celui-ci. Il n'était en effet pas rare qu'un employé répugne, durant le rapport de travail, à faire valoir l'intégralité de ses prétentions par crainte de perdre son poste. Le simple écoulement du temps pendant le délai de prescription ne pouvant être interprété ni comme une renonciation à la prétention, ni comme son exercice abusif, le fait de ne pas faire valoir sa prétention durant le rapport de travail ne permettait pas de déduire que celle-ci n'existait pas (arrêt du Tribunal fédéral 4A_477/2013 du 28 janvier 2014 consid. 2.3 et les arrêts cités; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2018 du 27 février 2019 consid. 3.5.3).

Le Tribunal fédéral a toutefois souligné, dans l'arrêt 4A_434/2014 du 27 mars 2015 mentionné ci-dessus, que la crainte d'être licencié ne permettait pas au travailleur d'obtenir un traitement sensiblement meilleur que celui qui aurait été le sien en cas de refus de la modification proposée, puisque l'employeur aurait pu parvenir au même résultat en procédant par la voie du congé-modification. Selon Wyler/Heinzer, les règles de la bonne foi imposent dès lors au travailleur de réagir dans une mesure qui ne lui permette pas de se constituer, par son silence, une situation meilleure que celle qui aurait été la sienne en cas de manifestation de sa désapprobation (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 89).

5.1.2 L'art. 3 al. 3 CCT-concierges (édition 2009) dispose que lorsque l'un des conjoints décède, le délai de congé est, pendant le mois suivant le décès, porté à quatre mois pour la fin d'un mois si le conjoint survivant réside dans l'immeuble. Si le conjoint survivant n'est, à la suite du décès, pas en mesure de continuer à assurer la surveillance de l'immeuble et les services aux habitants, il incombe à l'employeur d'engager et de rémunérer un/une employé(e) chargé(e) d'exécuter les prestations que le conjoint survivant n'est pas en mesure de fournir.

L'alinéa qui précède s'applique également en cas d'incapacité de travail permanente de l'un des conjoints. Toutefois, dans ce cas, le délai de congé de quatre mois mentionné ci-dessus commence à courir à l'expiration du délai de protection contre les licenciements de l'art. 336c CO (art. 3 al. 4 CCT-concierges).

5.1.3 L'interrogatoire et la déposition d'une partie sont des moyens de preuve objectivement adéquats prévus par la loi (art.168 al. 1 lit. f CPC). Il n'est dès lors pas admissible de leur dénier d'emblée toute valeur probante. Ces moyens de preuve sont soumis à la libre appréciation du juge (art. 157 CPC). Certes, le Message du Conseil fédéral relatif au CPC mentionne qu'en raison de la "partialité de leur auteur", la force probante des dépositions est "faible" et que celles-ci "doivent être corroborées par un autre moyen de preuve" (p. 6934 s.). Le juge ne peut néanmoins parvenir à la conclusion que la force probante de la déclaration faite par une partie "en sa propre faveur", prise isolément, doit in concreto être qualifiée de faible, que lorsqu'il a administré cette preuve (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2).

5.2 En l'espèce, après avoir retenu que l'absence de respect de la forme écrite ne permettait pas d'invalider l'accord relatif à la baisse de rémunération de l'appelant, le Tribunal a considéré que la manière dont le précité avait relaté l'entretien du 24 septembre 2013 montrait qu'il avait compris la signification du courrier que l'intimée lui avait adressé le même jour, à savoir qu'il devrait réaliser l'intégralité du cahier des charges du couple moyennant une augmentation de son salaire de 1'000 fr., la part de salaire de son épouse ne lui étant en revanche plus versée. Malgré ses allégations, l'appelant n'était pas parvenu à démontrer, notamment par l'apport de témoins, s'être opposé à cette modification de sa rémunération. Il avait ensuite perçu son salaire réduit pendant près de quatre ans, sans démontrer y avoir objecté. En parallèle, il avait contesté à réitérées reprises, dès 2016, d'autres reproches de son employeuse, sur un ton pour le moins vindicatif, allant jusqu'à mandater un conseil à cette fin. Ses allégations relatives à sa crainte de perdre son emploi ou son désir de procéder "à l'amiable" paraissaient ainsi infondées ou à tout le moins insuffisantes pour établir un empêchement à faire valoir son opposition. Il n'était certes pas constitutif d'un abus de droit de laisser s'écouler un certain temps avant de faire valoir sa prétention et l'appelant était alors confronté à des événements particulièrement dramatiques. Les circonstances permettaient toutefois d'exiger du précité une réaction pour signifier son désaccord avec la modification de son salaire dès le mois d'octobre 2013, conformément au principe de la bonne foi. L'appelant n'ayant pas réagi, il avait consenti, par actes concluants, à la modification de son contrat de travail avec effet au 1er octobre 2013.

5.3 Se prévalant d'une constatation inexacte des faits, l'appelant fait en premier lieu valoir que, contrairement à ce qui avait été retenu par les premiers juges, il s'était adressé à plusieurs reprises à des membres du comité de gestion de l'immeuble pour s'opposer à la modification de sa rémunération. Aucun terme du courrier du 24 septembre 2013 ne lui permettait en outre de saisir que l'augmentation de son salaire de 1'000 fr. par mois s'accompagnait d'une suppression du salaire afférent aux 30% de feu son épouse. Le Tribunal avait par ailleurs retenu à tort qu'il ressortait de son procès-verbal d'audition qu'il avait accepté tacitement ces nouvelles conditions lors de son entretien du 24 septembre 2013 avec le représentant de l'intimée. Il s'y était en réalité valablement opposé.

A titre subsidiaire, l'appelant fait valoir que compte tenu de sa situation familiale, dont l'intimée était informée, il ne pouvait être attendu de lui qu'il conteste activement la diminution de sa rémunération et s'engage dans une procédure afin de recouvrer les arriérés. L'intimée ne pouvait dès lors déduire une acceptation tacite de son silence.

Sa renonciation à percevoir la rémunération de feu son épouse était enfin contraire aux dispositions impératives de la CCT, à la protection desquelles il ne pouvait renoncer durant les rapports de travail (art. 341 al. 1 CO).

5.4.1 En l'occurrence, la question de savoir si la réduction de la rémunération de l'appelant pouvait être convenue tacitement, alors que la conclusion du contrat de conciergerie était – selon l'intéressé – soumise à la forme écrite, a déjà été résolue par l'affirmative ci-avant (cf. supra consid. 4.3), de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette question.

Ceci précisé, le grief de constatation inexacte des faits soulevé par l'appelant n'emporte – pour autant que l'on en saisisse la portée – pas la conviction.

Comme exposé dans le jugement entrepris, l'entretien du 24 septembre 2013 et les courriers qui l'ont suivi visaient à formaliser la situation de fait qui avait cours depuis plusieurs années, à savoir que l'appelant réalisait l'intégralité du cahier des charges du couple et percevait la totalité de la rémunération y afférente, alors que son épouse avait épuisé son droit au salaire. Le but de cet entretien n'avait d'ailleurs pas échappé à l'appelant, celui-ci ayant déclaré que le représentant de l'intimée lui avait indiqué d'entrée de cause que, dès lors que feu son épouse ne pouvait plus travailler, il fallait "modifier les choses". La manière dont l'appelant avait relaté l'entretien en question lors de son audition par le Tribunal montrait en outre qu'il en avait parfaitement saisi la portée, soit que son salaire serait augmenté de 1'000 fr. par mois en contrepartie de l'exécution des tâches qu'il accomplissait déjà, et non porté à 7'500 fr. par mois comme il le réclamait, montant correspondant environ à ce que percevait le couple à cette période (5'308 fr. 25 + 2'274 fr. 95 = 7'583 fr. 20). Cette augmentation de 1'000 fr. par mois correspondait en effet à "ce qui était juste" selon le représentant de l'intimée. L'appelant avait également déclaré s'être immédiatement rendu compte, après cet entretien, de ce que la part de salaire de son épouse ne lui était plus versée et s'en être ouvert oralement à différentes personnes liées à l'intimée. Les dénégations de l'appelant selon lesquelles il n'aurait, en dépit de ce qui précède, pas saisi la signification du courrier du 24 septembre 2013, ne sauraient dès lors être suivies.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelant, les premiers juges n'ont en outre retenu à aucun moment qu'il avait accepté la modification de son salaire durant l'entretien du 24 septembre 2013. Ceux-ci ont simplement constaté qu'il n'avait pas démontré s'être opposé à la modification de sa rémunération à la suite de l'entretien en question et du courrier qui avait suivi, de sorte qu'il était réputé y avoir tacitement consenti.

Le jugement entrepris ne souffre aucune critique sur ce point. L'appelant a certes affirmé, lors de son audition, qu'il s'était adressé à plusieurs reprises à un certain Monsieur H______, membre du comité de gestion de l'immeuble et qu'il n'avait cessé de réclamer le paiement de son salaire "auprès de tout le comité", seul compétent pour décider. Cette affirmation était toutefois pour le moins vague, l'appelant ne mentionnant, à l'exception de "Monsieur H______", ni les noms de ses prétendus interlocuteurs, ni les circonstances précises dans lesquelles il se serait adressé à eux. Elle n'a en outre été corroborée ni par les témoignages de la fille de l'appelant ou de son ancien collègue (cf. En fait let. D.d.d et D.d.e), ni par un quelconque autre élément de preuve. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Tribunal d'avoir considéré que la déclaration de l'appelant n'était pas suffisamment probante pour retenir que celui-ci s'était opposé à la diminution de sa rémunération auprès de son employeuse. En tout état de cause, l'appelant ne conteste pas que le fardeau de la preuve lui incombait sur ce point, ni ne formule de grief motivé à l'encontre de cette appréciation des preuves de la part des premiers juges.

5.4.2 Aucun élément du dossier ne permettant dès lors de retenir que l'appelant se serait opposé à la diminution de sa rémunération lors de l'entretien du 24 septembre 2013, c'est à juste titre que le Tribunal a examiné si l'appelant avait tacitement accepté celle-ci.

L'appelant fait valoir à ce sujet que, compte tenu de sa situation familiale, en particulier de l'état de santé de son épouse puis du décès de cette dernière, il n'avait pu trouver le temps et l'énergie "pour sa consacrer entièrement à sa contestation" (appel, p. 11).

En l'occurrence, et comme l'ont admis les premiers juges, il ne saurait être nié que l'appelant se trouvait confronté, à l'époque des faits, à des circonstances particulièrement dramatiques, ayant dû affronter la longue maladie puis le décès de son épouse. Aussi graves que fussent ces circonstances, il ne ressort toutefois pas du dossier qu'elles auraient plongé l'appelant dans un état de désarroi tel qu'il n'aurait pas été en mesure de manifester la moindre opposition auprès de l'intimée durant les quatre années ayant séparé l'entretien du 24 septembre 2013 et l'envoi du premier courrier le 22 septembre 2017. L'appelant n'allègue du reste rien de tel devant la Cour. Il ne démontre dès lors pas que l'intimée n'aurait pas dû, compte tenu des circonstances, déduire de son long silence une acceptation tacite de la diminution de sa rémunération.

Ainsi que l'a retenu le Tribunal, l'appelant s'est par ailleurs adressé à l'intimée, à réitérées reprises dès 2016, au sujet de plaintes le visant, sur un ton vindicatif et en mandatant un conseil à cette fin. Ses allégations relatives à sa crainte de perdre son emploi ou son désir de procéder "à l'amiable" paraissaient ainsi infondées ou à tout le moins insuffisantes pour retenir qu'il aurait été empêché de faire valoir son opposition. Or, l'appelant ne formule aucune critique motivée à l'encontre de ce point central de l'argumentaire du Tribunal. Il ne tente pas non plus de démontrer en quoi les premiers juges auraient erré en considérant qu'au vu de l'ensemble des circonstances, les règles de la bonne permettaient d'exiger de lui qu'il signifie son désaccord à l'intimée dès le mois d'octobre 2013. Le jugement entrepris ne peut par conséquent qu'être confirmé sur ce point.

5.4.3 L'appelant ne saurait au surplus être suivi lorsqu'il tente d'inférer de l'art. 3 al. 3-4 CCT-concierges qu'en cas de décès ou d'incapacité de travail permanente de l'un des conjoints, le conjoint restant assumant l'intégralité du cahier des charges du couple disposerait d'une prétention de droit impératif à percevoir la rémunération de l'époux qui n'est plus en mesure de prester.

Il résulte en effet de la disposition susmentionnée que lorsque le conjoint survivant ou non frappé d'incapacité de travail n'est pas en mesure de reprendre les tâches anciennement assumées par son époux, l'employeur est tenu d'engager et de rémunérer un nouvel employé à cette fin. Cette disposition vise dès lors à permettre à un couple de concierge ou à un concierge devenu veuf de conserver son emploi – et son éventuel logement de fonction – quand bien même il n'est plus en mesure de s'acquitter de la totalité de ses tâches. Elle ne réglemente en revanche en rien la question du salaire du concierge qui reprend les tâches antérieurement assumées par son conjoint. Conformément à la jurisprudence, cette question demeure dès lors à la libre disposition des parties, lesquelles sont libres de modifier la rémunération de manière conventionnelle avant l'échéance du délai légal de congé.

Au vu de ce qui précède, l'appelant sera débouté de ses conclusions en paiement à l'encontre de l'intimée et le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris confirmé sur ce point.

6. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'700 fr., seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC; art. 5 et 71 RTFMC). Ils seront compensés par l'avance du même montant effectuée par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :

 

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 19 février 2021 contre les chiffres 3 à 9 du dispositif du jugement JTPH/16/2021 rendu le 18 janvier 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/30479/2018-1.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'700 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance effectuée par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Yves DUPRE, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.