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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/7331/2019

CAPH/144/2021 du 31.07.2021 sur JTPH/314/2020 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7331/2019-5 CAPH/144/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 31 JUILLET 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 1er octobre 2020 (JTPH/314/2020), comparant par Me Karin ETTER, avocate, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée et appelante sur appel joint, comparant par Me Mafalda D'ALFONSO, avocate, rue des Pavillons 17, 1205 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           a. B______, qui travaille depuis de nombreuses années comme gouvernante, dame de compagnie et employée de maison pour des personnes âgées, a été engagée par A______, en qualité d’aide à la personne et d’aide-ménagère, à partir du 1er décembre 2016, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 13 janvier 2017.

A______, née en 1953, souffre d'une maladie neurologique chronique se manifestant par des troubles de coordination, une faiblesse musculaire dans les membres lui imposant l'utilisation d'une chaise roulante et qui lui cause des troubles de l'élocution.

Le temps de travail contractuel de B______ était de 45 heures par semaine et de 180 heures par mois. Selon le contrat, le travail pouvait aussi être effectué les jours reconnus fériés ou la nuit et l’employée pouvait être amenée, selon les besoins, à effectuer d’avantage d’heures de travail, celles-ci devant, en général, être compensées par un congé fixé d’un commun accord.

Le salaire mensuel convenu était de 3'800 fr. net. Ce montant a été versé mensuellement à B______. A______ a déclaré au assurances-sociales verser B______ un salaire mensuel net de 3'800 fr., soit un salaire mensuel brut de 4'483 fr. 30, ne comprenant pas de salaire en nature.

En sus du salaire prévu contractuellement, B______ était nourrie et logée par A______.

b. Par courrier du 23 mai 2017, B______ a écrit à A______ qu'il était, depuis le début de son activité, exigé d'elle bien plus que les 45 heures par semaine prévues contractuellement puisqu'elle devait être à son domicile tous les soirs à 20h pour effectuer un travail de veille chaque nuit et qu'elle travaillait 24h/24h à l'exception des dimanches de 9h à 20h, des mercredis de 13h30 à 20h et des jeudis de 9h à 20h. Son temps libre et sa vie privée étaient ainsi extrêmement limités, ce qui à la longue risquait d'être préjudiciable à sa santé. Elle a donc demandé à pouvoir prendre congé tous les après-midis de 13h30 à 18h et à ce que les heures supplémentaires effectuées lui soient payées ou compensées en jours de congé.

c. B______ a été totalement incapable de travailler pour cause de maladie du 23 mai au 13 juin 2017.

d. Par courrier du 13 juin 2017, remis en mains propres à B______, A______ a résilié de manière ordinaire le contrat de travail de celle-ci pour le 31 juillet 2017, avec libération immédiate de son obligation de travailler.

e. B______ s'est à nouveau trouvée en incapacité totale de travailler pour cause de maladie les 19 et 20 juin 2017 ainsi que du 26 juillet au 29 août 2017.

B.            a. Par demande du 27 mars 2019, déclarée non conciliée le 13 mai 2019 et introduite le 13 septembre 2019 devant le Tribunal des prud'hommes, B______ a assigné A______ en paiement de 64'801 fr. 50 bruts avec intérêts moratoires à 5% l’an dès 1er février 2017 à titre d'indemnisation d’heures supplémentaires et de 11'400 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 23 mai 2017 à titre d’indemnité pour tort moral. Elle a également réclamé un certificat de travail et les décomptes de salaire pour la période du 1er décembre 2016 au 30 septembre 2017.

A l'appui de ses conclusions, B______ a allégué que sa charge de travail avait été particulièrement lourde. Elle était l’assistante de vie de A______ et était également tenue de faire le ménage, la lessive, le repassage, les repas et les courses du foyer. Ses journées commençaient à 7h, dès le lever de A______. Elle préparait le petit déjeuner, puis donnait ses médicaments à A______ avant de l'accompagner à la salle de bains et procéder à son habillage. Durant la matinée, elle préparait le repas de midi, par fois pour plusieurs personnes, et effectuait le ménage de l'appartement de cinq pièces. Lors du repas de midi, elle aidait A______ à s'alimenter, puis bénéficiait d'une pause de vingt minutes pour prendre son repas. Ensuite, elle débarrassait la table et rangeait la cuisine avant de procéder aux tâches de blanchisserie pour toute la famille, soit l'époux, le fils et la belle-fille de A______. A 14h, elle accompagnait cette dernière à ses rendez-vous avec ses amies et en profitait pour effectuer les courses quotidiennes pour le foyer. Vers 16h ou 17h, elle raccompagnait A______ à son domicile, la changeait et faisait un brin de toilette avant d'étendre le linge et/ou repasser celui qui était déjà sec. Vers 18h, elle aidait à nouveau A______ à prendre son repas et l'installait devant la télévision vers 19h puis rangeait la cuisine et mangeait à son tour. Vers 20h, elle aidait A______ à se préparer pour la nuit. A______ demandait à se lever vers 23h ou 23h30, notamment pour se rendre aux toilettes. Elle ne pouvait disposer de son temps qu'ensuite, étant relevé que durant la nuit A______ se réveillait à plusieurs reprises et demandait son assistance. De manière générale, elle considérait avoir travaillé en moyenne deux heures par nuit. Elle ne bénéficiait que de deux demi-journées de congé par semaine, généralement les mercredis et, en alternance, les jeudis ou les dimanches. A la fin de ces après-midi de congé, elle était tenue de s’occuper de A______ de 20h à 23h30. Elle n’avait jamais bénéficié de congé pour compenser ces nombreuses heures supplémentaires, ni perçu de rémunération pour celles-ci. Durant les rapports de travail, elle n’avait jamais pris de jours de congé et avait travaillé les jours fériés. Au total, elle avait effectué 1'568 heures supplémentaires. Elle s'était trouvée en incapacité de travail en raison de son épuisement physique et psychologique le 23 mai 2017. En sus des horaires très lourds de travail, elle avait été soumise à de conditions de travail particulièrement difficiles, car A______ exigeait que la porte de sa chambre reste ouverte et elle était sous le feu des critiques constantes de celle-ci.

B______ a produit des photographies d'un calendrier sur lequel elle avait annoté ses jours de congé dès le mois de mars 2017. Selon ce document, elle avait pris congé le mercredi 1er mars dès 13h (minutes illisibles), le dimanche 5 mars dès 9h45, le mercredi 8 et le jeudi 9 mars sans indication d'horaires, le dimanche 2 avril de 9h (minutes illisibles) à 20h15, le mercredi 5 avril dès 14h, jeudi 6 avril jusqu'à 20h, le mercredi 12 avril de 14h30 à 20h (minutes illisibles), le dimanche 16 avril de 9h à 20h, le mercredi 19 avril de 14h30 à 20h, le jeudi 20 avril de 9h45 à 20h, le lundi 24 avril de 14h à 20h, le mercredi 26 avril dès 14h15, le dimanche 30 avril sans indication d'horaires, le mercredi 3 mai dès 14h30, le jeudi 4 mai jusqu'à 20h, le mercredi 10 mai, le dimanche 14 mai de 9h à 20h, le mercredi 17 mai de 14h (minutes illisibles) à 20h et le jeudi 18 mai jusqu'à 20h.

Elle a également produit un relevé d'heures sous la forme d'un tableau pour la période du 1er décembre 2016 au 23 mai 2017, selon lequel elle avait travaillé comme suit :

-          pour la période du jeudi 1er décembre au dimanche 4 décembre 2016 :
40 heures de travail, étant précisé qu’elle avait débuté son emploi le jeudi
1er décembre 2016 à 19h ;

-          pour la semaine du 5 décembre 2016 : 77 heures de travail et congé le mercredi 7 de 14h à 19h et le jeudi 8 de 10h à 19h ;

-          pour la semaine du 12 décembre 2016 : 76.5 heures de travail et congé le mercredi 14 de 14h à 20h et le dimanche 18 de 10h30 à 19h ;

-          pour la semaine du 19 décembre 2016 : 77 heures de travail et congé le mercredi 21 de 14h à 19h et le jeudi 22 de 10h à 19h ;

-          pour la semaine du 26 décembre 2016 : 77.5 heures de travail et congé le mercredi 28 de 14h à 19h et le dimanche 1er de 10h30 à 19h ;

-          pour la semaine du 2 janvier 2017 : 77 heures de travail et congé le mercredi  4 de 14h à 19h et le jeudi 5 de 10h à 19h ;

-          pour la semaine du 9 janvier 2017 : 77 heures de travail et congé le mercredi 11 de 14h à 19h et le dimanche 15 de 10h à 19h ;

-          pour la semaine du 16 janvier 2017 : 77 heures de travail et congé le mercredi 18 de 14h à 19h et le jeudi 19 de 10h à 19h ;

-          pour la semaine du 23 janvier 2017 : 77 heures de travail et congé le mercredi 25 de 14h à 19h et le dimanche 29 de 10h à 19h ;

-          pour la semaine du 30 janvier 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 1er de 14h à 20h et le jeudi 2 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 6 février 2017 : 74.5 heures de travail et congé le mercredi  8 de 14h à 20h et le dimanche 12 de 9h30 à 20h ;

-          pour la semaine du 13 février 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 15 de 14h à 20h et le jeudi 16 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 20 février 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 22 de 14h à 20h et le dimanche 26 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 27 février 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 1er de 14h à 20h et le jeudi 2 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 6 mars 2017 : 74.25 heures de travail et congé le mercredi  8 de 14h à 20h et le dimanche 12 de 9h15 à 20h ;

-          pour la semaine du 13 mars 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 15 de 14h à 20h et le jeudi 16 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 20 mars 2017 : 74.5 heures de travail et congé le mercredi 22 de 14h à 20h et le dimanche 26 de 9h30 à 20h ;

-          pour la semaine du 27 mars 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 29 de 14h à 20h et le jeudi 30 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 3 avril 2017 : 74.25 heures de travail et congé le mercredi  5 de 14h à 20h et le dimanche 9 de 9h15 à 20h ;

-          pour la semaine du 10 avril 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 12 de 14h à 20h et le jeudi 13 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 17 avril 2017 : 74.25 heures de travail et congé le mercredi 19 de 14h à 20h et le dimanche 23 de 9h15 à 20h ;

-          pour la semaine du 24 avril 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 26 de 14h à 20h et le jeudi 27 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 1er mai 2017 : 74.25 heures de travail et congé le mercredi  3 de 14h à 20h et le dimanche 7 de 9h15 à 20h ;

-          pour la semaine du 8 mai 2017 : 75 heures de travail et congé le mercredi 10 de 14h à 20h et le jeudi 11 de 10h à 20h ;

-          pour la semaine du 15 mai 2017 : 74.25 heures de travail et congé le mercredi 17 de 14h à 20h et le dimanche 21 de 9h15 à 20h ;

-          pour la semaine du 22 mai 2017 : 20 heures de travail, étant précisé qu’elle était en arrêt maladie dès le mardi 23 mai 2017 à 14h.

 

Elle a ainsi réclamé le paiement de 345 heures de nuit, de 294,75 heures effectuées un dimanche et 73,9 heures travaillées les jours fériés. Elle a également réclamé une indemnité pour tort moral faisant valoir qu'elle avait souffert durant l'entier des rapports de travail de ne plus avoir de vie privée, et du sentiment d'être constamment testée et contrôlée par A______. Elle avait été contrainte de loger de façon permanente au domicile de A______, alors qu'elle possédait son propre appartement, tout en étant empêchée d'avoir son intimité puisqu'elle ne pouvait pas fermer la porte de sa chambre.

b. A______ a conclu au rejet de la demande.

Elle a allégué que B______ n’avait jamais effectué d’heures supplémentaires et que les relevés d’heures avait été établis par celle-ci a posteriori. Les journées de B______ débutaient vers 7h30 ou 8h et se terminaient lorsqu’elle allait se coucher, vers 20h30. Dès ce moment-là, B______ était libre d’organiser son emploi du temps car une fois couchée, elle-même ne se levait plus, et ce jusqu’au lendemain matin. Elle se nourrissait elle-même et n'avait besoin d'aide que pour couper la viande. La journée, B______ téléphonait énormément. B______ lavait ses affaires mais également celles de son propre fils mais pas celles des membres de sa famille. Lorsqu'elles revenaient du café, B______ allait dans sa chambre ou sortait. En particulier, elle n’avait jamais réveillé B______ durant la nuit et cette dernière fermait sa chambre à clé. Une fois qu'elle était couchée, B______ vivait sa propre vie en sortant ou restant dans sa chambre. Lorsqu’elle avait congé, elle ne revenait pas le soir même, mais uniquement le matin suivant. Lorsque B______ était en congé, des personnes de sa famille la remplaçaient. Son frère venait la chercher les dimanches pour qu’elle puisse passer du temps avec sa famille. En ces occasions, la demanderesse ne travaillait pas, même si celles-ci ne coïncidaient pas avec un jour de congé prévu.

c. Dans ses déterminations du 20 avril 2020, B______ a allégué qu'elle ne pouvait pas bénéficier de temps libre durant les après-midis et elle n’était autorisée à s’absenter ni durant les soirées, ni durant les nuits.

d. Entendues par le Tribunal, C______, D______ et E______, des anciennes employées de A______, qui ont respectivement travaillé pour celle-ci durant le mois de novembre 2013, de décembre 2013 à décembre 2015 et du 11 juillet 2017 au mois de janvier 2018, soit avant et après B______, ont déclaré que lors de leurs jours de congé elles étaient tenues d'être de retour à 20h pour passer la nuit sur place. C______ a précisé qu'elle avait congé le mercredi de 14h à 19h30 ou 20h et le dimanche de 10h à 20h environ.

Leurs journées débutaient entre 7h et 8h et le coucher de A______ avait lieu vers 20h ou 21h. Elles pouvaient alors aller dans leur chambre, laquelle ne pouvait pas fermer à clé. E______ a précisé qu'elle devait rester au domicile car A______ était susceptible de l’appeler à tout moment. C______ devait garder sa porte ouverte. Elles étaient toutes rappelées par A______ vers 22h30 ou 23h pour aller aux toilettes.

D______ a déclaré que A______ demandait presque toutes les nuits, à aller aux toilettes. Cela lui prenait environ une heure par nuit. Selon E______, A______ la réveillait en milieu de nuit, deux à trois fois par semaine. Pour C______, A______ la réveillait presque toutes les nuits pour aller aux toilettes.

C______, qui n'avait travaillé qu'un mois en raison de la difficulté de la tâche, avait toutefois remplacé D______ durant ses jours de congé et durant ses vacances. Lorsqu’elle effectuait des remplacements, elle travaillait le mercredi de 14h à 20h et le dimanche de 10h à 20h. Elle considérait n’avoir pas été assez payée et envisageait de déposer une action. D______ avait fini par démissionner en raison d'un épuisement à cause de ses conditions de travail. Elle réclamait à A______ l'indemnisation de nombreuses heures supplémentaires. E______ avait dû démissionner suite à un accident de travail.

F______, le mari de A______, qui vit séparé d'elle depuis 2002, a déclaré avoir lu la demande formée par B______ ainsi que la réponse de son épouse et avoir discuté avec celle-ci avant son témoignage. Il a déclaré résider chez A______ lorsque les employées étaient en vacances ou en congé et lui rendre en plus visite trois fois par semaine environ. B______ avait congé le mercredi après-midi dès 13h ainsi que le jeudi et ne revenait que le vendredi matin entre 7h30 et 8h. Elle avait également congé du samedi soir à 20h au lundi matin. Les semaines où elle travaillait le dimanche, elle avait également congé le mardi après-midi. Son épouse se réveillait entre 7h30 et 8h, se couchait vers 20h et s’endormait vers 22h. Lorsqu’il était présent, elle ne se réveillait jamais pendant les nuits. Lorsqu’il venait rendre visite à son épouse, il avait pu constater que B______ passait parfois 1h30 ou 2h dans sa chambre au téléphone. Si son épouse aimait que les portes restent ouvertes, B______ avait la possibilité de fermer la porte de sa chambre à clé, ce qu’elle faisait.

G______, le frère de A______, se rendait en moyenne une à deux fois par semaine chez sa sœur. Lors de l’emploi de B______, il y dormait environ une fois par mois. Sa sœur se réveillait vers 7h30 ou 8h, se couchait vers 20h et s’endormait, après avoir fumé une cigarette, vers 23h. Il n’avait jamais été appelé pendant la nuit. Par ailleurs, sa sœur souhaitait qu’il laisse la porte de sa chambre ouverte. Suite à la demande de B______, A______ avait toutefois autorisé cette dernière à fermer la porte de sa chambre à clé. Enfin, sa sœur avait un caractère gai, facile et n’était pas du tout exigeante.

H______, la belle-sœur de A______, a déclaré que lorsqu'elle venait le samedi après-midi, B______ n’était pas systématiquement présente car elle avait trois heures de pause.

C.           Par jugement JTPH/314/2020 rendu le 1er octobre 2020, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevable la conclusion de B______ tendant à l’établissement d’un certificat de travail par A______ (ch. 1 du dispositif), déclaré, pour le surplus, recevable la demande formée le 13 septembre 2019 par B______ contre A______ (ch. 2), condamné A______ à verser à B______ la somme brute de 35'193 fr. 20 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er octobre 2017 (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), condamné A______ à remettre à B______ les décomptes de salaire des mois d’août et septembre 2017 (ch. 5), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6), arrêté les frais de la procédure à 590 fr. (ch. 7), les a réparti à parts égales entre les parties (ch. 8 à 11), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 12) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 13).

En substance, le Tribunal a retenu que B______ avait effectué des tâches d'employée de maison de sorte que le CTT-EDom s'appliquait aux rapports de travail ayant lié les parties.

Le contrat de travail prévoyait un horaire de travail de 45 heures par semaine. A______ n'avait pas tenu de registre des heures de travail et des jours de repos effectifs de B______ mais cette dernière en avait tenu un qu'elle avait produit et valait moyen de preuve. Compte tenu des témoignages des anciennes employées de A______ et du fait qu'il fallait relativiser ceux émanant de la famille de A______, le Tribunal a tenu pour établi que B______ devait être constamment présente sur son lieu de travail, tout en bénéficiant, selon l’expérience générale de la vie et le cours ordinaire des choses, d'une pause de trente minutes de pause par jour. Pour le surplus, il n’y avait pas lieu de s’écarter du registre produit par B______. Cette dernière, qui devait contractuellement travailler 45 heures par semaine, avait accompli des heures supplémentaires qui, faute d'avoir été compensées, devaient lui être rémunérées.

Selon son décompte, B______ avait effectué, entre 7h et 20h, 444.75 heures supplémentaires entre le 1er décembre 2016 et le 23 mai 2017, compte tenu d'un temps de pause de trente minutes par jour (0.5 heure de pause x 146 jours). Pour déterminer le salaire horaire, le Tribunal a considéré qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de prestations en nature dans la mesure où elles n’étaient pas prévues par le contrat de travail et que B______ avait été nourrie et logée à bien plaire. Son salaire mensuel brut était de 4'483 fr. selon les décomptes de salaire des mois de décembre 2016 à juillet 2017, soit un salaire horaire brut de 23 fr. 01 (4'483 fr. / (45 heures x 4.33)). Les heures supplémentaires devaient être majorées de 25%, ce qui représentait une somme totale de 12'791 fr. brut (444.75 heures x [23 fr. 01 x 125%]).

B______ avait travaillé, sous déduction de trente minutes de pause par jour, 207.75 heures les dimanches. Compte tenu d'une majoration de 50% de ces heures, c'était une somme de 6'740 fr. 03 brut (207.75 heures – [25 dimanches x 0.5 heure de pause] x 34 fr. 52]) qui lui était due à ce titre.

B______ avait également travaillé trois jours fériés, soit le 31 décembre 2016, le vendredi saint (14 avril 2017) ainsi que le lundi de Pâques (17 avril 2017), de sorte que ces jours devaient être rémunérés, sous déduction de trente minutes de pause par jour, avec une majoration de 50%. C'était ainsi une somme de 1'294 fr. 50 brut (3 jours x [13 heures – 0.5 heure de pause] x fr. 34.52) qui lui était due à ce titre.

En revanche, le Tribunal a retenu qu'il n'avait pas été établi, compte tenu des témoignages contradictoires, que B______ avait travaillé la nuit. Elle devait toutefois être constamment présente, étant susceptible d'être appelée à tout moment par A______, y compris pendant la nuit. Ces heures de veille devaient être majorées d'une indemnité de 7 fr. 55 par heure. Dans la mesure où B______ avait dormi durant 173 nuits, à raison de 11 heures par nuit (20h à 7h), pendant les rapports de travail, elle avait droit à un supplément de 14'367 fr. 65 brut (173 nuits x 11 heures x 7 fr. 55).

Les intérêts moratoires sur toutes ces sommes étaient dus dès le 1er octobre 2017, lendemain de la date de fin des rapports de travail puisqu'en raison de l'incapacité de travail de B______ survenue durant le délai de congé, ce dernier a été prolongé jusqu'à fin septembre 2017.

Enfin, le Tribunal a débouté B______ de ses conclusions en versement d'une indemnité pour tort moral dès lors que, même s'il avait été établi que les conditions de travail étaient difficiles et les heures supplémentaires nombreuses, il n'apparaissait pas que A______ avait commis une atteinte illicite à la personnalité de B______.

D a. Par acte expédié le 2 novembre 2020 à la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, qu'elle a reçu le 2 octobre 2020. Elle conclut à son annulation et à ce qu'il soit dit qu'elle ne doit rien à B______.

Elle reproche au Tribunal d'avoir tenu pour avéré les heures de travail alléguées par B______, alors que les pièces produites sont contradictoires et que le registre des heures a été établi après coup, et d'avoir écarté les témoignages de sa famille pour privilégier les déclarations de ses anciennes employées alors que celles-ci ont des revendications en cours à son égard. Elle fait valoir que B______ a largement exagéré ses horaires de travail. Celle-ci avait congé les après-midi du retour du café au repas du soir, elle téléphonait plusieurs heures par jour, ce qui devait être compté comme des pauses, et elle prenait trois fois vingt minutes de pause pour les repas. Il y avait aussi des nuits qu'elle ne passait pas sur place, notamment lorsqu'elle avait congé deux jours d'affilées.

b. Dans sa réponse du 7 décembre 2020, B______ conclut au rejet de l'appel et forme un appel joint. Elle demande l'annulation des chiffres 3 et 6 du dispositif du jugement et, cela fait à ce que A______ soit condamnée à lui verser le montant brut de 64'801 fr. 50 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 1er février 2017 et la somme nette de 11'400 fr. avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 23 mai 2017, à titre d’indemnité pour tort moral.

Elle reproche au Tribunal d'avoir considéré que le logement et la nourriture ne constituaient pas une prestation en nature alors que la CTT-EDom prévoit que le salaire en nature pour les employés non qualifiés de l'économie domestique est équivalent à 990 fr. par mois. Aussi, son salaire mensuel brut aurait dû être fixé à 28 fr. 05 et non pas à 23 fr. 01 par le Tribunal.

En outre, c'est à tort que le Tribunal ne lui avait accordé qu'un montant de 7 fr. 55 par heures de veille alors que cette somme devait être ajoutée à la rémunération de base. C'était donc un montant de 35 fr. 60 (7 fr. 55 + 28 fr. 05) de l'heure qui devait lui être versé pour les 173 nuits de veilles effectuées.

La somme totale due devait lui être versée à la date moyenne du 1er février 2017.

Enfin, elle considérait que sa personnalité avait été violée de façon suffisamment grave – heures supplémentaires, absence de jours complet de repos, manque d'intimité, interdiction de quitter le domicile durant la nuit – pour ouvrir le droit à une réparation morale.

c. Dans sa réponse à l'appel joint 5 janvier 2021, A______ conclut au déboutement de B______.

Elle a produit un courrier de l'OCIRT du 3 novembre 2020 à teneur duquel les pièces versées à son dossier et les déclarations contradictoires des employées, des proches de A______ et d'elle-même n'avait pas permis de privilégier une version des faits, en particulier s'agissant des heures effectives de travail et des heures de veille, de sorte que les faits n'avaient pas pu être établis à satisfaction de droit. En outre les faits allégués étaient prescris de sorte que la procédure administrative avait été clôturée.

d. Dans sa réplique du 27 janvier 2021, B______ a persisté dans ses conclusions.

e. Par plis du 26 février 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) dans les délai et forme utiles (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC) par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à l'encontre d'une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue par le Tribunal des prud'hommes dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance était supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC)

L'appel joint est également recevable pour avoir été déposé dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 312 et 313 al. 1 CPC).

Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties devant la Cour, A______ sera désignée en qualité d'appelante et B______ en qualité d'intimée.

1.2 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC) et celle-ci est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et art. 58 CPC).

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable - pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, la Cour doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

2. Il n'est pas contesté en appel que les parties étaient liées par un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO et que la CTT-EDom est applicable aux rapports contractuels ayant lié les parties.

3. L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que l'intimée avait effectué des heures supplémentaires et effectué des veilles de nuit.

Pour sa part, l'intimée reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte la rétribution en nature dans son salaire brut pour le calcul de l'indemnisation des heures supplémentaires et la manière dont a été calculé sa rémunération pour les veilles de nuit.

3.1.1 Chaque partie doit prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

Les moyens de preuve sont notamment le témoignage, les titres et l'interrogatoire et la déposition des parties (art. 168 al. 1 CPC).

3.1.2 L’employeur tient un registre des heures de travail et des jours de repos effectifs. Le travailleur peut s’informer en tout temps sur ses heures de travail, jours de repos, jours fériés et vacances qui lui restent à prendre (art. 10bis al. 3 CTT-EDom 2017).

Sont réputées heures supplémentaires les heures accomplies en sus du maximum quotidien ou hebdomadaire (art. 7 al. 1 CTT-EDom 2017).

Il incombe au travailleur de prouver qu'il a accompli des heures supplémentaires au sens de l'art. 321c CO et quelle est la quotité des heures dont il demande la rétribution (ATF 129 III 171 consid. 2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_390/2018 du 27 mars 2019 consid. 3; 4A_28/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3; 4A_482/2017 du 17 juillet 2018 consid. 2.1). S'il n'est pas possible d'établir le nombre exact d'heures effectuées, le juge peut, par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO, en estimer la quotité. L'évaluation se fonde sur le pouvoir d'appréciation des preuves (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa; arrêt du Tribunal fédéral 4A_338/2011 du 14 décembre 2011 consid. 2.2, in PJA 2012 282). Si l'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, il ne dispense pas le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d'heures supplémentaires accomplies (ATF
133 III 462 consid. 4.4.2). La conclusion selon laquelle les heures supplémentaires ont été réellement effectuées dans la mesure alléguée doit s'imposer au juge avec une certaine force (arrêts du Tribunal fédéral 4A_285/2019 du 18 novembre 2019 consid. 6.2.3; 4A_482/2017 précité consid. 2.1; 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2 et les arrêts cités).

3.1.3 Le salaire régi par l'art. 322 al. 1 CO est une prestation en argent versée en contrepartie du travail. Il se calcule en fonction du travail effectivement fourni, dans le cas du travail aux pièces ou à la tâche, ou en fonction du temps que le travailleur consacre à l'employeur (art. 319 al. 1 et 323b al. 1 CO).

Le salaire minimum brut pour les employés non qualifiés de l'économie domestique était de 3'756 fr. en 2016 et 2017 (art. 10 al. 1 let. f CTT-EDom 2016 et 2017) pour une activité de 45 heures par semaine (art. 2 et 5 CTT-EDom 2017).

Selon la CTT-EDom en vigueur en 2016 et 2017, lorsque le travailleur accomplit des veilles de nuit, les salaires minimaux sont majorés d’une indemnité de 7 fr. 55 par heure de veille, pour les heures entre 20h et 7h (art. 10 al. 1bis CTT-EDom 2016 et 2017).

Dans un courrier du 16 juin 2020 au gouvernement genevois, [le syndicat] I______ a rappelé que le supplément horaire de 7 fr. 55 pour les heures effectuées entre 20h et 7h faisait partie des salaires minimaux obligatoires. Il a demandé qu'une distinction soit effectuée selon les différents types de veille. Il a demandé le maintien du supplément de 7 fr. 55 de l'heure lorsque l'employé ne vit pas au domicile de l'employeur ou n'est employé que pour les heures de nuits avec les journées libres. En revanche, en cas de garde de nuit une part du salaire devait être versée en sus de l'indemnité de 7 fr. 55 en fonction du nombre d'intervention par nuit.

Le nouvel art. 10 al. 1bis CTT-EDom, entré en vigueur le 1er janvier 2021 a aboli le versement d'une indemnité de 7 fr. 55. Revalorisant le travail de nuit, il prévoit qu'entre 20 h 00 et 07 h 00, le travailleur perçoit 60% du salaire minimum visé à l'al. 1 pour les veilles de nuit accomplies sans interruption, 80% de ce salaire pour chaque nuit de veille nécessitant une intervention de sa part et 125% de celui-ci pour les nuits de veille nécessitant plus d'une intervention de sa part ou pour le travail de nuit.

Le salaire comprend éventuellement, outre ce qui est dû en argent, des prestations en nature telles que la jouissance d'un appartement, l'usage d'un véhicule ou le logement et l'entretien dans le ménage de l'employeur (art. 322 al. 2 CO; ATF
131 III 615 consid. 5.2).

Les salaires minimaux fixés par la CTT-EDom comprennent le salaire en nature pour le logement et la nourriture (art. 10 al. 3 CTT-EDom 2017), correspondant à une indemnité équitable de 33 fr. par jour, soit 990 fr. par mois (cf. annexe à la CTT-EDom).

Les heures effectuées les dimanches et jours fériés ouvrent droit, au choix du travailleur, soit à une majoration de salaire de 50%, soit à un congé payé majoré de 50% (art. 7 al. 2 CTT-EDom 2017).

Le travailleur bénéficie d'une pause d'au minimum une demi-heure pour les repas de midi et du soir et d'une pause d'un quart d’heure par demi-journée. Ces pauses ne sont pas comprises dans la durée du travail (art. 5 al. 3 CTT-EDom 2017).

Selon la LTr, le travail doit être interrompu par des pauses d’au-moins une demi-heure, si la journée de travail dure plus de sept heures, et une heure, si la journée de travail dure plus de neuf heures (art. 15 al. 1 let. b et c LTr). Les pauses comptent comme travail lorsque le travailleur n’est pas autorisé à quitter sa place de travail (art. 15 al. 2 LTr). Est réputé place de travail, au sens de l’art. 15 al. 2 de la loi, tout endroit où le travailleur doit se tenir pour effectuer le travail qui lui est confié, que ce soit dans l’entreprise ou en dehors (art. 18 al. 5 OLT 1).

Dans la plupart des cas, le travailleur peut décider librement de ce qu'il veut faire de son temps de pause, c'est-à-dire que la place de travail peut être quittée. Les pauses que le travailleur doit passer à son poste sont des périodes durant lesquelles il est prêt à travailler. Certes, elles servent à l'alimentation et au repos du travail effectué, mais elles n'offrent pas la détente habituelle qu'une pause apporte lorsque le travailleur peut quitter sa place de travail (pas nécessairement le bâtiment de l'entreprise), qu'il veuille faire usage ou non de cette possibilité. Pour autant que les travailleurs puissent se reposer et s'alimenter dans des conditions d'hygiène acceptables, la pause est considérée dans ces cas comme accordée; elle doit toutefois compter comme temps de travail. Cette réglementation vise la protection de la santé et donc l'aspect de la surcharge physique (RVJ 2009 p. 306, 309 et 310; Guex, Commentaire de la Loi sur le travail, 2005, n. 22 ad art. 15).

3.2.1 En l'espèce, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir tenue pour établies les heures de travail alléguées par l'intimée. Certes, aucune des parties n'a tenu de registre des heures effectuées par l'intimée pour la durée du contrat. En effet, l'intimée n'a commencé à noter ses jours de congé de manière précise sur un calendrier que pour les mois d'avril et mai 2017. A juste titre, l'appelante relève que les photographies du calendrier et le tableau produits par l'intimée sont en contradiction sur les jours de congé qui auraient été pris par l'employée. Cela étant, un examen des deux documents pris en parallèle permet de constater que l'intimée n'a fait que malencontreusement intervertir les semaines où elle avait congé les jeudis et celles où elle avait congé les dimanches. Il n'en reste pas moins que, au regard des deux documents, l'intimée a, comme l'a retenu le Tribunal, travaillé tous les jours avec un congé le mercredi après-midi et, une semaine sur deux, le jeudi ou le dimanche. Cela résulte également du courrier écrit par l'intimée à l'appelante le 23 mai 2017 et des témoignages des autres anciennes employées de l'appelante. C'est à juste titre que le Tribunal n'a pas tenu compte du témoignage de l'époux de l'appelante, lequel ne vit au demeurant pas sur place, dès lors qu'il a admis avoir témoigné après avoir eu connaissance des écritures déposées par les parties. En outre, ses déclarations ne sont pas crédibles dans la mesure où il a notamment affirmé que l'intimée avait parfois congé les mardis, ce qui n'a jamais été le cas.

Par ailleurs, l'intimée prenait ses pauses repas sur son lieu de travail et ses journées devaient naturellement être entrecoupées de temps morts, lors desquelles l'appelante ne la sollicitait pas et qu'elle avait fini ses tâches ménagères. Toutefois, lors de ces pauses, l'intimée ne pouvait pas quitter l'appelante, qui pouvait la solliciter à tout moment. En effet, il est établi que cette dernière ne bénéficiait pas de l'autonomie suffisante pour rester seule, preuve en est que ses proches ou une tierce personne prenait le relais de l'intimée lors de ses congés. Par conséquent, puisque l'intimée n'était pas libre de s'absenter lors de ses pauses, celles-ci doivent compter comme du temps de travail et être rémunérées. Toutefois, comme l'intimée n'a pas contesté en appel la déduction de 30 minutes de pause par jour effectuée par les premiers juges, il ne sera pas revenu sur ce point. Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a tenu pour établi les heures de travail alléguées par l'intimée.

De même, il n'apparait pas critiquable que le Tribunal ait considéré que la nourriture et le logement ont été offerts à l'intimée et que cela ne constituait pas un salaire en nature. En effet, le contrat de travail ne prévoyait pas de salaire en nature pour le logement et la nourriture, ce qui est expressément admis par l'intimée. Or, le seul fait que cette dernière ait été logée et nourrie gratuitement ne suffit pas à retenir qu'il s'agissait d'un élément de salaire en nature et non, comme la retenu le Tribunal, un geste gratuit de la part de l'appelante, qui a d'ailleurs déclaré aux assurances-sociales qu'aucun salaire en nature n'était versé. Par conséquent, le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que le salaire horaire brut fixé à 23 fr. 01.

S'agissant des heures de veille effectuées par l'intimée, il résulte du calendrier où l'intimée a porté ses horaires d'avril à mai 2017 qu'elle a eu congé entre le mercredi 8 et le jeudi 9 mars et qu'elle n'est pas rentrée la nuit, puisqu'il n'est pas indiqué, contrairement aux autres jours de congé, qu'elle serait revenue travailler à 20h le mercredi 8 mars. Il en va de même de la nuit du mercredi 5 avril au jeudi 6 avril et du mercredi 3 au jeudi 4 mai, le calendrier ne mentionnant pas qu'elle soit revenue les mercredis soir. Compte tenu de ce qui précède, et du fait que le frère de l'appelante a témoigné dormir chez celle-ci une fois par mois, il sera retenu que l'intimée était libre une fois par mois du mercredi début d'après-midi au jeudi soir 20h. En revanche, rien ne permet de retenir que l'intimée, lorsqu'elle avait congé les dimanches, partait du samedi soir au lundi matin car il est indiqué sur le calendrier que celle-ci était absente les dimanches entre 9h et 20h. Ce sont donc 173 nuits, chiffre non contesté en appel, moins une nuit par mois, soit 6 nuits entre le 1er décembre 2016 et le 23 mai 2017 qui doivent être prises en considération pour les heures de veille, soit 167 nuits. Contrairement au CTT-EDom entrée ne vigueur en 2021, l'ancien CTT en vigueur en 2016 et 2017 n'effectuait pas de distinction entre les différents types de garde de nuit. Il prévoyait seulement une indemnité de 7 fr. 55 par heure de veille, sans supplément de salaire de base, que celle-ci soit active ou non. Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a appliqué exclusivement l'indemnité, sans salaire supplémentaire, aux heures de veille effectuées par l'intimée. Compte tenu de ce qui précède, c'est une indemnité de 13'869 fr. 35 (167 nuits x 11 heures
x 7 fr. 55) qui est due à l'intimée pour les heures de veille effectuées pendant la durée du contrat. Le jugement sera donc modifié en ce sens.

L'intimée conclut à ce que la somme totale des heures supplémentaire lui soit versée avec des intérêts moratoires à la date moyenne du 1er février 2017. Elle n'explique toutefois pas en quoi le Tribunal a eu tort de retenir que le dies quo des intérêts moratoires démarre le lendemain de la fin des rapports de travail, ce qui est conforme à la loi et la jurisprudence (ATF 4C.320/2005 du 20 mars 2006 in JAR 2007 p. 219). Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Par conséquent, l'appelante sera condamnée à verser à l'intimée une somme totale 34'694 fr. 90 (35'193 fr. 20 – 14'367 fr. 65 + 13'869 fr. 35) avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er octobre 2017. 

4. L'intimée reproche au Tribunal de ne pas lui avoir accordé d'indemnité pour tort moral.

4.1 L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur, et de manifester les égards voulus pour sa santé.

La violation de l'art. 328 CO est une inexécution contractuelle, qui permet à la victime de réclamer la réparation du dommage, lequel peut consister en une réparation pour tort moral aux conditions posées par l'art. 49 CO (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd., 2019, pp. 397-398).

Selon l'art. 49 al. 1 CO celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité (ATF 125 III 70 consid. 3a). L'atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime de s'adresser au juge afin d'obtenir réparation (cf. ATF 129 III 715 consid. 4.4 et 120 II 97 consid. 2a et b). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si les circonstances d'espèce justifient une indemnité pour tort moral dans le cas particulier (ATF 129 III 715, consid. 4.4; 137 III 303, consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 4.1).

L'atteinte objectivement grave doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale, à défaut de quoi aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l'aune de l'attitude d'une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante. Pour que le juge puisse se faire une image précise de l'origine et de l'effet de l'atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu'il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments (ATF 125 III 70 consid. 3a; 120 II 97 consid. 2b p. 98 s.). La gravité de l'atteinte à la personnalité suppose en tout cas une atteinte extraordinaire, dont l'intensité dépasse l'émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu'elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors que la vie exige de chacun qu'il tolère de petites contrariétés (arrêt du Tribunal fédéral 6B_400/2008 du 7 octobre 2008 consid. 6.1).

4.2 En l'espèce, la charge de travail était connue dès le début de son activité par l'intimée de sorte que c'est en toute connaissance de cause qu'elle a accepté cet emploi. Elle a même accepté de signer son contrat de travail un mois plus tard, tout en sachant qu'il ne correspondait pas aux heures de travail qui lui étaient demandées. Il ne s'agissait donc pas d'une surcharge de travail temporaire qui lui a été imposée en cours d'emploi. A cela s'ajoute que l'intimée n'a pas prouvé l'ampleur des tâches alléguées et a bénéficié de pauses en cours de journées ainsi que de jours de congés, même si ceux-ci n'étaient pas suffisant à compenser les heures supplémentaires effectuées.

Par ailleurs, il est établi que lorsqu'elle en a fait la demande, l'appelante a autorisé l'intimée à fermer la porte de sa chambre. Elle bénéficiait ainsi d'une certaine intimité.

Enfin, l'intimée n'a pas allégué avoir informé son employeuse de ce que ses conditions de travail portaient atteinte à son intégrité physique ou morale, de sorte qu'on ne saurait reprocher à l'appelante de ne pas avoir pris les dispositions qui s'imposaient. A noter, s'agissant de l'atteinte à la santé, que l'intimée possédait une solide expérience en matière d'aide aux personnes âgées de sorte qu'elle était mieux placée que l'appelante pour solliciter des mesures afin de préserver sa santé, ce qu'elle n'a pas prouvé avoir fait. Elle n'a pas non plus prouvé que l'appelante aurait eu un comportement inadéquat envers elle.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a débouté l'intimée de ses conclusions en versement d'une indemnité pour tort moral.

5. La valeur litigieuse n'excédant pas 50'000 fr., la procédure d'appel est gratuite (art. 19 al. 3 let. c LaCC) et il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

6. Le présent arrêt est susceptible d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral (art. 72 al. 1 LTF), la valeur litigieuse étant supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 2 novembre 2020 par A______ et l'appel joint interjeté par B______ le 7 décembre 2020 contre le jugement JTPH/314/2020 rendu le 1er octobre 2020 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/7331/2019-5.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris et cela fait, statuant à nouveau :

Condamne A______ à verser à B______ la somme brute de 34'694 fr. 90 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er octobre 2017. 

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires d'appel, ni alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Michael RUDERMANN, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.