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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/27889/2023

ACJC/1436/2024 du 15.11.2024 sur JTBL/314/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27889/2023 ACJC/1436/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 15 NOVEMBRE 2024

 

Entre

 

Madame A______, anciennement domiciliée ______, recourante et appelante d’un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 7 mars 2024, représentée par Me Roxane SHEYBANI, avocate, rue Etienne-Dumont 22, 1204 Genève,

 

et

 

CAISSE DE PREVOYANCE B______, sise ______, intimée, représentée par
Me Boris LACHAT, avocat, rue des Deux-Ponts 14, case postale 219, 1211 Genève 8.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/314/2024 du 7 mars 2024, reçu par A______ le 2 avril 2024 et par C______ le 9 avril 2024, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ ainsi que son ex-concubin C______ à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux l’appartement de 3 pièces au 3ème étage de l’immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé la CAISSE DE PREVOYANCE B______ [ci-après, la B______] à requérir leur évacuation par la force publique dès le 1er juin 2024 (ch. 2), les a condamnés conjointement et solidairement à verser à cette dernière la somme de 13’396.45 fr. avec intérêts à 5% l’an dès le 15 novembre 2023 (ch. 3), a déclaré irrecevables les conclusions en paiement d’une indemnité pour occupation illicite jusqu’à reddition des locaux (ch. 4), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, le Tribunal a considéré que le cas était clair; les conditions d’une résiliation au sens de l’art. 257d al. 1 et 2 CO étaient remplies, respectivement la contestation du congé notifié pour défaut de paiement avait été retirée par C______; la nullité du congé sous l’angle de l’art. 266n CO ne pouvait être invoquée, faute pour le logement de revêtir la qualité de logement familial, C______ et A______ n’étant pas mariés civilement; A______ ne pouvait pas se prévaloir d’un vice lié à l’absence de remise de l’avis de fixation du loyer dès lors qu’elle n’était pas partie au bail principal; C______ ne disposait plus d’aucun titre juridique l’autorisant à rester dans les locaux et en ne restituant pas ceux-ci, il violait l’art. 267 al. 1 CO; concernant A______, les conditions d’une revendication du propriétaire en application de l’art. 641 al. 2 CC étaient remplies. En conséquence, il a admis la requête et prononcé l’évacuation de C______ et de A______. Statuant dans la composition prévue par l’art. 30 al. 4 LaCC sur la question des mesures d’exécution, le Tribunal a octroyé un délai humanitaire jusqu’au 31 mai 2024. Considérant enfin qu’à teneur des pièces produites, des indemnités pour occupation illicite étaient dues, il a condamné les parties citées à verser à la partie requérante la somme de 13'396 fr. 45, avec intérêts à 5% l’an dès le 15 novembre 2023 (date moyenne).

B. a. Le 8 avril 2024, A______ (ci-après : l’appelante) a formé appel et recours contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce que la Cour déclare irrecevable la requête en évacuation et en paiement déposée en procédure sommaire par la B______ (ci-après : la bailleresse ou l’intimée) le 22 décembre 2023, subsidiairement renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, plus subsidiairement encore à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’évacuation durant neuf mois après l’entrée en force de l’arrêt à rendre par la Cour. Elle a également conclu à ce que la partie adverse soit déboutée de toute autre ou contraire conclusion et à ce qu’elle soit condamnée en tous les frais et dépens de la cause. Dans son recours, elle a conclu à titre préalable à la suspension par la Cour du caractère exécutoire des mesures d’exécution ordonnées par le Tribunal.

Elle a produit des pièces nouvelles à l’appui de ses écritures.

C______ n’a quant à lui pas appelé du jugement de première instance.

b. Le 12 avril 2024, l’intimée s’en est rapportée à justice sur la question de l’effet suspensif.

c. Par arrêt présidentiel du 17 avril 2024, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris.

d. Par mémoire de réponse expédié le 19 avril 2024, la B______ a conclu préalablement à l’irrecevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux produits par A______, et à celle de la conclusion visant à ce que la Cour sursoie à l’exécution de l’évacuation. Sur le fond, l’intimée a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.

e. L’appelante a déposé une réplique spontanée en date du 2 mai 2024, persistant dans ses conclusions.

f. Les parties ont été informées le 29 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

g. Par courrier du 10 juillet 2024, l’appelante a informé la Cour de céans avoir quitté le logement sis no. ______, rue 1______ avec ses enfants, indiquant qu’à sa connaissance, C______ avait restitué les clés du logement à la régie.

h. Interpellée à ce sujet, l’intimée a confirmé par courrier daté du 8 août 2024 que les clés du logement avaient bien été restituées par C______. Elle a ajouté qu’il convenait que l’appelante rende claire son intention de restituer le logement litigieux, en retirant l’appel et le recours dont la Cour de céans était saisie. Elle a produit une pièce complémentaire et formulé une conclusion nouvelle, visant la condamnation de A______ au paiement en sa faveur de la somme de 21'979 fr. 75 avec intérêts à 5% l’an dès le 15 novembre 2023 (date moyenne). Une copie dudit courrier a été transmis à l’appelante, sans susciter de réaction de sa part.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. En date du 29 juillet 2020, la B______, propriétaire, et C______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève.

b. Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 1'509 fr.

c. Par avis officiel du 11 novembre 2022, la bailleresse a résilié le contrat pour le 31 décembre 2022, pour défaut de paiement, conformément à l'article 257d CO.

d. Par courrier du 2 mai 2023, C______, qui avait initialement contesté ce congé, a indiqué à la bailleresse qu'il avait retiré sa requête en contestation de la résiliation et qu'il avait trouvé une solution de relogement dès le 1er mai 2023.

e. Après cette date, l'appartement litigieux n'a cependant pas été restitué et la bailleresse n'est pas parvenue à identifier son occupant. En date du 19 décembre 2023, C______ a indiqué à la bailleresse avoir quitté l'appartement litigieux et l'a informée que son ex-compagne, A______, ainsi que ses enfants, occupaient cet appartement.

f. Par mémoire daté du 22 décembre 2023, la bailleresse a introduit une requête en évacuation et en paiement devant le Tribunal à l'encontre de C______ et de A______, en procédure de cas clair au sens de l’art. 257 CPC, sollicitant leur évacuation avec exécution directe ainsi que le paiement, à titre d'indemnités pour occupation illicite, du montant mensuel de 1'495 fr., avec intérêts à 5% l'an, à compter du 1er juin 2023 et jusqu’à la libération intégrale de l'appartement.

g. Lors de l'audience du 7 mars 2024, la bailleresse a persisté dans ses conclusions, amplifiant ses conclusions en paiement à un montant total de 13'396 fr. 45, avec intérêts à 5% l'an dès la date moyenne du 31 octobre 2023, correspondant aux indemnités pour occupation illicite dues à cette date, ainsi qu'à un montant mensuel de 1'509 fr., avec intérêts à 5% l'an dès chaque échéance et jusqu’à la libération intégrale de l'appartement. Selon le décompte produit, le loyer n’avait plus été payé dès le mois de juillet 2023.

h. C______ ne s'est pas présenté à l'audience, ni personne pour lui. A______ a pour sa part indiqué qu'elle n'était pas officiellement mariée avec C______, mais seulement religieusement. Elle a également affirmé que ce dernier avait quitté l'appartement litigieux en juin 2023 et que, depuis lors, elle occupait seule l'appartement, où elle était légalement domiciliée avec leurs 5 enfants âgés de 1 à 8 ans. Le loyer était précédemment payé par C______ et elle ne savait pas qu’il avait arrêté de payer.

i. A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête, au motif que la résiliation du bail ne lui avait pas été notifiée, alors que la bailleresse avait connaissance de sa présence dans l'appartement, et que la requête ne comportait pas l'avis de fixation du loyer initial. Subsidiairement, elle a sollicité un sursis humanitaire de six mois, affirmant qu'une solution pourrait être trouvée avec son assistante sociale pour le paiement du loyer.

j. La bailleresse s'est opposée à l'octroi d'un tel délai. Elle a indiqué, pièces à l'appui, que des actions en réduction de loyer avaient été introduites par d'autres locataires en raison du bruit causé par la présence de la famille dans l'immeuble.

k. La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Il est toutefois irrecevable dans les affaires portant sur les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 al. 1 let. a CPC).

En vertu de l'art. 319 al. 1 let. a CPC, le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel.

1.2 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). Le recours est quant à lui recevable quelle que soit la valeur litigieuse.

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

1.3 En l’occurrence et compte tenu du montant dont le versement a été ordonné par le Tribunal à titre d’indemnité pour occupation illicite (soit 13'396 fr. 45), la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation (ch. 1 du dispositif du jugement querellé) et contre la condamnation à verser une somme pécuniaire à la bailleresse (ch. 3 du dispositif).

La voie du recours est quant à elle ouverte contre la décision portant sur l’exécution de l’évacuation (ch. 2 du dispositif).

En vertu du principe d’économie de procédure, l’appel et le recours seront traités dans le même arrêt (cf. art. 125 CPC).

2. Les actes d'appel et de recours dirigés contre le jugement du Tribunal se concentrent sur la question de la nullité de la résiliation du bail, respectivement sur la question d’un éventuel sursis à l’exécution de l’évacuation ordonnée par les premiers juges. Or, dans la mesure où l'appelante a annoncé avoir quitté l'appartement litigieux en juillet 2024, tant l'appel que le recours, en ce qu’ils sont dirigés contre les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement querellé sont devenus sans objet, ce qui sera constaté dans le dispositif de la présente décision, A______ ne disposant plus d'intérêt à agir sur la question de l’évacuation (art. 59 CPC).

A cet égard, l’on ne saurait suivre la position adoptée par l’intimée dans son courrier du 8 août 2024, selon laquelle l’appelante aurait dû manifester plus clairement son intention de restituer le logement litigieux, en retirant l’appel et le recours interjetés contre le jugement du Tribunal. Elle conserve en effet un intérêt à ce qu’il soit statué sur le bien-fondé des prétentions en paiement formulées par la bailleresse à son encontre, respectivement de la recevabilité de la requête en cas clair sous cet angle.

Seule demeure donc à examiner sous l’angle de l’appel la contestation du chiffre 3 du dispositif précité, lequel emporte condamnation de l’appelante, conjointement et solidairement avec C______, au paiement en faveur de la bailleresse d’une somme de 13’396 fr. 45 avec intérêts à 5% l’an dès le 15 novembre 2023.

3. 3.1 Dans son appel, l’appelante fait valoir que les juges précédents auraient admis à tort que le cas était clair. Selon elle, les arguments invoqués en première instance auraient dû conduire au prononcé d’une décision d’irrecevabilité en application de l’art. 257 al. 2 CPC.

3.2 A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte "écrit et motivé". La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère (arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4).

La Cour applique certes le droit d'office (art. 57 CPC); cependant, elle n'est pas tenue d'examiner de sa propre initiative toutes les questions de fait et de droit qui se posent comme le ferait un tribunal de première instance. Elle ne traite en principe que les griefs soulevés, à moins que les vices juridiques soient manifestes (ATF 142 III 413 = SJ 2017 I 16 consid. 2.2.4; arrêts non publiés du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.3; 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 3.1).

3.3 La procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC est une alternative aux procédures ordinaire ou simplifiée normalement disponibles, destinée à offrir à la partie demanderesse, dans les cas dits clairs, une voie particulièrement simple et rapide. Selon l'art. 257 al. 1 let. a et b CPC, cette voie suppose que l'état de fait ne soit pas litigieux ou qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a), et que la situation juridique soit claire (let. b). Selon l'art. 257 al. 3 CPC, le juge n'entre pas en matière si l'une ou l'autre de ces hypothèses n'est pas vérifiée.

Le cas n'est pas clair, et la procédure sommaire ne peut donc pas aboutir, lorsqu'en fait ou en droit, la partie défenderesse oppose à l'action des objections ou exceptions motivées sur lesquelles le juge n'est pas en mesure de statuer immédiatement. L'échec de la procédure sommaire ne suppose pas que la partie défenderesse rende vraisemblable l'inexistence, l'inexigibilité ou l'extinction de la prétention élevée contre elle; il suffit que les moyens de cette partie soient aptes à entraîner le rejet de l'action, qu'ils n'apparaissent pas d'emblée inconsistants et qu'ils ne se prêtent pas à un examen en procédure sommaire. La situation juridique est claire lorsque l'application du droit au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire s'il est nécessaire que le juge exerce un certain pouvoir d'appréciation, voire rende une décision en équité (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2 p. 25; 138 III 123 consid. 2.1.2; 138 III 620 consid. 5).

3.4 En matière de bail, l'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023, consid. 3.2.3 et les références).  

En revanche, l’art. 641 al. 2 CC permet au propriétaire de revendiquer sa chose contre quiconque la détient sans droit.

L’art. 270 CO habilite le locataire à contester le montant du loyer initial s’il estime qu’il est abusif au sens des art. 269 et 269a CO. La nullité partielle qui découle de l’absence de notification du loyer au moyen de la formule initiale prescrite à l’art. 270 al. 2 CO se constate d'office et intervient de plein droit (arrêt du Tribunal fédéral 4C.428/2004 du 1er avril 2005, in SJ 2006 I p. 19); le locataire peut la faire valoir en tout temps, sous la seule réserve de l'abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2011 du 28 avril 2011, consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a relevé que la procédure en cas clair ne s'oppose pas à la constatation de l’existence d’un abus de droit manifeste (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023, consid. 4.3). 

En revanche, le sous-locataire ne peut pas agir en contestation du loyer initial vis-à-vis du bailleur, dès lors qu’il n’est pas partie au rapport de bail principal (arrêt du Tribunal fédéral 4A_366/2012 du 3 septembre 2012, consid. 2.1).

A l'échéance du bail principal, le bailleur peut demander au locataire et au sous-locataire une indemnité pour occupation illicite des lieux, dont le montant équivaut en règle générale à celui du loyer, fondée sur l'article 262 al. 3 CO, sur l'art. 41 CO (acte illicite) ou sur l'art. 62 al. 1 CO (enrichissement illégitime) (LACHAT/Grobet Thorens, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 73; 744ss; arrêts du TF 4A_27/2017 du 30 août 2017; 4A_96/2015 du 1er juin 2015; ACJC/1003/2012 du 11 juillet 2012).

3.5 Sous l’angle restreint à la question des prétentions en paiement d’une indemnité pour occupation illicite – l’appelante n’ayant comme dit plus haut plus d’intérêt à agir contre le prononcé de l’évacuation – il sera constaté que l’appelante n’a émis aucune objection à l’encontre du montant de l’indemnité pour occupation illicite articulé par la bailleresse et justifié par pièces, ni fait valoir qu’elle n’en serait pas débitrice aux côtés de C______ ni n'a critiqué le fondement juridique retenu par le Tribunal à cet égard. Elle a au contraire admis avoir occupé le logement avec ses enfants, respectivement avoir continué à l’occuper après le départ de son ex-concubin au mois de juin 2023 et ce, jusqu’au mois de juillet 2024 comme cela ressort du courrier adressé à la Cour de céans le 10 juillet 2024.

L’appelante n'a pas non plus fait valoir que les indemnités courantes auraient été payées, se contentant d’argumenter qu’elle ignorait que son ex-concubin avait cessé de les verser. Elle fait uniquement valoir que le loyer serait nul au motif de l’absence de notification d’un formulaire de fixation du loyer initial.

Sur ce dernier point, elle reproche au Tribunal d’avoir considéré que la résiliation du bail fondée sur l’art. 257d CO était valable, arguant que faute pour le loyer d’être exigible, aucun défaut de paiement ne pouvait être constaté.

Les arguments de l’appelante sont mal fondés. En effet, dans la mesure où la contestation soulevée par C______ contre la résiliation de bail fondée sur l’art. 257d CO a été retirée, le congé est entré en force, et ce dès la déclaration de retrait intervenue le 2 mai 2023. En conséquence, le bail avait déjà pris fin au moment du dépôt de la requête en évacuation et en paiement, de sorte que le Tribunal pouvait retenir sans violer l’art. 257d CO ni l’art. 257 CPC que le bail avait valablement pris fin, respectivement que le cas était clair sous cet angle.

C’est également à bon droit que le Tribunal a retenu, à titre superfétatoire, que l’appelante n’était pas en droit de se prévaloir de la nullité du loyer initial pour tenter de faire obstacle à la constatation de la validité du congé fondé sur l’art. 257d CO, n’étant pas elle-même partie au contrat de bail ayant porté sur le logement litigieux, étant encore relevé qu’il est douteux que l’invocation d’une telle nullité a posteriori puisse rétroagir pour priver d’effets un congé déjà entré en force. La question de savoir si elle se serait rendue coupable d’un abus de droit en se prévalant de la nullité du loyer dans le seul but de faire opposition à l’action en évacuation, respectivement de savoir si cet abus de droit était suffisamment manifeste pour être constaté dans le cadre de la procédure de cas clair, peut donc souffrir de rester ouverte en l’espèce.

3.6 Dans ces circonstances, c’est à bon droit que l’instance précédente a retenu que le cas était clair et a fait droit aux prétentions en paiement de la bailleresse.

4. 4.1 Dans son courrier du 8 août 2024, déposé après le début des délibérations, l’intimée a amplifié ses conclusions en paiement à l’encontre de l’appelante, produisant une pièce nouvelle.

4.2 Selon l'art. 317 al. 2 CPC, la demande ne peut être modifiée en appel que si la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux et si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies. En principe, les parties doivent formuler leurs critiques à l’encontre de la décision attaquée avant l’écoulement du délai d’appel, respectivement du délai de réponse. Il en va de même des faits nouveaux. La doctrine relève cependant qu’il doit être interdit aux parties de présenter des faits nouveaux ou des pseudo novas si l’appel est assez mûr pour entrer dans la phase des délibérations, laquelle commence par la clôture de l’éventuelle audience d’appel (ATF 138 III 738 consid. 4.2) ou alors avec la déclaration formelle du tribunal d’appel informant les parties que la cause est gardée à juger (ATF 142 III 413 consid. 2.2.5).

Le Tribunal fédéral a jugé qu’en appel, le plaideur qui n’a lui-même introduit ni appel, ni appel joint, ne peut ensuite conclure à la modification du jugement, en sa faveur, sur un point que seul l’appelant a contesté, et ce même s’il survient des faits nouveaux; sinon, l’interdiction de la reformatio in pejus serait contournée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_204/2019 du 25 novembre 2019 consid. 4.6; Bastons Bulletti in newsletter CPC Online 2020-N5, n° 6). 

4.3 En l’espèce, quand bien même elle aurait été soulevée à temps, soit dans le cadre de la réponse à l’appel, l’amplification des conclusions en paiement formulée par l’intimée se heurterait à l’interdiction de la reformatio in pejus, qui est un principe cardinal de l’ordre juridique suisse (ATF 110 II 113 consid. 3, JdT 1986 I 103).

En conséquence, il ne sera pas fait droit aux conclusions de l’intimée sur ce point.

5. Au vu des considérations qui précèdent, le jugement attaqué sera confirmé tant sous l’angle de la recevabilité du cas clair qu’en ce qu’il condamne A______ au versement en faveur de la bailleresse d’un montant de 13’396 fr. 45 avec intérêts à 5% l’an dès le 15 novembre 2023 (date moyenne).

6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare sans l'objet l'appel et le recours interjetés le 8 avril 2024 par A______ contre les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement JTBL/314/2024 rendu le 7 mars 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/27889/2023.

Déclare recevable l’appel interjeté par la précitée contre le chiffre 3 du dispositif du jugement précité.

Au fond :

Le rejette.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Cosima TRABICHET-CASTAN et Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.