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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/10043/2024

ACJC/1132/2024 du 16.09.2024 sur JTBL/687/2024 ( SBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 06.11.2024, 4A_584/24
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10043/2024 ACJC/1132/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

A______ SICAV, sise c/o B______ SA, ______ (VD), appelante et recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 13 juin 2024, représentée par Me Tano BARTH, avocat, Pont-Rouge Avocats, route des Jeunes 9, 1227 Les Acacias,

et

1) Monsieur C______, domicilié ______ [GE],

2) D______ SA, sise ______ [GE],

3) Monsieur E______, domicilié ______ [GE],

intimés, tous trois représentés par Me Olivier FAIVRE, avocat, Faivre & Associés, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A. a. A______ SICAV, sise à F______ (VD), est une société d'investissement à capital variable, dont le but est "la gestion de sa fortune ou de ses compartiments sous forme de placement collectif de capital selon la législation sur les placements collectifs ainsi que la constitution de capital-actions des investisseurs et la distribution de leurs actions d'investisseurs".

D______ SA, sise rue 1______ no. ______ à Genève, a pour but l'exploitation et la gestion de restaurants. G______ en est l'administrateur unique depuis novembre 2020. E______ en a été l'administrateur unique de juillet 2009 à juin 2015. H______ est inscrit au Registre du commerce comme fondé de pouvoir de D______ SA, au bénéfice d'une procuration collective à deux depuis décembre 2018.

Selon D______ SA, E______ et C______, ce dernier est un employé de D______ SA.

I______ SARL, sise à J______ [GE] et inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2022, a pour but notamment l'exploitation de cafés, bars et restaurants. H______ en est l'associé gérant avec signature individuelle depuis sa fondation. K______ en est le directeur avec signature collective à deux.

b. Par contrat du 14 janvier 2008, L______, bailleur, a remis à bail à M______ SA et N______, locataires conjoints et solidaires, une "arcade de 150 m² env. au rez-de-chaussée et locaux de 60 m² env. au sous-sol" de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, destinés à l'exploitation d'un restaurant, pour une durée de cinq ans (du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012) renouvelable, moyennant un loyer annuel de 49'848 fr., indexé à l'indice suisse des prix à la consommation, et un acompte pour charges de 2'400 fr. par année.

Selon une convention signée le 13 juillet 2009, le bail précité a été transféré à compter du 1er juin 2009 à D______ SA et E______, "conjointement et solidairement", désignés comme "les bénéficiaires solidaires du transfert".

Les locaux ont été destinés à l'exploitation d'un restaurant à l'enseigne "O______".

c. D______ SA a souhaité vendre le fonds de commerce et remettre le bail des locaux. Elle a entamé des négociations avec H______ et I______ SARL.

d. Par courrier recommandé du 7 décembre 2022, D______ SA, agissant par son administrateur unique G______, a informé le bailleur de ce qu'elle "mettait un terme" au contrat de bail avec effet au 15 décembre 2022.

Selon C______, D______ SA et E______, ce courrier a été envoyé car les négociations précitées étaient "quasiment parvenues à leur terme".

E______ soutient qu'il n'a "jamais résilié le contrat de bail concernant le restaurant O______, à Genève, alors qu'[il est] colocataire au même titre que la société D______ SA"(attestation établie par l'intéressé le 27 octobre 2023, produite dans la présente procédure par C______, D______ SA et E______).

e. Selon un contrat du 7 décembre 2022, L______, bailleur, a remis à bail à I______ SARL et H______, locataires agissant conjointement et solidairement, "l'arcade de m² 140 environ au rez-de-chaussée et 70 m² au sous-sol" de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, destinés à l'exploitation d'un restaurant, pour une durée initiale de cinq ans et quinze jours (du 15 décembre 2022 au 31 décembre 2027) renouvelable, moyennant un loyer annuel de 60'000 fr., indexé à l'indice suisse des prix à la consommation, et un acompte pour charges de 3'600 fr. par année.

f. Par acte authentique du 8 février 2023, L______ a vendu à A______ SICAV l'immeuble sis rue 1______ no. ______.

g. Le 5 mars 2023, la police est intervenue au no. ______, rue 1______, en raison d'un conflit entre H______ et C______. H______ a expliqué à la police, documents à l'appui, qu'il était titulaire du bail du restaurant "O______" et qu'il avait laissé un mois à l'"ancien exploitant", C______, afin de vider le restaurant et lui restituer les clés, ce que ce dernier n'avait pas fait. C______ a également présenté aux policiers un bail valable, en expliquant qu'il était l'exploitant du restaurant et qu'il était en conflit avec la régie qui avait signé un nouveau bail avec H______ sans résilier l'ancien. C______ a appelé son avocat, qui lui a conseillé de fermer le restaurant et de remettre les clés à la police, dans l'attente d'une décision judiciaire. En accord avec les deux parties, l'établissement a été fermé et les clés ont été déposées au poste de police de P______.

h. Le 7 mars 2023, D______ SA et E______ ont invité la bailleresse à clarifier la situation auprès de H______, qui revendiquait "illicitement la titularité du bail ainsi que du fonds de commerce y relatif". Les pourparlers qu'ils avaient eus par le passé avec ce dernier en vue de la vente du fonds de commerce n'avaient pas abouti. Aucune convention n'avait été signée et ils n'avaient pas résilié le contrat de bail dont ils étaient cotitulaires.

La bailleresse leur a répondu le 13 mars 2023 qu'elle considérait H______ comme "[son] unique locataire du restaurant".

i. Selon un formulaire de février 2023 du Service cantonal de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, l'établissement en question était fermé depuis le 30 avril 2021.

Le 10 mars 2023, ce Service a autorisé K______ à exploiter le café-restaurant à l'enseigne "O______".

Le 20 juin 2023, D______ SA et E______ ont invité la bailleresse à apporter toutes les clarifications nécessaires audit Service, afin qu'ils puissent exploiter les locaux selon leur affectation. Le 3 juillet 2023, la bailleresse leur a répondu que le propriétaire n'était pas responsable des autorisations d'exploitation du locataire.

j. Le 14 mars 2023, la police a remis à K______ les clés du restaurant.

Le 16 mars 2023, elle est intervenue à deux reprises dans les locaux. Lors de la première intervention, les policiers ont constaté que trois serrures étaient endommagées. H______ leur a expliqué qu'il était en litige avec l'"ancien exploitant", C______, qu'il soupçonnait fortement d'avoir commis ces dégâts. Lors de la seconde intervention, les policiers ont discuté avec ce dernier, qui avait changé les serrures et entendait continuer à occuper le restaurant, dans l'attente d'une décision de justice. Après avoir contacté le commissaire de police de service, les policiers ont décidé de laisser les choses en l'état, dans la mesure où il s'agissait d'une affaire civile et où ils n'étaient pas en mesure de déterminer formellement qui était "dans son bon droit".

Selon un procès-verbal établi par un huissier judiciaire mandaté par la bailleresse, le 10 octobre 2023 le restaurant à l'enseigne "O______" était fermé. Une note manuscrite sur la porte d'entrée indiquait une fermeture momentanée pour cause de travaux, alors qu'aucun élément visible n'attestait d'éventuels travaux en cours. Sur l'arrière du bâtiment, les vitrages de l'arcade étaient en partie obstrués et mal entretenus. Une affiche était visible, annonçant une soirée musicale dans le restaurant le 22 novembre 2021. Selon ce qui était visible dans la cuisine et dans la salle, il n'y avait aucune activité dans l'arcade.

k. Par ordonnance du 14 juillet 2023, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable l'action possessoire (art. 927 CC) formée le 2 juin 2023 par I______ SARL et H______ à l'encontre de C______. Le Tribunal de première instance a considéré que le litige relevait de la compétence du Tribunal des baux et loyers, dans la mesure où il s'agissait d'examiner l'existence d'un contrat de bail à loyer portant sur les locaux concernés et, cas échéant, sa titularité. En toute hypothèse, la requête devait être rejetée, dans la mesure où C______ n'avait pas la légitimation passive, compte tenu de sa qualité d'employé de D______ SA.

Il résulte de l'ordonnance que I______ SARL et H______ ont allégué que D______ SA et E______ avaient été cotitulaires du bail jusqu'au 14 décembre 2022 et que dans le cadre du transfert du bail convenu entre eux-mêmes, d'une part, et D______ SA, d'autre part, ils s'étaient acquittés des arriérés de loyers des précités en 101'064 fr. 60. Ce nonobstant, C______ avait pris possession des locaux du restaurant "de force depuis à tout le moins le 5 mars 2023".

D______ SA et E______, qui étaient intervenus dans la procédure, ont allégué que "C______ était employé de D______ SA et occupait les locaux à bon droit au nom de son employeur". C______ s'était engagé à présenter G______ à H______ et à I______ SARL, afin de discuter d'une possible vente du fonds de commerce. Dans le cadre des négociations, C______ avait obtenu de D______ SA la signature d'une lettre de résiliation du bail, "laquelle n'avait toutefois aucune valeur légale", faute de porter la signature de E______. Aucun accord n'avait pu être trouvé, de sorte que "le projet de convention proposé" n'avait jamais été signé. I______ SARL et H______ avaient toutefois "profité de l'inattention de la régie pour obtenir un nouveau contrat de bail", lequel était toutefois "inefficace", faute de résiliation du bail dont D______ SA et E______ étaient titulaires.

B. a. A______ SICAV a déposé le 24 octobre 2023, au Tribunal des baux et loyers une "action en revendication, réintégrande et constatation de droit" dirigée contre C______, D______ SA et E______ (enregistrée sous le numéro de cause C/2______/2023), comprenant une requête de mesures provisionnelles (enregistrée sous le numéro de cause C/3______/2023).

b. A l'appui de ses conclusions condamnatoires prises sur le fond, elle a invoqué les art. 927 CC (réintégrande) et 641 CC (revendication). Elle a notamment conclu à la condamnation de C______, D______ SA et E______ à restituer la possession des locaux litigieux à H______.

La procédure au fond est pendante devant le Tribunal.

c.a Sur mesures provisionnelles, A______ SICAV a notamment conclu, à ce que le Tribunal dise que, jusqu'à droit jugé au fond, les locaux litigieux pouvaient être occupés par I______ SARL et/ou H______, condamne C______ à restituer la possession desdits locaux, notamment en remettant toutes les clés des serrures à I______ SARL et H______ ou à A______ SICAV, dise que faute d'exécution dans les trois jours dès le prononcé de la décision, l'autorité chargée de l'exécution y procéderait avec l'assistance de l'autorité compétente, et interdise à C______, D______ SA ou E______ de pénétrer dans les locaux.

A______ SICAV a soutenu que ses droits de propriété étaient atteints par la prise des locaux sans droit par C______, qui avait fait changer les serrures des locataires légitimes. Ces derniers n'osaient pas reprendre possession des locaux, nonobstant leur contrat de bail, en raison des menaces de plainte pénale constantes de D______ SA et E______. Elle ignorait toujours qui était C______, à quel titre il agissait et quel était son but par cette occupation illicite des locaux, qu'il n'exploitait pas.

c.b C______, D______ SA et E______ ont conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles.

Ils ont fait valoir que D______ SA et E______ demeuraient seuls titulaires du bail des locaux, que ces derniers avaient souhaité vendre le fonds de commerce dont ils étaient propriétaires et remettre le contrat de bail des locaux. Des négociations avaient eu lieu avec H______ et I______ SARL. Celles-ci n'ayant pas abouti, E______ n'avait pas résilié le bail dont il était cotitulaire.

c.c Par ordonnance du 29 novembre 2023, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de mesures provisionnelles formée le 24 octobre 2023 par A______ SICAV contre C______, D______ SA et E______.

Le Tribunal a considéré que les conclusions prises par A______ SICAV constituaient pour l’essentiel des mesures d’exécution anticipée susceptibles de vider le litige de son objet en cas d’admission de la requête. De telles mesures - portant une atteinte importante à la situation juridique de D______ SA, E______ et C______ - ne devaient être prononcées que de manière restrictive.

Contrairement à ce que soutenait A______ SICAV, il n’y avait pas lieu de retenir, à ce stade de la procédure, que le bail la liant à D______ SA et E______ avait été résilié. En effet, par courrier du 7 décembre 2022, seule D______ SA avait indiqué à la régie qu’elle résiliait le bail. Ce courrier n’était pas signé par E______, qui n'avait par ailleurs adressé lui-même aucune lettre de résiliation du bail. Au stade des mesures provisionnelles, il ne pouvait donc pas être retenu que le précédent bail avait été résilié.

c.d Par arrêt ACJC/343/2024 du 18 mars 2024, la Cour de justice, statuant sur appel de A______ SICAV, a confirmé l'ordonnance précitée.

La Cour a notamment considéré qu'il n'avait pas été rendu vraisemblable qu'il y avait eu usurpation (illicite) de la possession.

En toute hypothèse, le juge des mesures provisionnelles n'avait pas à trancher des questions délicates, pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation jouait un rôle important. Tant H______ et C______ que la police avaient estimé, en mars 2023, que la situation n'était pas claire et qu'il était préférable de fermer l'établissement, respectivement "laisser les choses en l'état". C'était au juge du fond, déjà saisi, qu'il appartiendrait de trancher ces questions au terme d'une procédure probatoire complète.

Pour le surplus, la Cour a fait entièrement sienne la motivation du Tribunal.

C. a. Par avis comminatoires des 30 mai, 3 juillet, 5 octobre et 6 novembre 2023, la bailleresse a mis en demeure D______ SA et E______, si ceux-ci estimaient encore être liés par le bail, de lui régler dans un délai de 30 jours les loyers impayés de février à mai 2023, juin et juillet 2023, octobre 2023 et novembre 2023.

Les loyers en question ont été payés.

b. Par avis comminatoire du 14 décembre 2023, A______ SICAV a mis en demeure D______ SA et E______, si ceux-ci estimaient encore être liés par le bail, de lui régler dans un délai de 30 jours le loyer impayé de décembre 2023, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Se référant à l'avis comminatoire du 14 décembre 2023, considérant que le loyer de décembre 2023 n'avait pas été payé dans le délai imparti, A______ SICAV a, par avis officiels du 26 mars 2024, résilié le bail pour le 30 avril 2024, pour autant qu'un rapport de bail existe.

d. D______ SA et E______ ont déposé le 25 avril 2024 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers une action en contestation du congé extraordinaire (C/4______/2024).

D. a. Par requête du 1er mai 2024, A______ SICAV, agissant par la voie de la protection du cas clair, a introduit action en évacuation contre D______ SA, E______ et C______ devant le Tribunal et a en outre sollicité l'exécution directe de l'évacuation. Elle a également conclu à ce que D______ SA et E______ soient condamnés, solidairement, à lui verser la somme mensuelle de 4'354 fr. dès le 1er mai 2024.

Elle a fait valoir que, soit le bail avait été valablement résilié pour le 15 décembre 2022 et en ce cas D______ SA et E______ ne pouvaient se prévaloir d'un quelconque bail pour rester dans les locaux, de sorte qu'ils occupaient les locaux sans droit, soit ils étaient encore locataires et le bail avait été résilié pour défaut de paiement. En toute hypothèse, ils ne disposaient plus d'aucun droit les autorisant à occuper les locaux.

Quant à C______, il ne disposait d'aucun contrat ou autre document lui donnant un quelconque droit d'être dans les locaux.

b. Lors de l'audience du Tribunal du 3 juin 2024, A______ SICAV a persisté dans ses conclusions.

D______ SA, E______ et C______ ont invoqué l'irrecevabilité de la requête au motif que le Tribunal n'était pas compétent en l'absence d'un bail. Devant la Cour, ils précisent qu'ils se référaient uniquement à la relation entre C______ et la bailleresse. En outre, les conditions du cas clair n'étaient manifestement pas réalisées. Enfin, ils ont invoqué une créance compensatoire, en se référant à une décision rendue le 31 octobre 2023 par le Service cantonal de police du commerce et de lutte contre le travail au noir de non-entrée en matière sur la requête en autorisation d'exploiter l'établissement "O______".

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

c. Par jugement JTBL/687/2024 du 13 juin 2024, reçu par les parties le 21 juin 2024, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevable la requête en évacuation et exécution directe intentée le 1er mai 2024 par A______ SICAV à l'encontre de D______ SA, E______ et C______ s'agissant de l'arcade située au rez-de-chaussée et des locaux situés au sous-sol de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, [code postal] Genève (chiffre 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

Les premiers juges ont considéré que les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC n'étaient pas réunies, puisque la situation juridique n'était manifestement pas claire: la question de l'existence d'un bail entre A______ SICAV, d'une part, et D______ SA et E______, d'autre part, était litigieuse et faisait l'objet d'une procédure au fond pendante devant le Tribunal (C/2______/2023).

E. a. Par acte expédié le 1er juillet 2024 à la Cour, A______ SICAV a formé appel et recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour condamne C______, D______ SA et E______ à évacuer les locaux en question et leur ordonne de lui remettre les clés de ces locaux, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP réprimant l'insoumission à une décision de l'autorité, dise que, faute d'exécution dans les dix jours dès l'entrée en force de la décision, l'autorité chargée de l'exécution y procédera avec l'assistance de l'autorité compétente et condamne D______ SA et E______, solidairement, à lui verser la somme mensuelle de 4'354 fr. dès le 1er mai 2024 et jusqu'à la date de libération des locaux, avec intérêts à 5 % l'an dès chaque échéance mensuelle.

Elle a produit une pièce nouvelle, soit une ordonnance sur mesures provisionnelles rendue le 14 juillet 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5______/2023 opposant I______ SARL et H______, d'une part, à C______, D______ SA et E______, d'autre part (pièce 2).

b. Par réponse du 12 juillet 2024, C______, D______ SA et E______ ont conclu à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Les parties ont été informées le 22 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF
144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, la valeur litigieuse est dans tous les cas supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte contre le refus du Tribunal d'ordonner l'évacuation des intimés.

En revanche, contre le refus du Tribunal de prononcer les mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

En l'espèce, l'appel et le recours, formés dans le délai et la forme prescrits par la loi, sont recevables.

Par souci de simplification, la bailleresse sera désignée ci-après comme l'appelante.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2.  L'appelante a produit une pièce nouvelle.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions: (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard.

En ce qui concerne les vrais nova, le Tribunal fédéral a jugé que le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. En effet, dans les procédures en protection des cas clairs, les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2).

Les faits qui ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties peuvent être pris en considération même en l'absence d'allégation ou d'offre de preuve correspondante (arrêts du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018 consid. 4.1.1; 5A_610/2016 du 3 mai 2017 consid. 3.1 et les références citées), du moment que c'est la même Cour qui traite des procédures en question (arrêt du Tribunal fédéral 5D_37/2018 du 8 juin 2018 consid. 5).

2.2 Conformément aux principes qui précèdent la pièce nouvelle produite par l'appelante, laquelle concerne une procédure qui n'oppose pas les mêmes parties, n'est pas recevable.

En revanche, les faits résultant de l'arrêt de la Cour du 18 mars 2024 peuvent être pris en considération, y compris ceux relatifs à la procédure précitée. Ils ont été intégrés dans la partie "En fait" ci-dessus dans la mesure utile.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir déclaré sa requête irrecevable.

3.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2 et la référence citée).

En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine ("voller Beweis") des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ("Glaubhaftmachen") ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes ("substanziiert und schlüssig"), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2; 620 consid. 5.1.1; 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_377/2024 du 12 juillet 2024 consid. 3.1).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

3.2 En l'espèce, la situation juridique n'est pas claire. En effet, les intimés contestent la position de l'appelante, qui soutient que le bail liant les parties aurait été valablement résilié avec effet au 15 décembre 2022 par l'intimée D______ SA seule. L'appelante admet d'ailleurs qu'il n'est pas possible de déterminer si le bail litigieux a pris fin à la date précitée, ou, à la suite de la résiliation pour non-paiement du loyer, le 30 avril 2024.

La situation en droit est donc équivoque.

Une procédure au fond, initiée par la bailleresse et poursuivant le même but que la présente, soit la libération des locaux par les intimés, est pendante devant le Tribunal (C/2______/2023). Dans ce contexte, la bailleresse a déjà soumis au Tribunal, puis à la Cour, une requête de mesures provisionnelles, afin d'obtenir ladite libération par la voie de la procédure sommaire (C/3______/2023). La Cour a considéré que la situation n'était pas claire et que les questions litigieuses devaient être tranchées par le juge du fond, au terme d'une procédure probatoire complète, ce qui vaut également pour la présente procédure. L'admission de la requête en protection du cas clair du 1er mai 2024 de l'appelante viderait de son objet la procédure C/2______/2023, ce qui n'est pas admissible au vu des circonstances particulières du cas d'espèce.

C'est ainsi à juste titre que le Tribunal a déclaré irrecevable ladite requête. Le jugement attaqué sera donc confirmé.

4.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel et le recours interjetés le 1er juillet 2024 par A______ SICAV contre le jugement JTBL/687/2024 rendu le 13 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/10043/2024.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence MIZRAHI, Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.