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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13416/2021

ACJC/240/2024 du 04.03.2024 sur JTBL/952/2022 ( OBL ) , MODIFIE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13416/2021 ACJC/240/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 4 MARS 2024

 

Entre

 

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d’un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 décembre 2022, représenté par Me Soile SANTAMARIA et
Me Raphaël JAKOB, avocats, rue François-Versonnex 7, 1207 Genève,

 

et

 

B______, sise ______, intimée, représentée par Me Jacopo RIVARA, avocat, rue Robert-Céard 13, case postale 3293, 1211 Genève 3.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/952/2022 du 6 décembre 2022, reçu par les parties le 13 décembre 2022, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié le 8 juin 2021 à A______ pour le 30 septembre 2021 concernant l'appartement de 3 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis boulevard 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), octroyé à A______ une unique prolongation de bail de deux ans, échéant au 30 septembre 2023 (ch. 2), fixé à 15'360 fr. le loyer annuel, hors charges, de l'appartement susmentionné dès le 1er octobre 2021 (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, les premiers juges ont considéré que rien ne permettait de retenir que le congé était contraire à la bonne foi, de sorte qu'il devait être validé. Une prolongation du bail de deux ans s'imposait, au vu des intérêts en présence. Enfin, le Tribunal a procédé à une diminution du loyer sur la base de la baisse du taux hypothécaire, compensée partiellement par une augmentation de l'ISPC.

B. a. Par acte expédié électroniquement le 30 janvier 2023 à la Cour de justice, le locataire a formé appel contre ce jugement. Il a conclu principalement à l'annulation des chiffres 1, 2, et 3 de son dispositif. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation des chiffres 1 et 2 du dispositif et à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans, échéant au 30 septembre 2025. Plus subsidiairement encore, il a conclu à ce que la prolongation de deux ans octroyée par le Tribunal soit qualifiée de première prolongation.

Il a produit une pièce nouvelle.

b. Dans sa réponse du 3 mars 2023, la bailleresse a conclu à la confirmation du jugement entrepris et produit une pièce nouvelle.

c. Par courrier du 8 mai 2023, le locataire a répliqué, produisant une pièce nouvelle et persistant dans ses conclusions pour le surplus.

d. Par courrier du 9 juin 2023, la bailleresse a dupliqué, produit une pièce nouvelle et persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées le 4 août 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. En date du 16 septembre 2015, A______, en qualité de locataire, et [la régie immobilière] B______, en qualité de bailleresse, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis boulevard 1______ no. ______ à Genève, à destination d'habitation.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'une année, du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016, renouvelable ensuite tacitement d'année en année. Le préavis de résiliation était de trois mois.

Le loyer annuel a été fixé à 16'200 fr. et les charges à 1'800 fr.

Aux termes de l'article 1 des Conditions générales et règles et usages locatifs (édition 2008), faisant partie intégrante du contrat de bail, le loyer et les charges étaient payables par mois et d'avance au domicile du bailleur ou à son compte postal ou bancaire. Lorsque le locataire était en retard de plus de dix jours dans le paiement d'une mensualité et qu'il avait fait l'objet d'une vaine mise en demeure écrite, le bailleur pouvait exiger que le loyer, acomptes de chauffage et de frais accessoires soient acquittés trimestriellement à l'avance, dès le mois suivant l'échéance du délai fixé dans la mise en demeure. 

A teneur d'une ordonnance du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du 1er février 2016, le locataire s'est vu attribuer l'autorité parentale conjointe sur sa fille née le ______ 2012, une garde alternée ayant été instaurée.

b. Le locataire a régulièrement payé son loyer en retard. Plusieurs rappels et mises en demeure lui ont été adressés par la bailleresse au fil des années.

c. Ainsi, trois rappels lui ont été envoyés les 14 juin, 15 juillet et 15 août 2016. Par pli du 13 septembre 2016, la bailleresse a sommé le locataire de lui payer la somme de 1'500 fr. correspondant au loyer du mois de septembre 2016, frais de rappel en sus, en indiquant que faute de paiement, ses mensualités seraient payables par trimestre d'avance. Le locataire s'étant exécuté dans le délai prescrit, un paiement par trimestre d'avance n'a pas été exigé.

d. De nouveaux rappels ont été envoyés au locataire les 14 octobre 2016, 16 décembre 2016, 17 janvier 2017, 16 février 2017, 16 mars 2017 et 18 avril 2017. Le 5 mai 2017, la bailleresse a mis en demeure le locataire de lui verser dans les trente jours la somme de 3'070 fr. correspondant aux loyers des mois de décembre 2016 et mai 2017, frais de rappel en sus, précisant qu'à défaut, son bail serait résilié de manière anticipée. Malgré un paiement intervenu dans le délai, une nouvelle mise en demeure a dû être envoyée le 19 juin 2017. La bailleresse y mentionnait que le locataire était sommé de prendre des dispositions pour acquitter ses mensualités dans les délais contractuels, à savoir avant le 8 du mois courant au plus tard. A défaut, des mesures allant jusqu'à la résiliation de son bail pour sa prochaine échéance seraient prises.

e. Le dossier ne fait pas état de rappels envoyés entre la fin 2017 et la fin 2019. Il ressort toutefois du décompte de loyer produit par le locataire devant le Tribunal qu'entre le mois de juillet 2017 et le mois de février 2020, les loyers ont généralement été payés entre le 5ème et le 12ème jour du mois en cours.

f. A compter du mois de mars 2020, de nouveaux rappels ont été envoyés au locataire, soit les 16 mars 2020, 17 décembre 2020 et 19 janvier 2021. Pendant cette période, les loyers ont été systématiquement payés, à une exception près, après le 10 du mois en cours. Par pli du 4 février 2021, la bailleresse a indiqué au locataire qu'elle n'avait pas reçu le loyer du mois de décembre 2020, loyer qu'il était prié de lui verser à réception du pli. Le 21 avril 2021, le locataire, qui accusait désormais plusieurs mensualités de retard, a été mis en demeure de verser à la bailleresse dans les trente jours la somme de 3'140 fr. correspondant aux loyers des mois de mars et avril 2021, y compris 140 fr. à titre de frais de rappel, faute de quoi son bail serait résilié de manière anticipée. Le locataire s'est acquitté de cette somme le 3 mai 2021.

g.  Par avis de résiliation du 8 juin 2021, la bailleresse a résilié le bail de façon ordinaire pour son échéance, soit le 30 septembre 2021. Elle s'est prévalue d'une rupture du lien de confiance liée aux retards de paiement systématiques du locataire, relevant que depuis le 1er janvier 2020, treize loyers sur les dix-huit facturés avaient été acquittés en dehors des délais contractuels.

h. Par requête du 9 juillet 2021, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation du 5 octobre 2021 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 4 novembre 2021, le locataire a conclu, principalement, à l'annulation du congé et, subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation de bail de quatre ans échéant au 30 septembre 2025, avec possibilité de résilier le bail en tout temps moyennant un préavis de quinze jours pour le 15 ou la fin d'un mois, et à ce que le loyer soit fixé à 15'283 fr. 10 par année, charges non comprises, dès le début de la prolongation, soit dès le 1er octobre 2021. N'ayant reçu aucun rappel en 2021 et un seul en 2020 assorti de frais de rappel, le locataire en avait déduit que la situation était en ordre et que la bailleresse comprenait sa situation. Il n'avait jamais accumulé de dette et s'était toujours acquitté du paiement du loyer à la fin du mois en cours. L'attitude de la bailleresse était contradictoire, contrevenait à la bonne foi et constituait un prétexte. Il vivait dans l'appartement avec sa fille de 9 ans qu'il avait en garde partagée et ses revenus étaient modestes.

i. Dans sa réponse et demande reconventionnelle du 23 décembre 2021, la bailleresse a conclu, sur demande principale, à la validation du congé et au refus de toute prolongation de bail et de toute adaptation du loyer et, sur demande reconventionnelle, à l'évacuation immédiate du locataire de l'appartement et de la cave, avec mesure d’exécution directe. Suite au rappel du 19 janvier 2021, le dossier du locataire avait été soumis à la direction de la bailleresse afin de décider de la suite à donner à son contrat compte tenu des retards systématiques dans le paiement de ses mensualités depuis son entrée dans les locaux. Constatant que le locataire ne parvenait pas à mettre sa situation à jour malgré les nombreux courriers de rappels et avertissements qui lui avaient été adressés, la bailleresse avait décidé de résilier son bail de façon ordinaire. Aucune prolongation de bail ne devait lui être octroyée vu les retards de paiement importants et du fait que le locataire avait bénéficié de la durée de la procédure pour rechercher une solution de relogement.

j. Par écritures du 28 février 2022, le locataire a conclu à l'irrecevabilité des conclusions en exécution et au rejet de la demande reconventionnelle en évacuation, ajoutant que la bailleresse n'avait jamais réclamé le paiement du loyer par trimestre d'avance et que trois voisins arrivés après lui payaient un loyer plus élevé pour des appartements similaires au sien. Ainsi, le véritable motif du congé semblait être celui de permettre une augmentation importante du loyer. Il avait par ailleurs fait diverses demandes et recherches de logement, produisant à ce sujet la confirmation de sa demande de logement auprès du Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public. Ces recherches s'avéraient toutefois compliquées dans la mesure où il faisait l'objet de poursuites, comme cela ressortait de l'extrait du registre des poursuites produit.

k. Entendue lors de l'audience qui s'est tenue le 20 mai 2022, la bailleresse a exposé que le loyer du mois de mai n'avait pas encore été encaissé, la situation étant à jour au 30 avril 2022. Le locataire a quant à lui déclaré avoir payé le loyer du mois de mai le jour de l'audience, quittance à l'appui, grâce à un prêt de sa sœur. Il a précisé qu'il touchait des indemnités de chômage qui étaient versées aux alentours du 10 de chaque mois. 

l. La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience de plaidoiries finales qui s'est tenue le 4 octobre 2022. 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 18'000 fr. En prenant en compte la période de trois ans précitée, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC), contre une décision finale de première instance au sens de l'art. 308 al. 1 CPC. Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit, mais uniquement dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4); en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 Dans la mesure où l'instance d'appel assure la continuation du procès de première instance, elle doit user du même type de procédure et des mêmes maximes que celles applicables devant la juridiction précédente (ATF 138 III 252 consid. 2.1; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 6 ad art. 316 CPC). En l'espèce, la procédure simplifiée s'applique (art. 243 al. 2 let. c CPC), s'agissant d'une procédure relative à la protection contre les congés.

La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. Tant l'appelant que l'intimée ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles dans le cadre de leurs écritures d'appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, op. cit., N 6 ad art. 317 CPC).

2.2 Tant les allégués de fait que les pièces complémentaires produites par les parties sont recevables, dans la mesure où ils sont postérieurs au 4 octobre 2022, date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Ils seront donc pris en compte par la Cour de céans dans la mesure de leur pertinence. Ce qui précède s’entend toutefois sous réserve de la capture d'écran produite sous pièce n° 14 appelant, qui n’est pas datée et est dès lors irrecevable.

3. Dans un premier grief intitulé “Constatation incomplète et inexacte des faits par le Tribunal des baux et loyers”, l'appelant reproche aux premiers juges de n’avoir pas correctement retenu qu’entre juin 2017 et décembre 2021, le locataire n’avait fait l’objet que d’un seul rappel et qu’il n’avait jamais eu pendant cette période plus que quelques jours de retard dans le paiement de son loyer.

L'état de fait retenu plus haut a été complété pour spécifier que le dossier ne fait pas état de rappels envoyés entre la fin 2017 et la fin 2019. En revanche, il ressort des pièces que plusieurs rappels ont été notifiés au locataire entre 2020 et 2021. Pour le surplus, il ressort de la procédure que pendant la période identifiée par l’appelant, la grande majorité des loyers ont été payés après le 8ème jour du mois. Ce grief tombe donc à faux.

Les autres reproches formulés par l’appelant dans le cadre de ce premier grief ayant trait à l’appréciation des preuves, ils seront examinés au considérant suivant.

4. L'appelant remet en cause la validation du congé par le Tribunal, lui reprochant de n’avoir pas considéré que la résiliation notifiée par l’intimée consacrerait une attitude contradictoire de sa part, respectivement une disproportion grossière des intérêts en présence au sens de l’art. 271 al. 1 CO.

L’appelant estime que l’intimée a adopté un comportement contraire à la bonne foi, en choisissant de ne pas appliquer la clause contractuelle lui permettant d’exiger le paiement par trimestre d’avance, puis en résiliant le bail en se prévalant d’une rupture du lien de confiance alors même qu’elle était restée inactive pendant une longue période, tolérant ainsi ses retards de paiement. Le motif invoqué à l’appui de la résiliation, soit la rupture des liens de confiance, n’était qu’un prétexte et consacrait une disproportion évidente des intérêts en présence. La notification d’une résiliation ordinaire revenait à contourner la règle prévue à l’art. 257d al. 1 CO.

4.1 Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 148 III 215 consid. 3.1.1; 145 III 143 consid. 3.1;
142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_236/2022 du 24 juin 2022 consid. 3.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune des parties a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (ATF 148 III 215 consid. 3.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1 non publié in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 du 21 septembre 2021 consid. 4.1.1; 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.1).

En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment, dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (comme optimiser son rendement dans les limites fixées par la loi; ATF 136 III 74 consid. 2.1; 120 II 105 consid. 3b/bb; arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 précité consid. 5.2.1 et 5.2.3, non publiés in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.3; 4A_19/2016 précité consid. 4.2; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi: lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO) (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 précité consid. 5.2.2, non publié in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2; 4A_113/2019 précité consid. 3; 4A_19/2016 précité consid. 2.2; 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.1).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2; 4A_113/2019 précité consid. 3).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 148 III 215 consid. 3.1.2; 120 II 105 consid. 3; sur les cas typiques d'abus de droit, cf. ATF 135 III 162 consid. 3.3.1). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsqu'il consacre une disproportion crasse entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 145 III 143 consid. 3.1; 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

Les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) qui régissent le rapport de confiance inhérent à la relation contractuelle permettent aussi d'obtenir l'annulation du congé si le motif sur lequel il repose s'avère incompatible avec elles (ATF 120 II 105 consid. 3a).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 précité consid. 5.2.2, non publié in ATF 143 III 15 et les arrêts cités; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2). Sauf cas de disproportion crasse des intérêts respectifs des parties, il ne faut examiner, pour statuer sur la validité d'un congé, que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux; cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 précité consid. 5.2.2 non publié in ATF 143 III 15 et l'arrêt cité; 4A_19/2016 précité consid. 2.2).

Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 précité consid 2.2).

Il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi. L'auteur du congé doit toutefois collaborer à la manifestation de la vérité en motivant la résiliation sur requête et, en cas de contestation, en fournissant les documents nécessaires pour établir le motif du congé (cf. art. 271 al. 2 CO; ATF 145 III 143 consid. 3.1;
138 III 59 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_236/2022 du 24 juin 2022, consid. 3.1).

4.2 Le paiement du loyer est l'obligation principale du locataire (cf. art. 253 et titre marginal de l'art. 257 CO). La date du paiement n'est pas laissée à la discrétion du locataire. Selon l'art 257c CO, le locataire doit payer le loyer et, le cas échéant, les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l'expiration du bail, sauf convention ou usage local contraires.

La résiliation ordinaire ne suppose pas l'invocation d'un motif particulièrement grave. Il suffit, pour ne pas contrevenir aux règles de la bonne foi, que le congé repose sur un intérêt légitime. Il est compréhensible que le bailleur souhaite louer son bien à un locataire dont il peut espérer qu'il s'acquittera ponctuellement de ses obligations pécuniaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_305/2011 du 7 novembre 2011, consid. 2.2 non publié in ATF 137 III 547).

4.3 En l’espèce, le motif invoqué par la bailleresse à l’appui du congé ordinaire notifié le 8 juin 2021 pour le 30 septembre 2021 ressort de son courrier du 2 juillet 2021, dans lequel elle se prévaut d’une rupture du lien de confiance qui la liait à son locataire, dont la manière de payer son loyer ne s’était pas améliorée en dépit des lettres comminatoires, des rappels informatisés et des rappels personnalisés qui avaient été régulièrement adressés à ce dernier depuis 2016. Ledit courrier précisait que depuis le 1er janvier 2020, treize loyers sur les dix-huit facturés avaient été acquittés en dehors des délais contractuels.

Ce motif ne prête pas le flanc à la critique et n'apparaît pas comme un prétexte. En effet, il ressort de l’état de fait, dûment complété par la Chambre de céans, que plusieurs rappels et mises en demeure ont été notifiés à l’appelant en 2016 et 2017, jusqu’à ce que la bailleresse menace de résilier le bail si les mensualités n’étaient pas acquittées avant le 8 du mois courant au plus tard. Contrairement à ce qu’affirme l’appelant, cet avertissement a été suivi d’effets puisque les retards de paiement ont diminué entre le mois de juillet 2017 et le mois de février 2020, les mensualités étant généralement payées entre le 5ème et le 12ème jour du mois en cours.

Il est vrai que selon les décomptes produits concernant cette période, certaines mensualités ont pu être payées avec deux ou trois jours de retard par rapport à la date prescrite, sans que ces retards n'entraînent systématiquement l'envoi de rappels de paiement par la bailleresse. Il ne peut cependant être déduit de la souplesse additionnelle dont cette dernière a fait preuve au bénéfice de son locataire qu'elle serait revenue sur sa communication claire du 19 juin 2017.

L’on ne saurait par ailleurs reprocher à l’intimée d’être restée inactive lorsque les retards de loyer se sont à nouveau accentués, soit à partir du mois de mars 2020. Les rappels envoyés à cette époque démontrent que l’intimée n'entendait pas admettre des retards plus conséquents. Le fait qu’elle a continué de faire preuve d’une certaine tolérance après cette date apparaît au demeurant compréhensible puisqu’il s’agissait d’une période particulière en raison de la crise sanitaire ayant sévi pendant plusieurs mois à Genève et dans le reste du monde.

Dans ces circonstances, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il affirme que seule la période de 2021 serait pertinente pour établir la bonne foi de la bailleresse au moment de la résiliation. Au contraire, l'intimée a été confrontée à une détérioration graduelle de la situation, qui s'est accentuée à compter de la fin de l'année 2020. En effet, en avril 2021, le locataire accusait plusieurs mensualités de retard, suscitant à nouveau des rappels puis une mise en demeure. Le locataire s'est toutefois acquitté des montants en souffrance avant l'échéance du délai comminatoire.

Pour apprécier si la résiliation ordinaire du bail est contraire à la bonne foi alors même que le locataire avait versé les mensualités dues dans le délai imparti, il y a lieu de tenir compte de l’historique de la relation contractuelle, notamment des versements souvent tardifs et des nombreux rappels ayant dû être envoyés au locataire par le passé, ainsi que du fait que depuis le début de l'année 2020, les loyers ont été systématiquement payés, à une exception près, après le 10 du mois, en dépit de l'injonction claire de l'intimée quant à leur date d'exigibilité.

Sous cet angle et compte tenu de la jurisprudence du Tribunal fédéral déjà évoquée plus haut (ATF 137 III 547 consid. 2.2 non publié), la Chambre de céans retiendra que l’appelant a échoué à démontrer que le motif invoqué serait un pur prétexte, ou que l’intimée aurait commis un abus de droit en résiliant le bail au motif que le lien de confiance avec son locataire était rompu.

L'on ne saurait au demeurant considérer que le locataire n'a fait l'objet d'aucun avertissement, ses nombreux retards de paiement ayant régulièrement suscité des rappels, voire des mises en demeure de la part de la bailleresse. Il ne pouvait ainsi s'attendre à ce que la bailleresse tolère de tels retards indéfiniment. Dans ces circonstances, la résiliation notifiée le 8 juin 2021 ne consacre pas une attitude contraire à la bonne foi.

4.4 Reste à savoir si, en n’envisageant pas d’autres mesures moins incisives pour atteindre son objectif, la bailleresse n’aurait pas adopté un comportement contraire à la bonne foi.

A cet égard, la Chambre de céans retiendra, à l’instar du Tribunal, que l’intimée n'avait aucune obligation d'exiger le paiement des mensualités par trimestre d'avance, s’agissant d’une simple faculté offerte par l’art. 1 des conditions générales et règles et usages locatifs faisant partie intégrante du bail. Il apparaît en outre qu’une telle mesure n’aurait vraisemblablement pas servi les intérêts du locataire et l’aurait au contraire exposé plus tôt à une résiliation extraordinaire de son bail, qui plus est en le privant de la possibilité de solliciter une prolongation de celui-ci.

4.5 Les griefs invoqués par l'appelant à l'encontre de la validation du congé tombent à faux. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

5. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir prolongé le bail pour une durée de deux ans seulement. Il fait valoir une violation de l'art. 272 CO ainsi qu'une violation de son droit d'être entendu, arguant que l’instance précédente n’aurait pas dû d’emblée exclure une seconde prolongation de bail.

5.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Pour trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit d’un bail d’habitation, la durée maximale de la prolongation est de quatre ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).

Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée.

Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2 p. 345; 125 III 226 consid. 4b p. 230) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 142 III 336 consid. 5.3.1 p. 344; 116 II 446 consid. 3b p. 448). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2 p. 345; 125 III 226 consid. 4b p. 230). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4c p. 230; arrêt du Tribunal fédéral 4A_459/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4.1). Le choix entre une ou deux prolongations doit permettre au juge de choisir la solution la plus adaptée aux circonstances; il peut donc, dans la pesée des intérêts des deux parties, décider d'accorder une première prolongation du bail ou une prolongation définitive et, cas échéant, en fixer la durée. Il n'y a pas de priorité de l'une de ces solutions par rapport à l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 4A_459/2020 précité consid. 4.1 et les arrêts cités).

Les exigences de motivation des décisions en équité sont élevées. Le juge doit motiver son choix et exposer dans son jugement les motifs qui ont emporté sa conviction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_386/2014 du 11 novembre 2014 consid. 4.3.1).

5.2 En l’espèce, la décision d’octroyer une unique prolongation de bail de deux ans n’a été motivée que succinctement par le Tribunal.

A l'appui de sa décision, ce dernier a retenu que la situation financière du locataire rendait difficile une recherche de logement de remplacement, quand bien même les pièces produites n'étaient pas suffisantes pour étayer une telle recherche. S'agissant de sa situation familiale, le Tribunal a retenu que le locataire exerçait une garde partagée sur sa fille, âgée aujourd’hui de 11 ans.

Le Tribunal a retenu par ailleurs que les mensualités étaient payées régulièrement, l’appelant n'accumulant pas de dette envers l’intimée, ce qui est confirmé par les pièces nouvelles produites en appel.

Il ressort également des pièces produites que l’appelant n’a fait que des recherches de logement très limitées, lesquelles n'ont pas porté leurs fruits à ce jour.

S'agissant du choix d'octroyer une unique prolongation de bail, compte tenu du large pouvoir d'appréciation conféré par la loi, tel qu'il a été rappelé au considérant précédent, et sachant qu'il n'y a pas de priorité de l'une ou l'autre solution, la décision du Tribunal n'apparaît pas critiquable.

Au contraire, dans la mesure où il s'avère peu probable que les perspectives du locataire de trouver un nouveau logement s'améliorent, les contraintes auxquelles il fait face n'étant pas de nature à disparaître dans un avenir proche, la Chambre de céans retiendra également qu'une unique prolongation de bail est plus adaptée in casu.

Toutefois, pour tenir compte de l'ensemble des circonstances et notamment du fait que les loyers ont continué d'être payés régulièrement tout au long de la procédure, l'intérêt du bailleur à voir le bail se terminer s'avérant ainsi réduit par rapport à l'intérêt du locataire de disposer de plus de temps pour trouver un logement de remplacement, la durée de la prolongation sera portée à trois ans.

Partant, le jugement attaqué sera modifié en ce sens qu’une unique prolongation de bail d’une durée de trois ans sera octroyée au locataire.

6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 janvier 2023 par A______ contre le jugement JTBL/952/2022 rendu le 6 décembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13416/2021.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ce point :

Accorde à A______ une unique prolongation de bail de trois ans, échéant le 30 septembre 2024.

Confirme le jugement précité pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.