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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4024/2023

ACJC/1227/2023 du 25.09.2023 sur JTBL/379/2023 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257; CO.257d
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4024/2023 ACJC/1227/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 25 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______, recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 11 mai 2023, comparant en personne,

et

PPE C______ NOS. 1______-2______, intimée, représentée par [la régie immobilière] D______, ______, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/379/2023 du 11 mai 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne, de leurs biens et de tout véhicule, la place de parking extérieure n° 3______ située avenue de C______ nos. 1______-2______, [code postal] E______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé la PPE C______ NOS. 1______-2______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ et B______, dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 1er juin 2023 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé recours contre ce jugement. Ils ont conclu à son annulation et à ce qu'il soit dit que la requête en évacuation du 3 mars 2023 était irrecevable.

Ils ont déposé des pièces nouvelles.

b. Dans sa réponse du 7 juin 2023, la PPE C______ NOS. 1______-2______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Le 5 juillet 2023, en l'absence de réplique, les parties ont été avisées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. La PPE C______ NOS. 1______-2______, bailleresse, et A______ et B______, locataires, sont liés par un contrat de bail à loyer du 1er juin 2010 portant sur la location d'une place de parking extérieure n° 3______ située 1______-2______, avenue de C______ à E______.

Le montant du loyer a été fixé en dernier lieu à 95 fr. par mois.

b. Par avis comminatoires du 16 novembre 2022, la bailleresse a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 30 jours le montant de 190 fr. à titre d'arriéré de loyers pour les mois d'octobre et novembre 2022, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme réclamée n'avait pas été réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiels du 10 janvier 2023, résilié le bail pour le 28 février 2023.

d. Par requête déposée le 3 mars 2023 devant le Tribunal des baux et loyers, la bailleresse a requis l'évacuation des locataires et l'exécution de ladite évacuation.

e. Lors de l'audience du 11 mai 2023 devant le Tribunal, les locataires ont conclu à l'irrecevabilité de la requête. Ils ont soutenu que le défaut de paiement était dû à une inattention de leur part lors du passage au code QR. En effet, un ordre permanent était en place depuis 2013 et leur banque ne les avait pas avertis de ce problème. Ils avaient immédiatement résorbé l'arriéré et tout expliqué par e-mail à la Régie lors de la réception de l'avis de résiliation. Ils avaient également contesté le congé par devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (C/4______/2023).

La bailleresse a confirmé que l'arriéré avait été résorbé, mais elle a persisté dans ses conclusions. Elle a allégué qu'elle avait envoyé un courrier lors du passage au code QR et que les locataires avaient par ailleurs reçu une sommation.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

f. Dans son jugement du 11 mai 2023, le Tribunal le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation de bail selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies en l'espèce et que la bailleresse était ainsi fondée à donner congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Il s'ensuivait que, depuis l'expiration du terme fixé, les locataires ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux. Leur évacuation devait dès lors être prononcée. La bailleresse avait par ailleurs requis l'exécution de cette évacuation, ce à quoi le Tribunal a fait droit.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

1.1 La valeur litigieuse équivaut au dommage présumé, si les conditions d'une expulsion selon l'art. 257 CPC ne sont pas remplies, correspondant à la valeur locative ou la valeur d'usage hypothétiquement perdue pendant la durée prévisible d'un procès en procédure ordinaire permettant d'obtenir une décision d'expulsion, laquelle a été estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1).

1.2 En l'espèce, il ressort des explications des locataires qu'ils contestent la résiliation de leur bail. Au vu du montant du loyer de 95 fr., la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr. La voie du recours est dès lors ouverte.

1.3 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 CPC), le recours est recevable.

1.4 Les faits invoqués par les recourants dans la partie "EN FAIT" de leur recours, relatifs notamment à des travaux non effectués, aux différends qu'ils avaient eus avec l'intimée au cours des années passées ou à l'importance pour leur fils qu'ils puissent conserver la place de parking litigieuse, qu'ils n'avaient pas allégués devant le Tribunal, sont nouveaux et, par conséquent, irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Il en va de même des pièces nouvelles produites (pièces 9 à 13); elles ne sont, en tout état de cause pas déterminantes pour l'issue du litige.

1.5 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait.

Les recourants soulèvent un grief de constatation manifestement inexacte des faits. Ils se bornent cependant à indiquer que le Tribunal n'aurait fait que reprendre les allégués de la requête du 3 mars 2023 de l'intimée et ne pas constater certains faits qu'ils avaient exposés, ce qui ne constitue pas une motivation suffisante. Ils indiquent par ailleurs avoir invoqué l'irrecevabilité de la requête compte tenu du fait qu'ils avaient contesté la résiliation de loyer, ce qui constitue une question de droit, et non de fait.

Le grief de constatation manifestement inexacte des faits doit dès lors être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

2. Les recourants contestent que leur évacuation pouvait être prononcée. Ils soutiennent que la cause ne devrait pas être traitée par la voie de la procédure en cas clair, que les premiers juges auraient abusé de leur pouvoir d'appréciation et que l'intimée aurait commis un abus de droit en résiliant leur bail. Dès réception de l'avis de résiliation, ils avaient contacté la régie en charge de l'immeuble pour l'informer que leur erreur était due aux nouvelles factures avec code QR.

2.1
2.1.1
La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2 et la référence citée). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais.

Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités). Fait partie de ces exceptions celle de compensation; le débiteur peut l'invoquer même si la créance est contestée (art. 120 al. 2 CO). Il faut alors et il suffit qu'elle parvienne à ébranler la conviction du juge quant au bien-fondé de la requête (arrêt du Tribunal fédéral 4A_142/2020 du 3 septembre 2020 consid. 3.1). A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2014 du 16 septembre 2014 consid. 2.1).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.1).

2.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

La validité du congé suppose notamment que le locataire se soit effectivement trouvé en retard dans le paiement du loyer ou de frais accessoires lorsque la sommation lui a été adressée, d'une part, et qu'il ne se soit pas acquitté de cet arriéré dans le délai fixé, d'autre part (arrêts du Tribunal fédéral 4A_592/2013 du 9 septembre 2013 consid. 5; 4A_299/2011 du 7 juin 2011 consid. 5).

La jurisprudence admet que le congé prononcé conformément à l'art. 257d CO peut, à titre très exceptionnel, contrevenir aux règles de la bonne foi; la notion doit être interprétée très restrictivement, afin de ne pas mettre en question le droit du bailleur à recevoir le loyer à l'échéance (ATF 140 III 591 consid. 1 et les références citées).

2.1.3 Une requête en expulsion d'un locataire selon la procédure sommaire pour les cas clairs (art. 257 CPC) est admissible même lorsque le locataire a contesté en justice le congé donné par le bailleur et que cette procédure est pendante. Dans une telle situation, il appartient au juge saisi de la requête d'expulsion d'examiner à titre préjudiciel la validité de la résiliation du bail. Si cette dernière est claire au sens de l'art. 257 CPC, il peut procéder (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 141 III 262 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_422/2020 précité consid. 4.3 et les références citées).

2.2 En l'espèce, les recourants ne contestent pas s'être trouvés en retard dans le paiement du loyer et ne pas s'être acquitté du montant réclamé dans le délai imparti. Ils n'expliquent pas pourquoi, à réception de l'avis comminatoire, ils n'ont pas été en mesure de se rendre compte du problème technique qu'ils prétendent avoir rencontré et pourquoi c'est postérieurement à la réception de l'avis de résiliation qu'ils se sont manifestés auprès de l'intimée et ont payé l'arriéré. Dans ces circonstances, la résiliation pour défaut de paiement du loyer était fondée et le cas doit être qualifié de clair.

Il est également rappelé que la contestation du congé ne fait pas obstacle au prononcé de l'évacuation par la procédure en cas clair.

Les recourants soutiennent que le Tribunal aurait abusé de son pouvoir d'appréciation. Or, celui-ci n'a pas fait usage d'un tel pouvoir, se bornant à retenir que les conditions légales pour une résiliation pour défaut de paiement du loyer étaient réunies, que les recourants occupaient la place de parking sans titre juridique et que l'évacuation devait dès lors être prononcée. Il n'avait pas à opérer, dans le cadre de l'examen de la requête en évacuation, une pesée des intérêts ou à tenir compte de la longue durée des rapports contractuels, contrairement à ce que soutiennent les recourants sans indiquer de base légale ou jurisprudentielle sur laquelle ils fondent leur argumentation erronée.

Les locataires soutiennent enfin que l'intimée aurait commis un abus de droit en résiliant le bail et en sollicitant leur évacuation. L'intimée aurait voulu se venger car ils tenaient à exercer leurs droits relatifs à l'exécution de travaux, à la répartition de charges et à la suppression de nuisances. Ces derniers éléments sont toutefois nouveaux et donc irrecevables (cf. consid. 1.4). Un quelconque rapport entre ceux-ci et la résiliation n'est, en tout état de cause, pas rendu vraisemblable. En outre, contrairement à ce que les recourants affirment, il ne peut être retenu qu'ils auraient immédiatement payé les loyers en souffrance dès leur erreur identifiée puisqu'ils ont réglé l'arriéré que le 16 janvier 2023, soit près de deux mois après l'avis comminatoire qui devait leur permettre de se rendre compte que le loyer n'était pas versé. Enfin, il ne peut être retenu que la résiliation serait choquante compte tenu du fait que le bail portait sur une place de parking et que les recourants n'ont notamment pas rendu vraisemblable qu'ils ne pourraient pas en louer une autre dans le quartier.

Le recours n'est dès lors pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. Pour le surplus, il ne ressort pas des explications des recourants qu'ils contesteraient de manière motivée l'exécution directe de leur évacuation.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 1er juin 2023 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/379/2023 rendu le 11 mai 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4024/2023-6-SE.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.