Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/17686/2023

ACJC/1129/2023 du 06.09.2023 sur JTBL/698/2023 ( SP ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17686/2023 ACJC/1129/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 6 SEPTEMBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 30 août 2023, comparant par Me Sébastien FRIES, avocat, Kellerhals Carrard Genève SNC, rue François-Bellot 6, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

FONDATION POUR LES TERRAINS INDUSTRIELS DE GENEVE (FTI), sise avenue de la Praille 50, 1227 Carouge, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance JTBL/698/2023 du 30 août 2023, reçue par A______ SA le lendemain, le Tribunal des baux et loyers, statuant sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, a débouté la précitée de ses conclusions en suspension provisoire du caractère exécutoire du jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers JTBL/1200/2017 dans la cause C/1______/2017 (ch. 1 du dispositif), a dit que la procédure était gratuite (ch. 2) et a rayé la cause du rôle (ch. 3).

En substance, le Tribunal a considéré que A______ SA n'avait pas rendu vraisemblable la conclusion d'un nouveau contrat de bail tacite, la précitée n'ayant au demeurant pas introduit d'action tendant à faire constater l'existence d'un tel contrat de bail. Il ne découlait par ailleurs pas des pièces produites qu'elle se serait régulièrement acquittée des indemnités pour occupation illicite depuis le prononcé du jugement du 21 décembre 2017 du Tribunal. A______ SA avait, de plus, épuisé toutes les voies de droit utiles, de sorte que sa requête reviendrait à lui accorder le bénéfice de droits dont elle ne disposait plus.

La requête devait ainsi être rejetée, tant sur mesures superprovisionnelles que sur mesures provisionnelles.

B. Par acte déposé le 5 septembre 2023 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre cette ordonnance, sollicitant son annulation. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à titre de mesures conservatoires, subsidiairement à titre de mesures superprovisionnelles, à ce que la Cour suspende provisoirement l'exécution du jugement JTBL/1200/2017 rendu le 21 décembre 2017 dans la cause C/1______/2017 sans entendre préalablement la FONDATION POUR LES TERRAINS INDUSTRIELS DE GENEVE (FTI) (ci-après : la FTI) et interdise à la précitée et à tous ses mandataires toute démarche aboutissant à une évacuation des locaux qu'elle occupe. Sur mesures provisionnelles, elle a conclu à ce que la Cour suspende définitivement l'exécution de jugement JTBL/1200/2017 précité.

Elle a notamment reproché au Tribunal de ne pas avoir examiné et considéré que la FTI était forclose à se prévaloir du jugement d'évacuation, en raison de l'écoulement du temps entre son prononcé (décembre 2017) et la mise à exécution de celui-ci.

A______ SA a déposé de nouvelles pièces et formé de nouveaux allégués.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. La FTI, entreprise de droit public inscrite au Registre du commerce genevois le ______ 1959, a notamment pour but ______.

b. A______ SA, également inscrite au Registre du commerce de Genève, a pour but le transport de marchandises roulantes et des marchandises de toute nature.

B______ en est l'administrateur avec signature individuelle.

c. Le précité était propriétaire de la parcelle n° 2______.

La Commune de C______ souhaitait valoriser cette parcelle. Le 26 novembre 2015, B______ a vendu ladite parcelle à la Commune de C______.

d. Préalablement à cette vente et afin de permettre à la Commune de réaliser son projet, la FTI a proposé à B______ une solution de relogement pour son activité. Le 16 mai 2013, B______ a accepté la proposition, laquelle consistait dans la conclusion d'un contrat de bail avec option d'achat de la halle.

e. Le 4 août 2016, la FTI et A______ SA ont conclu un contrat de bail, à terme fixe de 6 mois échéant le 16 février 2017, portant sur la location d'une halle industrielle de 1'682 m2, ainsi qu'une surface extérieure de 1'515 m2 sises no. ______ route 3______ à D______.

Le montant du loyer, hors charges a été fixé à 8'330 fr. par mois.

f. A______ SA n'a pas restitué les locaux susmentionnés à l'échéance du bail.

g. Par jugement JTBL/1200/2017 du 21 décembre 2017, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ SA à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec elle la halle industrielle de 1'682 m2, ainsi que la surface extérieure de 1'515 m2 sises no. ______ route 3______ à D______ (ch. 1 du dispositif), a autorisé la FTI à requérir l'évacuation par la force publique de A______ SA dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), a fixé à 8'330 fr. par mois l'indemnité pour occupation illicite due par A______ SA dès le 16 février 2017 et jusqu'à la restitution de la halle industrielle et de la surface extérieure précitées (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 5).

Ce jugement est définitif et exécutoire.

h. Le 16 août 2018, la faillite de A______ SA a été prononcée à la requête de la FTI.

i. En raison d'arriérés de loyers, la FTI a requis des poursuites à l'encontre de la précitée.

j. Un état des lieux de sortie a été fixé au 31 août 2018.

k. A______ SA ayant réglé une partie de sa dette, les parties sont convenues d'un échelonnement de paiement du solde de la dette, la FTI s'engageant à renoncer au prononcé de la faillite et à la poursuite en réalisation de gage mobilier.

l. Par arrêt du 7 septembre 2018, la Cour a annulé la faillite de A______ SA.

Le 13 septembre 2018, la FTI a retiré la poursuite en réalisation de gage.

m. A______ SA n'a pas honoré ses engagements et ses arriérés se sont accrus.

n. A______ SA s'est acquittée de ses arriérés (loyers et indemnités pour occupation illicite au début de l'année 2023).

o. Rappelant le contexte précité et les conditions favorables dont avait bénéficié A______ SA pendant presque sept ans, au lieu des six mois initialement convenus, la FTI a, par courrier du 22 juin 2023, proposé à A______ SA la conclusion d'un nouveau contrat de bail, conjointement avec E______ SA (dont B______ est également administrateur), pour un loyer mensuel de 23'900 fr., à terme fixe d'un an, les loyers étant payables par trimestre d'avance. En cas de paiement régulier des loyers, le bail serait reconduit d'année en année.

p. Par pli du 21 juillet 2023, le conseil de A______ SA a indiqué que l'augmentation de loyer proposée, de près de 300%, ne pouvait être supportée par la précitée. Il était ainsi proposé la conclusion d'un nouveau contrat de bail à de nouvelles conditions, comprenant une augmentation importante mais raisonnable du loyer. La tenue d'une réunion pour discuter de ce qui précède était suggérée.

q. Par courrier du 4 août 2023, la FTI a répondu au conseil de A______ SA que son offre du 22 juin 2023 n'était pas négociable. Elle invitait en conséquence la précitée à libérer les locaux d'ici au 14 août 2023.

r. Le 15 août 2023, un huissier judiciaire informait A______ SA avoir été mandaté par la FTI afin de procéder à l'exécution du jugement d'évacuation.

s. Le 30 août 2023, A______ SA a saisi le Tribunal des baux et loyers d'une requête de mesures conservatoires en suspension de l'exécution du jugement d'évacuation du 21 décembre 2017.

Sur quoi, le Tribunal a rendu la décision entreprise.

EN DROIT

1. 1.1 Seule la voie du recours est ouverte contre les décisions rendues par le Tribunal de l'exécution (art.309 let. a et 319 let. a CPC).

Déposé selon la forme requise et dans le délai prescrit (art. 321 al. 2 CPC), le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant que les griefs formulés et motivés par le recourant (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

1.3 La maxime des débats s'applique (art. 339 al. 2 CPC).

1.4 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

2. La recourante requière le prononcé de mesures conservatoires superprovisionnelles.

2.1 En vertu de l'art. 340 CPC, le tribunal de l'exécution peut ordonner des mesures conservatoires, si nécessaires sans entendre préalablement la partie adverse.

Des mesures conservatoires peuvent être ordonnées en cours de procédure d'exécution (art. 340 CPC). Ces mesures conservatoires s'apparentent à des mesures provisionnelles (art. 261 CPC), mais elles ne doivent servir qu'à éviter que la partie contre laquelle est dirigée la requête d'exécution ne commette des actes de disposition ou de toute autre nature propres à rendre vaine l'exécution requise; que le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation à l'égard des mesures conservatoires qu'il peut ordonner, d'office ou sur requête (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 1 à 3 ad art. 340 CPC).

L'art. 340 CPC se limite à énoncer la possibilité d'ordonner des mesures conservatoires, sans autre spécification ni condition (Jeandin, op. cit., n. 2
ad art. 340 CPC). Cela inclut toutes les mesures qui tendent à assurer l'exécution de la décision concernée (Kofmel Ehrenzeller, in Kurzkommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung ZPO, 2014, n. 3 ad art. 340 CPC; Kellerhals, in Berner Kommentar, 2012, n. 18 ad art. 340 CPC).

La doctrine est divisée sur la question de savoir si les mesures conservatoires prises par le Tribunal de l'exécution le sont en application de l'art. 340 CPC, ou si elles sont soumises aux conditions prévalant en mesures provisionnelles des art. 261 ss CPC. En effet, une partie de celle-ci considère que les mesures conservatoires ne sont pas soumises aux conditions prévues aux art. 261 et 265 CPC à propos des mesures (super)provisionnelles, même si les critères prévus par ces dispositions (risque de survenance d'un préjudice difficilement réparable, urgence particulière) peuvent inspirer le tribunal de l'exécution statuant à propos de mesures conservatoires (Jeandin, op. cit., n. 2 ad art. 340 CPC; Droese, BSK ZPO, n. 5 et 9 ad art. 340 CPC) et que les mesures conservatoires prises par le tribunal de l'exécution le sont toujours en application de l'art. 340 CPC, sans que n'entrent en considération les mesures provisionnelles prévues aux art. 261 ss (Droese, BSK ZPO, n. 4 ad art. 340 CPC; Jeandin, op. cit.,
n. 2a ad art. 340 CPC; contra: Staehelin, Kommentar ZPO, n. 5 ad art. 340 CPC; Egli, OFK ZPO, n. 2 ad art. 340 CPC).

Cette question n'a pas été tranchée par le Tribunal fédéral.

Il n'est en l'espèce pas nécessaire d'examiner plus avant cette problématique, pour les motifs qui vont suivre.

En effet, la Cour n'est, prima facie, pas le Tribunal de l'exécution, mais l'autorité de recours contre les décisions rendues par ledit Tribunal, de sorte qu'il apparaît peu vraisemblable que l'art. 340 CPC puisse s'appliquer devant la Cour.

Même si cette disposition devait trouver application, les conditions du prononcé de mesures conservatoires ne sont pas réunies.

2.2 Selon l'art. 337 al. 2 CPC, la partie succombante peut demander la suspension de l'exécution auprès du tribunal de l'exécution, l'art. 341 CPC étant applicable par analogie.

Il appartient à la partie qui s'oppose à l'exécution, qui supporte le fardeau de la preuve, de démontrer les objections qu'elle entend soumettre au tribunal de l'exécution (arrêt du Tribunal fédéral 4A_269/2012 du 7 décembre 2012, consid.4.1).

2.3 Le tribunal de l’exécution peut ordonner des mesures conservatoires, si nécessaire sans entendre préalablement la partie adverse (art. 340 CPC).

Pour la partie condamnée à l’exécution, la mesure conservatoire doit se lier à la vraisemblance de la sauvegarde d’un droit relevant de l’art. 341 CPC (Piotet, Petit commentaire Code de procédure civile, n. 4 ad art. 340 CPC).

2.4 Le tribunal de l’exécution examine le caractère exécutoire d’office (art. 341 al. 1 CPC).

Sur le fond, la partie succombante peut uniquement alléguer que des faits s’opposant à l’exécution de la décision se sont produits après la notification de celle-ci, par exemple l’extinction, le sursis, la prescription ou la péremption de la prestation due. L’extinction et le sursis doivent être prouvés par titres (art. 341 CPC).

A côté des motifs d’ordre matériel, des moyens formels peuvent être également soulevés par l’obligé intimé à l’exécution forcée. Ceux-ci sont toutefois restreints à plaider la nullité complète du titre exécutoire (Staehelin, op. cit., n. 13), ou à invoquer des moyens touchant au caractère exécutoire du titre lui-même (p.ex. une condition, art. 342 CPC, l’inexigibilité de la prestation selon le titre, ou encore l’irrégularité de toute l’instance (art. 338, 339 CPC) (Piotet, op. cit., n. 14 ad art. 341 CPC).

2.5 A teneur de l'art. 336 al. 1 let. a CPC, une décision est exécutoire lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu l'exécution. La jurisprudence a précisé que pour être exécutoire au sens de l'art. 336 CPC, la décision doit décrire l'obligation à exécuter avec une précision suffisante sous l'angle matériel, local et temporel, de façon à ce que le juge chargé de l'exécution n'ait pas à élucider lui-même ces questions (arrêts du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2016 consid. 2.2.; 4A_269/2012 précité consid. 3.2; 5A_880/2015 du 3 juin 2016 consid. 2 in fine). 

2.6 Le bail peut être conclu, de manière tacite, par actes concluants (art. 1
al. 2 CO). Il en est ainsi lorsque le bailleur remet les clés au locataire, que celui-ci emménage et qu'il paie le loyer, sans que le bailleur ne proteste (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 210 n. 4.5.1). Cependant, le silence opposé par l'une des parties à réception d'une offre de l'autre partie, ne vaut, en principe, pas acceptation et n'entraîne pas la conclusion tacite d'un contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_188/2012 du 1er mai 2012 consid. 3.1; ACJC/864/2020 du 22 juin 2020 consid. 3.1; ACJC/765/2016 du 6 juin 2016 consid. 4.1; Lachat, op. cit., p. 210 n. 4.5.2).

Selon la jurisprudence, il est d'usage que le contrat de bail soit conclu par écrit. Il y a par exemple conclusion d'un nouveau bail par actes concluants lorsque, à la suite d'une résiliation, le bailleur s'abstient, durant une période assez longue, de faire valoir le congé et d'exiger la restitution de la chose louée et qu'il continue à encaisser régulièrement le loyer sans formuler aucune réserve (arrêts du Tribunal fédéral 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1; 4A_247/2007 du 19 août 2008 consid. 3.2.1; Aubert, Droit du bail à loyer et à ferme, Bohnet/Carron/Montini [2ème éd.], 2017, n. 17 ad art. 267 CO). L'élément temporel n'est pas seul déterminant pour décider s'il y a bail tacite; il faut prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas. La conclusion tacite d'un bail ne doit toutefois être admise qu'avec prudence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_75/2015 du 9 juin 2015 consid. 4.1; 4A_499/2013 du 4 février 2014 consid. 3.3.1 et les arrêts cités; 4A_247/2008 du 18 août 2008 consid. 3.2.1; 4C_441/2004 du 27 avril 2005 consid. 2.1). En règle générale, le bail tacite qui, dans ces conditions, suit un contrat écrit a le même contenu que ce dernier (Lachat, op. cit., p. 210 n. 4.5.1).

Le fait qu'après le dépôt d'une requête en évacuation, le bailleur envoie au locataire des bulletins pour le paiement régulier du loyer ne saurait suffire pour admettre sa volonté de continuer le bail. Il en est de même en cas d'envoi d'une augmentation de loyer, postérieurement à la résiliation (ATF 119 II 147 consid. 5 in JT 1994 I 205).

2.7 Dans le présent cas, la recourante a fait valoir, en première instance, qu'un bail tacite avait été conclu avec l'intimée, en raison de l'écoulement du temps survenu entre le prononcé du jugement d'évacuation et la mise à exécution de celui-ci, le règlement intégral de la dette et l'encaissement durant six ans d'un loyer.

Même si la décision querellée ne comporte pas formellement de partie EN FAIT, le premier juge a examiné, dans les motifs, la question de la conclusion d'un contrat de bail tacite entre les parties.

Dans la présente procédure de recours, la recourante fait valoir que les droits de l'intimée d'obtenir son évacuation étaient périmés, soutenant qu'une période de six ans s'est écoulée, sans trouble ni interruption, l'arriéré ayant pour le surplus été entièrement résorbé.

Il est constant qu'un jugement d'évacuation avec mesures d'exécution directes a été rendu le 21 décembre 2017 par le Tribunal des baux et loyers et que ce jugement est définitif et exécutoire.

L'intimée a fixé un état des lieux de sortie au 31 août 2018.

Les parties sont ensuite entrées en discussion, la recourante ayant réglé une partie de sa dette. Elles sont ainsi convenues d'un échelonnement de paiement du solde de la dette, l'intimée s'étant pour sa part engagée à renoncé au prononcé de la faillite qu'elle avait préalablement requis et obtenu, ainsi qu'à la poursuite en réalisation de gage mobilier. Il ne résulte pas du dossier, en particulier des allégués de la recourante, que l'intimée se serait engagée à ne pas exécuter le jugement d'évacuation. Certes, l'intimée n'a pas requis l'exécution de l'évacuation, cela en raison des engagements pris par la recourante.

Il est admis par la recourante qu'elle n'a pas respecté ses engagements et que le montant de l'arriéré s'est aggravé. Ce n'est qu'au début de l'année 2023 que la dette a été résorbée.

Au vu de toutes les circonstances, telles qu'exposées ci-dessus, le comportement de l'intimée ne permet pas de retenir la conclusion d'un nouveau bail par actes concluants, laquelle ne doit être admise qu'avec prudence. Au contraire, il résulte des titres versés à la procédure que l'intimée a proposé à la recourante, en juin 2023, la conclusion d'un nouveau contrat de bail à de nouvelles conditions, ce que la recourante a refusé. La recourante a par conséquent échoué à rendre vraisemblable la conclusion d'un contrat de bail tacite et la préemption de l'intimée à requérir l'exécution de l'évacuation prononcée.

De plus, comme l'a considéré à bon droit le Tribunal, le prononcé de mesures conservatoires reviendrait à accorder à la recourante le bénéfice de droits qu'elle n'a pas. Elle ne peut, par des mesures conservatoires, obtenir un sursis supplémentaire.

2.8 Par conséquent, la recourante sera déboutée de ses conclusions en prononcé de mesures conservatoires.

3. Les conditions du prononcé de mesures superprovisionnelles ne sont pas non plus réunies.

3.1 Selon l'art. 261 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

Il s'agit de conditions cumulatives comme cela ressort des textes allemand et italien de la loi (Bohnet, Commentaire Romand, Code de procédure civile commenté,2ème éd. 2019, n. 3 ad art. 261 CPC).

L'art. 265 CPC dispose par ailleurs qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a risque d'entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse.

Les conditions de la mesure provisionnelle n'ont pas à être prouvées de manière absolue. Le requérant doit les rendre vraisemblables ou plausibles. Il n'est pas nécessaire que le juge soit persuadé de l'existence des faits; il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, il acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits pertinents, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 = JdT 2005 I 618).

L'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, op. cit., 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC; Hohl, op. cit., n. 1774, p. 325).

Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause; qu'en d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets; qu'est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2011 consid. 4).

La mesure ordonnée doit respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives (Hohl, op. cit., p. 323 s.).

3.2 En l'espèce, il ne sera pas revenu sur les considérations relatives au caractère exécutoire du jugement JTBL/1200/2017 du 21 décembre 2017, ni sur le fait qu'il s'agit d'un jugement d'évacuation, comme retenu ci-avant.

Pour le surplus, la recourante n'a pas rendu vraisemblable, à ce stade, une violation de l'art. 341 al. 3 CPC, pour les motifs développés au considérant 2.6 supra. La recourante n'a ainsi, prima facie, par rendu vraisemblable être titulaire d'un droit.

Ainsi, sous l'angle de la vraisemblance, les chances de succès du recours sont douteuses.

4. La procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Statuant sur mesures conservatoires et sur mesures superprovisionnelles :

Rejette les conclusions formées par A______ SA en prononcé de mesures conservatoires et de mesures superprovisionnelles en suspension provisoire de l'exécution du jugement JTBL/1200/2017 rendu le 21 décembre 2017 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1______/2017.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Joëlle DEBONNEVILLE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Joëlle DEBONNEVILLE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne.