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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/870/2023

ACJC/958/2023 du 13.07.2023 sur JTBL/221/2023 ( SBL ) , JUGE

Normes : CPC.257
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/870/2023 ACJC/958/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 13 JUILLET 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant et recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 27 mars 2023, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Malek ADJADJ, avocat, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/221/2023 du 14 mars 2023, reçu par les parties le 27 mars 2023, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement n° 1______ de 2 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis chemin 2______ no. ______ à C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ à requérir son évacuation par la force publique dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), déclaré irrecevables les conclusions en paiement formulées par cette dernière (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Le 11 avril 2023, A______ a formé "appel, respectivement recours" contre cette décision, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et déclare irrecevable la requête en cas clair déposée par B______ le 12 janvier 2023. Subsidiairement, il a conclu à ce que la Cour déclare inefficaces les résiliations de bail des 28 mars et 6 septembre 2022, et, plus subsidiairement, autorise sa partie adverse à requérir son évacuation par la force publique dès le ler avril 2023.

b. B______ a conclu à la confirmation du jugement querellé.

c. Les parties ont été informées le 23 mai 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. B______ est locataire depuis le 1er mai 1992 d'un appartement de deux pièces situé no. ______, chemin 2______ à C______. Au moment de la conclusion du bail, le loyer était de 395 fr. 50 par mois, charges comprises. Il a été augmenté par la suite à 595 fr. par mois

b. Dès le 1er mars 2017, elle a sous-loué son appartement et les meubles qu'il contenait à A______ pour le montant de 1'100 fr. par mois.

Aucun document écrit n'a été établi à cette occasion. B______ allègue que cela est dû au fait que cette sous-location ne devait durer que quelques mois, le temps que A______ trouve un nouvel appartement après son divorce. Elle ajoute qu'elle a résidé à l'étranger pendant plusieurs années.

Cette sous-location s'était faite par l'intermédiaire d'une personne dénommée "D______", selon la locataire, ou "E______" selon le sous-locataire, lequel était chargé d'encaisser les loyers pour le compte de B______.

Le sous-locataire allègue avoir toujours payé les loyers en espèces au représentant de B______, précisant qu'aucune quittance ne lui avait été délivrée, en raison du fait que la sous-location n'était pas autorisée.

c. Par courrier du 11 mars 2022, B______ a fait savoir à son sous-locataire qu'elle avait constaté "avec horreur" en novembre 2021 l'état insalubre de l'appartement. Des déchets jonchaient le sol, le parquet, la table et le matelas étaient brûlés par le charbon des chichas qu'il fumait et les murs présentaient des traces jaunes. Il existait un risque d'incendie. La penderie était détruite et des meubles avaient disparu. Les frais de remise en l'état étaient de 7'916 fr. Le sous-locataire était sommé de restaurer l'appartement dans un délai d'une semaine, faute de quoi le bail serait résilié.

d. Le 28 mars 2022, A______ a répondu que E______ lui avait remis les clés pour la sous-location en février 2017 et qu'il avait été mandaté par la locataire pour encaisser les loyers de 1'100 fr. Le studio avait déjà été sous-loué depuis au moins quatre ans avant son entrée et il contestait être responsable des dégâts relevés par B______, étant précisé que l'appartement était en mauvais état quand il y était entré. Le délai pour effectuer les réparations était en tout état de cause trop court. Il ne s'était dessaisi d'aucun meuble lui appartenant.

Le montant du sous-loyer en 1'100 fr. était abusif par rapport au loyer en 599 fr. par mois. B______ avait abusé de sa situation de faiblesse en exigeant un paiement en espèce du loyer et en refusant de lui remettre des quittances, qu'il avait requises, pour ne pas laisser de traces. Elle avait de plus escroqué le bailleur et les précédents sous-locataires en leur sous-louant l'appartement pour un prix excessif, toujours par l'intermédiaire de Monsieur E______ et lui avait fait des promesses non tenues lors d'entrevues intervenues fin 2020. Elle avait ainsi touché indûment pendant quatre ans la somme de 24'048 fr. de majoration sur le montant de 52'800 fr. provenant de la sous-location.

Il entendait la dénoncer auprès du bailleur et des autorités.

e.a Le 28 mars 2022 également, B______ a résilié le bail avec effet au 30 avril 2022 en application de l'art. 257f al. 3 CO, faisant valoir que son courrier de mise en demeure du 11 mars 2022 n'avait pas été suivi d'effet.

e.b Le 6 avril 2022, A______ a contesté ce congé par devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission).

Le 27 septembre 2022, cette procédure a été rayée du rôle de la Commission en application de l'art. 206 al. 1 CPC, vu le défaut de A______ lors de l'audience du même jour.

e.c Le 24 janvier 2023, A______ a déposé par devant la Commission une nouvelle requête en contestation du congé du 28 mars 2022 (cause C/3______/2023). Cette procédure est actuellement pendante.

f. Parallèlement, par courrier du 29 juin 2022, B______ a mis en demeure A______ de lui verser dans les 30 jours 23'100 fr. correspondant aux loyers d'octobre 2020 à juin 2022.

A défaut, le bail serait résilié.

g. Le 13 juillet 2022, A______ a répondu qu'il avait toujours payé son loyer. Le contrat de bail était de plus nul sous l'angle du loyer, puisqu'il n'avait jamais reçu d'avis de fixation de loyer. Le sous-loyer convenu entre les parties était en outre illicite car représentant le double du loyer principal. Il demandait à B______ de lui communiquer les coordonnées d'un compte bancaire sur lequel il pourrait à l'avenir opérer ses paiements, étant précisé que ceux-ci seraient effectués sans reconnaissance de montants.

h.a Le 6 septembre 2022, B______ a résilié le bail avec effet au 31 octobre 2022 en application de l'art. 257d al. 2 CO.

Elle a répondu aux allégations formulées par A______ dans son courrier du 13 juillet 2022, les contestant. Elle n'a cependant pas communiqué à celui-ci les coordonnées bancaires lui permettant de procéder au paiement du loyer, comme il le demandait.

h.b Cette résiliation a été contestée par-devant la Commission le 4 octobre 2022 et la cause a été introduite devant le Tribunal le 24 janvier 2023. A______ a conclu à ce que le Tribunal constate l'inefficacité de la résiliation de bail du 6 septembre 2022, subsidiairement l'annule (cause C/4______/2022).

Il a allégué avoir régulièrement payé le loyer à B______ ou à son représentant, proposant de prouver ses dires par audition de témoins.

i. Le 12 janvier 2023, B______ a déposé une requête en évacuation par la voie du cas clair concluant à ce que le Tribunal condamne A______ a évacuer immédiatement l'appartement litigieux sous la menace de l'art. 292 CP, dise que, faute d'exécution dès l'entrée en force de la décision, l'autorité chargée de l'exécution y procéderait avec l'assistance de la force publique et condamne A______ à lui verser 1'100 fr. par mois dès le 1er mai 2022 jusqu'à la libération des locaux, intérêts en sus.

Elle a notamment fait valoir que la résiliation du 28 mars 2022 était entrée en force, de sorte que sa partie adverse n'avait plus de titre lui permettant d'occuper les locaux. Le contrat de sous-location avait de plus été résilié avec effet au 31 octobre 2022 pour un second motif, à savoir le non-paiement du loyer.

j. Le 2 février 2023, A______ a déposé en conciliation une requête en fixation judiciaire du loyer concluant à ce que le Tribunal constate que le sous-loyer en 1'100 fr. est nul, le fixe à 599 fr. charges comprises dès le 1er mars 2017 et condamne B______ à lui restituer le trop-perçu de loyer en 501 fr. par mois depuis le 1er mars 2017, intérêts en sus (cause C/5______/2023).

k. Lors de l'audience du Tribunal du 14 mars 2023 convoquée dans la présente cause, A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête. Il n'avait jamais reçu d'avis de fixation du loyer et plusieurs procédures entre les parties étaient en cours. Il avait payé les loyers sans quittance, ce qu'il pouvait établir par l'audition de témoins. Les dégradations de l'appartement alléguées par sa partie adverse étaient contestées. L'inefficacité d'un congé extraordinaire pouvait être invoquée en tout temps.

B______ a persisté dans sa requête, relevant que le congé du 28 mars 2022 était entré en force, puisque la procédure de contestation avait été rayée du rôle. Le sous-locataire ne payait plus de loyer depuis septembre 2020. La requête en fixation judiciaire du loyer était dilatoire et constituait un abus de droit, de même que les allégations relatives à l'invalidité des congés.

La cause a été gardée à juger par le Tribunal à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

Le sous-locataire a contesté en l'espèce la résiliation du bail, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au vu du montant du loyer. La voie de l'appel est dès lors ouverte contre la décision d'évacuation, alors que celle du recours l'est contre la décision d'exécution de ladite évacuation.

1.2 L'appel et le recours ont été interjetés dans le délai et suivant les formes prescrites par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables. Dirigés contre le même jugement, ils seront traités dans le même arrêt. Pour des motifs de simplification, A______ sera désigné comme "l'appelant".

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation pour défaut de paiement étaient manifestement réunies de sorte que le congé était valable. L'appelant n'avait soulevé la question de la nullité du loyer que postérieurement à la mise en demeure et même au congé, de sorte qu'il commettait un abus de droit. De plus, ses allégations relatives au paiement des loyers en présence de témoins n'étaient étayées par aucun élément, puisqu'il n'avait donné aucune indication quant à l'identité des témoins concernés. L'appelant ne disposant d'aucun titre lui permettant d'occuper les locaux, son évacuation devait être prononcée. Les conclusions en paiement de l'intimée étaient par contre irrecevables, faute de clarté quant au montant effectivement dû, compte tenu de la nullité du loyer en l'absence d'avis de fixation.

L'appelant fait valoir qu'il a payé en espèces les loyers des mois d'octobre 2020 à juin 2022. Il n'avait pas de quittance car l'intimée refusait de lui en délivrer. Il pouvait prouver ses dires notamment par audition de témoins. Il avait cessé de payer le loyer dès octobre 2022 dans le but de compenser les loyers futurs avec le trop-perçu lui revenant du fait de la nullité du loyer. Le Tribunal avait à tort fait droit à la requête en se fondant sur la résiliation du 6 septembre 2022 pour défaut de paiement alors que l'intimée avait uniquement invoqué dans sa requête la résiliation du 28 mars 2022. Les deux résiliations étaient contestées et faisaient l'objet de procédures pendantes. L'inefficacité d'une résiliation extraordinaire pouvant être invoquée en tout temps, la résiliation du 28 mars 2022 n'était pas entrée en force. Contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, il avait invoqué la nullité du loyer avant la mise en demeure du 20 juin et la résiliation du 6 septembre 2022, de sorte qu'il ne commettait aucun abus de droit. Le Tribunal avait d'ailleurs lui-même reconnu que le loyer était nul, puisqu'il avait déclaré les conclusions en paiement de l'intimée irrecevables pour ce motif.

2.1
2.1.1
La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2; 138 III 620 consid. 5.1.1; 138 III 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. cependant arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 141 III 23 consid. 3.2 p. 26; 138 III 123 consid. 2.1.2 p. 126; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Le demandeur doit apporter la preuve entière des faits qui fondent sa prétention, alors que le défendeur peut se contenter de présenter des objections motivées et concluantes. Le demandeur qui veut présenter un état de fait clair doit ainsi apporter la preuve de la non-existence des faits qui fondent ces objections. Dans le cadre de la procédure des cas clairs, on ne peut dès lors pas exiger de la partie adverse qu'elle prouve les faits qui s'opposent à la prétention objet de la requête, et il n'est pas admissible de lui faire supporter les conséquences de l'absence de preuve (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 et 6.2, SJ 2013 I 283; 141 III 23 consid. 3.2.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_440/2016 du 24 octobre 2016 consid. 5.2.1 et 5.3.2).

2.1.2 Le droit à la sous-location n'existe que si le locataire a l'intention de reprendre l'usage de la chose louée dans un avenir prévisible. A défaut, il procède à une substitution de locataire par la voie détournée de la sous-location et s'arroge ainsi les attributions d'un propriétaire; un tel comportement est un abus du droit de sous-louer. Une vague possibilité de réintégrer les locaux ne suffit pas. La sous-location  est conçue pour le locataire qui n'a temporairement plus l'usage de la chose louée - par exemple en raison d'un stage professionnel ou d'études dans un autre lieu - et qui la remet provisoirement à un tiers pour se décharger du poids économique du loyer. Il faut se montrer relativement strict quant à l'intention du locataire principal de réintégrer les locaux loués. Cette intention doit résulter d'un besoin légitime et clairement perceptible (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.1, in CdB 2011 p. 15). L'intention de réintégrer l'objet loué dans un avenir prévisible doit être examinée au moment du congé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_430/2013 du 14 février 2014 consid. 3.3 in fine; 4A_705/2014 du 8 mai 2015 consid. 4.3.3).

Selon la jurisprudence, une majoration oscillant entre 30% et 40% entre le loyer principal et le sous-loyer est manifestement abusive (Bise/ Planat, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 40 ad art. 262 CO et réf. citées).

2.1.3 Selon l'art. 270 al. 2 CO, en cas de pénurie de logements, les cantons peuvent rendre obligatoire, sur tout ou partie de leur territoire, l'usage de la formule officielle mentionnée à l'art. 269d CO pour la conclusion de tout nouveau bail. Le canton de Genève a fait usage de cette possibilité.

Les parties peuvent en principe convenir librement du montant du loyer (art. 1 et 253 CO). Le droit privé ne prévoit pas un contrôle d'office par une autorité des montants convenus. En revanche, pour protéger les locataires contre les loyers abusifs, il est prévu que le locataire pourra saisir la commission de conciliation puis le juge pour contester le loyer initial ou une augmentation du loyer, ou pour demander une baisse de loyer, aux conditions fixées par les art. 269 à 270e CO. Il appartient au locataire de prendre l'initiative et l'autorité n'intervient pas d'office. Pour assurer la clarté de la situation juridique, un délai strict est imposé au locataire pour agir, faute de quoi il est réputé avoir accepté le loyer proposé et il est déchu du droit de le contester (art. 270 al. 1 et 270b al. 1 CO). La formule officielle a pour but d'informer le locataire de sa possibilité de saisir l'autorité de conciliation pour contester le montant du loyer, en lui fournissant toutes les indications utiles. Lorsque la formule n'a pas été employée pour un loyer initial alors qu'elle était obligatoire, ce vice n'entraîne pas la nullité du contrat de bail en tant que tel, mais influe seulement sur le montant fixé (ATF 124 III 62 consid. 2a p. 64; 120 II 341 consid. 5d p. 349). L'absence de notification sur formule officielle n'affecte donc ni la possibilité pour chacune des parties de résilier le contrat pour l'échéance, ni la convention des parties fixant la date à laquelle le loyer doit être versé. Le vice n'a de conséquence que pour le montant du loyer convenu. La formule officielle ayant un but d'information, le locataire ne doit pas être désavantagé du fait que cette dernière ne lui a pas été donnée; cependant, dès le moment où il a reçu les informations nécessaires, on doit en principe admettre - conformément au mécanisme général en matière de contestation des loyers - qu'il doit agir sans retard (ATF 121 III 56 consid. 2c).

Le locataire, informé de l'absence de formule officielle, qui ne proteste pas dans un délai raisonnable, montre qu'il considère le loyer convenu comme non abusif et renonce à le contester devant l'autorité, validant ainsi le montant convenu et guérissant les effets du vice de forme (ATF 137 III 547 consid. 2.3).

A teneur de la jurisprudence, un vice de forme dans la notification du loyer initial entraîne la nullité du loyer fixé. Lorsque, dans cette hypothèse, le locataire a introduit une procédure judiciaire pour contester le loyer initial, il est en principe exclu qu'il tombe en demeure (art. 257d CO) jusqu'à la fixation judiciaire du loyer. Cela étant, l'éventuelle application de ces principes au cas d'espèce suppose que le vice de forme ne soit pas abusivement invoqué par le locataire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.315/2000 du 5 février 2001 consid. a).

2.1.4 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

L'action en contestation du congé formée par les locataires ne fait pas obstacle à l'action postérieure en expulsion selon l'art. 257 CPC, intentée par le bailleur (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1).

L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO selon la procédure de protection dans les cas clairs présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le tribunal saisi de la requête d'expulsion doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation du bail, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable (une prolongation du bail n'entrant pas en ligne de compte lorsque la résiliation est signifiée pour demeure conformément à l'art. 257d CO). Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 141 III 262 consid. 3).

2.1.5 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Ce principe permet de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes, qui sont déterminantes. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire. S'agissant de la nullité du loyer initial, l'abus de droit peut entrer en considération lorsque la partie a eu conscience d'emblée du vice de forme et qu'elle s'est abstenue intentionnellement de le faire valoir sur-le-champ afin d'en tirer avantage par la suite. Le fait de payer sans discuter pendant une vingtaine de mois un loyer surévalué par rapport aux critères contenus aux art. 269 ss CO et de s'inquiéter de cette situation à l'occasion d'un avis d'augmentation ne saurait, à lui seul, faire admettre que le locataire commet un abus de droit en arguant de la nullité du loyer initial. En revanche, le locataire qui soulève un tel vice de forme pour s'opposer à la résiliation immédiate du contrat et à son expulsion commet un abus de droit; admettre la nullité dans une procédure d'expulsion aurait pour effet de légitimer l'usage des locaux à titre gratuit et de priver le bailleur des droits découlant de l'art. 257d CO, ce qui détournerait le contrat de bail de son but (arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2011 du 28 avril 2011 consid. 2.3).

Le Tribunal fédéral a retenu que le sous-locataire ne pouvait pas se prévaloir de l'absence d'accord entre les parties sur le montant du loyer pour se maintenir dans les locaux sans rien payer. L'indication d'un arriéré trop élevé dans l'avis comminatoire n'entraîne en particulier pas nécessairement l'inefficacité de cet avis; le locataire qui constate une erreur doit la signaler au bailleur, à défaut de quoi il ne mérite pas d'être protégé. Il en va de même de celui qui ne prend pas de mesures pour régler le montant qu'il estime exact. Dans l'hypothèse où aucun accord sur le montant du sous-loyer ne serait intervenu et donc, aucun contrat n'aurait été conclu entre les parties, le sous-locataire, occupant les locaux litigieux sans contrepartie, ne mérite pas davantage protection (arrêt du Tribunal fédéral 4A_550/2020 du 29 avril 2021 consid. 7.2).

2.2 En l'espèce, il ressort du dossier que les parties étaient convenues que le loyer serait payé en espèces, par l'entremise d'un tiers, représentant la sous-bailleresse. L'appelant allègue, sans être contredit sur ce point précis, avoir requis la délivrance de quittances de la part de l'intimée, ce que celle-ci a toujours refusé de faire.

L'appelant soutient avoir payé le montant de 23'000 fr. correspondant aux loyers d'octobre 2020 à juin 2022, ce que conteste l'intimée.

Le fait que l'appelant ne puisse pas fournir de quittance à l'appui de cette allégation n'est pas déterminant. En effet, l'intimée ne conteste pas que le loyer a été régulièrement versé jusqu'en octobre 2020 et ne prétend pas avoir établi de quittances pour les montants touchés pendant cette période.

Les allégations de l'appelant selon lesquelles il a, entre octobre 2020 et juin 2022, versé le loyer en espèces, sans quittance, comme il l'a fait entre février 2017 et septembre 2020, ne sont pas dénuées de crédibilité.

En particulier, si tel n'avait pas été le cas, l'on comprend mal pour quel motif l'intimée aurait attendu pendant 20 mois avant de lui adresser un rappel. Celle-ci n'a fourni aucune explication permettant de justifier ce retard.

Le fait que l'intimée n'a pas donné suite à la demande de l'appelant de lui communiquer un numéro de compte bancaire sur lequel il pourrait verser le loyer accrédite également la thèse de l'appelant, selon laquelle l'intimée entendait toucher le sous-loyer mais ne souhaitait pas conserver de trace écrite de l'existence des paiements.

En raison de ce modus operandi, le total exact des montants payés et, cas échéant, de ceux impayés, n'a pas pu être établi par pièces, alors même que, dans le cadre d'une procédure pour cas clair, les preuves doivent être rapportées par la production de titres. Le fait que l'appelant n'a pas à ce stade indiqué le nom des témoins qu'il souhaitait faire entendre n'est pas décisif dans la mesure où l'audition de témoins est en principe exclue dans le cadre d'une procédure sommaire.

Il en résulte que l'intimée n'a pas apporté la preuve, qui lui incombait, que les montant réclamés dans sa mise en demeure étaient effectivement dus et qu'ils n'avaient pas été acquittés dans le délai imparti, alors que ces faits étaient contestés par l'appelant.

Conformément à la jurisprudence précitée, l'on ne saurait faire supporter à l'appelant cette absence de preuve.

C'est le lieu de relever que plusieurs éléments permettent de retenir que l'état de fait présenté par l'intimée n'est ni clair ni complet. Il existe en particulier de nombreuses incertitudes relatives à la validité du contrat de sous-location conclu par les parties, notamment en ce qui concerne le montant du loyer.

Il est inhabituel de conclure un contrat de sous-location de manière orale et d'encaisser des montants de loyer sans délivrance d'un justificatif correspondant.

L'on comprend de plus mal pour quel motif l'intimée a chargé, pendant de nombreuses années, un tiers de s'occuper de la sous-location de son appartement et d'encaisser pour son compte des montants en espèces. Les explications de l'intimée, selon lesquelles il ne devait s'agir que d'une solution temporaire de quelques mois pour que l'appelant puisse se reloger suite à son divorce, ne sont étayées par aucun élément concret. Elles sont de plus contredites par les pièces du dossier desquelles il ressort que la sous-location a duré au minimum cinq ans.

Le but poursuivi par l'intimée dans le cadre de cette sous-location est également peu clair. L'appelant affirme que cet appartement est sous-loué depuis au moins 2013. L'intimée s'est pour sa part limitée à indiquer qu'elle avait résidé plusieurs années à l'étranger, mais n'a pas fait état de sa volonté de réintégrer ledit appartement.

Le montant du sous-loyer, lequel correspond, selon les indications de l'appelant non contestées par l'intimé, au montant du loyer, majoré de 90% est probablement abusif.

A cela s'ajoute que l'absence d'utilisation de la formule officielle au moment de la conclusion du contrat rend en principe celui-ci nul en ce qui concerne le montant du loyer.

Le Tribunal a considéré que l'appelant abusait manifestement de son droit en se prévalant de cette nullité qu'il n'avait soulevée que postérieurement à la mise en demeure et "même au congé". Cette appréciation ne saurait être entérinée, dans la mesure où l'on ignore à quelle date exactement l'appelant a eu connaissance des informations nécessaires à la défense de ses droits. De plus, la nullité du loyer a été relevée par l'appelant dans son courrier du 13 juillet 2022, soit avant le congé signifié le 6 septembre 2022, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.

Une instruction plus approfondie que celle qu'il est possible de faire dans le cadre d'une procédure sommaire est nécessaire pour déterminer les conséquences des vices précités, à savoir le probable caractère abusif du montant du sous-loyer et la question de savoir si l'appelant a invoqué de manière abusive la nullité de celui-ci résultant de l'absence de formule officielle.

Il ressort de ce qui précède que l'on ne saurait considérer en l'état que la résiliation pour défaut de paiement du loyer signifiée par l'intimée le 6 septembre 2022 est clairement valable, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.

3. Il reste à examiner la validité de la résiliation signifiée par l'intimée le 28 mars 2022.

L'appelant fait valoir à cet égard que celle-ci est contestée et fait l'objet d'une procédure pendante, étant précisé que l'inefficacité d'une résiliation extraordinaire peut être invoquée en tout temps. Il n'était pas établi qu'il était responsable des prétendues dégradations causées à l'appartement et ce point devait faire l'objet de mesures d'instruction.

3.1 Selon l'art. 257f al. 3 CO, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat lorsque les cinq conditions suivantes sont cumulativement remplies: (1) une violation du devoir de diligence incombant au locataire, (2) un avertissement écrit préalable du bailleur, (3) la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, (4) le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, (5) le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêt du Tribunal fédéral 4A_521/2021 du 3 janvier 2023 consid. 3.2.1).  

L'avertissement écrit du bailleur doit indiquer précisément quelle violation il reproche au locataire, afin que celui-ci puisse rectifier son comportement. Seules des circonstances exceptionnelles justifient de priver le locataire d'une telle possibilité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_162/2014 du 26 août 2014 consid. 2.2; 4A_456/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.2).

La persistance du locataire à ne pas respecter ses devoirs exige que les perturbations se poursuivent malgré la mise en demeure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2017 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.2).

Comme la résiliation doit respecter les principes de la proportionnalité et de la subsidiarité, il faut que le maintien du bail soit insupportable pour le bailleur. Cette question doit être résolue à la lumière de toutes les circonstances de l'espèce, antérieures à la résiliation du bail. Elle relève du pouvoir d'appréciation du juge (art. 4 CC) qui doit prendre en en considération tous les éléments concrets du cas (ATF 136 III 65 consid. 2.5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_655/2017 du 22 février 2018 consid. 3).

Lorsque les conditions de l'art. 257f al. 3 CO ne sont pas remplies, la résiliation anticipée est inefficace, sans conversion possible en une résiliation ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_173/2012 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.1).

Le congé inefficace étant sans effet, le vice peut être constaté en tout temps (Wessner, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 47 ad art. 257f CO).

3.2 En l'espèce, l'appelant a contesté judiciairement la résiliation du 28 mars 2022 notifiée par l'intimée en raison des dégâts causés selon elle à l'appartement, mais la procédure a pris fin en raison du fait qu'il ne s'est pas présenté à l'audience de conciliation.

Ce qui précède n'empêche cependant pas l'appelant de remettre en cause la validité de la résiliation dans le cadre de la présente procédure, puisqu'une résiliation inefficace peut être contestée en tout temps.

Sur la base des éléments figurant au dossier, l'on ne saurait considérer que la résiliation signifiée le 28 mars 2022 est clairement fondée.

En effet, l'appelant a toujours contesté être responsable des dégâts relevés par l'intimée et il n'est pas établi que ces affirmations sont inexactes. Le délai d'une semaine imparti par l'intimée pour remettre l'appartement en l'état paraît excessivement bref, au vu de l'ampleur des dégâts et des frais de remises en état allégués par l'intimée, comme l'appelant l'a relevé dans sa réponse à la mise en demeure. Enfin, il n'est pas établi que la situation dont se plaint l'intimée rende la poursuite du bail insupportable pour elle au point de justifier une résiliation extraordinaire. Cette question, qui implique la prise en compte de toutes les circonstances du cas d'espèce, ne peut être tranchée qu'à l'issue d'une procédure ordinaire. Celle-ci est d'ailleurs pendante, et il convient d'attendre son issue.

Il résulte de ce qui précède que le jugement querellé sera annulé. La requête en évacuation déposée par l'intimée sera déclarée irrecevable.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel et le recours interjetés le 11 avril 2023 par A______ contre le jugement JTBL/221/2023 rendu le 27 mars 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/870/2023-23-SE.

Au fond :

Annule ce jugement.

Déclare irrecevable la requête en évacuation formée par B______ contre A______ le 12 janvier 2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.