Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/13817/2021

ACJC/1142/2022 du 05.09.2022 sur JTBL/814/2021 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CO.264
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13817/2021 ACJC/1142/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 5 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

 

A______ SA, sise ______, appelante d’un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 16 septembre 2021, comparant par Me Andreas FABJAN, avocat, rue Ferdinand-Hodler 13, 1207 Genève, en l’Étude duquel elle fait élection de domicile.

 

Et

 

1) B______ SA, sise ______, et Monsieur C______, domicilié ______, intimés, comparant tous deux par Me Alexis ROCHAT, avocat, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile.

 

.


EN FAIT

A.    a. Par jugement JTBL/814/2021 du 16 septembre 2021, reçu le 6 octobre 2021 par A______ SA, le Tribunal des baux et loyers a déclaré irrecevable la demande en paiement intentée par A______ SA (ci-après : la bailleresse) le 16 juillet 2021 à l’encontre de B______ SA et C______ (ci-après : les locataires) (ch. 1), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

 

Le Tribunal a notamment retenu que, s’agissant la volonté des locataires de restituer les locaux de manière anticipée par courrier du 27 octobre 2020 pour le 31 décembre 2020, les parties divergeraient sur la date à partir de laquelle la bailleresse était en possession des documents lui permettant d’apprécier la solvabilité du candidat de remplacement. Les locataires affirment qu’il s’agissait du 11 janvier 2021, alors que la bailleresse soutient qu’il s’agissait du 29 avril 2021. L’état de fait n’était dès lors pas clair.

b. Par acte expédié à la Cour de justice le 18 octobre 2021, la bailleresse a fait appel de ce jugement et sollicite son annulation. Elle conclut à la forme à ce que sa demande en paiement du 16 juillet 2021 soit déclarée recevable, et au fond, principalement, à ce que les locataires soient condamnés à payer, conjointement et solidairement, le montant de 29'447.90 fr. avec intérêts de 5% dès le 1er avril 2021, et au prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer, poursuites No 1______ et No 2______.

La bailleresse fait valoir que le Tribunal avait erré en retenant que l’état de fait n’était pas clair. Le Tribunal avait omis de retenir certains faits, concernant notamment la date à laquelle elle a reçu l’extrait du registre des poursuites de la société D______ SARL, soit les documents lui permettant d’apprécier la solvabilité du repreneur présenté par les locataires.

c. Les locataires ont répondu à l’appel en date du 1er novembre 2021.

Ils concluent à la confirmation du jugement attaqué.

Ils soutiennent que certains faits demeurent contestés, soit notamment la date à partir de laquelle ils ont communiqué à la bailleresse les documents permettant d’apprécier la solvabilité du repreneur proposé, raison pour laquelle le cas clair ne saurait être retenu.

d. La bailleresse a répliqué par acte expédié le 12 novembre 2021, en indiquant que les nouvelles allégations contenues dans le mémoire réponse des locataires du 1er novembre 2021 devaient être déclarées irrecevables, car elles auraient pu être formulées par-devant le Tribunal. Pour le surplus, elle a persisté dans ses conclusions.

e. Par acte expédié le 29 novembre 2021, les locataires ont dupliqué.

Vu l’application de la procédure sommaire en première instance, ceux-ci n’avaient pas pu s’exprimer par écrit. Les faits allégués avaient déjà été relevés lors de l’audience du 16 septembre 2021.

f. La bailleresse a alors spontanément formulé des observations au sujet de l’acte de duplique des locataires en date du 6 décembre 2021. Les locataires ont alors également déposé des observations sur l’écriture précitée, en date du 20 décembre 2021.

g. La cause a été gardée à juger le 22 décembre 2021


B.
Les faits pertinents de la cause sont les suivants :

a. A______ SA en tant que bailleresse, d’une part, et B______ SA et C______, en tant que locataires, d’autres part, ont été liés par un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un bureau d'environ 200 m2 situé au 2ème étage de l'immeuble sis 3______, à Genève.

b. Le contrat de bail précité renvoie aux conditions générales et Règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève qui en font partie intégrante.

c. Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 4'811 fr. par mois.

d. Par courrier du 27 octobre 2020, les locataires ont résilié le bail pour le 31 décembre 2020.

e. Par courrier du 3 novembre 2020, E______ (ci-après : la régie) a accusé réception de la résiliation tout en informant les locataires qu'en l'état, et sous réserve de relocation dans l’intervalle, ils étaient tenus responsables de leurs engagements contractuels jusqu'au 31 décembre 2022, date de la prochaine échéance contractuelle.

f. Le 14 décembre 2020, les locataires ont transmis le dossier de candidats repreneurs, à savoir la société D______ SARL et F______ et G______.

g. Le 18 décembre 2020, la bailleresse a demandé un complément de dossier.

h. Le dossier a été complété en date du 11 janvier 2021.

i. Par courrier du 26 février 2021, la bailleresse a informé les locataires du refus du dossier de candidature de la société D______ SARL et de F______ et G______ dès lors que ceux-ci n'étaient pas disposés à reprendre le bail aux mêmes conditions. Les locataires demeuraient donc responsables de leurs engagements contractuels jusqu'au 31 décembre 2022, sauf relocation entre-temps.

j. Par courriel du 1er mars 2021 adressé à la régie, les candidats repreneurs, faisant suite à un entretien téléphonique avec celle-ci, ont récapitulé les nouveaux éléments à prendre en considération pour leur dossier. Ils renonçaient à la gratuité du loyer initialement sollicitée, donnaient des informations sur leur situation financière et demandaient quels travaux de rafraîchissement seraient pris en charge par le propriétaire. Ils précisaient être disponibles pour reprendre le bail "dès que nécessaire".

k. Par courrier du 16 mars 2021, les locataires ont sollicité leur libération au 31 décembre 2020 car la détermination de la bailleresse au sujet du candidat de remplacement était tardive, dans la mesure où il lui avait fallu plus de trois mois pour refuser le candidat proposé qui, au demeurant, remplissait les conditions prévues par la loi.

l. Par courrier du 1er avril 2021, la bailleresse a répondu que le candidat présenté pour la reprise du bail n'était pas disposé à reprendre les locaux aux mêmes conditions puisqu'il avait subordonné la reprise des locaux à la réalisation de travaux et à une gratuité de loyer durant lesdits travaux. Partant, cette candidature n'avait pas pu être retenue, de sorte que les locataires restaient redevables des loyers jusqu'à la prochaine échéance contractuelle, sauf relocation dans l'intervalle. La bailleresse a par ailleurs confirmé que le dossier avait bien été complété le 11 janvier 2021.

m. Le 20 mai 2021, la bailleresse a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite No 1______, pour un montant de 19'244 fr. correspondant aux loyers et provisions pour charges du 1er janvier au 30 avril 2021, auquel cette dernière a fait opposition.

n. Le 7 mai 2021, la bailleresse a fait notifier à C______ un commandement de payer, poursuite No 2______, pour le même montant, auquel ce dernier a également fait opposition.

o. Par courrier du 28 mai 2021, les locataires ont réfuté les arguments avancés par la bailleresse dans son courrier du 1er avril 2021, relevant que s'il était vrai qu'initialement les candidats de remplacement avaient subordonné la reprise des locaux à une gratuité de loyer durant les travaux de remise en état, ces derniers avaient informé la régie, par courriel du 1er mars 2021, qu'ils renonçaient à la gratuité initialement demandée. Aussi, depuis cette date, les candidats de remplacement étaient prêts à reprendre les locaux aux mêmes conditions.

p. Par courrier du 1er juin 2021, la bailleresse, faisant référence à la réception, le 29 avril 2021, de documents actualisés de la société D______ SARL, a libéré les locataires de leurs obligations contractuelles pour le 31 juillet 2021, étant précisé qu'il ne serait pas donné de suite favorable à la candidature de D______ SARL.

q. Par requête déposée le 16 juillet 2021, la bailleresse a conclu, par la voie du cas clair, à ce que le Tribunal condamne B______ SA et C______ à payer 29'477.90 fr. à titre de loyers et provisions pour charges pour la période courant du 1er janvier au 31 juillet 2021 et prononce la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer No 1______ et No 2______.

r. Lors de l'audience du 16 septembre 2021, la bailleresse a persisté dans ses conclusions.

Les locataires, pour leur part, ont conclu à l'irrecevabilité de la demande faute de remplir les conditions du cas clair. Les locaux avaient été reloués dès le 1er août 2021 à D______ SARL, dont le dossier avait été soumis à la bailleresse le 14 décembre 2020. S'il est vrai que cette dernière avait dans un premier temps demandé la gratuité des loyers pendant les travaux, elle y avait finalement renoncé le 26 février 2021, ainsi qu'il ressortait d'un courriel du 1er mars 2021 que les locataires ont produit à l'audience.

La bailleresse a déclaré avoir reçu l'extrait des poursuites de D______ SARL en date du 29 avril 2021, moment auquel elle a pu apprécier la solvabilité de la candidate de remplacement. Compte tenu du délai de résiliation de trois mois prévu par le contrat, les locataires avaient été libérés de leurs obligations contractuelles en date du 31 juillet 2021.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.              1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin in Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, par-devant le Tribunal, l’appelante a conclu à la condamnation des intimés au paiement de la somme de 29'477.90 fr.

La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Lorsque la décision de première instance a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction du recours est de dix jours (art. 321 al. 2 CPC). La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

1.4 En l’espèce, l’acte d’appel du 18 octobre 2021 a été déposé dans le délai et la forme prévus par la loi, de sorte qu’il est recevable.

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit ; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.6 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens des art. 29 ss Cst., le droit d'être entendu garantit notamment le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non des nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre.

La dénomination "droit à la réplique" ou "droit de répliquer" doit être comprise largement. Elle vise le droit conféré à la partie de se déterminer sur "toute prise de position" versée au dossier, quelle que soit sa dénomination procédurale (réponse, réplique, prise de position, etc.); même si le juge a renoncé à ordonner un nouvel échange d'écritures, il doit néanmoins transmettre cette prise de position aux autres parties (arrêts du Tribunal fédéral 5A_535/2012 du 6 décembre 2012 consid. 2.3; 8C_104/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.1). Il appartient au tribunal de garantir dans tous les cas que le droit de répliquer puisse être effectivement exercé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_142/2012 du 18 décembre 2012 consid. 2.4).

En effet, selon la jurisprudence, les parties possèdent un droit de réplique inconditionnel fonde sur l’art. 29 al. 1 et 2 Cst. et sur l’art. 6 CEDH, c’est-a-dire un droit inconditionnel de se déterminer sur tous les actes déposés par la partie adverse, si elles le désirent (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157, 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197, 133 I 100 consid. 4.3 - 4.7 p. 102 ss). Les parties possèdent ainsi un droit constitutionnel de se déterminer sur tous les actes de procédure, indépendamment du fait que ces actes contiennent des allégations nouvelles ou essentielles : c’est l’affaire des parties de décider si elles estiment nécessaire de déposer des observations ou non.

Le droit de réplique inconditionnel est, en principe, réputé observe lorsque les actes sont adressés aux parties pour information (prise de connaissance, orientation). Par cet envoi, elles obtiennent la possibilité de déposer d’éventuelles observations, ce qu’elles doivent toutefois faire immédiatement. Si elles ne le font pas, on considère qu’elles y renoncent (ATF 138 III 252 consid. 2.2, 133 I 98 consid. 2.2; voir aussi l'arret Joos contre Suisse du 15.11.2012 par. 30-32).

1.7 En l’espèce, les écritures spontanées des intimés et les déterminations subséquentes des parties ont été déposées dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi. En particulier, la détermination spontanée de l’appelante du 6 décembre 2021 a été adressée à la Cour dans les dix jours suivants la communication de la duplique des intimés, et la détermination spontanée des intimés du 20 décembre 2021 a été adressée à la Cour dans les dix jours suivants la communication de le l’écriture précitée de l’appelante (ACJC/90/2017, consid. 1.3; ATF 139 I 189 consid. 3.2 138 I 484 consid. 2 p; 138 I 154 consid. 2.3.3; arrêt du Tribunal fédéral 4D_79/2014 du 23 janvier 2015 consid 2).

Elles sont dès lors recevables.

1.8 Selon l'article 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve la diligence requise.

Aux termes de l’art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu’aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a); et ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

En l’espèce, la réponse à l’appel ne contient pas de nouvelles allégations de fait mais des déterminations sur les pièces déjà produites et sur les allégations de l’appelante, lesquelles sont recevables. L’appelante n’indique d’ailleurs pas précisément quels sont les faits qu’elle estime nouveaux, étant relevé que, contrairement à ce qu’elle soutient, les intimés ont allégué des faits devant le Tribunal.

2. L’appelante se plaint d’une violation de l’art. 257 CPC, car selon elle les conditions d’application de la procédure de protection dans les cas clairs seraient remplies, et d’une constatation inexacte des faits par les premiers juges, en ce sens que ces derniers auraient erré en retenant que l’état de fait n’était pas clair.

2.1. Aux termes de l'art. 257 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

En second lieu, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1;
141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).

2.2 A teneur de l'art. 264 CO, lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions (al. 1). A défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal (al. 2). Le bailleur doit admettre l'imputation sur le loyer de la valeur des impenses qu'il a pu épargner ainsi que des profits qu'il a retirés d'un autre usage de la chose ou auxquels il a intentionnellement renoncé (al. 3).

S’il est accepté, le candidat prend, dans le rapport du bail, la place du locataire sortant. Celui-ci est libéré de ses obligations (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 815).

Si le bailleur refuse un locataire objectivement acceptable, solvable et disposé à conclure aux mêmes conditions, le bailleur doit libérer le locataire sortant de ses obligations, dès la date à laquelle le candidat rejeté aurait été disposé à reprendre le contrat. La solution est la même si le bailleur refuse sans motif valable le candidat (Lachat/Grobet Thorens, Le bail à loyer, 2019, p. 813, ch. 5.4.1 et 5.4.2).

Le fait que le candidat ne soit pas disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions (art. 264 al. 1 CO) ne signifie pas encore que le locataire sortant ne pourra être libéré de ses obligations envers le bailleur. Le candidat proposé et le bailleur ont en effet également la possibilité de s'entendre sur la conclusion d'un nouveau contrat, prévoyant des conditions différentes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_504/2009 du 6 janvier 2010 consid. 2.4 et références citées).

La solvabilité au sens de l'art. 264 al. 1 CO est une notion juridique qui doit être interprétée en fonction du cadre légal dans lequel elle s'insère (arrêt 4C_444/1996 du 18 juin 1997 consid. 2b, traduit in MRA 1997 p. 209; Cpra Bail-Bise/Planas, 2e éd., 2017, No 43 ad art. 264 CO). La jurisprudence s'est refusée à accorder une importance démesurée à la proportion existant entre le montant du loyer et les revenus du locataire de remplacement et à fixer une limite rigide au-delà de laquelle un propriétaire ne saurait être tenu d'accepter un locataire de remplacement. Elle a insisté sur la nécessité de tenir compte du cas concret, en concédant que le bailleur ne doit pas se laisser imposer un locataire de remplacement dont la solvabilité n'est en rien comparable avec celle du locataire actuel (ATF 119 II 36 consid. 3d p. 39 s.).

Le bailleur doit recevoir tous les renseignements utiles sur le candidat et disposer ensuite d'un délai de réflexion suffisant. S'il ne satisfait pas aux exigences minimales en la matière, le locataire ne respecte pas son incombance, de sorte que son offre sera tenue pour insuffisante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_373/2008 du 11 novembre 2008 consid. 3.1 et les auteurs cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_332/2016 du 20 septembre 2016 consid. 3.2.3 et 3.2.4).

Il incombe au bailleur de prouver l'existence d'un juste motif de refus (ACJC/557/2010 du 17 mai 2010; ACJC/52/2017 du 16 janvier 2017).

En vertu de l'art. 28 des Conditions générales et Règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève, lorsque le locataire restitue la chose sans observer le délai ou terme du congé, il doit aviser le bailleur par écrit en indiquant la date de restitution de la chose et il doit présenter au moins un locataire solvable et qui soit disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions à la date de restitution de la chose indiquée par le locataire. Dans un tel cas, le locataire doit respecter au minimum un préavis de trois mois pour la fin d'un mois et faire remettre au bailleur, dans les trente jours, un dossier complet relatif au repreneur. Ce préavis ne court pas avant que le bailleur soit en possession de la candidature du repreneur et des documents permettant d'apprécier sa solvabilité. Si le bailleur a des objections fondées contre le candidat, il doit dans un délai de soixante jours dès réception du dossier relatif au repreneur indiquer au locataire les motifs de son refus.

2.3 En l’espèce, l’appelante soutient que l’état de fait serait clair car il ressort de l’extrait du registre des poursuites de D______ SARL, produit par l’appelante lors de l’audience du 16 septembre 2021, qu’elle l’aurait reçu en date du 29 avril 2021, raison pour laquelle elle n’était pas en mesure d’apprécier la solvabilité de la société précitée auparavant.

Les intimés quant à eux font valoir que l’appelante disposait de tous les documents nécessaires en date du 11 janvier 2021, ainsi qu’il ressort du courrier de l’appelante du 1er avril 2021, lequel indique que le dossier a été complété à cette date.

Ainsi, les parties divergent sur la date à partir de laquelle l’appelante était en possession des documents lui permettant d’apprécier la solvabilité du repreneur présenté.

Comme l’a relevé à juste titre le Tribunal, les pièces produites ne permettent pas d’établir à quelle date exactement l’appelante était en possession de tous les documents nécessaires à prouver la solvabilité du repreneur proposé. L’on ignore en particulier quelles informations lui ont été fournies le 11 janvier 2021 au titre de complément du dossier.

A cela s’ajoute que les pièces produites ne permettent pas non plus d’établir avec certitude à partir de quelle date les locataires proposés par les intimés ont accepté de reprendre le bail aux mêmes conditions que les intimés.

Leur courriel du 1er mars 2021 sur ce point n’est pas clair car certaines incertitudes demeuraient vraisemblablement encore à cette date, concernant en particulier la prise en charge de certains travaux par la bailleresse.

L’état de fait n’est donc pas clair, de même que la situation juridique. Le Tribunal a dès lors retenu à juste titre que la cause nécessitait une instruction plus complète.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

3. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 18 octobre 2021 par A______ SA contre le jugement JTBL/814/2021 du 16 septembre 2021 rendu par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13817/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.


Siégeant
:

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Elodie SKOULIKAS et Monsieur
Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le Président :

Laurent RIEBEN

 

La Greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours : 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
15'000 fr.