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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/6422/2020

ACJC/981/2022 du 04.08.2022 sur JTBL/36/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.52; CC.13; CPC.67.al1; CC.19.al1.leta; CPC.152.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6422/2020 ACJC/981/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du JEUDI 4 AOÛT 2022

 

Entre

SOCIETE COOPERATIVE A______, c/o M. B______, ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 21 janvier 2022, comparant par Me Nicolas DAUDIN, avocat, place Claparède 7, case postale 360, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié c/o Mme D______, ______ [GE], intimé, représenté par M. E______, mandataire pour cause d'inaptitude, comparant par Me Olivier ADLER, avocat, quai Gustave-Ador 26, case postale 6253, 1211 Genève 6, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/36/2022 du 21 janvier 2022, le Tribunal des baux et loyers, statuant sur incident, a dit que la demande déposée le 1er octobre 2020 au nom de C______ était recevable (ch. 1 du dispositif), a réservé la suite de la procédure (ch. 2) a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, le Tribunal a considéré que le précité avait confié la défense de ses intérêts à son assurance de protection juridique afin de s'opposer au refus du transfert de bail, le 18 mars 2020, puis aux résiliations de bail le 6 mai 2020. Ces actes étaient antérieurs au signalement de la diminution des capacités de l'intéressé au Tribunal de protection et de l'adulte (TPAE) le 16 juillet 2020 ainsi qu'à l'établissement du rapport "Consultation mémoire" le 4 juin 2020. Il était vraisemblable que les capacités intellectuelles de C______ s'étaient dégradées progressivement et qu'elles étaient diminuées à la période concernée. Tel n'était toutefois pas le cas de sa volonté de transférer le bail et de contester les congés. La bailleresse admettait implicitement la capacité de discernement du précité au moment des résiliations le 7 avril 2020 dans la mesure où un congé n'était valable que pour autant que les deux parties au contrat disposent de la capacité de discernement. La bailleresse n'avait dès lors pas établi l'incapacité de discernement, de sorte que les trois requêtes portées par l'intéressé au Tribunal le 1er octobre 2020, jointes sous la présente procédure C/6422/2020, étaient recevables.

B. a. Par acte déposé le 24 février 2022 à la Cour de justice, A______ SOCIETE COOPERATIVE [ci-après : A______] a formé appel contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour ordonne préalablement la production de plusieurs pièces, et, au fond, à ce que les requêtes introduites par C______ en conciliation le 19 mars 2020 puis portées devant le Tribunal le 1er octobre 2020 dans les causes C/6422/2020, C/1______/2020 et C/2______/2020 soient déclarées irrecevables.

Elle a fait grief au Tribunal d'avoir retenu que l'intéressé était capable de discernement lors de l'introduction des demandes. Elle s'est également plainte pour la première fois de ce que C______ avait introduit les trois requêtes au Tribunal dans un seul acte.

b. Dans sa réponse du 28 mars 2022, C______ a conclu, principalement, à la confirmation du jugement entrepris, et, subsidiairement, dans l'hypothèse où ledit jugement serait annulé, à ce que la Cour constate la nullité des congés notifiés le 7 avril 2020 et renvoie la cause au Tribunal pour statuer sur la constatation du transfert de bail.

c. Par réplique du 19 avril 2022, A______ a persisté dans ses conclusions et a conclu à l'irrecevabilité des conclusions subsidiaires prises par C______.

d. Par duplique du 10 mai 2022, C______ a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 7 juin 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

  a. Par contrat du 22 décembre 1998, A______ a remis à bail à C______ un hôtel comprenant deux étages, de 837 m2, sis 3______, à Genève.

Conclu pour une durée de dix ans, le contrat a débuté le 12 mai 1988. Il s'est, depuis le 1er mai 2009, renouvelé de cinq ans et cinq ans, le préavis de résiliation étant de six mois.

Le loyer, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 9'948 fr. 75 par mois.

b. Le 14 mai 2019, C______ a établi, devant notaire, un mandat pour cause d'inaptitude et désigné en qualité de mandataire son fils, F______, ou à défaut son fils E______.

c. Par courrier du 29 août 2019, C______ a sollicité le transfert du bail à G______ SARL, constituée en septembre 2013.

Par pli du 5 décembre 2019, la bailleresse s'est opposée au transfert. Elle a mis en outre en demeure le locataire de récupérer personnellement les locaux concernés et de se conformer à la destination de ceux-ci telle qu'indiquée dans le contrat de bail.

d. Le 6 mars 2020, C______ a signé une procuration en faveur de [la compagnie d'assurances] H______.

e. Le 18 mars 2020, C______, par l'entremise de H______, a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en autorisation de transfert de bail (cause C/6422/2020).

f. Par avis séparés du 7 avril 2020, A______ a procédé à la résiliation extraordinaire du bail pour le 31 mai 2020, respectivement à la résiliation ordinaire pour le 30 avril 2024.

g. Le locataire, représenté par H______, a contesté ces résiliations par requêtes du 6 mai 2020 (causes C/8097/2020 pour la contestation de congé ordinaire et C/2______/2020 pour la contestation de congé extraordinaire).

h. Le 16 juillet 2020, E______, ainsi que I______, ont signalé au TPAE le comportement de C______ et ont produit un document intitulé "Consultation mémoire" établi le 4 juin 2020 par le Professeur J______, ______ [fonction au sein] du centre de la mémoire, ainsi que K______ et L______, neuropsychologues.

i. Les trois requêtes susmentionnées ont été déclarées non conciliées à l'audience de conciliation du 2 septembre 2020 et portées, par un seul acte de demande – rédigé par H______ –, par-devant le Tribunal le 30 septembre 2020.

j. Le TPAE a tenu une audience le 1er octobre 2020, lors de laquelle C______ a confirmé avoir établi le mandat pour cause d'inaptitude. Ses enfants ont confirmé leur accord d'exercer les fonctions de mandataire. A l'issue de cette audience, le TPAE a sollicité l'établissement d'un rapport médical complémentaire auprès du Professeur J______ afin de déterminer l'étendue de l'incapacité de la personne concernée.

k. Dans sa réponse du 23 novembre 2020, la bailleresse a conclu à ce que le Tribunal constate la validité du refus de la demande de transfert de bail et à la validation des congés.

l. Le 24 février 2021, le Tribunal a reçu l'attestation médicale du Centre de la mémoire du Département de réadaptation et gériatrie daté du 11 décembre 2020, dont il résulte que le concerné, suivi par le Professeur J______, n'était pas en mesure de gérer ses affaires administratives et financières, ni de suivre un traitement médical. Il était en mesure d'assumer son hygiène personnelle mais pas la préparation des repas. Il était en mesure de comprendre des mesures d'ordre médical très simples et de prendre des décisions conformément à ses intérêts pour des questions très simples et basiques. Il pourrait être amené à s'engager de manière excessive. Son incapacité était durable sans chance d'amélioration. Un bilan neuropsychologique complet avait été effectué et que le résultat du test MMSE était de 22 sur 30.

m. Par ordonnance du 25 mars 2021, le TPAE a constaté la validité du mandat pour cause d'inaptitude constitué le 14 mai 2019 par C______, a pris acte de la désignation de son fils, F______, en qualité de mandataire pour cause d'inaptitude, a constaté que celui-ci disposait de pouvoirs généraux couvrant la représentation de C______ dans ses rapports juridiques avec les tiers, la gestion de son patrimoine, l'assistance personnelle et la représentation dans le domaine médical, mais pas du pouvoir de représenter C______ dans le cadre des transactions impliquant le transfert de ses parts sociales dans la société M______ SARL.

Par ordonnance du 22 avril 2021, le TPAE a pris acte de la désignation en qualité de mandataire de E______ en lieu et place de son frère, F______, les pouvoirs de ce dernier étant les mêmes que ceux fixés dans l'ordonnance du 25 mars 2021.

n. Par courrier du 10 août 2021, le conseil nouvellement constitué de C______ a informé le Tribunal de ce que celui-ci serait dorénavant représenté par son fils, E______.

o. A l'audience du 1er octobre 2021, le conseil de A______ a conclu à l'irrecevabilité des demandes de C______, pour cause d'incapacité de discernement de celui-ci lors du dépôt en conciliation et au fond.

Sur quoi le Tribunal a notamment ordonné la jonction des causes C/6422/2020, C/8097/2020 et C/6422/2020 sous cette dernière référence, et a fixé aux parties un délai au 1er décembre 2021 pour se prononcer sur la question de la recevabilité des requêtes.

p. Par déterminations du 30 novembre 2021, la bailleresse a conclu, préalablement, à la production du rapport intitulé "Consultation mémoire" du 4 juin 2020 ainsi que du certificat médical établi par le Centre de la mémoire du Département de réadaptation et de gériatrie le 11 décembre 2020, et, principalement, à ce que les trois demandes introduites par C______ et faisant l'objet de la présente procédure soient déclarées irrecevables. A l'appui de ses conclusions, elle a affirmé que le précité était d'ores et déjà incapable de discernement au moment du dépôt de ses trois requêtes en conciliation, l'incapacité de discernement se produisant progressivement.

q. Dans ses déterminations du 1er décembre 2021, C______ a conclu à la recevabilité des requêtes. Son conseil a relevé que pour le cas où une incapacité de discernement serait retenue, elle couvrirait également la réception des congés, qui seraient alors nuls. A titre subsidiaire, le Tribunal était requis d'impartir à E______ un délai pour ratifier les requêtes.

r. Par courrier du 8 décembre 2021, le conseil de C______ s'est opposé à la production des documents sollicités par la bailleresse.

s. Le 10 décembre 2021, A______ a persisté dans ses précédentes conclusions. Elle a notamment soutenu que les documents sollicités permettraient de dater le début de l'incapacité de discernement de l'intéressé.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance.

Selon l'art. 237 al. 1 CPC, une décision est de nature incidente, lorsque l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable. La décision incidente est sujette à un recours immédiat, respectivement un appel immédiat selon la valeur litigieuse en cause; elle ne peut être attaquée ultérieurement avec la décision finale (art. 237 al. 2 CPC).

En l'occurrence, le jugement entrepris est une décision incidente immédiatement attaquable, puisque le prononcé par la Cour d'une décision contraire aurait pour conséquence de mettre fin au procès entre l'appelante et l'intimé, contre laquelle la voie de l'appel est ouverte au vu de la valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr.

1.2 Interjeté dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (art. 157 CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3), sur les points que l'appelante estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5).

2. L'appelant sollicite de la Cour qu'il soit ordonné à C______ de produire le document intitulé "Consultation mémoire" du 4 juin 2020, l'attestation médicale du 11 décembre 2020 ainsi que tout autre document permettant de déterminer la date à laquelle il est devenu incapable de discernement.

2.1 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas à l'appelant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut en particulier rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire et d'administration d'un moyen de preuve déterminé présentée par l'appelant si celui-ci n'a pas suffisamment motivé sa critique de la constatation de fait retenue par la décision attaquée. Elle peut également refuser une mesure probatoire en procédant à une appréciation anticipée des preuves, lorsqu'elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne pourrait en aucun cas prévaloir sur les autres moyens de preuve déjà administrés par le tribunal de première instance, à savoir lorsqu'il ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1. et 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_228/2012 consid. 2.3 et 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 5.1.2).

2.2 En l'espèce, et comme cela sera examiné ci-après (consid. 4.4), l'appréciation des preuves faite par les premiers juges n'est pas critiquable. Par ailleurs, le Tribunal a considéré à bon droit que les documents dont la production est requise n'aurait pas permis de trancher autrement la question de la capacité antérieure au 11 décembre 2020. Comme cela sera examiné ci-après (consid. 4.4), le refus du Tribunal d'ordonner la production des documents n'est pas critiquable de sorte que le droit à la preuve n'a pas été violé.

En conclusion, il ne se justifie pas de donner suite aux mesures d'instruction sollicitées par l'appelante.

3. L'appelante conclut nouvellement à l'irrecevabilité des demandes objets de la présente procédure, motif pris de ce qu'elles auraient été introduites devant le Tribunal en un seul acte.

3.1
3.1.1 
Conformément à l'art. 317 al. 2 CPC, la prise de conclusions nouvelles en appel n'est admise que si les conditions fixées à l'art. 227 al. 1 CPC sont remplies et si ces conclusions reposent sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux. L'art. 227 al. 1 CPC autorise la modification de la demande si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et présente un lien de connexité avec la dernière prétention ou, à défaut d'un tel lien, si la partie adverse consent à la modification de la demande.

3.1.2 L'art. 52 CPC impose à quiconque participe à la procédure de se conformer aux règles de la bonne foi, principe qui contraint le plaideur à se prévaloir de ses moyens au moment prévu par la loi et sans tarder. Il est ainsi contraire au principe de la bonne foi d'invoquer après coup des moyens que l'on avait renoncé à faire valoir en temps utile en cours de procédure, parce que la décision intervenue a finalement été défavorable (cf. notamment : ATF 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_597/2007 du 17 avril 2008 consid. 2.3; Bohnet, Commentaire romand du Code de procédure civile, 2019, n. 28 ad art. 52 CPC). La bonne foi impose également de soulever l'exception d'incompétence préalablement à toute défense au fond (ATF 128 III 50 consid. 2c/aa et la référence).

L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas (ATF 138 III 425 consid. 5.2; 138 III 401 consid. 2.4.1; 129 III 493 consid. 5.1). Il faut se garder de retenir trop facilement l'existence d'un comportement abusif. Les parties sont en droit de se prévaloir des règles de procédure et d'exiger le respect des formes procédurales (Bohnet, op. cit., n. 25 ad art. 52 CPC).

3.2 En l'espèce, l'appelante soutient que le Tribunal aurait dû d'office examiner la recevabilité de la requête introduite par l'intimé. Devant les premiers juges, l'appelante a conclu à l'irrecevabilité de la demande en raison de l'incapacité de discernement de l'intimé. Elle ne s'est pas prévalue, dans ses diverses écritures, d'une supposée irrecevabilité de l'acte introduit au Tribunal comprenant les trois demandes. Cette conclusion est irrecevable devant la Cour. Par ailleurs, l'appelante se prévaut de ce grief de manière contraire à la bonne foi, dès lors qu'elle a eu connaissance, dès le début de la procédure, du fait précité.

4. L'appelante reproche au Tribunal une violation de son droit d'être entendue dès lors qu'il n'a pas donné suite à ses offres de preuve et a retenu que l'intimé était capable de discernement au moment de l'introduction des demandes en conciliation.

4.1
4.1.1 
Toute personne majeure et capable de discernement a l'exercice des droits civils (art. 13 CC). La capacité de discernement des adultes majeurs est présumée d'après l'expérience générale de la vie (art. 16 CC; ATF 134 II 235 consid. 4.3.3; 124 III 5 consid. 1b). Par conséquent, il appartient à celui qui prétend qu'elle fait défaut de le prouver. Cette preuve n'est soumise à aucune prescription particulière; un très haut degré de vraisemblance excluant tout doute sérieux suffit (art. 8 CC; ATF 117 II 231 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_421/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2).

Pour qu'une personne soit jugée incapable de discernement, il faut que deux conditions cumulatives soient remplies. Il faut premièrement qu'elle n'ait pas la faculté d'agir raisonnablement. Cette faculté comporte deux éléments : un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté. Il s'agit d'une notion relative : la faculté d'agir raisonnablement ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_421/2016 précité, ibidem).

Pour être jugé incapable de discernement, il faut deuxièmement que la faculté d'agir raisonnablement soit altérée par l'une des cinq causes énumérées par l'art. 16 CC que sont le jeune âge, la déficience mentale, les troubles psychiques, l'ivresse ou d'autres causes semblables à l'ivresse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_421/2016 précité ibidem).

Toute atteinte à la santé mentale ne permet pas de présumer l'incapacité de discernement. Il faut que cette atteinte crée une dégradation durable et importante des facultés de l'esprit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_16/2016 du 26 mai 2016 consid. 4.1.3; 5A_501/2013 du 13 janvier 2014 consid. 6.1.2 in fine). Ce n'est que lorsqu'une personne est atteinte de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit que l'incapacité de discernement est présumée et que celui qui se prévaut de la validité de l'acte litigieux doit établir, au stade de la vraisemblance prépondérante, que la personne concernée a accompli l'acte litigieux dans un moment de lucidité (ATF 124 III 5 consid. 1b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_859/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.1.2; 5A_795/2013 précité, ibidem).

4.1.2 L'exercice des droits civils confère la capacité d'ester en justice (art. 67 al. 1 CPC). La personne qui n'a pas l'exercice des droits civils agit par l'intermédiaire de son représentant légal (al. 2).

La capacité d'ester en justice est une notion de procédure, laquelle dépend du droit matériel puisqu'elle se réfère à la notion d'exercice des droits civils. Elle constitue une condition de recevabilité de la demande et, à ce titre, est examinée d'office par le juge (Jeandin, Commentaire romand du Code de procédure civile, 2019, n. 16 ad art. 67 CPC). Sous réserve des exceptions visées à l'art. 67 al. 3 CPC, voire d'une ratification ultérieure par le représentant légal, les actes procéduraux que le plaideur n'ayant pas l'exercice des droits civils accomplit sans son représentant légal sont dépourvus d'effet (cf. art. 18 CC; Jeandin, op. cit., n. 12 ad art. 67 CPC). La capacité d'exercer les droits civils fait en effet défaut à celui qui est incapable de discernement même s'il n'a pas été placé sous curatelle de portée générale (ATF 77 II 7 consid. 2).

Placé devant un cas relevant de l'irrecevabilité, on peut imaginer que le tribunal commence par impartir un délai au représentant légal pour ratifier les actes de l'incapable d'ester en justice (ATF 112 II 102, c.2), voire encore intervienne directement auprès de l'autorité compétente pour qu'elle en désigne un, charge à ce dernier de ratifier cas échéant (Jeandin, op. cit., n. 17 ad art. 67 CPC; Hohl, Procédure civile, vol. I n. 426).

4.1.3 A teneur de l'art. 19a al. 1 CC, sous réserve de dispositions légales contraires, le représentant légal peut consentir expressément ou tacitement à l'acte par avance ou le ratifier. L'autre partie est libérée si la ratification n'a pas lieu dans un délai convenable, qu'elle a fixé ou fait fixer par le juge (art. 19a al. 2 CC).

4.2 Selon l'art. 14 de la Loi sur le notariat (LNot – RS GE E 6 05), le nom, l'état, la demeure et la capacité civile des parties doivent être connus du notaire ou lui être attestés dans l'acte par deux témoins majeurs, ayant l'exercice de leurs droits civils et domiciliés en Suisse.

4.3 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC).

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.; il se déduit également de l'art. 8 CC et trouve une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_793/2020 du 24 février 2021 consid. 4.1). Il implique que toute personne a droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 144 II 427 consid. 3.1; 143 III 297 consid. 9.3.2). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 143 III 297 consid. 9.3.2; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 III 374 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2021 du 15 septembre 2021 consid. 4.2).

Le droit à la preuve ne régit pas l'appréciation des preuves (ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226), ni n'exclut l'appréciation anticipée des preuves (ATF
138 III 374 consid. 4.3.1 p. 376 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4D_3/2020 du 28 août 2020 consid. 4.1).

En cas d'appréciation anticipée des preuves, il doit au moins implicitement en ressortir les raisons pour lesquelles le tribunal dénie toute importance ou pertinence aux moyens de preuve qu'il n'administre pas. Le fait que le tribunal ne se prononce ni expressément, ni implicitement sur les réquisitions tendant à l'interrogatoire des parties et l'audition de témoins viole en effet le droit constitutionnel des parties à l'examen de leurs réquisitions et à une motivation (art. 29 al. 2 Cst.; ATF 114 II 289 consid. 2b, JdT 1989 I 84; arrêt du Tribunal fédéral 5A_304/2014 du 13 octobre 2014 consid. 3.3 ss).

L'appréciation des preuves par le premier juge ne peut être revue par la Cour que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un fait important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2;
136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_64/2021 du 8 décembre 2021 consid. 2.2).

4.4 Dans le présent cas, l'appelante soutient avoir établi l'incapacité de discernement de l'intimé lors de l'introduction de l'acte au Tribunal le 1er octobre 2020. Ce dernier était en effet incapable de discernement depuis le 11 décembre 2020 et il était vraisemblable que tel était déjà le cas au mois d'octobre 2020, dès lors qu'une incapacité de discernement ne survient pas "du jour au lendemain". Le précité avait par ailleurs été signalé au TPAE le 16 juillet 2020 et il était vraisemblable que son incapacité de discernement ait été antérieure à cette date. Le TPAE a retenu, dans son ordonnance du 25 mars 2021, que dite incapacité ressortait du certificat médical du Centre de la mémoire du 11 décembre 2020, sans toutefois considérer que cette incapacité aurait débuté antérieurement. Lors du signalement du 16 juillet 2020, et malgré la production d'un document intitulé "Consultation mémoire" du 4 juin 2020, le TPAE ne disposait manifestement pas des éléments nécessaires pour forger sa conviction, dès lors qu'il a ordonné l'établissement du certificat médical précité, le 1er octobre 2020.

Le refus du Tribunal d'ordonner la production des titres précités, en ce qu'ils ne sont pas propres à établir le fait allégué, n'est par conséquent pas critiquable et ni le droit à la preuve, ni le droit d'être entendu de l'appelante n'ont été violés.

Il sera pour le surplus souligné que l'intimé a été tenu pour capable de discernement lors de l'établissement du mandat pour cause d'inaptitude le 14 mai 2019, le notaire devant d'office examiner cette question avant la signature d'un acte notarié. De plus, l'intimé a signé une procuration, le 18 mars 2020 en faveur de son assurance de protection juridique, laquelle a continué le mandat ainsi confié en introduisant au Tribunal les demandes déclarées non conciliées. Rien ne permet de retenir que l'intimé n'était pas capable de discernement en mars 2020, le signalement datant de juillet 2020, soit quatre mois plus tard.

4.5 C'est par conséquent à bon droit que le Tribunal a considéré que l'appelante avait échoué à établir l'incapacité de discernement de l'intimé et que, partant les demandes étaient recevables. Le jugement entrepris sera ainsi confirmé.

5.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 février 2022 par A______ SOCIETE COOPERATIVE contre le jugement JTBL/36/2022 rendu le 21 janvier 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/6422/2020-6-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.