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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21081/2021

ACJC/449/2022 du 31.03.2022 sur JTBL/1021/2021 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21081/2021 ACJC/449/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du JEUDI 31 MARS 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 7 décembre 2021, représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, intimée, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1021/2021 du 7 décembre 2021, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement de 3 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève et ses dépendances (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès le 1er février 2022 (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

B. a. Par acte déposé le 23 décembre 2021 à la Cour de justice, A______ (ci-après : le locataire ou le recourant) forme recours contre ce jugement, reçu le 15 décembre 2021, dont il sollicite l'annulation du chiffre 2 du dispositif, concluant à ce que B______ soit autorisée à requérir son évacuation dès le 1er juillet 2022.

Il produit une pièce nouvelle et fait valoir des faits nouveaux.

b. Par arrêt présidentiel du 29 décembre 2021, la Cour a suspendu le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris.

c. Dans sa réponse du 6 janvier 2022, transmise par la Cour au recourant qui l'a reçue le 11 janvier 2022, B______ (ci-après : la bailleresse ou l'intimée), conclut à ce que les faits et moyens de preuve nouveaux soient déclarés irrecevables, et au rejet du recours.

d. Par réplique du 26 janvier 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées par pli du greffe du 28 janvier 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. En date du 21 avril 2004, B______, propriétaire, et C______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces au 2ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève.

Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 1'089 fr.

b. Dès le 15 mars 2020, le locataire a remis en sous-location l'appartement concerné à A______.

c. Par courrier du 29 juillet 2021, C______ a déclaré résilier son contrat de bail de manière anticipée.

La bailleresse a accepté le congé pour le 30 septembre 2021.

d. En date du 4 novembre 2021, la bailleresse a introduit une requête en cas clair devant le Tribunal des baux et loyers, sollicitant l'évacuation avec exécution directe de l'occupant A______ ainsi que le paiement de l'arriéré.

e. Lors de l'audience du 7 décembre 2021, la bailleresse a persisté dans sa requête à l'exclusion des conclusions en paiement, l'arriéré étant résorbé. A______ a sollicité un délai de départ au 30 juin 2022, exposant ne pas avoir de solution de relogement, avoir fait une demande de reprise de bail auprès de B______, ne pas avoir de poursuite et toucher un revenu mensuel de 5'000 fr. brut.

La bailleresse a précisé que le dossier du précité était gardé par ses services. Elle était d'accord avec un délai de départ au 31 janvier 2022.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La voie du recours est ouverte contre la décision du Tribunal relative à l'exécution de l'évacuation. Le recours formé est également recevable.

Le recours, écrit et motivé, doit être déposé dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le Tribunal ayant rendu sa décision en procédure sommaire (art. 157 al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, déposé selon la forme et dans le délai prescrit, le recours est recevable.

1.3 En règle générale, la jurisprudence admet une violation du droit de réplique lorsque le tribunal ne statue que quelques jours après la communication de l'écriture. Dans une formulation plus générale, le Tribunal fédéral a énoncé que l'on ne pouvait en tout cas pas admettre une renonciation au droit de réplique avant l'écoulement d'un délai de 10 jours (arrêt du Tribunal fédéral 5D_112/2013 du 15 août 2013 consid. 2.2.3).

En l'espèce, la réplique du recourant a été déposée à la Cour plus de dix jours après que celui-ci a eu connaissance de la réponse de l'intimée. Elle est, a priori, tardive. Elle n'est en tout état pas déterminante pour l'issue du litige.

1.4 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

Dès lors, les faits nouvellement allégués par le recourant ainsi que la pièce nouvelle sont irrecevables.

Le fait que le recourant ait comparu en personne devant le Tribunal ne change rien à ce qui précède.

3. Le Tribunal a retenu que le recourant ne faisait valoir aucun élément justifiant un ajournement des mesures d'exécution au-delà du délai consenti par la bailleresse.

Le recourant conteste l'appréciation du Tribunal s'agissant des mesures d'exécution. L'intimée ne s'est prévalue d'aucune urgence. Il a besoin de plus de temps pour retrouver un logement.

L'intimée soutient que le recourant, qui n'est qu'occupant et non locataire, ne peut se prévaloir de l'art. 30 al. 4 LaCC. Il n'a pas démontré avoir entrepris des recherches en vue de se reloger.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Selon l'art. 30 al. 4 LaCC, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité"; sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé; en revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; ACJC/187/2014 du 10 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1990 p. 30 et réf. cit.).

Selon la jurisprudence, une fois le contrat résilié, le paiement des arriérés est sans aucune pertinence pour la question de l'expulsion, car il n'implique pas la conclusion d'un nouveau contrat de bail entre recourant et intimée et ne change strictement rien à l'obligation du recourant de quitter les lieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_366/2016 du 2 septembre 2016 consid. 3).

La Cour a accordé des sursis de neuf mois à des locataires qui étaient au bénéfice de l'assistance publique, qui s'acquittaient de leur loyer courant et dont le bailleur n'avait pas un besoin urgent de reprendre le logement. La situation modeste de ces locataires, qui était notoirement de nature à compliquer leurs recherches de relogement, constituait en effet un motif humanitaire au sens de la jurisprudence (ACJC/706/2014 du 16 juin 2014, le locataire vivant de surcroît avec sa mère âgée de 84 ans; ACJC/213/2012 du 20 février 2012).

En revanche, la Cour a confirmé l'évacuation par la force publique dans un délai de trois mois d'un locataire sans emploi, faisant l'objet de nombreuses poursuites et qui occupait l'appartement litigieux depuis douze ans. La Cour a considéré que le délai de trois mois était adéquat, compte tenu des nombreuses démarches effectuées afin de trouver un logement, dont l'inscription auprès de [la régie immobilière] D______ et des Fondations immobilières de droit public plus d'un an avant la résiliation du bail (ACJC/224/2015 du 2 mars 2015 consid. 3.2).

La Cour a également jugé excessif un sursis de six mois, accordé par le Tribunal. Elle a en effet considéré qu'un délai de nonante jours était suffisant, le contrat ayant été résilié pour le 31 octobre 2013, pour justes motifs, congé confirmé en octobre 2016 par le Tribunal fédéral, soit trois ans plus tard. De fait, le locataire avait bénéficié d'une prolongation proche de la durée maximale prévue par la loi. Par ailleurs, un arriéré équivalent à six mensualités s'est accumulé à la date du jugement (ACJC/559/2017 du 15 mai 2017 consid. 2.3).

3.2 En l'espèce, certes le loyer est à jour et l'intimée ne s'est prévalue d'aucune urgence. Cela étant, le recourant n'a pas démontré avoir entrepris des démarches en vue de se reloger, se contentant de solliciter le transfert du bail auprès de l'intimée. Sa situation financière est saine, ce qui devrait faciliter la recherche d'un nouveau logement. Il n'était que sous-locataire de l'appartement, de sorte qu'il devait s'attendre à ne pouvoir y demeurer pour une durée indéterminée. Il sait depuis plus de cinq mois qu'il devra quitter le logement.

Le Tribunal a ainsi justement tenu compte des intérêts en présence et de tous les éléments pertinents au regard des principes dégagés par la jurisprudence en autorisant l'intimée à requérir l'évacuation du recourant dès le 1er février 2022, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question de savoir si l'art. 30 LaCC s'applique au sous-locataire, fût-ce par analogie. Le recours, infondé, sera rejeté.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2021 par A______ contre le jugement JTBL/1021/2021 rendu le 7 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21081/2021-7-SD.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence CRUCHON et Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.