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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21392/2013

ACJC/559/2017 du 15.05.2017 sur JTBL/84/2017 ( SBL ) , JUGE

Descripteurs : EXPULSION DE LOCATAIRE ; EXÉCUTION FORCÉE ; DÉLAI
Normes : LaCC.30.4;
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21392/2013 ACJC/559/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 15 MAI 2017

 

Entre

A______, ayant son siège ______ (GE), recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 26 janvier 2017, représentée par la régie ______, ______ (GE), en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/84/2017 du 26 janvier 2017, reçu le 3 février 2017, le Tribunal des baux et loyers a notamment autorisé A______ à faire exécuter par la force publique le jugement JTBL/762/2015 rendu le 18 juin 2015 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21392/2013, six mois après l’entrée en force du jugement d’exécution (ch. 1 du dispositif) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2).

b. Par acte expédié à la Cour le 13 février 2017, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’elle soit autorisée à faire exécuter immédiatement le jugement rendu le 18 juin 2015.

c. Par courrier du 14 février 2017, la Cour a imparti un délai de dix jours à B______ (ci-après : la locataire) pour répondre.

d. L’avis précité ayant été retourné au greffe de la Cour avec la mention « non réclamé », il a été réexpédié par courrier simple daté du 3 mars 2017.

e. Par avis du 9 mars 2017, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger, aucune réponse de l’intimée n’étant parvenue à la Cour.

f. L’intimée a adressé au Tribunal un courrier expédié le 16 mars 2017, reçu le 20, puis transmis à la Cour.

B. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Par jugement JTBL/762/2015 rendu le 18 juin 2015, le Tribunal des baux et loyers a notamment constaté la validité du congé notifié à B______, le 9 septembre 2013 pour le 31 octobre 2013, portant sur l’appartement de trois pièces situé au 2ème étage de l’immeuble sis ______ (GE) et a condamné B______ à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens et de toute autre personne faisant ménage commun avec elle, le logement précité.

b. Par arrêts de la Cour de justice du 3 août 2016 et du Tribunal fédéral du 20 octobre 2016, ce jugement a été confirmé.

c. Par courrier du 31 octobre 2016, A______ (ci-après : la bailleresse) a sollicité du Tribunal des baux et loyers qu’il statue sur les mesures d’exécution de l’évacuation. Elle a précisé que la locataire ne s’était pas acquittée des indemnités pour occupation illicite des mois d’août, septembre, octobre et novembre 2016, l’arriéré s’élevant alors à 4'300 fr.

d. A l’audience devant le Tribunal du 15 décembre 2016, B______ n’était ni présente, ni représentée. A______ a déclaré persister dans sa demande, précisant que les versements en retard s’élevaient à 5'590 fr. 95.

e. Par courrier daté du 13 décembre 2016, mais reçu par le Tribunal le 19 décembre 2016, la locataire a indiqué qu’elle ne pouvait pas assister à l’audience du 15 décembre 2016, en raison d’un arrêt maladie à 100% du 8 au 18 décembre 2016. Elle a produit un certificat médical et a également exposé être la mère d’un enfant en bas âge, né en décembre 2015, qu’elle ne pouvait laisser seul.

f. Par courrier du 20 décembre 2016, le Tribunal a informé la locataire qu’elle serait reconvoquée à une nouvelle audience en janvier 2017.

g. Par courrier du 4 janvier 2017, reçu le lendemain, B______ a notamment demandé les raisons de cette nouvelle convocation et la possibilité d’emmener son enfant à l’audience.

h. Les parties ont été convoquées à une nouvelle audience fixée au 26 janvier 2017.

i. Par courrier du 10 janvier 2017, le Tribunal a déclaré maintenir l’audience, précisant qu’à titre exceptionnel B______ était autorisée à se présenter en audience avec son bébé.

j. A l’audience du 26 janvier 2017, la locataire n’était ni présente ni représentée. La bailleresse a indiqué que le montant des impayés s’élevait à 6'520 fr. 95, plus aucun versement n’ayant été effectué depuis le 8 juillet 2016. Elle a indiqué persister dans sa requête.

k. B______ a fait déposer le même jour un courrier par porteur, dans lequel elle expliquait notamment sa situation.

l. Par jugement du 26 janvier 2017, le Tribunal a ordonné l’exécution de l’évacuation, prononcée par le jugement JTBL/762/2015, rendu le 18 juin 2015. Pour tenir compte de la situation personnelle de l’intimée, soit en particulier du fait qu’elle habitait seule avec un enfant en bas âge et de ses problèmes médicaux, les juges ont décidé de surseoir à l’exécution du jugement pendant une durée de six mois, afin de permettre à la locataire de trouver une solution de relogement.

m. Le 30 janvier 2017, le Tribunal a reçu un envoi d’B______, remis à la poste le 25 janvier 2017.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 La voie du recours est ouverte contre la décision du Tribunal de l’exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l’espèce, le recours est dirigé uniquement contre les mesures d'exécution (ch. 1 du dispositif du jugement attaqué), de sorte que seule la voie du recours est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai prévu et selon la forme prescrite (art. 321
al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). En l’occurrence, la recourante ne conteste pas les faits tels que retenus par le Tribunal.

1.4 Selon l’art. 322 CPC, le recours est adressé à la partie adverse pour qu’elle se détermine par écrit, la réponse devant être déposée dans le même délai que le recours, soit dix jours en procédure sommaire.

En l’espèce, la Cour a adressé à l’intimée une copie de recours par courrier du 14 février 2017, réputé notifié au terme du délai de garde (cf. art. 138 al. 3 let. a et 142 al. 1 CPC) de sorte que l’écriture datée du 14 mars 2017 et reçue le 20, est irrecevable en raison de sa tardiveté.

2. 2.1 La recourante se plaint de la durée selon elle excessive du sursis accordé à l’exécution de l’évacuation. Elle relève qu’à la date du jugement, le Tribunal ne disposait d’aucune information concernant l’état de santé de l’intimée. Compte tenu du comportement de la locataire, ainsi que du non-paiement des indemnités depuis au moins six mois, l’exécution immédiate aurait dû être prononcée.

2.2 L’exécution forcée d’un jugement ordonnant l’expulsion d’un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Selon l'art. 30 al. 4 LaCC, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

Dans sa jurisprudence récente, la Cour de céans a notamment confirmé, par arrêt ACJC/78/2017 du 23 janvier 2017, l’évacuation par la force publique, dès le nonantième jour suivant l’entrée en force du jugement, d’une locataire mère de deux enfants mineurs dont l’arriéré de loyer s’élevait à plus de 36'000 fr. Dans un autre arrêt ACJC/57/2017 du 16 janvier 2017, l’évacuation par la force publique dès le nonantième jour après l’entrée en force du jugement a également été maintenue, concernant une personne sans emploi, dont l’arriéré s’élevait à 13'400 fr.

2.3 En l’espèce, le bail de l’intimée a été résilié le 9 septembre 2013, pour le 31 octobre 2013, pour justes motifs. Compte tenu de la procédure devant le Tribunal des baux et loyers, en seconde instance cantonale, puis auprès du Tribunal fédéral, ledit jugement a été confirmé en octobre 2016, soit trois ans plus tard. De fait, la locataire a bénéficié d'une prolongation proche de la durée prévue par l’art. 272b CO. Par ailleurs, un arriéré équivalent à six mensualités s’est accumulé à la date du jugement, et l’intimée n’a pas indiqué son intention de se soumettre spontanément à l’évacuation prononcée. Enfin, le bail avait initialement été résilié pour justes motifs, en raison du comportement et des dégradations dont l’intéressée s’est rendue coupable.

Dans ces conditions, un sursis supplémentaire de six mois est excessif. Un délai de nonante jours, à compter de la date du prononcé du jugement de première instance, paraît adéquat, de façon à tenir compte de manière appropriée de l’ensemble des intérêts en présence, y compris de ceux des autres habitants de l’immeuble. Il convient également de constater que l’intimée n’a fait aucune proposition sérieuse pour le paiement de l’arriéré, ainsi que des indemnités courantes.

Enfin, son état de santé ne fait pas non plus obstacle à l’octroi d’un délai limité à nonante jours, puisque les attestations médicales produites ne permettent ni de cerner l’ampleur de l’affection subie, ni sa durée, qui ne paraît pas s’étendre au-delà du 31 décembre 2016.

Le recours sera ainsi admis, en ce sens que l’exécution par la force publique est autorisée dès le nonantième jour à compter de la date du prononcé du jugement de première instance.

3. A teneur de l’art. 22 al. 1 LaCC, il n’est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 13 février 2017 par A______ contre le jugement JTBL/84/2017 rendu le 26 janvier 2017 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21392/2013-7-SD.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif et statuant à nouveau en ce sens :

Dit que A______ est autorisée à faire exécuter par la force publique le jugement susmentionné, dès le nonantième jour après la date du prononcé du jugement de première instance.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Serge PATEK, Monsieur Alain MAUNOIR, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.