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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/14364/2011

ACJC/213/2012 (3) du 20.02.2012 sur JTBL/1139/2011 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.338 CPC.341 LaCC.26.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14364/2011 ACJC/

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 20 FEVRIER 2012

 

Entre

Madame X______, p. a. ______ Zurich, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 29 septembre 2011, comparant par Me Pierre Banna, avocat, place des Philosophes 8, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

d’une part,

 

Et

1) Madame Y______, domiciliée rue A______ xx, Genève, intimée, comparant en personne,

2) Madame Z______, domiciliée ______ (Vaud), intimée, comparant en personne,

d’autre part,

 


EN FAIT

A. Par arrêt du 16 mai 2011 (ACJC/597/2011), la Cour de justice a annulé le jugement du Tribunal des baux et loyers du 2 décembre 2010 déboutant X______ de ses conclusions en évacuation formées le 25 juin 2010 et, statuant à nouveau, a condamné Y______ et Z______ à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens l’appartement de 3,5 pièces au 2ème étage de l’immeuble sis rue A______ xx à Genève ainsi que la cave no 23 dans le même immeuble.

Selon la Cour, les deux locataires n’avaient pas payé le trimestre de loyer dû (cf. art. 1 al. 2 du contrat-cadre romand) dans le délai comminatoire de l’art. 257d al. 1 CO et ne pouvaient ainsi pas s’opposer au congé qui leur avait été notifié le 26 avril 2010. Il importait peu qu’elles paient désormais régulièrement l’équivalent de leur loyer et que leur solvabilité soit en quelque sorte garantie par l’Hospice général, ce qui n’était au demeurant pas assuré sur le long terme et n’avait pas évité des retards de paiement par le passé.

En effet, l’Hospice général leur versait le loyer de 1'332 fr. (charges comprises) chaque mois depuis le 1er mars 2009.

B. a. Par requête déposée le 22 juillet 2011, X______ a demandé au Tribunal d’ordonner l’exécution immédiate de l’arrêt ACJC/597/2011 et de l’autoriser à mandater un huissier judiciaire qui pourrait, si nécessaire, faire exécuter aux frais de Y______ et Z______ ledit arrêt, en mettant en œuvre un serrurier, ainsi qu’une entreprise de déménagement, et à requérir le cas échéant l’appui de la force publique, enfin de débouter les citées de toutes autres ou contraires conclusions.

La bailleresse a produit un certificat d’entrée en force de l’arrêt susmentionné établi le 11 juillet 2011 par le greffe de la Cour. Elle a en outre allégué que Y______ et Z______ étaient encore redevables de la somme de 2'320 fr. 90 à titre d’arriérés de loyers et d’indemnités pour occupation illicite des locaux.

b. Lors de l’audience du 27 septembre 2011, la bailleresse a, par son conseil, indiqué que les paiements dus étaient actuellement à jour et qu’elle entendait reprendre possession de son bien pour le relouer à un tiers. Y______ a déclaré qu’elle s’était inscrite deux mois auparavant auprès de l’Office du logement et de la Gérance immobilière municipale, mais qu’aucun logement ne lui avait été proposé à ce jour.

c. Par jugement du 29 septembre 2011 (JTBL/1139/2011), communiqué aux parties le 3 octobre suivant, le Tribunal a sursis à l’exécution par la force publique de l’arrêt de la Cour ACJC/597/2011 jusqu’au 30 juin 2012 au plus tard, pour permettre le relogement des locataires (ch. 1), autorisé X______ à faire exécuter par la force publique ledit arrêt à partir du 1er juillet 2012 (ch. 2) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

Les premiers juges ont en effet pris en compte le besoin et les difficultés de Y______ à trouver un nouveau logement en regard de son statut de bénéficiaire de prestations d’aide sociale et de la grave pénurie de logements à Genève, l’absence d’explication particulière de la bailleresse quant aux raisons pour lesquelles elle entendait reprendre possession de son bien, le paiement désormais régulier des indemnités de logement directement par l’Hospice général lui-même, enfin l’absence d’urgence pour X______. Dans ce contexte, le principe général de la proportionnalité et les motifs humanitaires prévus à l’art. 26 al. 4 LaCC justifiaient un sursis à l’exécution de 9 mois.

C. Par acte déposé le 13 octobre 2011 au greffe de la Cour, X______ a recouru contre ce jugement, concluant à l’annulation des chiffres 1 et 2 du dispositif et, principalement, à l’autorisation de faire exécuter immédiatement par la force publique l’arrêt de la Cour ACJC/597/2011, subsidiairement au sursis d’exécution jusqu’au 30 novembre 2011, la force publique pouvant être requise dès le 1er décembre 2011.

Y______ a conclu au rejet du recours.

Z______ ne s’est pas déterminée, bien qu’elle en ait eu la possibilité.

D. L’argumentation juridique des parties sera examinée ci-après dans la mesure utile.

EN DROIT

1. 1.1 Aux termes de l’art. 338 CPC, si la décision ne peut être exécutée directement, une requête d’exécution est présentée au tribunal de l’exécution (al. 1); le requérant doit établir les conditions de l’exécution et fournir les documents nécessaires (al. 2). D’après l’art. 339 al. 2 CPC, le tribunal rend sa décision en procédure sommaire.

Conformément à l’art. 309 let. a CPC, l’appel n’est pas recevable contre les décisions du tribunal de l’exécution.

C’est donc à juste titre que X______ a interjeté un recours et non un appel.

1.2 A teneur de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours, pour les décisions prises en procédure sommaire, dans le délai de dix jours à compter de la notification de la décision motivée. A Genève, l'instance de recours est la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 1 let. a LOJ).

En l'occurrence, le recours a été déposé dans le délai et selon la forme prescrits par la loi, de sorte qu'il est formellement recevable.

1.3 A teneur de l’art. 320 CPC, le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits.

1.4 Les nouveaux allégués de l’intimée (droit de visite de son fils et dépression sévère en 2010) sont, vu l’art. 326 al. 1 CPC, irrecevables.

2. 2.1 En vertu de l’art. 341 CPC, le tribunal de l’exécution examine le caractère exécutoire d’office de la décision à exécuter (al. 1); il fixe à la partie succombante un bref délai pour se déterminer (al. 2).

Il n’est pas contesté dans le cas présent que les conditions formelles d’une exécution indirecte au sens des art. 338 CPC et 26 al. 3 LaCC sont remplies.

2.2 Selon l’art. 341 al. 3 CPC, sur le fond, la partie succombante peut uniquement alléguer que des faits s’opposant à l’exécution de la décision se sont produits après la notification de celle-ci, par exemple l’extinction, le sursis, la prescription ou la péremption de la prestation due; l’extinction et le sursis doivent être prouvés par titres.

D’après l’art. 26 al. 4 LaCC, lorsqu’il est appelé à statuer sur l’exécution d’un jugement d’évacuation d’un logement, après l’audition des représentants des services sociaux et l’audition des parties, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l’exécution du jugement dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire.

Cette dernière disposition correspond à l'art. 474A aLPC. Celui-ci a été considéré par le Tribunal fédéral comme conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, pour autant que le droit du bailleur à la restitution de la chose louée (art. 267 al. 1 CO) ne soit pas entravé, notamment par l'octroi à l'ancien locataire de délais de départ équivalant à la prolongation de bail allant au-delà de ce que prévoient les art. 272 ss CO. L'ajournement ne saurait être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail; il doit être limité dans le temps. Un renvoi sine die n'est pas admissible (ATF 117 Ia 336 consid. 2 = SJ 1992 234; ACJC/1129/2011 du 19 septembre 2011 consid. 3).

2.3 En l’espèce, c’est en raison principalement de la situation économique obérée de l’intimée, à l’assistance publique, et des difficultés qui en résulteraient dans la recherche d’un nouveau logement que les premiers juges lui ont accordé un sursis de 9 mois pour quitter l’appartement. Cette appréciation n’est pas contraire au droit. En effet, s’il est exact que la pénurie de logements ne saurait en tant que telle constituer un motif humanitaire, la situation modeste de la personne à évacuer peut représenter un tel motif (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, publié in DB 1991 n. 29). En outre, le délai de 9 mois n’équivaut pas une prolongation de bail (cf. art. 272b CO).

Dans les circonstances particulières du présent cas, le fait que l’intimée n’a pas cherché un nouvel appartement à louer après la résiliation de son bail intervenue le 26 avril 2010 ne saurait entrer en considération en sa défaveur, étant donné que ce n’est que le 16 mai 2011 que la Cour a prononcé son évacuation, donnant tort au Tribunal. Selon ses dires, elle a commencé une telle recherche dès fin juillet 2011, soit environ au moment où la requête en exécution a été déposée par la recourante.

Dans ces conditions, un sursis pour évacuer l’appartement au 30 juin 2012 apparaît conforme au principe de la proportionnalité, qui est applicable dans une telle situation (ATF 117 Ia 336 précité consid. 2b), dans la mesure également où, comme l’a retenu le Tribunal, la recourante n’a pas fait valoir un motif particulier rendant nécessaire la reprise de la possession immédiate de l’appartement avant le 30 juin 2012, et qu’aucune urgence ne ressort des faits. Certes, le fait que les indemnités d’occupation soient désormais régulièrement payées ne constitue pas en tant que tel une circonstance pertinente pour juger du principe de l’évacuation ainsi que de son exécution, mais il peut entrer en considération dans le cadre des éléments à pondérer en vertu du principe de la proportionnalité.

3. Au vu de ce qui précède et en regard des circonstances particulières du présent cas, il n’y a pas lieu d’admettre le recours.

4. A teneur de l'art. 17 LaCC, entré en vigueur le 1er janvier 2011, des frais ne sont pas dus dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par X______ contre le jugement JTBL/1139/2011 rendu le 29 septembre 2011 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/14364/2011-7-E.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Pierre CURTIN, président; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Blaise PAGAN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Pierre CURTIN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours:

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.