Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/15351/2018

ACJC/300/2022 du 07.03.2022 sur JTBL/134/2021 ( OBL ) , MODIFIE

Normes : CO.256.al1; CO.259a; CO.259d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15351/2018 ACJC/300/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 7 MARS 2022

 

Entre

 

A______ Sàrl, c/o M. B______, ______, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 16 février 2021, comparant par Me Maud VOLPER, avocate, boulevard Georges-Favon 14, case postale 5511, 1211 Genève 11, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

 

et

 

Monsieur C______ et Madame D______, domiciliés ______ Genève, intimés et appelants sur appel joint, comparant tous deux par Me Yvan JEANNERET, avocat, rue Ferdinand-Hodler 15, 1207 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/134/2021 du 16 février 2021, expédié pour notification aux parties le 1er mars 2021, le Tribunal des baux et loyers a ordonné à A______ Sàrl (ci-après : A______) de procéder, dans un délai de 60 jours dès l'entrée en force du jugement, aux travaux d'isolation nécessaires dans la toiture et sur les velux, en vue de la suppression des infiltrations d'air subies dans la chambre parentale et le bureau de l'appartement de cinq pièces situé au 7ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a réduit le loyer de 3% du 1er octobre au 31 mars de chaque année, dès 2017 jusqu'à complète exécution des travaux précités (ch. 2), a condamné A______ a restituer à C______ et D______ le trop-perçu de loyer (ch. 3), a validé la consignation de loyer opérée par C______ et D______ auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 4), a ordonné auxdits Services de libérer les loyers consignés à concurrence de la réduction octroyée en faveur de C______ et D______ sous chiffre 2 précité et pour le solde en faveur de A______ (ch. 5), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 7).

B. a. Par acte expédié le 16 avril 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut au déboutement de C______ et D______ de toutes leurs conclusions, à ce qu'il soit ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de déconsigner l'intégralité des loyers consignés par C______ et D______ en sa faveur et au déboutement des intimés de toutes autres ou contraires conclusions.

b. Dans leur réponse et appel joint du 19 mai 2021, C______ et D______ concluent, sur appel principal, à ce que A______ soit déboutée de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. Sur appel joint, ils concluent à l'annulation du chiffre 2 du jugement et à ce que la Cour leur accorde une réduction de loyer de 20% de début octobre à fin mars de chaque année dès 2017 jusqu'à complète exécution des travaux visés dans le jugement, à la confirmation dudit jugement pour le surplus et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens.

Ils produisent deux pièces nouvelles.

c. Dans sa réponse sur appel joint, A______ a persisté dans ses conclusions prises sur appel principal et a conclu au déboutement de C______ et D______ de toutes leurs conclusions.

d. Les parties ont répliqué le 14 juillet 2021 et dupliqué le 16 juillet 2021, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Les parties ont été avisées par le greffe de la Cour le 4 août 2021 que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. C______ et D______, locataires, et A______, bailleresse, sont liés par un contrat de bail portant sur la location d'un appartement de cinq pièces situé au septième étage de l'immeuble sis 1______ à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'un an et seize jours, du 16 mars 1994 au 31 mars 1995 renouvelable ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.

Le loyer a été fixé à 2'150 fr. par mois, hors charges.

L'immeuble, construit avant 1919, est géré par la Régie E______ SA (ci-après : « la régie »).

La gestion technique est, quant à elle, assurée par F______ SARL.

b. L'état des lieux d'entrée du 9 mars 1994 indique que l'appartement était en bon état général.

c. Les combles de l'immeuble sont composées de trois appartements, dont celui des locataires, tous équipés de velux.

d. Le 7 septembre 2017, les locataires ont informé F______ SARL que les trois velux se situant au salon, dans le bureau et la chambre parentale étaient mal isolés et laissaient passer beaucoup d'air, ce qui refroidissait les pièces.

La régie a répondu le 3 octobre 2017 que des bons de travaux avaient été émis.

e. L'entreprise G______ SARL, sous-traitante de l'entreprise H______ SA mandatée par la régie, est intervenue le 18 octobre 2017 pour remplacer les joints des velux. Devant le Tribunal, I______, ferblantier auprès de ladite entreprise, a déclaré que la durée de vie d'un velux était de 20 à 25 ans et que les velux en question avaient 25 ans. Il a précisé être tout de même intervenu, mais sans garantie.

f. Les locataires s'étant plaints auprès de la régie de ce que cette intervention n'avait pas résolu le problème, l'entreprise H______ SA a procédé à la condamnation de l'ouverture du velux de la chambre à l'aide de vis, ceci afin de vérifier si les infiltrations d'air provenaient du système de fermeture des velux.

A ce propos, le locataire a déclaré devant le Tribunal que l'air circulait également lorsque le velux était condamné, la flamme d'un briquet s'éteignant si elle était placée à proximité de la fenêtre.

g. Le 13 mars 2018, les locataires ont informé la régie que le velux de la chambre était condamné depuis plus d'un mois afin de vérifier l'évolution de la température de la pièce en cas de meilleure isolation. Ces tests avaient été concluants selon l'entreprise mandatée, qui les avait informés qu'un rapport allait être rédigé afin de procéder au changement de velux. L'entreprise les avait finalement avertis qu'elle avait été mandatée par la régie pour procéder à une réparation sommaire du velux et non à son remplacement. Au vu des tests effectués, ils doutaient de l'efficacité des démarches prévues pour remédier au défaut d'isolation de la chambre. Ils demandaient ainsi à la régie de justifier sa décision en leur fournissant le rapport de l'entreprise. En outre, les locataires informaient la régie qu'un nouveau défaut avait été constaté à la suite du fort vent polaire qui avait sévi les semaines précédentes. Une grande arrivée d'air froid refroidissant considérablement le bureau avait été ressentie.

h. La régie a répondu le 22 mars 2018 que l'entreprise était intervenue uniquement dans la chambre car l'accès au bureau lui avait été interdit par les locataires. Le locataire ayant confirmé que l'intervention avait permis d'améliorer la situation dans la chambre, des crochets seraient posés sur les velux de la chambre et du bureau afin d'éviter qu'ils ne se soulèvent lors de forts vents.

i. Les 5 et 9 avril 2018, les locataires ont répondu que le problème dans le bureau ne concernait pas le velux mais l'isolation des poutres du toit. En outre, les crochets n'avaient pas pu être installés dans la chambre au vu de la disposition de la fenêtre et de sa vétusté.

j. Le 23 avril 2018, la société H______ SA a finalement enlevé les vis posées sur le velux de la chambre et y a installé des crochets.

k. Par courrier du 23 mai 2018, le conseil des locataires a mis en demeure la bailleresse de remédier aux défauts d'isolation du bureau et de remplacer les velux d'ici au 15 juin 2018, sous menace de consignation du loyer. Les interventions ayant eu lieu jusqu'alors étaient qualifiées de bricolage, étant précisé que l'entreprise mandatée avait insisté sur le nécessité de remplacer les velux au vu de leur vétusté.

l. La régie a répondu le 4 juin 2018 que l'état des velux était inhérent à la construction ancienne du bâtiment. Les locataires ne s'étaient plaints qu'après plusieurs années de location à la suite d'une tempête. En outre, à la suite de la plainte des locataires, la bailleresse avait pris toutes les mesures utiles pour remédier au problème.

m. Le 29 juin 2018, l'Office cantonal de l'énergie a rendu un rapport de calcul de l'indice de dépense de chaleur de l'immeuble. Il en résulte que l'indice moyen oscille entre 458 et 480 MJ/m2 entre les années 2013 et 2017, soit un indice ne dépassant pas les seuils légaux fixés entre 600 et 900 MJ/m2.

n. Les locataires ont consigné leur loyer dès juillet 2018 (avis n° 2______).

o. En parallèle, les locataires ont mandaté J______ SARL en vue d'expertise, effectuée le 31 octobre 2018 par K______, par une journée sans vent avec une température extérieure de 6 degrés à 08.00 du matin. Lors de son audition, ce dernier a exposé que les conditions climatiques étaient suffisantes le jour en question pour effectuer les relevés en vue de constater des infiltrations d'air, étant précisé que la hotte avait été enclenchée pour placer la pièce en dépression et simuler une infiltration.

Il découle de cette expertise que les températures ressenties dans l'entrée, le séjour, une chambre et la salle de bains semblaient être convenables et se rafraîchissaient en entrant dans le bureau et la chambre parentale.

Au cours des relevés d'air, il a été constaté que l'air extérieur entrait en très faible débit à l'intérieur du logement au travers des menuiseries et des lames de lambris à une température comprise entre 15 et 17 degrés, n'ayant ainsi pas le temps de se réchauffer à travers l'isolation thermique, pour atteindre l'air ambiant compris entre 20 degrés au niveau du sol et 23 degrés en hauteur.

Vingt infiltrations d'air ont été recensées dans tout l'appartement, représentant une surface supérieure à une fenêtre de 60/60 centimètres constamment ouverte. Cette surface importante d'entrée d'air comparée au volume total intérieur de 250m3 n'avait que peu d'incidence sur le confort et la consommation énergétique en période calme mais devenait insupportable quand le vent froid soufflait.

Dans ce logement, l'on pouvait considérer que l'air intérieur dans certaines pièces pouvait descendre de 5 degrés en quelques heures, soit passer de 21 à 16 degrés, en période de bise modérée. L'expertise précise toutefois que l'isolation thermique générale sous toiture était relativement satisfaisante mais que le problème venait du manque d'étanchéité à l'air de certaines zones sensibles, l'écran de sous-toiture (pare-vapeur) pouvant peut-être être endommagé ou mal posé voir même inexistant par endroit.

En audience, K______ a confirmé la teneur de son rapport et a précisé que le problème ne concernait pas le velux en lui-même mais l'entourage de son isolation, et que pour remédier au problème dans une moindre mesure, il était possible selon lui de seulement boucher les infiltrations depuis l'intérieur. Un film pare-vapeur devait être installé par-dessus l'isolant et sous les tuiles, pour que les travaux soient correctement effectués. Il a confirmé que les infiltrations d'air dans la toiture représentaient la taille d'une grande fenêtre ouverte.

p. Par requête déposée le 29 juin 2018 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience de conciliation du 11 octobre 2018 et portée devant le Tribunal le 13 novembre 2018, les locataires ont conclu à ce que le Tribunal constate la validité de la consignation de loyers, condamne la bailleresse à effectuer les travaux d'isolation nécessaires de la toiture et des velux dans un délai de trente jours dès l'entrée en force du jugement sous menace des peines prévues à l'article 292 CP, les autorise à consigner 50% du loyer et des charges jusqu'à l'élimination complète des défauts, leur accorde une réduction de loyer de 50% dès le 7 septembre 2017 et jusqu'à l'élimination des défauts, condamne la bailleresse à leur rembourser le trop-perçu de loyer et répartisse les loyers consignés en conséquence.

q. Par mémoire de réponse du 30 janvier 2019, la bailleresse a conclu à ce que le Tribunal déboute les locataires de leurs conclusions.

r. Les parties ont répliqué et dupliqué par mémoires des 6 mars et 5 avril 2019.

s. Des audiences se sont tenues les 18 juin et 5 novembre 2019, et les 21 janvier, 23 juin et 13 novembre 2020, lors desquelles les parties et des témoins ont été entendus.

Le locataire a déclaré que depuis les différentes interventions, il n'y avait plus d'infiltration d'eau mais que les infiltrations d'air persistaient lorsqu'il y avait du vent. Selon lui, elles ne provenaient pas des velux mais de la charpente. En hiver, ils devaient installer un chauffage d'appoint dans la chambre pour obtenir une température de 19 degrés.

Le représentant de la bailleresse a déclaré que les entreprises qui étaient intervenues avaient constaté que les arrivées d'air se ressentaient uniquement lors de très forts vents d'hiver et qu'elles étaient inhérentes à l'âge de l'immeuble. Les seuls moyens d'y remédier étaient de surélever l'immeuble ou de refaire la toiture.

Il ressort des différentes déclarations des témoins entendus que ni les employés des entreprises étant intervenues, ni le gérant technique de l'immeuble, ni K______ n'ont ressenti des courants d'air lors de leurs visites. Toutefois, tous ont confirmé que, lors de leurs interventions, il n'y avait pas de vent.

L______, voisin des locataires, a déclaré qu'il ressentait également des courants d'air lorsqu'il faisait froid et qu'il y avait du vent, entraînant une sensation de froid dans son appartement en hiver alors même que le chauffage était au maximum. Il a précisé qu'il n'avait toutefois pas averti la régie à ce propos car les fenêtres de l'immeuble devaient être changées, ce qui avait finalement été fait pour l'ensemble de l'immeuble à l'exception du dernier étage.

t. En parallèle des audiences, le conseil de la bailleresse a informé le Tribunal le 26 février 2020 qu'à la suite des déclarations de L______, la régie avait sollicité un devis auprès de l'entreprise M______, qui avait estimé les travaux de remplacement et d'isolation de la toiture à 427'569 fr., hors pose d'échafaudage.

u. Le 2 mars 2020, le conseil des locataires a précisé que, selon K______, il était concevable d'étancher les pièces sujettes d'infiltrations d'air à moindre frais, par l'usage d'un matériau isolant.

v. Le 17 mars 2020, le conseil de la bailleresse a contesté que les infiltrations d'air soient constitutives d'un défaut car les locataires avaient habité l'appartement pendant vingt ans sans se plaindre et compte tenu de l'âge du bâtiment, du loyer, la température ambiante du logement n'était pas inférieure à 20 degrés, les infiltrations d'air n'étaient ressenties qu'en cas de forts vents durant la période hivernale. En outre, la bailleresse n'avait pas l'intention de procéder à du « bricolage » en calfeutrant la toiture avec du matériel isolant.

w. Par mémoires de plaidoiries finales du 15 décembre 2020, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

x. La cause a été gardée à juger le 14 janvier 2021.

D. Dans son jugement, le Tribunal a considéré qu'il résultait tant de l'expertise privée produite par les locataires que de l'audition de l'expert l'existence d'un défaut d'isolation de la toiture et des velux, ceci dans la chambre parentale et dans le bureau. Le voisin des précités avait par ailleurs confirmé ressentir des courants d'air en cas de vent. La durée de vie maximale des velux, de 25 ans, avait de plus été atteinte.

Les défauts pouvaient être réparés en procédant au changement des velux et au colmatage des interstices présents dans la toiture avec un matériau isolant. Les premiers juges ont condamné la bailleresse à effectuer les travaux d'isolation nécessaires dans la toiture et les velux.

Pour arrêter la quotité de la réduction de loyer, le Tribunal a considéré que les nuisances étaient occasionnelles, ne se ressentant qu'en cas de temps hivernal venteux, ce qui justifiait l'octroi de 3%, entre début octobre et fin mars de chaque année.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, au vu des conclusions en réduction de loyer réclamées par les intimés en première instance, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable. Il en va de même de l'appel joint (art. 130, 131, 313 al. 1 CPC).

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.5 En application de l'art. 247 al. 2 let. b CPC, applicable au cas d'espèce en vertu de l'art. 243 al. 2 let. c CPC, le juge établit d'office les faits et apprécie librement les preuves, étant précisé que les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige.

2. Les intimés ont produit deux nouvelles pièces en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits en première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles datent du 17 mars 2021 et sont ainsi postérieures au prononcé du jugement du Tribunal, de sorte qu'elles sont recevables, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant.

3. L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir violé l'art. 8 CC en considérant que les intimés avaient prouvé l'existence d'un défaut de la chose louée, soit des courants d'air présents dans la chambre parentale et le bureau de l'appartement. Aucun des témoins n'a confirmé la présence de tels courants d'air dans l'appartement litigieux et l'expertise privée produite par les intimés n'a pas de valeur probante.

L'appelante reproche également au Tribunal d'avoir procédé à une constatation arbitraire des faits au sens de l'art. 9 Cst. concernant le relevé de l'Indice de dépense de chaleur (IDC) de l'immeuble, le devis relatif à l'isolation de la toiture et la durée de vis de la couverture de l'immeuble et des velux.

Enfin, l'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir violé l'article 259a al. 1 let. a CO en ne précisant pas la nature des travaux à entreprendre pour éliminer le défaut.

3.1 L'art. 256 al. 1 CO dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée.

Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 303).

Le défaut de la chose louée est une notion relative. Son existence dépendra des circonstances du cas particulier. Il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2; 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2; Wessner, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, in 12ème Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 23 s.; ACJC/181/2010 du 15 février 2010, consid. 2).

D'autres facteurs tels que le lieu de situation de l'immeuble, les normes usuelles de qualité, les règles de droit public ainsi que les usages courants doivent être pris en considération, de même que le critère du mode d'utilisation habituel des choses du même genre, à l'époque de la conclusion du contrat (Lachat, op. cit., p. 259-260).

3.2 L'usure normale des locaux ne constitue un défaut qu'à partir du moment où elle atteint un certain degré, et où elle peut être assimilée à un manque d'entretien de la chose louée (ACJC/966/2012 du 29 juin 2012 consid. 4.2.1 et les références citées). Les associations de bailleurs et de locataires ont adopté une tabelle d'amortissement des installations le 1er mars 2007, afin de déterminer quelle est la durée de vie moyenne des diverses installations. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la durée de vie de l'isolation d'une toiture est estimée entre 25 et 30 ans, celle de fenêtres à double vitrage en bois à 25 ans et celle d'un toit entre 20 et 50 ans (Lachat, op. cit., p. 270 et Annexe VIII ; ACJC/966/2012 du 29 juin 2012, consid. 4.2.1).

On peut exiger du locataire qui exerce les droits découlant de la garantie des défauts qu'il se comporte conformément aux règles de la bonne foi (ATF 130 III 504 consid. 5.2). En particulier, il doit signaler le défaut sans retard pour permettre au bailleur de prendre les mesures nécessaires afin de réduire son dommage (Corboz, Les défauts de la chose louée, SJ 1979, p. 134).

3.3 En l'espèce, les intimés se plaignent depuis le mois de septembre 2017 d'un défaut d'isolation dans le bureau et du velux de la chambre parentale.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'existence d'un défaut a été démontrée par les intimés au cours de la procédure.

En effet, s'agissant des velux, l'appelante a fait procéder à différents tests dont elle n'a pas réussi à démontrer qu'ils auraient amélioré la situation. L'entreprise chargée de ces travaux a émis des réserves quant à leur résultat compte tenu de l'âge de ces velux. Les intimés ont par ailleurs continué à se plaindre de la mauvaise isolation du velux à la suite de ces interventions.

S'agissant des infiltrations d'air dans le bureau, rien n'a été entrepris par l'appelante.

Les intimés ont fait réaliser une expertise privée qui n'a, certes, pas la valeur probante d'une expertise judiciaire, puisque valant allégation de partie. Cette expertise, réalisée de manière professionnelle, fait état, de manière claire et convaincante, de nombreux problèmes d'isolation dans l'appartement. En outre, ces différentes constatations ont été confirmées en audience par l'expert qui l'a réalisée et qui s'est personnellement rendu sur place pour constater les infiltrations.

De même, le voisin des intimés a déclaré qu'il ressentait lui aussi des courants d'air dans son appartement en cas de vent.

Enfin, le 17 mars 2021, les intimés ont fait état d'infiltrations d'eau par les velux, fait non contesté par l'appelante.

Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'existence d'un défaut de la chose louée a été à juste titre admise par le Tribunal.

3.4 Enfin, s'agissant du grief fait aux premiers juges d'avoir violé l'art. 259a al. 1 let. a CO en ne précisant pas la nature des travaux à entreprendre pour éliminer le défaut, la Cour retient que le Tribunal a été clair sur la nature des travaux à réaliser.

Certes, le dispositif du jugement ne mentionne pas de manière précise les travaux à réaliser. Toutefois, les considérants dudit jugement détaillent ces travaux et c'est à la lumière de ceux-ci que le dispositif du jugement doit se lire.

Le Tribunal a cité l'expert ayant réalisé l'expertise privée, lequel a indiqué en audience qu'« une intervention ponctuelle sur les endroits mal isolés suffirait à remédier au défaut de manière satisfaisante ». C'est sur la base de cette déclaration, non contredite par l'appelante, que le Tribunal a condamné cette dernière à « effectuer les travaux d'isolation nécessaires dans la toiture et sur le vélux en vue de la suppression des infiltrations d'air ».

Au vu de ce qui précède, les considérants du jugement sont explicites et l'appelante n'a pas à refaire la totalité de la toiture pour parvenir à éliminer le défaut de la chose louée. Aucune violation de l'article 259a CO n'est réalisée en l'espèce.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé sur ce point également.

4. Reste à déterminer si la réduction de loyer de 3% du 1er octobre au 31 mars de chaque année, dès 2017 jusqu'à complète exécution des travaux d'isolation est adéquate ou si elle doit être portée à 20%, tel que demandé par les intimés dans leur appel joint.

4.1 Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

La réduction du loyer se calcule sur le loyer net, sans les frais accessoires (Lachat, op. cit., p. 316).

Pour le calcul de la réduction du loyer, le juge procède en principe selon la méthode dite « proportionnelle ». Il compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre des prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; Lachat, op. cit., p. 315).

Ce calcul proportionnel n'étant pas toujours aisé, il est admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1).

La réduction de loyer ne suppose pas que le défaut soit imputable au bailleur. Celui-ci doit réduire le loyer même lorsqu'il n'est pas responsable de la survenance du défaut (Lachat, op. cit., p. 304).

La pratique reconnaît au juge un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la quotité de réduction du loyer (Lachat, op. cit., p. 316).

4.2 Un défaut lié au chauffage des locaux loués ne peut donner lieu à une réduction de loyer que pendant les périodes de chauffage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_174/2009 du 8 juillet 2009 consid. 4.2). En principe, une température de 18°C constitue la limite minimale dans les conditions actuelles d'habitat en deçà de laquelle on peut évoquer une notable diminution de la jouissance des locaux (ACJC/290/2005 consid. 4; arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 15 décembre 1992, publié in CdB 1995 p. 121; arrêt de la Cour du 29 février 1988, publié in MP 1988 p. 10).

Il y a une part de subjectivité dans la perception du froid, liée aux caractéristiques propres à chaque individu. A cet égard, une personne dont la sensibilité au froid n'est pas hors du commun devrait pouvoir se tenir dans son logement sans avoir à revêtir des habits particulièrement chauds. La Cour de justice a estimé qu'il n'était pas normal pour un logement avec confort que la température ne soit que de 17 à 18 degrés, de sorte que les visiteurs doivent garder leur manteau ou leur veste. L'expérience générale de la vie enseigne qu'il s'agit là d'une température au-dessous de laquelle l'occupation d'un appartement est inconfortable, mises à part les périodes d'activités ménagères (ACJC/719/2002 du 31 mai 2002 consid. 3).

4.3 Des températures insuffisantes dans des locaux d'habitation ont, dans la pratique des tribunaux suisses, entraîné des réductions de loyer oscillant entre 5% et 20% (arrêt du Tribunal fédéral 4A_174/2009 précité consid. 4.2; cf. aussi ATF 130 III 504; ACJC/38/2009 consid. 5.1).

La Cour a accordé une réduction de loyer de 10% pour une température oscillant entre 16 et 18°C durant la saison froide (ACJC/290/2005 consid. 4).

Elle a également considéré que l'insuffisance du chauffage d'un logement (la température oscillant entre 15 et 20°C) durant les mois d'octobre à mai, étant également tenu compte des valeurs de références de 20°C admises par le bailleur pour le chauffage de son immeuble, justifiait une réduction de loyer de 20% (ACJC/1336/2000 consid. 4).

Une température dans un studio oscillant, durant les saisons froides entre 16 et 18°C, avait justifié une réduction de loyer de 10% (ACJC/290/2005 du 14 mars 2005). Dans le cas d'un atelier de mécanique, pourvu de portes coulissantes qui occasionnaient une baisse de température (environ 13°C au lieu de la moyenne minimale de 15-16°C), une réduction de loyer de 20% a été accordée (ACJC/1098/2006 du 9 octobre 2006). Enfin, dans un arrêt tessinois, une réduction de 20% a également été retenue pour une température moyenne de 16°C dans un logement (DB 1996 N° 8).

La Cour a en outre admis une réduction de loyer de 10%, pendant la période hivernale, en raison de l'insuffisance du chauffage, qui avait provoqué une importante sensation de froid, des refroidissements, la nécessité d'adapter son comportement en conséquence quotidiennement durant la saison froide (nécessité de ne pas rester dans certains lieux de l'appartement, de s'habiller chaudement; ACJC/659/2013 du 27 mai 2013 consid. 8.3).

Le Tribunal fédéral a enfin confirmé un taux de réduction de 16% retenue par la Cour cantonale qui s'était fondée sur les réductions prononcées par la pratique en cas de ventilation ou de chauffage défectueux et qui oscillent entre 25% et 10% (arrêt du Tribunal fédéral 4C.335/2003 du 11 mai 2004 consid. 4.2).

4.4 En l'espèce, la réduction de loyer de 3% pendant la période hivernale depuis 2017 octroyée par les premiers juges est insuffisante.

En effet, au vu des jurisprudences rappelées ci-dessus, la Cour et le Tribunal fédéral octroient en règle générale des réductions oscillant entre 5 et 20% pour des cas de chauffage et d'isolation insuffisants dans un logement, ce durant la période hivernale.

Il a été démontré que des infiltrations d'air dans l'appartement litigieux étaient ressenties dans la chambre parentale et dans le bureau de ce logement de 5 pièces loué par les intimés. Ces infiltrations font considérablement baisser la température ambiante des deux pièces concernées par temps froid, même sans vent, selon les constations faites durant les enquêtes, non contredites par l'appelante. L'un des témoins a déclaré que les infiltrations d'air dans la toiture représentaient la taille d'une grande fenêtre ouverte.

Par conséquent, tenant compte du fait que les infiltrations d'air sont importantes, mais également de ce que seules deux pièces de l'appartement sont concernées, la Cour accordera une réduction de loyer de 8% pendant la période hivernale, à savoir de début octobre à fin mars de chaque année, depuis 2017 et jusqu'à la suppression du défaut.

4.5 L'appel-joint sera par conséquent partiellement admis et le chiffre 2 du jugement entrepris modifié en conséquence (art. 318 CPC).

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 avril 2021 par A______ Sàrl contre le jugement JTBL/134/2021 rendu le 16 février 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15351/2018-6-OSD.

Déclare recevable l'appel joint formé par C______ et D______ contre le jugement JTBL/134/2021 rendu le 16 février 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15351/2018-6-OSD.

Au fond :

Annule le chiffre 2 de ce jugement.

Réduit le loyer de l'appartement 5 pièces situé au 7ème étage de l'immeuble sis 1______ loué par C______ et D______ de 8% pendant la période hivernale, à savoir de début octobre à fin mars de chaque année, depuis octobre 2017 et jusqu'à la suppression du défaut.

Confirme le jugement précité pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.