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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2314/2019

ACJC/1508/2021 du 18.11.2021 ( SBL )

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2314/2019 ACJC/1508/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 18 NOVEMBRE 2021

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante, subsidiairement recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 25 octobre 2021, comparant par Me Hrant HOVAGEMYAN, avocat, boulevard du Théâtre 3 bis, case postale 5740, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ LTD, domiciliée ______ [GE], intimée, comparant par Me Romain FELIX, avocat, rue de Saint-Léger 2, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


Vu, EN FAIT, la demande en paiement formée par B______ LTD à l'encontre de A______ SA au Tribunal le 15 mai 2019;

Que par ordonnance du 24 juin 2019, le Tribunal a fixé à A______ SA un délai au 23 août 2019 pour répondre à la demande en paiement et en libération de la garantie bancaire s'agissant de l'arcade de 25m2 et de la vitrine;

Que le 9 août 2019, A______ SA, locataire, a conclu à ce que le Tribunal rapporte son ordonnance du 24 juin 2019 et constate d'emblée l'irrecevabilité de la demande, au besoin après une instruction spécifique liée à cette question;

Que le 22 août 2019, la locataire a fait savoir au Tribunal qu'elle attendait toujours une réponse à sa requête du 9 août 2019;

Que le 4 octobre 2019, A______ SA a formé un recours auprès de la Cour de justice pour retard injustifié, lequel a été admis par arrêt du 13 janvier 2020, la Cour ayant invité le Tribunal à statuer par une décision motivée sur la requête de limitation de la procédure formée par A______ SA le 9 août 2019;

Que parallèlement à la procédure de recours, A______ SA a déposé, le 18 octobre 2019 au Tribunal, un mémoire en réponse à la demande de B______ LTD et a formé une demande reconventionnelle;

Qu'elle a conclu, sur demande principale, à ce que le Tribunal constate la nullité de l'autorisation de procéder délivrée le 3 avril 2019, dise que la demande est irrecevable "faute d'autorisation de procéder valable" et déboute sa partie adverse de toutes ses conclusions;

Que par ordonnance OTBL/47/2020 du 25 mai 2020, le Tribunal a rejeté la requête de cette dernière visant à limiter la procédure à la question de la recevabilité de la demande et a cité les parties à comparaître à une audience de débats, précisant qu'une convocation suivrait;

Que saisie d'un recours pour déni de justice, la Cour a, par arrêt ACJC/1473/2020 du 19 octobre 2020, constaté que le Tribunal avait tardé de manière injustifiée à statuer;

Vu l'ordonnance du 25 octobre 2021 rendue par le Tribunal, rejetant la requête de A______ SA visant à limiter la procédure à la question de la recevabilité de la demande (ch. 1 du dispositif), indiquant les moyens de preuve admis, en l'état, pour chaque partie (ch. 2 et 3) et réservant la modification ultérieure de l'ordonnance (ch. 4);

Que le Tribunal a motivé comme suit sa décision concernant la limitation de la procédure : "Qu'il ressort des pièces produites par la demanderesse qu'elle était valablement représentée à l'audience de conciliation par des personnes dûment autorisées;

.

Qu'il n'y a pas donc pas lieu de limiter la procédure à la question de la recevabilité de la requête, de la validité de l'autorisation de procéder et/ou de la recevabilité de la demande";

Vu le recours formé le 5 novembre 2021 à la Cour de justice par A______ SA contre cette décision, concluant à ce que la Cour constate un déni de justice et la violation de son droit d'être entendue, constate la nullité des ordonnances du 25 octobre 2021, subsidiairement les annule et déclare les demandes du 15 mai 2019 irrecevables;

Vu la requête tendant à la suspension de l'effet exécutoire attachée à l'ordonnance querellée dont le recours est assorti, la locataire faisant en substance que l'ordonnance entreprise constituait une décision incidente, tranchant de la recevabilité de la demande; que par économie de procédure, il se justifiait de suspendre les effets de l'ordonnance, afin de limiter les frais liés à la procédure et le temps consacré à celle-ci;

Qu'invitée à se déterminer, la bailleresse a, par écritures du 15 novembre 2021, conclu au rejet de la requête d'effet suspensif;

Considérant, EN DROIT, que l'appel est recevable contre les décisions finales ou incidentes de première instance, dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC);

Que la décision finale est celle qui met un terme à l'instance, qu'il s'agisse d'un prononcé sur le fond ou d'une décision reposant sur le droit de procédure;

Que la décision partielle est celle qui, sans terminer l'instance, règle définitivement le sort de certaines des prétentions en cause (art. 90 let. a LTF), ou termine l'instance seulement à l'égard de certaines des parties à la cause (art. 91 let. b LTF);

Que les décisions qui ne sont ni finales ni partielles d'après ces critères sont des décisions incidentes (ATF 141 III 395 consid. 2.2); qu'il s'agit notamment des prononcés par lesquels l'autorité règle préalablement et séparément une question juridique qui sera déterminante pour l'issue de la cause (ATF 142 III 653 consid. 1.4; 142 II 20 consid. 1.2);

Que le juge rend une décision incidente lorsque l'instance de recours pourrait prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable (art. 237 al. 1 CPC); que la décision incidente est sujette à recours immédiat; qu'elle ne peut être attaquée ultérieurement dans le recours contre la décision finale (art. 237 al. 2 CPC);

Qu'une décision incidente selon l'art. 237 CPC ne déploie pas de façon générale d'effet de chose jugée, qui n'appartiendra qu'à la décision finale encore à intervenir dans le procès concerné; que cependant, le tribunal lui-même est lié par sa propre décision incidente et ne saurait la remettre en cause en rendant la décision finale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014 du 10 avril 2015 consid. 2.1, in SJ 2015 I 381; Tappy, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 12 ad art. 237 CPC; Staehelin, Kommentar ZPO, n. 14 ad art. 237 CPC);

Que pour l'appel contre une décision incidente, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions qui sont litigieuses devant l'instance cantonale inférieure auprès de laquelle la cause principale est pendante (art. 51 al. 1 lit. c LTF par analogie; Reetz/Theiler, Kommentar ZPO, n. 4 ad art. 308 CPC);

Qu'en l'espèce, dans la décision querellée, le Tribunal a, d'une part, considéré, dans sa motivation, que l'intimée avait été valablement représentée à l'audience de conciliation par des personnes dûment autorisées, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de limiter la procédure à la question de la recevabilité de la requête, de la validité de l'autorisation de procéder et/ou de la recevabilité;

Qu'en tant qu'elle règle définitivement la question de la validité de la représentation de l'intimée à l'audience de conciliation, l'ordonnance est une décision incidente, contre laquelle un appel immédiat est ouvert, la valeur litigieuse en première instance étant supérieure à 10'000 fr.;

Que l'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises en appel (art. 315 al. 1 CPC);

Qu'en revanche, en tant que la décision querellée admet les moyens de preuve admis pour chaque partie, il s'agit d'une ordonnance d'instruction (art. 124 CPC), susceptible du seul recours, recours dont la recevabilité est subordonnée à l'existence d'un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC), la cognition de la Cour étant limitée à l'appréciation manifestement inexacte des faits et à la violation de la loi (art. 321 al. 2 CPC);

Que le recours ne suspend pas la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision entreprise, l'autorité de recours (soit la Cour de céans) pouvant suspendre le caractère exécutoire en ordonnant au besoin des mesures conservatoires ou le dépôt de sûretés (art. 325 CPC);

Que, saisie d'une demande de suspension de l'effet exécutoire, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1);

Qu'en la matière, l'instance d'appel dispose d'un large pouvoir d'appréciation
(ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5; 5A_419/2014 du 9 octobre 2014 consid. 7.1.2);

Que, selon les principes généraux, l'autorité procède à une pesée des intérêts en présence et doit se demander, en particulier, si la décision est de nature à provoquer une situation irréversible; qu'elle prend également en considération les chances de succès du recours (arrêts du Tribunal fédéral 4A_337/2014 du 14 juillet 2014 consid. 3.1; 4D_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);

Considérant qu'en l'espèce, l'existence d'un préjudice difficilement réparable est, prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, rendue vraisemblable, l'admission de l'appel contre la décision incidente pouvant entraîner l'irrecevabilité de la demande formée par l'intimée, et partant mettre fin à la présente procédure;

Que la requête d'effet suspensif sera en conséquence admise.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Présidente de la Chambre des baux et loyers :

Statuant sur la suspension de l'effet exécutoire :

Suspend l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2314/2019-2 ALA OSD.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 









 

 

 

 

 

 




Indications des voies de recours
:

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.