Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/4606/2021

ACJC/1248/2021 du 04.10.2021 sur JTBL/401/2021 ( SBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4606/2021 ACJC/1248/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 4 OCTOBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Genève, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 29 avril 2021, comparant par Me Luca MINOTTI, avocat, rue du Rhône 118, case postale 3252, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

1) B______ SA, intimée, représentée par C______ SA, rue ______ [GE], en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

2) Monsieur D______, sans domicile connu, intimé, comparant par
Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat, rue Patru 2, case postale 110, 1211 Genève 4, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

3) E______ SA, p.a. Restaurant F______, rue ______, Genève, intimée, comparant en personne,

4) Monsieur G______, p.a. Restaurant F______, rue ______, Genève, intimé, comparant en personne,

5) Monsieur H______, p.a. Restaurant F______, rue ______, Genève, intimé, comparant en personne.


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/401/2021 du 29 avril 2021, reçu le 11 mai 2021 par A______, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné E______ SA, G______, H______, D______ et A______ à évacuer immédiatement de leurs personnes, de leurs biens ainsi que de toutes personnes dont ils étaient responsables l'arcade de 80 m2 située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de E______ SA, G______, H______, D______ et A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

En substance, le Tribunal a retenu que les locataires n'avaient pas rendu vraisemblable que l'une ou l'autre des conditions de l'art. 257d al. 1 CO faisait défaut. Ils n'avaient pas contesté s'être trouvés en défaut de paiement au moment où le congé avait été donné, ce qui ressortait au demeurant des pièces produites. La bailleresse était ainsi fondée à résilier le bail, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Depuis l'expiration du terme fixé, les locataires ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux de la bailleresse, de sorte que leur évacuation devait être prononcée.

B.            a. Par acte expédié le 21 mai 2021 au greffe de la Cour de justice, A______ forme appel de ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut principalement à l'irrecevabilité de la requête déposée le 11 mars 2021 par B______ SA, subsidiairement à ce que la Cour dise que la résiliation du bail par formule officielle du 26 janvier 2021 était nulle, et au déboutement de toute autre partie de toute autre ou contraire conclusion, avec suite de frais et dépens.

Il produit deux pièces nouvelles, soit un extrait du Registre foncier du 21 mai 2021 relatif à l'immeuble sis 1______ à Genève (pièce 2) et un suivi de recommandé distribué le 9 février 2021 (pièce 3).

Il allègue des faits nouveaux et développe une nouvelle argumentation juridique en lien avec l'exigibilité du loyer.

b. B______ SA conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. E______ SA, G______, H______ et D______ n'ont pas répondu à l'appel dans le délai imparti.

d. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions d'appel.

e. Par avis du 12 juillet 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 25 octobre 2007, I______ SA et J______, bailleurs, ont conclu avec E______ SA, G______, H______, D______ et A______, locataires, un contrat de bail à loyer portant sur une arcade de 80 m2 située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 1______ à Genève.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 4'158 fr. par mois, l'acompte pour le chauffage et l'eau chaude à 300 fr. et le forfait pour l'eau froide et les taxes d'épuration à 200 fr.

Les locaux servent à l'exploitation d'un restaurant, conformément à leur destination contractuelle.

b. A une date indéterminée, B______ SA est devenue l'unique propriétaire de l'immeuble précité.

c. Le 1er novembre 2020, le Conseil d'Etat genevois a ordonné, en lien avec la pandémie de COVID-19, la fermeture, dès le même jour, notamment des installations et établissements offrant des consommations, tels que les restaurants, les services à l'emporter et de livraison étant réservés.

Les restaurants ont pu ouvrir à nouveau à Genève à compter du 10 décembre 2020, avant de subir une nouvelle fermeture dès le 23 décembre 2020 à 23 heures jusqu'au printemps 2021.

d. Par avis comminatoires du 15 décembre 2020, B______ SA a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 30 jours la somme de 4'718 fr., à titre d'arriéré de loyer et de charges pour le mois de décembre 2020 ainsi que de frais de sommation et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

e. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, B______ SA a, par avis officiels du 26 janvier 2021, résilié le bail pour le 28 février 2021.

f. Par requête en protection des cas clairs formée le 11 mars 2021 auprès du Tribunal des baux et loyers, B______ SA a requis l'évacuation immédiate des locataires ainsi que l'exécution directe de celle-ci.

g. Lors de l'audience du 29 avril 2021, B______ SA a persisté dans ses conclusions et indiqué que l'arriéré s'élevait désormais à 23'290 fr.

Parmi les locataires, seul A______ était présent. D______ était quant à lui représenté et les autres n'étaient ni présents, ni représentés.

A______ a notamment déclaré que le restaurant était exploité par G______, que ce dernier était chargé de payer les loyers et qu'il lui avait dit qu'il les avait payés.

Il a par ailleurs expliqué qu'une autre procédure était en cours, en contestation d'un congé ordinaire.

A______ et D______ ont conclu à l'irrecevabilité de la requête en évacuation.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche le congé est également contesté, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage de l'objet se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 144 III 346 consid. 1.2, 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

En l'espèce, le loyer mensuel de l'arcade litigieuse est de 4'158 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte en toute hypothèse.

1.2 Interjeté dans le délai utile de 10 jours (art. 142 al. 1, 143 al. 1, 248 let. b et
314 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

1.4 Les parties à un rapport de droit qui n'est susceptible que d'une décision unique doivent agir ou être actionnés ensemble (art. 70 al. 1 CPC).

Lorsque l'action n'est pas introduite par toutes les parties tenues de procéder en commun ou qu'elle n'est pas dirigée contre celles-ci, il y a défaut de légitimation active ou passive et la demande sera rejetée (ATF 138 III 737 c. 2, JdT 2013 II 379; 137 III 455 c. 3.5). Le principe de l'action commune souffre toutefois des tempéraments. En particulier, la présence de tous les consorts comme demandeurs ou comme défendeurs n'est pas toujours exigée; la consorité nécessaire peut parfois se limiter à la participation au procès de tous les consorts, répartis d'un côté et de l'autre de la barre, notamment dans les actions formatrices. En matière d'action en annulation du congé, eu égard au but de protection sociale poursuivi, particulièrement aigu lorsqu'un local d'habitation est en jeu (Luscher/Kinzer, note in Cahiers du bail, 2006 p. 119), il faut reconnaître au colocataire le droit d'agir seul en annulation du congé, mais vu le caractère formateur de l’action en annulation du congé, qui implique que le bail soit maintenu ou résilié envers toutes les parties, le demandeur doit assigner aux côtés du bailleur le ou les colocataires qui n'entendent pas s'opposer au congé, sous peine de se voir dénier la qualité pour agir (ATF 140 III 598 c. 3.2).

En l'occurrence, le fait que l'appel ait été formé par un seul des colocataires est sans incidence sur sa qualité pour agir, dans la mesure où les autres colocataires sont également intimés, aux côtés de la bailleresse, dans le cadre de la procédure d'appel.

2.             L'appelant produit deux pièces nouvelles, soit un extrait du Registre foncier du 21 mai 2021 (pièce 2) et un suivi de recommandé distribué le 9 février 2021 (pièce 3).

Il forme par ailleurs des allégués nouveaux au sujet des mesures sanitaires liées à la pandémie de COVID-19, de la communication aux locataires du changement de l'identité de la bailleresse et de son représentant, d'une précédente résiliation du bail ainsi que de la notification de la sommation du 15 décembre 2020 et du congé du 26 janvier 2021.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

La question à résoudre pour déterminer si la condition de l'art. 317 al. 1 CPC est remplie consiste à savoir si le moyen de preuve n'aurait pas pu être obtenu avant la clôture des débats principaux de première instance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.2 et 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.3).

Les faits notoires ne doivent être ni allégués ni prouvés (art. 151 CPC). Pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment présent à l'esprit; il suffit qu'il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1). En ce qui concerne internet, seules les informations bénéficiant d'une empreinte officielle (par ex : Office fédéral de la statistique, inscriptions au Registre du commerce, cours de change, horaire de train des CFF etc.) peuvent être considérées comme notoires, car facilement accessibles et provenant de sources non controversées (ATF 143 IV 380 consid. 1.2).

Une nouvelle motivation juridique doit être distinguée des faits nouveaux. Elle n'est pas visée par l'art. 317 al. 1 CPC et peut, dès lors, être présentée tant en appel que devant le Tribunal fédéral, dans le cadre de l'objet du litige (ATF 136 V 362 consid. 4.1). Ceci résulte en particulier du principe de l'application du droit d'office (art. 57 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_519/2011 du 28 novembre 2011 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, l'extrait du Registre foncier (pièce 2) produit par l'appelant aurait pu être obtenu et produit en première instance déjà, sans qu'il n'explique pour quelle raison il en aurait été empêché. Cela étant, les informations contenues dans cette pièce constituent des faits notoires, en tant qu'elles sont librement accessibles en ligne et bénéficient d'une empreinte officielle, de sorte que la Cour peut néanmoins en tenir compte, étant relevé que le fait que cette pièce vise à prouver n'est pas nouveau.

Le suivi du recommandé (pièce 3), antérieur au moment où le Tribunal a gardé la cause à juger en première instance, est irrecevable, dès lors qu'il aurait pu être produit en première instance sans que l'appelant n'explique pour quelle raison il aurait été empêché de le faire.

Les faits allégués en lien avec la pandémie de COVID-19 et les mesures sanitaires ordonnées empêchant l'exploitation du restaurant, constituent des faits notoires, qui n'ont besoin d'être ni allégué ni prouvé, de sorte que la Cour peut en tenir compte.

La recevabilité des autres faits nouveaux allégués peut en l'état demeurer indécise, dès lors qu'ils sont sans incidence sur l'issue du litige.

Quant à la nouvelle argumentation juridique développée par l'appelant au sujet de l'exigibilité du loyer, elle est admissible au regard des principes rappelés ci-avant.

3.             L'appelant reproche au Tribunal d'avoir admis que les conditions de la protection des cas clairs étaient réunies.

3.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

3.1.1 Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254
al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du tribunal, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvée. En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du tribunal ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2).

Si le tribunal parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le tribunal doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.1).

3.1.2 Selon l'art. 257c CO, le locataire doit payer le loyer et, le cas échéant, les frais accessoires, à la fin de chaque mois, mais au plus tard à l'expiration du bail, sauf convention ou usage local contraires.

Aux termes de l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

La demeure du locataire, au sens de cette disposition, suppose que la créance du bailleur soit exigible et que le locataire soit en retard dans l'exécution de l'obligation y relative. Si l'une de ces deux conditions cumulatives n'est pas réalisée, le délai de paiement imparti au locataire par le bailleur, en application de l'art. 257d al. 1 CO, reste sans effet (arrêt du Tribunal fédéral 4A_566/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.1).

L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO, comme celle pour défaut de paiement du fermage au sens de l'art. 282 CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Le tribunal doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable (une prolongation du bail n'entrant pas en ligne de compte lorsque la résiliation est signifiée pour demeure conformément aux art. 257d ou 282 CO). Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1 et les références citées).

3.1.3 La question du paiement du loyer des locaux commerciaux pendant la pandémie de Covid-19, en particulier concernant les établissements publics dont la fermeture a été ordonnée par les autorités tant cantonales que fédérales, n'a pas encore été tranchée à ce jour. Cette question doit faire l'objet d'une analyse approfondie. En effet, il doit être définitivement jugé, que ce soit sous l'angle de l'art. 259d CO (réduction de loyer), de l'impossibilité subséquente (art. 119 CO), de l'exorbitance (art. 97 al. 1 CO) ou de la clausula rebus sic stantibus, si le loyer reste dû - totalement ou partiellement - durant cette période ou non (ACJC/722/2021 du 7 juin 2021 consid. 2.1.3).

De nombreux avis de droit ont été requis et publiés par les milieux concernés et parviennent à des conclusions diamétralement opposées, les premiers considérant que la cessation de règlement des loyers ne peut être envisagée (https://www.cgionline.ch/wp-content/uploads/2020/03/avis-de-droit.pdf), et les seconds que le loyer n'est pas dû, en application des règles sur le défaut de la chose louée (art. 259d CO), l'impossibilité subséquente d'exécution (art. 119 CO), la notion d'exorbitance (art. 97 al. 1 CO) et l'adaptation du contrat par le juge (https://www.asloca.ch/wp-content/uploads/2020/03/Avis-de-droit-loyers_locaux_
commerciaux_ASLOCA-1.pdf; ACJC/722/2021 précité consid. 2.1.3).

3.2 En l'espèce, l'avis comminatoire du 15 décembre 2020 sommait les locataires de payer le loyer du mois de décembre 2020 ainsi que des frais de rappel dans un délai de trente jours, à défaut de quoi le bail serait résilié. Or et comme le relève à juste titre l'appelant, dans un grief recevable en appel en tant qu'il constitue uniquement une nouvelle motivation juridique (cf. supra consid. 2), le contrat de bail produit à l'appui de la requête en évacuation ne prévoit pas que le loyer était payable d'avance en dérogation à l'art. 257c CO, de sorte que les locataires n'étaient pas en demeure pour le paiement du loyer du mois de décembre 2020 à la date de l'avis comminatoire.

La bailleresse soutient qu'une telle dérogation serait prévue par les conditions générales genevoises pour locaux commerciaux, applicables à la relation contractuelle selon le contrat de bail des parties et selon lesquelles les loyers et les provisions ou forfaits pour les frais accessoires seraient payables par mois d'avance. Ces conditions générales ne figurent toutefois pas à la procédure et ne sauraient être considérées comme des faits notoires. Il n'est par conséquent pas établi à teneur du dossier que les locataires étaient en demeure au moment de la sommation du 15 décembre 2020, condition pourtant nécessaire à la résiliation du bail fondée sur l'art. 257d CO. La situation n'étant pas claire, la requête du 11 mars 2021 est irrecevable pour ce motif déjà.

L'appelant fait par ailleurs valoir que les locataires devraient être exonérés du paiement du loyer litigieux et que celui-ci ne pouvait ainsi pas être exigé, dès lors que les mesures sanitaires prises par les autorités en lien avec la pandémie du COVID-19 les ont empêchés de faire usage de la chose louée tel que prévu contractuellement, soit d'exploiter pleinement leur restaurant. Tel est effectivement le cas, puisque le Conseil d'Etat genevois a ordonné la fermeture de ce type d'établissement entre le 1er novembre et le 10 décembre 2020, puis à nouveau dès le 23 décembre 2020 jusqu'au printemps 2021, seuls les services de livraison et de vente à l'emporter étant autorisés durant ces périodes.

Le Tribunal fédéral n'a, pour l'heure, pas tranché la question de l'incidence des mesures sanitaires sur le paiement des loyers de locaux commerciaux. La doctrine est par ailleurs partagée sur la question, de sorte qu'elle est loin d'être éprouvée au sens de l'art. 257 CPC. Partant, la situation juridique n'est pas claire non plus.

Les conditions du cas clair n'étant pas remplies, le jugement entrepris sera annulé et la requête du 11 mars 2021 formée par la bailleresse déclarée irrecevable, sans qu'il ne soit utile d'examiner plus avant les griefs de l'appelant.

4.             Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC; ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 mai 2021 par A______ contre le jugement JTBL/401/2021 rendu le 29 avril 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4606/2021-8-SE.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Déclare irrecevable la requête en protection des cas clairs du 11 mars 2021 formée par B______ SA à l'encontre de E______ SA, G______, H______, D______ et A______.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.