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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15905/2015

ACJC/601/2017 du 22.05.2017 sur JTBL/950/2016 ( OBL ) , MODIFIE

Descripteurs : BAIL À LOYER ; DÉFAUT DE LA CHOSE ; ISOLATION ; UTILISATION ; DOMMAGES-INTÉRÊTS ; MOTIVATION DE LA DEMANDE
Normes : CO.259.a; CPC.311.1; CO.259.d;
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15905/2015 ACJC/601/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 22 MAI 2017

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______ (GE),

2) B______ Sàrl, représentée par son liquidateur, A______, ______ (GE), appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 octobre 2016, comparant tous deux par Me Cyril MIZRAHI, avocat, chemin de la Gravière 6, case postale 71, 1211 Genève 8, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

1) Monsieur C______, domicilié ______ (GE),

2) D______ SÀRL, ayant son siège ______ (GE), intimés, comparant tous deux par Me  Pascal PETROZ, avocat, rue de la Coulouvrenière 29, case postale 5710, 1211 Genève 11, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/950/2016 du 14 octobre 2016, notifié le 18 du même mois aux parties, le Tribunal des baux et loyers a débouté A______ et B______ Sàrl de leurs conclusions en réduction de loyer et en versement de dommages et intérêts (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

b. Par acte expédié le 17 novembre 2016 au greffe de la Cour de justice,A______ et B______ Sàrl ont formé appel contre ce jugement, concluant à l'annulation du chiffre 1 de son dispositif et à la condamnation de C______ et D______ SÀRL, pris conjointement et solidairement, au paiement des sommes de 75'600 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 15 avril 2011 à titre de réduction de loyer et de 644'491 fr. 51 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2012 à titre de dommages et intérêts.

c. Dans leur réponse du 6 janvier 2017,C______ et D______ SÀRL ont conclu au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de leurs parties adverses aux frais judiciaires et dépens de la procédure.

Ils ont produit plusieurs pièces figurant déjà dans le dossier de première instance (pièces A à D).

d. A______ et B______ Sàrl ont répliqué, persistant dans les conclusions de leur appel. Ils ont en outre pris une conclusion nouvelle, à savoir la condamnation de C______ et D______ SÀRL, pris conjointement et solidairement, aux frais judiciaires et dépens de la procédure.

e. C______ et D______ SÀRL n'ont pas exercé leur droit de dupliquer.

f. Par plis séparés du 27 février 2017, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. C______ était propriétaire de l'immeuble sis ______, à Genève. Le 21 décembre 2012, il a transféré cet immeuble à D______ SÀRL, société dont il est l'associé gérant et qui a son siège à son domicile.

b. Construit en 1650, cet immeuble est ancien, mal isolé et pourvu de fenêtres à simple vitrage. Il abrite, au rez-de-chaussée, une arcade comprenant deux pièces d'environ 20 m2 et 36 m2 qui donnent accès à un local en sous-sol, de 38 m2 et, aux étages, des appartements, proposés à la location.

Avant juillet 2008, l'arcade a été occupée par un antiquaire puis par une association.

c. Le 1er juillet 2008, C______ a loué l'arcade en question, à destination d'un "tea-room/wine bar". Le bail prévoyait que le locataire devait prendre les dispositions nécessaires afin de ne pas importuner le voisinage et veiller à ne pas provoquer de nuisances sonores après 22h.

d. Le 10 septembre 2008, une demande d'autorisation en vue de changer l'affectation de l'arcade en "bar à vin et tea-room" a été déposée par le nouvel occupant.

Le Service de la protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants
(ci-après : SPBR) a émis un préavis réservé à la condition de respecter les exigences d'isolement acoustique de la norme SIA 181.

e. Le 1er décembre 2008, un rapport de mesures d'isolement acoustique a été effectué par E______, architecte-acousticien. Il en résultait que l'isolation aux bruits aériens entre la salle principale de l'arcade et l'appartement situé à l'étage supérieur était nettement inférieure aux exigences fixées. La pose d'un plafond entre les poutres permettrait une diminution du bruit entre 3 et 6 décibels. En raison des contraintes liées au bâtiment existant, les exigences d'isolation ne pourraient toutefois pas être atteintes, même avec un plafond entre les poutres. Selon l'architecte, le classement de l'établissement comme "restaurant sans musique forte" était cependant sévère compte tenu de la petite taille de l'établissement. Au vu de ces éléments, il conseillait de vérifier avec les services compétents si une dérogation pouvait être obtenue avant d'effectuer d'éventuels travaux d'amélioration de l'isolation.

E______ a expliqué que l'arcade en question n'était pas adéquate pour une exploitation avec un support musical autre qu'une musique en sourdine permettant aux personnes qui discutaient de pouvoir parler entre elles. Les normes d'isolation en vigueur ne permettaient même pas l'exploitation d'un établissement sans musique. Il aurait fallu reconstruire l'immeuble pour respecter les normes en matière de protection contre les nuisances sonores. L'octroi d'une autorisation d'exploitation était néanmoins possible par dérogation.

f. Le SPBR a finalement donné l'autorisation de transformer l'arcade en bar, au regard de sa petite dimension et en dérogation aux normes applicables.

Jusqu'au mois de mars 2010, l'arcade a été occupée par un bar à l'enseigne "F______". Le bailleur a été confronté à des plaintes du voisinage, notamment en raison du bruit provenant de cet établissement.

g. En mars 2010, les locataires de l'immeuble sis ______ (GE) ont décrit en détails à la régie gérant l'immeuble et au bailleur les problèmes rencontrés pendant l'exploitation du bar "F______", à savoir notamment les horaires d'exploitation, l'absence d'insonorisation ainsi que la musique trop forte, et ont indiqué espérer que cela ne se reproduirait plus à l'avenir.

Par courrier du 24 mars 2010, C______ a assuré aux locataires que la régie rendrait le futur locataire attentif aux règles de bon voisinage et mettrait tout en œuvre pour que ce dernier respecte les conditions d'exploitation.

h. Par contrat du 13 mars 2010, les exploitants du bar "F______" ont vendu leur fonds de commerce à B______ SÀRL au prix de 95'000 fr., sous la condition suspensive de l'acceptation du transfert du bail.

B______ SÀRL, dont le but social comprenait notamment l'exploitation de bars, a été inscrite au Registre du commerce le 14 juillet 2010.

A______ était l'un des associés de cette société.

i. Par contrat du 21 mai 2010, C______ a loué l'arcade au rez-de-chaussée de son immeuble à A______ et, selon un avenant du 8 septembre 2010, B______ SÀRL est devenue conjointement et solidairement responsable des obligations contractuelles de A______, dès le 1er octobre 2010.

Les locaux étaient destinés à "l'exploitation d'un tea-room, bar à vins et bières avec possibilité de petite restauration".

La durée du bail a été fixée à cinq ans, du 1er juin 2010 au 31 mai 2015.

Le loyer, charges non comprises, a été fixé à 43'200 fr. par an.

Selon l'art. 10 des clauses particulières du contrat, le locataire devait notamment veiller à ce que son activité ne crée aucune gêne, en particulier sonore et/ou olfactive, pour les autres locataires. Il s'engageait à prendre à sa charge toute mesure utile afin de réduire, voire supprimer, toute nuisance pouvant provenir de son exploitation. Il veillerait particulièrement à ne pas provoquer de nuisances sonores après 22 heures.

j. Avant et lors de la conclusion du bail, ni les vendeurs du fonds de commerce du bar "F______", ni la régie de l'immeuble, ni C______ n'ont rendu A______ et/ou B______ SÀRL attentifs à l'insuffisance de l'isolation phonique de l'immeuble et aux plaintes passées des autres locataires.

C______ a déclaré que, nonobstant le fait qu'il avait connaissance des nuisances sonores engendrées par l'exploitation du "F______", il n'avait pas eu de justes motifs pour s'opposer au transfert du bail, la solvabilité des repreneurs ne posant pas problème. Les vendeurs du fonds de commerce avaient en outre fait pression sur lui pour qu'il accepte le transfert, le menaçant, en cas de refus, d'action judiciaire.

k. Entre le 28 juin et le 23 juillet 2010, des travaux d'électricité ont été effectués dans le bar, à savoir "récupération d'alimentation, pose de système de commande avec fourniture des éléments, déplacement et tirage de câbles 220V et sono et téléphone, pose de lustrerie, mise en place de 12 haut-parleurs, repérage défaut sur amplification, installation d'un système automatique d'allumage pour la cave et divers".

l. A______ et B______ SÀRL ont eu recours aux services de G______, technicien en sonorisation, pour les conseiller sur l'équipement de sonorisation le plus adéquat pour le bar. Conformément aux conseils de ce dernier, les coins de chaque pièce ont été équipés d'un haut-parleur de bonne qualité, deux amplificateurs ont été installés au vu du nombre important de haut-parleurs, et un "zoner" a été mis en place pour régler le volume de la musique dans chaque pièce individuellement. Il s'agissait d'optimiser la qualité du son avec un niveau sonore minimal. Cette configuration valait pour un bar, et non pour un tea-room. Selon G______, qui avait par la suite fréquenté l'établissement, la musique diffusée y était agréable sans être forte. Il s'agissait d'une musique d'ambiance qui permettait encore de soutenir une conversation, mais non pas d'une simple musique de fond comme dans les grands magasins.

m. Le 5 juillet 2010, alors que A______ et B______ SÀRL envisageaient une extension des heures d'ouverture de leur futur bar jusqu'à 2 heures du matin, la régie gérant l'immeuble a transmis à A______ le rapport d'expertise établi le 1er décembre 2008 par E______.

Le 14 juillet 2010, A______ s'est adressé à la régie de l'immeuble en se référant au rapport précité. Il relevait que l'exploitation des locaux, telle qu'elle était prévue dans le contrat, n'était a priori pas autorisée, les normes d'isolation acoustique fixées par l'autorisation d'exploitation dont jouissait l'ancien locataire n'étant pas respectées. Cette insuffisance d'isolation acoustique, dans la mesure où elle était susceptible de restreindre, voire d'empêcher l'exploitation pour laquelle les locaux avaient été loués, constituait à son sens un défaut dont la réparation incombait au bailleur.

C. a. Dès le 22 juillet 2010, A______ et B______ SÀRL ont exploité dans l'arcade louée un établissement public à l'enseigne "H______" (ci-après : H______).

Le bar a rapidement été ouvert en semaine de 17 heures jusqu'à 1 heure du matin et jusqu'à 2 heures du matin les vendredis et samedis.

b. Par courrier du 5 octobre 2010, la régie a informé A______ de plaintes d'autres locataires de l'immeuble au sujet de bruit provenant de l'intérieur de l'établissement sous forme de musique trop forte et de l'extérieur sous forme de voix de clients. Elle l'a menacé de résiliation anticipée du bail s'il ne cessait pas de troubler la quiétude des voisins.

c. Le lendemain, le SPBR s'est adressé à B______ SÀRL afin de lui faire part de ce qu'il avait été saisi d'une plainte du voisinage en raison de nuisances sonores ayant pour origine la musique de H______. Il relevait que le Service du commerce n'avait pas autorisé la diffusion de musique pouvant déranger le voisinage.

d. A______ et B______ SÀRL ont répondu à la régie par courrier du 13 octobre 2010, relevant que les locaux loués présentaient un défaut d'isolation phonique connu du bailleur au moment de la conclusion du bail. Ils ont fait état de leur intention de prendre des mesures pour limiter tant les émissions sonores dues à la musique que le bruit causé par la clientèle à l'extérieur.

e. Le 10 novembre 2010, plusieurs locataires ont adressé un courrier au bailleur, se plaignant des nuisances sonores, spécialement nocturnes, produites par l'exploitation de H______. A l'intérieur de l'immeuble, la musique s'entendait parfois jusqu'au 3ème étage. En outre, les clients faisaient du bruit dehors, même après la fermeture, à 2 heures du matin. Les six signataires du courrier ont annoncé leur intention de se prévaloir de leur droit à une réduction de loyer si des mesures n'étaient pas rapidement prises.

f. Le Service du commerce a fixé l'horaire de fermeture de H______ à minuit dès le 1er janvier 2011.

g. Par avis adressés le 22 février 2011 à A______ et à B______ SÀRL, C______ a résilié le bail pour le 30 juin 2011 en raison des nuisances sonores générées par l'établissement, lesquelles avaient perduré malgré la mise en demeure du 5 octobre 2010.

Cette résiliation a fait l'objet d'une procédure judiciaire tendant à son annulation.

h. En mars 2011, à la suite d'une soirée lors de laquelle ils avaient été débordés, A______ et B______ SÀRL ont décidé de prendre des mesures durables, à savoir l'engagement d'un chuchoteur, la fermeture de la porte de l'établissement dès 20h, l'interdiction aux clients de sortir des verres à l'extérieur et l'examen des possibilités d'améliorer l'isolation phonique des locaux.

i. Le 1er avril 2011, Me I______, huissier judiciaire, s'est rendu aux abords et dans deux logements de l'immeuble sis ______ (GE). Entre 23h05 et 23h50, il a constaté que de la musique, des éclats de voix, des rires, des cris ainsi que des hurlements par intermittence étaient distinctement audibles notamment depuis le studio de J______, locataire au 1er étage, provenant des fenêtres et du plancher. Des vibrations de basses de haut-parleurs étaient également perceptibles à travers le plancher et la musique était parfois interrompue pour laisser chanter la clientèle. Dans l'appartement de K______, locataire au 3ème étage, il a entendu les bruits de voix de clients de H______ se trouvant dehors. L'huissier a relevé que l'immeuble d'en face faisait écho et que les fenêtres fermées ne protégeaient pas les habitants du bruit extérieur.

j. Le témoin L______, ancien associé-gérant de B______ SÀRL et ancien barman de H______, a déclaré que de la musique douce et en sourdine était diffusée en permanence au sein de l'établissement. Mis à part un concert acoustique pour l'ouverture du bar avec une guitare et une voix dans la salle de l'étage inférieur et moyennant une autorisation d'animation musicale ponctuelle, aucune autre manifestation musicale n'avait été organisée. Il arrivait que des clients "poussent la chansonnette". La musique était interrompue trente minutes avant la fermeture. A quelques reprises, des locataires de l'immeuble étaient venus se plaindre essentiellement du bruit provenant de l'extérieur. H______ était toujours pleine, ce qui générait un attroupement devant l'établissement. Des chuchoteurs avaient été engagés pour s'assurer que ce n'était pas la clientèle du bar qui causait les nuisances et les consommations à l'extérieur avaient été interdites. L'appartement de J______ était relié à l'une des salles du bar par un conduit de cheminée qui avait été condamné, de sorte qu'il était possible que du bruit se propage par ce biais.

k. Le 7 avril 2011, une locataire de l'immeuble a déposé une plainte auprès de la gendarmerie au motif que du courrier était régulièrement volé dans sa boîte aux lettres, précisant que le vol concernait également d'autres locataires, notamment B______ SÀRL.

Le même jour, B______ SÀRL a déposé une demande de changement d'adresse temporaire à la poste.

l. Dès le 11 avril 2011, à la demande des exploitants, le Service du commerce a de nouveau autorisé un dépassement des heures d'ouverture de H______ jusqu'à une heure du matin en semaine et jusqu'à 2 heures du matin les week-ends.

m. Du jeudi 23 au dimanche 26 juin 2011, le SPBR a, à la suite de doléances de J______, fait procéder à des prises de mesures continues du bruit dans son studio, fenêtres fermées. Les mesures enregistrées ont permis de constater des dépassements très élevés des normes de protection contre les bruits aériens et solidiens, générés essentiellement par la musique diffusée à l'intérieur du bar.

Ces constatations ont fait l'objet d'un rapport adressé le 14 juillet 2011 par le SPBR au Service du commerce. Le SPBR a notamment considéré que les haut-parleurs diffusant des basses fréquences devaient impérativement être supprimés, seule une musique de fond pouvant être diffusée dans cet établissement conformément à son autorisation.

n. Dans un courrier entre architectes daté du 31 janvier 2012 et adressé en copie aux exploitants de H______, E______ a considéré, au regard des mesures prises par le SPBR en juin 2011, que la pose d'un plancher flottant avait légèrement amélioré l'isolation phonique, par rapport à celle en place au 27 septembre 2008. Le manque d'isolation restait toutefois important et ne pouvait être corrigé sans une reconstruction complète de l'immeuble.

o. Sur la base d'un second rapport du SPBR selon lequel l'isolation au bruit aérien n'était pas conforme aux exigences fixées par la norme SIA pour un "établissement sans musique", une réunion avec les personnes concernées a été organisée par le Service du commerce le 26 janvier 2012, puis un délai au 2 février 2012 a été octroyé aux exploitants de H______ et à C______ pour proposer des solutions de mise en conformité. Lors de cette réunion, le Service du commerce a notamment relevé que le problème des nuisances sonores ne provenait pas uniquement de la musique diffusée dans le bar, mais également de l'isolation phonique des locaux loués qui n'était pas conforme, les conversations "normales" étant entendues par les locataires logeant à l'étage supérieur.

Par courrier du 2 février 2012, C______ a indiqué qu'il s'opposait à ce que des travaux soient entrepris dans le bar, dans la mesure où le contrat de bail le liant à A______ et à B______ SÀRL avait été résilié.

p. Par décision du 29 février 2012, le Service du commerce a ordonné la fermeture de H______ en raison de la non-conformité des locaux.

Il résultait de cette décision que les locaux loués n'étaient pas conformes aux normes applicables en matière d'isolation sonore. Des travaux d'amélioration de l'isolation sonore ne pouvaient en outre être envisagés en raison des contraintes liées au bâtiment, d'une part, et du désaccord du propriétaire de l'immeuble à la réalisation de tels travaux, d'autre part. Selon l'avis d'un acousticien, la norme SIA ne pouvait même pas être respectée par un établissement public sans musique, en raison des caractéristiques du bâtiment. Une mise en conformité des locaux loués s'avérait ainsi compromise, de sorte qu'il n'y avait d'autres choix que d'ordonner la fermeture de l'établissement.

Compte tenu de l’impossibilité d’améliorer suffisamment l'isolation phonique de l’arcade, B______ SÀRL n'a pas jugé opportun de contester la décision prise par le Service du commerce.

H______ a fermé ses portes le 1er mars 2012.

M______, chef de secteur au Service du commerce, a déclaré que préalablement à la décision de fermeture de H______, une dizaine de séances avaient eu lieu depuis 2010 avec différents intervenants publics et les exploitants du "F______" puis de H______ afin de trouver une solution pour mettre un terme aux nuisances sonores envers les voisins. Le Service du commerce avait été saisi de plaintes des habitants et avait reçu divers rapports de police qui l'alertaient sur les nuisances sonores. Des mesures avaient été prises par les exploitants, mais elles s'étaient avérées insuffisantes.

q. Par courrier du 2 mai 2012, A______ et B______ SÀRL ont déclaré résilier le contrat de bail avec effet immédiat, au motif que la mauvaise isolation phonique empêchait l'exploitation d'un "tea-room". Ils ont annoncé leur intention de réclamer une réduction de loyer, ainsi que des dommages et intérêts.

Leur résiliation a rendu sans objet la procédure judiciaire tendant à l'annulation de la précédente résiliation relative au même bail notifiée par C______.

r. Par jugements du 13 novembre 2012, le Tribunal des baux et loyers a accordé une réduction de 30% sur les loyers dus par K______ et J______, en raison des nuisances sonores générées par H______.

s. A compter du mois de décembre 2012, une procédure a opposé A______ et B______ SÀRL à C______ devant le Tribunal des baux et loyers concernant notamment le remboursement par les premiers au second de la réduction de loyer accordée aux deux locataires précités (C/1______).

Cette procédure s'est terminée par un arrêt de la Cour de justice du 29 février 2016 (ACJC/2______).

Dans cet arrêt, la Cour de justice a notamment considéré que A______ et B______ SÀRL avaient violé leur obligation contractuelle de ne pas provoquer des nuisances sonores gênant les autres locataires, en particulier après 22 heures, en exploitant dans les locaux loués un bar ouvert au-delà de ladite heure diffusant constamment de la musique et attirant une clientèle nombreuse, dont les conversations, chants et cris débordaient sur la voie publique. Les locaux loués ne présentaient toutefois pas une qualité de construction sur laquelle ils pouvaient légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu. Le bailleur leur avait en effet loué l'arcade en vue de "l'exploitation d'un tea-room, bar à vins et bières avec possibilité de petite restauration". Or, la procédure avait permis d'établir que l'immeuble souffrait d'un manque important en matière d'isolation phonique et que les normes en matière de protection contre les bruits ne permettaient en réalité même pas l'exploitation d'un établissement sans musique dans les locaux loués alors que celle d'un bar à vins et bières implique, de façon notoire, la diffusion d'une musique d'ambiance.

La Cour de justice a néanmoins considéré que ce défaut n'était pas propre à rompre le lien de causalité adéquate entre la violation de l'obligation contractuelle du locataire et de sa codébitrice de ne pas provoquer des nuisances sonores excessives, d'une part, et le dommage subi par le bailleur sous forme de perte de loyers en raison de ces nuisances, d'autre part. Le manque d'isolation phonique de l'arcade louée avait en revanche contribué à créer le dommage du bailleur. En effet, si l'immeuble avait joui d'une bonne isolation phonique de par sa construction, alors le bruit perçu dans les logements sis au-dessus du bar aurait été bien atténué. Il se justifiait donc de réduire les dommages-intérêts dus au bailleur de moitié.

t. Le ______ 2014, B______ SÀRL a été dissoute d'office. Depuis lors, elle est devenue B______ Sàrl et A______ en est devenu l'associé gérant liquidateur.

D. a. Par demande en paiement déposée le 31 juillet 2015 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée le 14 septembre 2015 et introduite devant le Tribunal des baux et loyers le 8 octobre 2015, A______ et B______ Sàrl ont conclu à ce que C______ et D______ SÀRL, pris conjointement et solidairement, soient, sous suite de frais, condamnés au paiement des sommes de 75'600 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 avril 2011 et de 644'491 fr. 51 avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2012.

Ils ont notamment exposé qu'une exploitation des locaux loués conforme à la destination de "bar à vins" convenue dans le contrat de bail était impossible, en raison de la mauvaise insonorisation de l'arcade. Le bailleur en était responsable dès lors qu'il avait accepté le transfert du bail en ayant connaissance des problèmes d'insonorisation dus à la structure de l'immeuble ne permettant pas l'exploitation d'un bar. Par ailleurs, l'installation électrique était, dès le début du bail, défectueuse (des câbles électriques avaient notamment été attachés avec du scotch) et des vols étaient fréquemment commis dans les boîtes aux lettres de l'immeuble. Une réduction de loyer de 50% de juin 2010 à février 2012, correspondant à un montant de 75'600 fr., devait ainsi leur être accordée. Ils étaient également en droit de prétendre à des dommages-intérêts, consécutifs à l'impossibilité d'exploiter les locaux conformément à l'usage convenu et au refus du bailleur de libérer la garantie de loyer, d'un montant de 644'491 fr. 51 en cas de reprise d'un nouvel établissement, subsidiairement de 467'126 fr. 45 se décomposant comme suit :

En cas de reprise d'un nouvel établissement :

-    reprise d'un nouveau fonds de commerce : 200'000 fr., montant correspondant selon A______ et B______ SÀRL à une évaluation prudente basée sur différentes offres consultées sur le marché genevois pour des établissements comparables;

-    investissement à prévoir pour l'aménagement d'un nouveau local et le rachat de matériel : 100'000 fr.;

-    pertes à prévoir pour les premières années d'exploitation, soit l'inévitable perte de clientèle du fait d'un déplacement hors Vieille-Ville : 100'000 fr.;

-    stock marchandises non repris à la fermeture : 10'385 fr. 95;

-    supplément relatif à la part amortie des travaux d'électricité rendus nécessaires en raison d'installations électriques non conformes aux règles de
l'art : 5'022 fr. 56;

-    gain manqué suite à la fermeture prématurée du bar : 200'000 fr.;

-    frais et intérêts pour retard de paiements : 7'083 fr.;

-    frais d'avocat dans la procédure de faillite : 2'000 fr.;

-    capital social perdu de B______ Sàrl, laquelle était désormais totalement dépourvue d'actifs : 20'000 fr.

 

Subsidiairement, même sans reprise d'un nouvel établissement :

-    stock marchandises non repris à la fermeture : 10'385 fr. 95;

-    investissements non amortis à la fermeture : 129'008 fr. 94;

-    pertes non compensées : 73'626 fr.;

-    salaires et charges à payer à la fermeture : 20'000 fr.;

-    supplément relatif à la part amortie des travaux d'électricité rendus nécessaires en raison d'installations électriques non conformes aux règles de
l'art : 5'022 fr. 56;

-    gain manqué suite à la fermeture prématurée : 200'000 fr.;

-    frais et intérêts pour retard de paiements : 7'083 fr.;

-    frais d'avocat dans la procédure de faillite : 2'000 fr.;

-    capital social perdu de B______ Sàrl : 20'000 fr.

b. C______ et D______ SÀRL ont, sous suite de frais, conclu au rejet de la demande.

Ils ont notamment exposé que C______, contraint et forcé d'accepter un transfert de bail qu'il ne souhaitait pas, avait tenté de cadrer au mieux l'activité du bénéficiaire du transfert, dont l'attention avait été particulièrement attirée sur l'art. 10 des clauses particulières du bail. Les locaux se prêtaient parfaitement à l'exploitation d'un tea-room, mais pas à celle qu'en avaient faite les locataires.

c. Lors de l'audience de débats du 17 juin 2016, le Tribunal a ordonné l'apport de la procédure C/1______ et fixé un délai aux parties pour le dépôt des plaidoiries finales écrites, dans le cadre desquelles les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger le 1er octobre 2016.

d. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a, en substance, considéré que l'existence d'un défaut d'isolation phonique était établie au regard de l'arrêt du 29 février 2016 de la Cour de justice, dont il ressortait que les locaux loués ne présentaient pas une qualité de construction sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu. A______ et B______ SÀRL n'alléguaient toutefois pas ni ne prouvaient que ce défaut aurait entravé ou restreint l'exploitation de leur établissement pendant la période durant laquelle ils demandaient une réduction de loyer. La fréquentation du bar ne semblait pas avoir baissé et il n'était pas démontré que les mesures qu'ils avaient dû prendre pour diminuer les nuisances sonores avaient été rendues nécessaires par le manque d'isolation phonique plutôt que par leur non-respect de la destination des locaux, respectivement de leur obligation contractuelle de ne pas provoquer des nuisances sonores gênant les autres locataires après 22 heures. De même, il était impossible de déterminer si, en l'absence de ces violations contractuelles, l'intervention du SPBR et du Service du commerce aurait été nécessaire. Enfin, les pièces produites n'étaient pas suffisamment probantes pour retenir une défectuosité du système électrique et l'existence de vols de courriers. A______ et B______ SÀRL devaient ainsi être déboutés de leurs conclusions en réduction des loyers.

Le Tribunal a également considéré que l'octroi de dommages et intérêts aurait pour objectif de replacer A______ et B______ SÀRL dans la situation qui était la leur si le contrat avait correctement été exécuté, ce qui supposait une exploitation des locaux loués conforme à leur destination. Or, A______ et B______ SÀRL n'avaient respecté ni la destination desdits locaux ni l'interdiction de provoquer des nuisances sonores après 22 heures, de sorte qu'il était impossible de les replacer dans une telle situation. En outre, A______ et B______ SÀRL avaient contribué à créer leur dommage, les nuisances à l'origine de la fermeture de l'établissement, à savoir la diffusion d'une musique forte et le bruit des clients à l'extérieur du bar, n'étaient pas compatibles avec l'exploitation d'un tea-room. Leur faute était telle qu'elle était de nature à interrompre le rapport de causalité entre le défaut et leur dommage, une bonne isolation phonique ne permettant pas, en tous les cas, de réduire les nuisances commises à l'extérieur de l'immeuble. A______ et B______ SÀRL devaient ainsi être déboutés de leurs prétentions en dommages et intérêts, faute d'avoir démontré que les conditions à leur octroi étaient réunies.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 122 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse est, compte tenu des montants réclamés aux intimés par les appelants, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

1.2 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. 2.1 Les appelants reprochent à l'autorité précédente d'avoir retenu que l'unique défaut affectant les locaux loués consistait en une isolation phonique déficiente. Ils allèguent que l'installation électrique desdits locaux était également défectueuse et que du courrier était régulièrement dérobé dans leur boîte aux lettres.

Les intimés, pour leur part, contestent que le problème d'isolation que présentaient les locaux loués puisse être qualifié de défaut. D'une part, les appelants n'ont pas usé desdits locaux conformément au bail, de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir de l'existence d'un défaut. D'autre part, dans la mesure où le manque d'isolation phonique était connu des précédents locataires, ils sont réputés l'avoir accepté lors du transfert du bail.

Il n'est pas contesté que les parties étaient liées par un bail à loyer, soit un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire en échange d'un loyer (art. 253 CO).

Aux termes de l'art. 259a al. 1 CO, lorsque apparaissent des défauts de la chose qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il n'est pas tenu de remédier à ses frais ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut notamment exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer (let. a) ou des dommages et intérêts (let. c).

2.2 Le législateur ne définit pas la notion de défaut, qui relève du droit fédéral. Celle-ci doit être reliée à l'obligation de délivrer la chose louée dans un état approprié à l'usage auquel elle est destinée (art. 256 al. 1 CO). En d'autres termes, il y a défaut lorsque l'état réel de la chose diverge de ce qu'il devrait être selon l'art. 256 CO, c'est-à-dire lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise, ou sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013 consid. 3.2 et 4A_208/2015 du 12 février 2016 consid. 3.1).

L'usage convenu se détermine prioritairement en fonction des termes du bail et de ses annexes, lesquels peuvent prévoir la destination des locaux. Les parties peuvent convenir expressément ou tacitement de l'usage qui sera fait de la chose louée (ATF 136 III 186 consid. 3.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013 consid. 3.2).

2.3 En l'espèce, le contrat de bail liant les parties précisait expressément que les locaux étaient loués aux appelants en vue de "l'exploitation d'un tea-room, bar à vins et bières avec possibilités de petite restauration".

Eu égard à l'usage convenu, les appelants pouvaient ainsi légitimement attendre du bailleur que les locaux remis à bail bénéficient d'une isolation phonique suffisante pour l'exploitation non seulement d'un tea-room mais également d'un bar à vins et bières, lequel implique de façon notoire la diffusion d'une musique d'ambiance. Or, il résulte du dossier que les locaux concernés souffraient d'un important manque d'isolation phonique ne permettant même pas, selon les normes en matière de protection contre les nuisances sonores, l'exploitation d'un établissement sans musique.

Partant, c'est à bon droit que l'autorité précédente a retenu que l'insuffisance d'isolation phonique des locaux loués constituait un défaut. Le fait que l'état desdits locaux ne permettait pas un usage conforme à leur destination est en effet suffisant pour retenir l'existence d'un défaut, indépendamment de l'utilisation qu'en ont, en réalité, fait les appelants. Par ailleurs, si les locataires précédents avaient effectivement connaissance du manque d'isolation phonique des locaux loués, il ne résulte pas du dossier qu'ils auraient accepté ce défaut, de sorte qu'il ne peut être retenu que les appelants auraient, en reprenant le bail, renoncé à se prévaloir d'un tel défaut.

Enfin, les appelants se contentent, dans leur mémoire d'appel, de se prévaloir de l'existence de deux autres défauts affectant la chose louée, à savoir une défectuosité du système électrique et des vols de courriers, sans contester la motivation de l'autorité précédente selon laquelle les pièces produites ne sont pas suffisamment probantes pour retenir l'existence de tels défauts. Ils n'exposent en particulier pas pour quelles raisons l'appréciation de cette autorité serait erronée. Partant, faute de critique suffisante et suffisamment explicite à l'égard de cette motivation, la Chambre de céans n'est pas tenue de vérifier son exactitude
(ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; consid. 4.2). En tout état, ces défauts, à supposer que leur existence aurait dû être admise, ne sauraient justifier l'octroi d'une réduction de loyer, respectivement de dommages et intérêts, pour les raisons exposées ci-dessous.

3. 3.1 Les appelants font grief à l'autorité précédente d'avoir refusé de leur accorder une réduction de loyer de 50% entre juin 2010 et février 2012. Ils soutiennent en particulier, pour autant qu'on les comprenne, que l'insuffisance d'isolation phonique des locaux loués les a empêchés d'en user conformément à la destination convenue, soit d'exploiter "convenablement" un bar, dès lors qu'il n'était pas possible de respecter les normes de protection contre les nuisances sonores applicables à un tel établissement et qu'une simple conversation entre les clients était entendue par les autres locataires. Ce défaut d'isolation les a également contraints à prendre diverses mesures coûteuses contre le bruit, telles l'acquisition d'un matériel de sonorisation spécial, l'engagement de chuchoteurs, l'interdiction de consommer des boissons à l'extérieur, l'instauration de limitations dans la diffusion de la musique et la fermeture systématique des portes de l'établissement dès 20h. Les appelants relèvent en outre que la fermeture du bar a été ordonnée en raison de la non-conformité des locaux avec la réglementation en matière de protection contre le bruit et non en raison des nuisances sonores subies par les autres locataires de l'immeuble.

3.2 Lorsque la chose louée est entachée d'un défaut non imputable au locataire, auquel il n'est pas tenu de remédier à ses frais, et que ledit défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier (art. 259a al. 1 et 259d CO).

La réduction de loyer que le locataire peut exiger doit être proportionnelle au défaut et se détermine par rapport à la valeur objective de l'objet sans défaut. Elle vise à rétablir l'équilibre des prestations entre les parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c). En principe, il convient de procéder selon la méthode dite relative ou proportionnelle : la valeur objective de la chose avec défaut est comparée à sa valeur objective sans défaut, le loyer étant ensuite réduit dans la même proportion. Cependant, le calcul proportionnel ne se révélant pas toujours aisé, il est admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1).

Lorsque le juge est amené à évaluer en équité la diminution de jouissance de la chose louée, il doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque espèce, au nombre desquelles la destination des locaux joue un rôle important (arrêt du Tribunal fédéral 4A_490/2010 du 25 janvier 2011 consid. 2.1).

Selon la casuistique (répertoriée notamment in Bohnet/Montini, Droit du bail à loyer - Commentaire pratique, 2010, n. 67 ad art. 259d CO et Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 259), les réductions de loyer suivantes ont, entre autres, été consenties : 18% en raison d'un défaut d'isolation, condensation et humidité excessive dans un local destiné à une école de danse; 20% pour un manque de certaines qualités promises et des installations vétustes dans un restaurant; entre 15 et 25% dans le cas d'une mauvaise ventilation dans un établissement public; 15% en raison d'une température inférieure à 18 degrés en hiver due à une isolation thermique déficiente et 25% pour le chauffage insuffisant d'un restaurant.

La réduction de loyer se calcule sur le loyer net, sans les frais accessoires (Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 258; SVIT, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, p. 245). Elle est due dès que le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination complète de celui-ci ou la fin du bail (Lachat, Commentaire romand CO I, 2ème éd., 2012, n. 3 ad art. 259d CO).

3.3 En l'espèce, il a été retenu au considérant précédent que les locaux loués présentaient une isolation phonique insuffisante constituant un défaut de la chose louée.

A teneur du contrat de bail, ces locaux ont été loués aux appelants en vue de "l'exploitation d'un tea-room, bar à vins et bières avec possibilité de petite restauration". Ainsi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il convient d'admettre que les appelants ont, en y exploitant un bar, respecté la destination convenue.

L'exploitation d'un bar à vins et bières implique, de façon notoire, la diffusion d'une musique d'ambiance et des bruits de voix provenant de la clientèle fréquentant l'établissement. Or, il ressort de la procédure que l'isolation phonique des locaux loués ne permettait même pas, au regard des normes en matière de protection contre les nuisances sonores, l'exploitation d'un établissement sans musique, le bruit généré par une simple conversation étant déjà entendu par les locataires logeant à l'étage supérieur. Ainsi, les appelants ne pouvaient jouir des locaux loués conformément à la destination convenue sans violer les normes de protection contre les bruits et provoquer des nuisances sonores importunant les autres locataires de l'immeuble. Ils ont ainsi, durant leur activité, notamment dû faire face à des plaintes du voisinage, ont fait l'objet d'une dénonciation auprès de SPBR et du Service du commerce, ont reçu un avertissement du bailleur suivi d'une résiliation de leur bail, et ont finalement été contraints de fermer leur établissement sur ordre du Service du commerce. S'ils ont certes une part de responsabilité dans la survenance de ces faits dans la mesure où ils ont, ainsi que l'a retenu la Cour de justice dans son arrêt du 29 février 2016, violé leur obligation contractuelle de ne pas provoquer des nuisances sonores, en particulier après 22 heures, il n'en demeure pas moins que l'isolation phonique des locaux loués ne permettait pas l'exploitation d'un bar dans le respect des normes de protection contre les bruits et sans générer de dérangements pour les autres locataires. Le Service du commerce a d'ailleurs relevé que le problème des nuisances sonores ne provenait pas uniquement de la musique diffusée dans le bar, mais également de l'isolation des locaux loués qui n'était pas conforme. Sa décision d'ordonner la fermeture du bar a au demeurant été motivée par le fait que les locaux loués n'étaient pas conformes aux normes applicables en matière d'isolation sonore.

Il est donc établi, contrairement à ce qu'a retenu l'autorité précédente, que les appelants ont été entravés dans l'usage convenu de la chose louée en raison du manque d'isolation phonique des locaux. S'agissant d'un défaut dont l'élimination nécessitait des travaux d'une certaine ampleur, les appelants peuvent donc prétendre sur le principe à une réduction de loyer.

Durant la période pour laquelle une réduction de loyer est demandée, l'insuffisance d'isolation phonique des locaux loués a uniquement rendu impossible une jouissance paisible de ceux-ci sans toutefois empêcher en tant que telle l'exploitation du bar. Les appelants ont en outre une part de responsabilité dans les entraves subies puisqu'ils n'ont pas respecté leur obligation contractuelle de ne pas provoquer des nuisances sonores gênant les autres locataires, en particulier après 22h. Compte tenu de ces éléments, la Cour fixera en équité la réduction de loyer à 10%.

La restitution du trop-perçu de loyer devra être opérée par C______, D______ SÀRL n'ayant jamais été partie au contrat de bail conclu par les appelants. Dans la mesure où il n'est pas contesté que l'exploitation du bar a débuté le 22 juillet 2010 et où il résulte du dossier que C______ avait, à cette époque, connaissance du problème d'isolation phonique affectant les locaux loués, la réduction de loyer sera accordée à compter de cette dernière date. Le défaut n'ayant jamais été éliminé, elle prendra fin le 29 février 2012, date à laquelle la fermeture du bar a été ordonnée.

C______ sera en conséquence condamné à verser aux appelants la somme de 7'095 fr. 50 (3'600fr. (loyer mensuel) x 10% x 19 mois et 22 jours) à titre de restitution du trop-perçu de loyer, avec intérêts à 5% de la date moyenne du 18 mai 2011.

Le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera annulé et modifié en conséquence.

Enfin, s'agissant des autres défauts dont se prévalent les appelants, soit une défectuosité du système électrique et des vols de courriers, même en admettant que leur existence aurait dû être admise, les conditions à l'octroi d'une réduction de loyer pour ces défauts ne seraient en tout état pas réunies. Les appelants ne démontrent en effet pas que le bailleur aurait eu connaissance desdits défauts.

4. 4.1 Les appelants reprochent également à l'autorité précédente de les avoir déboutés de leurs prétentions en dommages et intérêts. Reprenant à l'identique la motivation développée dans le cadre de leur demande en paiement, ils se prévalent de moyens en lien avec la faute du bailleur et le dommage qu'ils prétendent avoir subi.

4.2 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe au recourant de motiver son appel, soit de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre les allégués de fait ou les arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_97/2014 du 26 juin 2014 consid. 3.3), ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 3.1; 5A_438/2012 du 27 août 2012 consid. 2.2; 4A_97/2014 déjà cité consid. 3.3).

Lorsque le jugement entrepris se fonde sur des motivations alternatives et indépendantes, l'appelant doit contester avec succès l'ensemble de ces motivations (arrêt du Tribunal fédéral 4A_525/2014 du 5 mai 2015 consid. 3).

4.3 En l'espèce, l'autorité précédente a rejeté la demande de dommages et intérêts des appelants en se fondant sur une double motivation, à savoir, d'une part, qu'il n'était pas possible de replacer ces derniers dans la situation qui aurait été la leur si le contrat avait correctement été exécuté en raison de leur comportement contraire au contrat de bail, et, d'autre part, que la faute commise était telle qu'elle était de nature à interrompre le lien de causalité entre le manque d'isolation phonique et le dommage prétendument subi.

Ainsi, conformément aux principes susexposés, les appelants devaient, afin de démontrer le caractère erroné de la solution retenue par l'autorité précédente, contester ces deux motivations.

Or, dans la partie en droit de leur mémoire d'appel en lien avec leur prétention en dommages et intérêts, les appelants se contentent de reprendre à l'identique la motivation de leur demande en paiement. Ils ne discutent ainsi que de la problématique de la faute du bailleur et du dommage subi, soit d'aspects qui n'ont pas été examinés dans le jugement entrepris, le rejet de leur prétention ayant été prononcé pour d'autres motifs. Ils n'émettent en revanche aucune critique - à tout le moins de façon explicite - à l'encontre de la double motivation retenue par l'autorité précédente pour nier leurs droits à des dommages et intérêts ni n'expliquent pour quelles raisons elle serait erronée, faisant, de manière surprenante, complétement fi de celle-ci. Ainsi, si la Cour de céans entrait en matière, elle se trouverait contrainte de réexaminer le litige comme le ferait un juge de première instance, ce qui n'est pas admissible.

Ainsi, faute pour les appelants de s'être conformés aux exigences de motivation requises par l'art. 311 al. 1 CPC pour contester le refus de l'autorité précédente de leur octroyer des dommages et intérêts, la Chambre de céans ne procédera pas à un nouvel examen de cette question.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 novembre 2016 par A______ et B______ Sàrl contre le jugement JTBL/950/2016 rendu le 14 octobre 2016 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15905/2015-1-OOD.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris.

Cela fait et statuant à nouveau sur ce point :

Réduit de 10% le loyer mensuel net de 3'600 fr. de l'arcade louée par A______ et B______ SÀRL dans l'immeuble sis ______ à Genève pour la période du 22 juillet 2010 au 29 février 2012.

Condamne en conséquence C______ à restituer à A______ et B______ SÀRL le trop-perçu de loyer en découlant, soit la somme de 7'095 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 18 mai 2011.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Thierry STICHER, Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.