Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/868/2024 du 06.11.2024 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
Par ces motifs
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2578/2019 ATAS/868/2024 ARRET DU TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES | ||
du 6 novembre 2024 |
En la cause
SUPRA-1846 SA CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG SUMISWALDER KRANKEN- UND UNFALLKASSE CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG ATUPRI GESUNDHEITSVERSICHERUNG AVENIR ASSURANCE MALADIE SA KPT KRANKENKASSE AG EASY SANA ASSURANCE MALADIE EGK GRUNDVERSICHERUNGEN AG PROGRES VERSICHERUNGEN AG MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA ASSURA-BASIS SA VISANA AG SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG PHILOS ASSURANCE MALADIE SA HELSANA VERSICHERUNGEN AG INTRAS KRANKEN-VERSICHERUNG AG SWICA KRANKENVERSICHERUNG AG SANA24 AG ARCOSANA AG VIVACARE AG Toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même représentée par Me Julien CHAPPUIS, avocat
| demanderesses |
contre
A______
|
défendeur |
A. Le docteur A______ (ci-après : le médecin ou le défendeur), né en 1938, est médecin praticien indépendant à Genève. Il est enregistré sous le code créancier (ci-après : RCC) 1______ depuis le 1er janvier 2008 en tant que spécialiste en « pathologie » et « médecin praticien ». Il a suivi une formation de cypathologue en 1989.
B. SANTÉSUISSE a adressé au médecin plusieurs courriers, attirant l'attention de celui-ci sur le fait que ses indices coûts totaux par patient dépassaient la marge de tolérance admise par la jurisprudence, ce depuis l'année statistique 2012. Le médecin s'en est expliqué. Plusieurs entretiens entre les représentants de SANTÉSUISSE, d’une part, et le médecin, d’autre part, ont eu lieu, notamment le 17 mars 2017.
C. a. Le 5 juillet 2019, 17 caisses maladie, toutes représentées par SANTÉSUISSE, ont déposé auprès du Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le Tribunal de céans) une demande visant au paiement par le défendeur, principalement, de la somme de CHF 111'660.- calculée selon l’indice de régression et, subsidiairement, de la somme de CHF 135'677.- calculée selon la méthode ANOVA, pour l’année statistique 2017, au titre de violation du principe de caractère économique des prestations.
La cause a été enregistrée sous le n° de cause A/2578/2019.
b. Lors de l'audience de tentative de conciliation du 1er octobre 2019, les parties ont procédé à un échange de points de vue. Le défendeur, assisté de Maître Nicolas ROUILLER, a souhaité avoir la possibilité de poser des questions précises aux demanderesses afin d'être en mesure de vérifier si, et le cas échéant dans quelle mesure, il n'avait pas observé les règles de l’art. 56 LAMal. Un délai lui a été accordé au 22 octobre 2019.
Dans le délai imparti, le défendeur a établi une liste de questions, sur lesquelles SANTÉSUISSE s'est déterminée le 14 novembre 2019, précisant que ses réponses portaient tant sur l'année statistique 2017 que sur l'année statistique 2018, laquelle faisait l'objet d'une demande en restitution déposée le même jour.
c. Les mêmes assureurs, à l’exception de SUMISWALDER KRANKEN- UND UNFALLKASSE, mais auxquels se sont joints SWICA, SANA24 AG, ARCOSANA AG et VIVACARE AG, ont en effet saisi le Tribunal arbitral d'une demande portant sur l’année statistique 2018 le 14 novembre 2019. Les montants dont ils réclament la restitution sont, principalement, de CHF 106'383.10 selon l'indice de régression et, subsidiairement, de CHF 114'893.75, selon l'indice ANOVA. Ils sollicitent la jonction avec la procédure A/2578/2019.
Cette nouvelle demande a été enregistrée sous le n° de cause A/4241/2019.
d. Une audience de conciliation s'est tenue le 3 décembre 2019. La présidente du Tribunal de céans a alors ordonné la jonction des causes A/2578/2019 et A/4241/2019 sous le n° de cause A/2578/2019 et constaté l’échec de la tentative obligatoire de conciliation.
e. Par écriture du 31 janvier 2020, le défendeur a conclu, principalement, à l'irrecevabilité des deux causes, au motif qu'aucune conciliation n'était en réalité intervenue puisqu'il n'avait pu prendre connaissance des documents nécessaires lors de l'audience y relative. Il n'avait en particulier pas été en mesure de se faire une opinion sur les prétentions des demanderesses, lesquelles reposent sur une méthode statistique, dès lors que les pièces concernant cette méthode étaient en allemand.
Subsidiairement, il a sollicité l'octroi d'un délai aux demanderesses pour qu'elles produisent en langue française les pièces rédigées en allemand, puis à la reprise de la procédure de conciliation aussitôt après.
f. Invitées à se déterminer, les demanderesses ont versé au dossier, le 25 février 2020, les pièces litigieuses traduites en français. Elles se sont par ailleurs opposées à l’ensemble des conclusions du défendeur du 31 janvier 2020.
g. Par mémoire de réponse du 27 mai 2020, le défendeur a à nouveau conclu, à titre incident, à l’irrecevabilité des demandes des 5 juillet et 14 novembre 2019 et, au fond, à leur rejet.
Il fait à cet égard valoir qu'il a respecté les critères d’économicité, compte tenu des spécificités de son cabinet.
Selon lui, la liste des noms des praticiens composant le groupe de comparaison est insuffisante. Il demande à ce que SANTÉSUISSE produise des données plus complètes pour qu'il soit en mesure de se déterminer, et à ce qu’un panel de ses patients soit examiné afin de pouvoir exposer, par un nombre d’exemples concrets, la spécificité de sa pratique médicale.
Enfin, et subsidiairement, il requiert que soit ordonnée une expertise.
h. Dans sa réplique du 25 juin 2020, SANTÉSUISSE a contesté le bien-fondé de la requête du défendeur visant à ce que soit fixée une nouvelle audience de conciliation.
Au fond, les demanderesses persistent dans leurs conclusions des 5 juillet et 14 novembre 2019.
i. Lors de l'audience de comparution des parties du 27 octobre 2020, le conseil du défendeur a confirmé que « nous préférerions que le Tribunal ordonne une expertise analytique, au motif que les compétences du défendeur sont très différentes de celles des médecins du groupe considéré ».
SANTÉSUISSE a quant à elle contesté l'utilité d'une telle expertise.
j. Le 1er février 2021, le défendeur a à nouveau sollicité une prolongation du délai qui lui avait été imparti pour produire sa duplique. Il a toutefois d’ores et déjà fait part de quelques réflexions, s’agissant plus particulièrement des spécificités de son cabinet, et a dressé la liste des pathologies qu’il traite et qui induisent un suivi sur plusieurs années, ou tout au moins sur un bon nombre de mois. Il considère en conséquence que « le traitement par patient "par an" ne peut être restreint à une ou deux consultations par an (et donc à quelques centaines de francs par an) ».
k. Le 4 février 2021, SANTÉSUISSE s’est étonnée de ce que le défendeur ait développé ses arguments, alors qu'il demande, dans le même courrier, une prolongation de délai. Elle déclare s'opposer à cette demande. Elle confirme par ailleurs s’opposer à la mise en place d’une expertise analytique.
l. Dans sa duplique du 19 février 2021, le défendeur a indiqué qu'il persistait dans ses réquisitions d’instruction et dans ses conclusions en rejet des demandes de SANTÉSUISSE. Il souligne que parmi les médecins « praticiens » auxquels il est comparé, il est le seul à avoir une spécialisation FMH en pathologie, ce qui lui permet de pousser plus loin certaines des investigations et d'assurer un suivi, sans avoir à rediriger vers des spécialistes ou vers l'hôpital les patients atteints de pathologies lourdes. Il insiste à cet égard sur le fait que sa patientèle est précisément caractérisée par « une occurrence sur-proportionnelle de pathologies lourdes ».
m. Invitée à se déterminer sur la demande du défendeur visant à ce qu'elle indique l'identité des cabinets dont le nombre de patients excède 1500, au motif que la comparaison avec des cabinets traitant un tel nombre de patients est susceptible d'être particulièrement peu éclairante, même si l'on fait abstraction des particularités de sa pratique, soit « l'occurrence sur-proportionnelle des pathologies lourdes » alléguée, SANTÉSUISSE a, par écriture du 6 avril 2021, conclu au rejet de cette demande. Elle a rappelé que le nombre de patients par cabinet médical n'était pas pertinent, seuls les coûts moyens par patient devant être comparés, indépendamment de la taille du cabinet.
Elle conteste le bien-fondé de l'allégation du défendeur selon laquelle il ne saurait être comparé au groupe des médecins praticiens vu sa spécialisation FMH en pathologie, ainsi que le fait qu'il traiterait un nombre beaucoup plus important de pathologies lourdes. Elle s'oppose enfin à la mise en œuvre d'une expertise analytique.
Elle a par ailleurs ajouté que, dans le cadre d’un contrôle complémentaire (Tableaux récapitulatifs des prestations litigieuses décelées lors du contrôle de la facturation du défendeur sur les années 2017 et 2018 : pièce 20), les demanderesses avaient constaté que le défendeur facturait des prestations sous certains chapitres du TARMED, alors qu'il ne répondrait possiblement pas aux exigences applicables en la matière.
Elle a de ce fait requis une mesure d’instruction complémentaire consistant à ordonner la production par le défendeur de l’ensemble des titres et attestations qui le légitiment à facturer ces prestations sous les chapitres TARMED concernés.
n. Le 23 juin 2021, le défendeur a soutenu que ce n'était pas sa façon de pratiquer qui était onéreuse, mais le nombre « relativement » important de ses patients souffrant de pathologies lourdes, ce qui était démontré par l'ensemble des factures, au nombre de 900 environ, portant sur une année entière. Il en veut pour preuve le tableau qu'il avait établi et produit le 19 février 2021.
D. a. Le 30 juin 2021, les mêmes assureurs que ceux figurant dans la seconde demande, celle du 14 novembre 2019, à l'exception de ARCOSANA AG et VIVACARE AG, ont déposé une nouvelle demande portant sur l'année statistique 2019, et enregistrée sous le n° de cause A/2311/2021. Ils réclament au défendeur la restitution de la somme de CHF 148'656.10, calculée selon la méthode de régression, y compris les prestations facturées par le défendeur sans droit, à défaut des valeurs intrinsèques.
b. Lors de l'audience du 19 octobre 2021, le Tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative de conciliation, puis les arbitres ont été désignés.
c. Dans sa réponse du 11 février 2022, le défendeur a d'emblée sollicité la traduction en français de la pièce 1 et des pièces concernant ANOVA produites par les demanderesses. Il demande également à ce que les demanderesses versent au dossier des données plus complètes sur la composition du groupe de comparaison, ainsi que des informations spécifiques sur la façon dont les indicateurs de morbidité influencent le calcul de l'indice, puis à ce qu'il soit mis en mesure de se déterminer sur ces informations complémentaires. Il considère enfin qu'une analyse individuelle de ses patients et/ou une expertise de son cabinet devraient être réalisées « afin que la spécificité de sa pratique puisse être reconnue ». Il conclut au fond au rejet des demandes.
d. Dans leur réplique du 20 mai 2022, les demanderesses ont déclaré persister dans leurs conclusions. Elles rappellent que selon la jurisprudence, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique et relèvent que « la méthode statistique présente l'immense avantage d'analyser l'ensemble de la pratique du médecin concerné et non pas uniquement un échantillon qui pourrait ne pas être représentatif ».
e. Dans sa duplique du 19 août 2022, le défendeur s'est encore plaint des difficultés auxquelles il se heurte pour obtenir des informations de la part des demanderesses et a renouvelé sa demande quant aux mesures d'instruction réclamées dans ses écritures de réponse. Il requiert à nouveau la mise en œuvre d'une expertise analytique sur la base d'un échantillonnage.
f. Le 28 mars 2023, le Tribunal de céans a ordonné la jonction des causes A/2578/2019 et A/2311/2021 sous le n° de cause A/2578/2019.
E. a. Le 4 octobre 2021, à la demande du Tribunal de céans, le défendeur a complété ses écritures s'agissant de la question de savoir s'il avait, comme se le demandait SANTÉSUISSE, facturé des positions TARMED sans être au bénéfice des valeurs intrinsèques nécessaires. Il annonce d'emblée avoir requis de la FMH des éclaircissements quant aux valeurs intrinsèques et aux droits acquis, « une production des titres, en particulier de formations continues suivies, n'apparait dès lors pas utile ». Il relève par ailleurs que les demanderesses n'ont pas tenu compte de la notion de droits acquis. Il considère, quoi qu'il en soit, qu'une nouvelle conclusion de SANTÉSUISSE intervenant à ce stade de la procédure soulèverait des problèmes de recevabilité.
b. Après avoir sollicité à plusieurs reprises une prolongation du délai qui lui avait été accordé pour produire l’attestation de la FMH, le défendeur a indiqué le 10 décembre 2021 que cette dernière n’était pas encore en mesure de lui fournir l’attestation sollicitée.
Par courrier du 21 janvier 2022, SANTÉSUISSE a informé le Tribunal de céans qu’elle s’opposait à toute future prolongation de délai dans le cadre des procédures A/2578/2019 et A/4241/2019.
c. Le 25 janvier 2022, le défendeur, rappelant qu’il disposait d'« une expérience extrêmement dense et reconnue et qu’il suivait des formations continues par l’intermédiaire du réseau DELTA », a indiqué que la FMH ne pouvait pas produire directement une attestation puisqu’un premier diplôme doit être délivré par l’IFSM, puis soumis à la SSMIG (la société suisse de médecine interne générale) pour approbation.
Il a demandé à ce que les factures concernées par la conclusion nouvelle des demanderesses soient produites, ajoutant qu'« il serait en outre important qu’une expertise analytique soit ordonnée car il s’agit ici de la question principale de cette procédure en lien avec l’économicité. Or, de toute évidence, les demanderesses font tout pour faire oublier cette question procédurale centrale bien que l’examen de l’économicité soit l’objet principal de cette procédure ».
d. Par écriture du 22 mars 2022, SANTÉSUISSE a préalablement pris note que le défendeur n’avait produit aucune attestation de la FMH, de sorte qu’il avait échoué dans l’apport de la preuve des attestations de valeurs intrinsèques qui lui auraient permis de facturer les prestations sous les positions TARMED 00.0410, 00.0415, 00.0416, 00.0417, 00.0420, 00.0425, 00.0510, 00.0515, 00.0516 et 00.0520. Elle relève que les attestations du réseau DELTA ne répondent pas aux exigences requises, d'une part, et que les positions TARMED susmentionnées impliquent plus particulièrement une attestation intrinsèque quantitative « titre FMH 5 », d'autre part.
SANTÉSUISSE complète dès lors ses demandes des 5 juillet et 14 novembre 2019, en réclamant pour l’année 2017 le montant de CHF 20’733.-, compte tenu du défaut d’attestation de valeurs intrinsèques et pour l’année 2018, celui de CHF 68'543.-, de sorte que le montant à restituer pour chacune des deux années est au total de CHF 123'796.95 et de CHF 144'462.55. Elle verse à cet égard au dossier la pièce 20bis, laquelle récapitule les prestations litigieuses.
S'agissant de la production des factures liées au défaut de valeurs intrinsèques demandées par le défendeur, elle rappelle qu'elle ne s'est pas fondée sur ces pièces, mais sur les données transmises au pool tarifaire de SASIS SA.
e. Dans le délai qui lui a été accordé pour se déterminer sur les nouvelles conclusions chiffrées de SANTÉSUISSE, soit le 6 octobre 2022, le défendeur a relevé que les demanderesses refusaient de produire les factures y relatives. Or, il considère que les pièces 20 et 20bis ne lui permettent précisément pas de rattacher à des factures, et encore moins à des patients, les montants allégués par les demanderesses et, partant, de se déterminer sur la base d'éléments concrets. Il demande en conséquence à ce qu'un délai leur soit imparti pour qu'elles versent ces factures au dossier. Il conteste quoi qu'il en soit le mode de calcul suivi par les demanderesses et soulève l'exception de prescription.
f. Le 6 décembre 2022, les demanderesses ont rappelé que, dans leurs écritures du 6 avril 2021 déjà, elles avaient requis des mesures d'instruction complémentaires et s'étaient réservé de préciser leurs conclusions en fonction du résultat de l'administration des preuves.
Le défendeur n'ayant pas produit les attestations de valeurs intrinsèques qualitatives concernées, elles en avaient conclu qu'il n'était pas autorisé à facturer les prestations litigieuses et modifié en conséquence les montants dont elles demandaient la restitution.
Elles considèrent en conséquence que leurs demandes en restitution, déposées les 5 juillet et 14 novembre 2019 sur la base des statistiques publiées les 17 juillet 2018 et 17 juillet 2019, et portant sur les années statistiques 2017 et 2018, ne sauraient être prescrites.
Elles s'opposent aux mesures d'instruction réclamées par le défendeur, précisant qu'elles se fondent sur les données statistiques publiées par SASIS SA et certifiées par POLYNOMICS AG, lesquelles résultent des informations transmises par le défendeur lui-même, soit les factures qu'il a établies pour ses patients.
Le 17 avril 2023, le défendeur a insisté sur le fait que les demanderesses tentent en vain de lier une prétendue non-économicité des prestations, d'une part, et une demande de restitution fondée sur une soi-disant insuffisance des droits acquis en lien avec la facturation de références TARMED, d'autre part, dès lors que le fondement de ces prétentions n'est pas le même. Il considère que les nouvelles conclusions sont irrecevables, en raison de la prescription et du défaut de légitimation active.
g. Le 19 mai 2023, les demanderesses ont fait valoir que le fait que le défendeur ait indiqué, dans son courrier du 25 janvier 2022, qu'il n'était pas en mesure de produire les attestations de valeurs intrinsèques requises, démontrait qu'il n'en détenait pas, de sorte qu'elles avaient alors modifié leurs conclusions. Le délai de prescription était ainsi respecté.
S'agissant de la légitimation active, les demanderesses indiquent que SANTÉSUISSE est au bénéfice de procurations et d'un mandat procédural conformément à l'art. 17 de ses statuts. Aussi celle-ci est-elle en droit de réclamer en son propre nom un montant global et de le redistribuer aux assureurs concernés.
h. Le 30 mai 2023, SANTÉSUISSE a transmis au Tribunal de céans les « Datenpool » (tableaux récapitulatifs) établis par SASIS SA sur la base des données statistiques tirées de la facturation du défendeur.
F. a. Le 31 août 2023, les mêmes assureurs que ceux figurant dans la première demande, à l'exception de SUMISWALDER KRANKEN UND UNFALLKASSE et de VISANA AG, mais auxquels se sont jointes SWICA ASSURANCES MALADIE SA et SANA 24 AG, ont à nouveau déposé contre le défendeur une demande de restitution de CHF 148'656.10, principalement, selon l'indice de régression, et de CHF 148'119.20, subsidiairement, selon l'indice ANOVA. La demande porte sur les années statistiques 2020 et 2021. La cause a été enregistrée sous le n° A/2733/2023.
b. Le 18 octobre 2023, le défendeur, indiquant souffrir de troubles cognitifs affectant sa mémoire et le rendant « inapte à participer à une procédure juridique », selon certificat médical du même jour, a requis le report de l'audience fixée au 23 octobre 2023 pour une tentative de conciliation. L'audience a cependant été maintenue, le défendeur étant dispensé de comparaitre. Elle s'est ainsi tenue le jour prévu en présence du mandataire de celui-ci. Le mandataire a déclaré n'avoir reçu aucune instruction. Un délai lui a alors été accordé pour préciser quel était l'état de santé du défendeur, et pour dire s'il continuera à le représenter.
c. Par courrier du 24 novembre 2023, le mandataire a informé le Tribunal de céans que le diagnostic de maladie d'Alzheimer était confirmé et qu'il restait mandaté en l'état.
Il s'est également déterminé sur les pièces produites par les demanderesses le 30 mai 2023. Il s'est expressément référé à ses courriers des 25 janvier 2022 et 17 avril 2023, considérant que les formations et l'expérience de son mandant induisent l'existence de droits acquis et relevant que les demanderesses n'avaient pas démontré être titulaires des prétendues créances invoquées. Selon lui, « il faut en effet distinguer la situation d'une procédure d'économicité ».
Il a par ailleurs sollicité la suspension des causes pour une durée de deux mois, la famille ayant besoin de temps pour s'organiser.
d. Par arrêt incident du 16 janvier 2024 (ATAS/17/2024), le Tribunal de céans a refusé de suspendre la cause A/2578/2019 et dit qu'elle était gardée à juger. Il a en revanche accepté la suspension de la cause A/2733/2023 en application de l'art. 14 al. 1 LPA jusqu'à droit jugé dans la cause A/2578/2019 et réservé la suite de la procédure.
e. Par courrier du 31 janvier 2024, le mandataire du défendeur a informé le Tribunal de céans qu'en l'état, aucune procédure n'avait été engagée auprès de l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte, et qu'un traitement thérapeutique était en évaluation.
G. a. Le 12 avril 2024, le Tribunal de céans a invité les parties à se déterminer sur les considérants d'un arrêt de principe rendu par le Tribunal fédéral le 12 décembre 2023, et mis en ligne le 13 février 2024 (9C_135/2022, publié in ATF 150 V 129).
b. Le défendeur a répondu le 6 mai 2024. Il relève que, selon le Tribunal fédéral, la méthode statistique n'est pas une preuve de la non-économicité et qu'elle ne représente, partant, qu'un outil de sélection. Il appartient dès lors aux demanderesses de prouver que sa pratique ne serait pas économique. Or, celles-ci se sont contentées jusque-là de prétendre que l'outil statistique suffisait pour attester de la non-économicité. Lui-même en revanche, a clairement démontré en quoi sa pratique était différente de celle de ses collègues. Il considère en conséquence qu'un examen au cas par cas se justifie, une expertise analytique étant réservée. Une audience d'instruction doit ainsi, selon le défendeur, être fixée afin que les modalités de l'examen individuel à mettre en œuvre soient discutées.
c. Les demanderesses se sont déterminées le 14 juin 2024. Elles observent que la situation dans le cas traité par le Tribunal fédéral est toute autre que celle du cas d'espèce. Dans l'arrêt du 12 décembre 2023, le Tribunal arbitral cantonal avait été saisi en urgence pour des questions procédurales, de sorte que le médecin n'avait pas pu faire valoir les particularités de sa pratique dans le cadre d'une phase préliminaire qui se serait déroulée avant le dépôt de la demande en restitution. Les demanderesses relèvent que le défendeur au contraire a été entendu par SANTÉSUISSE à plusieurs reprises, ce, dès les statistiques 2012 et qu'il a été dûment invité à expliquer les particularités de sa pratique. Elles soulignent, se référant aux questions du 22 octobre 2019 et réponses du 15 novembre 2019, ainsi qu'au bordereau de pièces y relatif, que dans le cadre de la présente procédure, des mesures d'instruction ont été ordonnées. Elles versent enfin au dossier copie d'un rapport rédigé par le Docteur B______, médecin-conseil de SANTÉSUISSE et daté du 24 mai 2024. Elles persistent ainsi dans leurs conclusions du 22 mars 2022.
d. Au vu de la production de la nouvelle pièce, un délai a été accordé aux parties pour se déterminer. Les demanderesses ont formulé leurs observations le dernier jour du délai, soit le 5 août 2024. Par courrier du même jour, le défendeur a sollicité qu'il soit prolongé d'un mois. Il a néanmoins, d'ores et déjà, contesté le fait que « les demanderesses puissent, plusieurs années après avoir introduit leurs demandes, prétendre avoir procédé à un examen individuel, notamment sur la base d'un avis du 28 mai 2024 de leur médecin-conseil, réalisé après que votre Autorité a, le 12 avril 2024, interpellé les parties quant aux conséquences de la jurisprudence du Tribunal fédéral ».
e. Dans le délai imparti, soit le 26 août 2024, le défendeur a rappelé que le Tribunal fédéral avait dorénavant établi comme règle de droit général que la méthode statistique n'était pas un moyen de preuve de la non-économicité et que seul un examen individuel, à savoir un examen des dossiers des patients, permettait de dire si les traitements mis en œuvre respectaient ou non le principe d'économicité.
f. Le Tribunal de céans a confirmé le 28 août 2024 que la cause était gardée à juger.
H. a. Les parties ont désigné leur arbitre dans le cadre des causes A/2578/2019 et A/4241/2019, soit Madame Dominique TRITTEN pour les demanderesses le 25 février 2020, et le Docteur Jacques Alain Edouard WITZIG pour le défendeur le 27 mai 2020, ce dernier précisant toutefois que cette désignation n'intervenait qu'à titre très subsidiaire et sous toute réserve dès lors que le stade procédural n’avait pas été atteint.
b. Invitées par la présidente du Tribunal de céans à désigner un nouvel arbitre au vu des nouvelles nominations du Conseil d’État du 22 septembre 2021, les demanderesses ont retenu Monsieur Luciano DE TORO.
c. Lors de l'audience du 19 octobre 2021, le Tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative de conciliation dans la cause A/2311/2021. Les mêmes arbitres ont ensuite été désignés, le 14 janvier 2022, pour les demanderesses, et le 11 février 2022, pour le défendeur.
1.
1.1 Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal), les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).
1.2 En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal) du défendeur n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est également acquise ratione loci, dans la mesure où le défendeur travaille dans un cabinet installé à Genève à titre permanent.
1.3 La présidente du Tribunal de céans a constaté, lors des audiences des 3 décembre 2019, pour les causes A/2578 /2019 et A/4241/2019, et 19 octobre 2021, pour la cause A/2311/2021, l'échec de la tentative obligatoire de conciliation, et des arbitres ont été désignés. Le Tribunal a ainsi été constitué.
1.3.1 Le défendeur considère toutefois que la non-production des pièces nécessaires par les demanderesses a rendu une vraie conciliation impossible, de sorte qu'« on se trouve au mieux au stade de l'introduction de la requête ». Aussi a-t-il demandé au Tribunal de céans de fixer une nouvelle audience de conciliation.
1.3.2 Il convient de rappeler à cet égard que lors de l'audience de tentative de conciliation du 3 décembre 2019, le défendeur a en effet fait valoir que les conditions de recevabilité des deux demandes n'étaient pas réalisées, une partie des pièces figurant dans les chargés n'étant pas traduite en français. Il ne s'est en revanche pas opposé à ce que la présidente du Tribunal ordonne la jonction des deux causes A/2578/2019 et A/4241/2019 sous le n° A/2578/2019, constate l'échec de la tentative de conciliation et lui fixe un délai au 31 janvier 2020 pour sa réponse. Il a du reste signé le procès-verbal y relatif.
La présidente n'a ainsi pas accédé à la demande du défendeur de prévoir une nouvelle audience de conciliation, ce d'autant moins qu'elle lui avait déjà accordé un délai, à sa demande, lors de la première audience de conciliation, celle du 1er octobre 2019, pour qu'il établisse une liste des questions qu'il souhaitait poser aux demanderesses, dans le but précisément de favoriser une éventuelle conciliation. À noter que celles-ci lui ont répondu le 14 novembre 2019 de manière détaillée. Il n'en a toutefois plus été question lors de l'audience du 3 décembre 2019. Aucune conciliation n'a alors été envisagée. C'est ainsi une audience de comparution personnelle des parties qui s'est tenue le 27 octobre 2020. Le défendeur a répété qu'il souhaiterait la mise en œuvre d'une expertise analytique, ce à quoi les demanderesses ont persisté à s'opposer.
1.3.3 Il y a lieu, au vu de ce qui précède, de confirmer qu'une conciliation a bel et bien été tentée le 3 décembre 2019 pour les causes A/2578/2019 et A/4241/2019 jointes sous le n° A/2578/2019, et qu'elle a échoué.
1.4 Le 31 janvier 2020, le défendeur a adressé au Tribunal de céans, en lieu et place de la réponse attendue, une requête visant à ce que soit constatée l'irrecevabilité de la demande enregistrée sous le n° de cause A/2578/2019, au motif que les pièces produites par les demanderesses étaient rédigées en allemand et qu'il ne pouvait, partant, pas se déterminer sur la méthode statistique qu'elles avaient appliquée.
1.4.1 Il est vrai que la langue officielle à Genève est le français (art. 5 Constitution cantonale). Aussi les écritures doivent-elles être adressées aux tribunaux dans cette langue. Il en est de même des pièces produites à l'appui de ces écritures. Or, certaines d'entre elles figurant dans le chargé des demanderesses sont en allemand.
1.4.2 Force est toutefois de constater que les demanderesses ont produit, le 25 février 2020, les pièces litigieuses en français. Elles ont ainsi réparé l'irrégularité en cause.
1.5 Les demandes déposées les 5 juillet 2019, 14 novembre 2019 et 30 juin 2021 respectent par ailleurs les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA).
1.6 Elles sont dès lors recevables.
1.7 à l'issue de l'audience du 3 décembre 2019, la jonction des causes A/2578/2019 et A/4241/2019 sous le n° A/2578/2019 a été ordonnée. Le 28 mars 2023, la cause A/2311/2021 a été jointe aux deux premières (art. 70 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10.). Le Tribunal de céans ne rendra ainsi qu'un seul et même arrêt dans ces trois procédures sous le n° de cause A/2578/2019.
2. Le litige porte sur la question de savoir si la pratique du défendeur pendant les années statistiques 2017, 2018 et 2019 est ou non contraire au principe de l’économicité au sens de l'art. 56 al. 1 LAMal (art. 59 al. 1 let. b LAMal ; ATF 141 V 25), et, dans l’affirmative, si et dans quelle mesure les demanderesses sont habilitées à lui réclamer le trop-perçu.
Il y a lieu de préciser que la demande portant sur l'année 2019 comporte deux volets, soit l'application de l'indice de régression et la prise en compte des positions TARMED pour lesquelles la valeur intrinsèque fait défaut. Le second volet sera examiné ultérieurement.
3. Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.
3.1 Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46 ; ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131 ; ATF 126 III 59 consid. 1 et 125 III 82 consid. 1a).
3.2 Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause ; les assureurs - représentés cas échéant par SANTÉSUISSE - peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2). Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (arrêt du Tribunal fédéral des assurances non publié K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19 ; ATF 127 V 281 consid. 5d p. 286 s.).
Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral non publiés 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.7 ; 9C_167/2010 du 14 janvier 2011 consid. 2.2). Enfin, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (arrêt du Tribunal fédéral des assurances non publié K 61/99 du 8 mars 2000 consid. 4.c).
3.3 En l’occurrence, les actions en justice sont conduites par SANTÉSUISSE, représentant plusieurs caisses-maladie agréées pour la Suisse. On ne saurait exiger de chaque assureur, au vu de ce qui précède, qu’il entame une action en restitution du trop-perçu, de sorte que SANTÉSUISSE est autorisée à introduire une demande globale (ATAS/1118/2012 consid. 7b ; ATAS/1090/2012 consid. 7b. a ; ATAS/150/2016 consid. 9b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/16 du 12 décembre 2017 consid. 6).
Il importe de rappeler que SANTÉSUISSE ne fait que représenter les assureurs faisant partie de son organisation faîtière. Aussi n'agit-elle pas pour elle-même, mais pour les caisses-maladie qu'elle représente. Il n'est donc pas question de sa qualité pour agir, mais de son droit de représenter ses membres. Or, de jurisprudence constante, ce droit est admis (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 3.2).
Les demanderesses ont produit le 30 mai 2023 les documents nommés « Datenpool» pour les années 2017 et 2018, lesquels décomposent les montants pris en charge par chaque assureur, tant pour les années en cause, que pour les coûts directs. Ces documents permettent de savoir quels assureurs ont pris en charge des soins pour les années concernées et quels assureurs n'en ont pas pris. À noter que le « Datenpool » pour l'année 2019 figurait déjà dans le chargé de pièces annexé à la demande du 30 juin 2021.
Il résulte de ces documents, lesquels ont valeur probante (cf notamment ATAS/27/2020), que les demanderesses mentionnées dans l’intitulé des demandes des 5 juillet, 14 novembre 2019 et 30 juin 2021 ont toutes remboursé des coûts directs, de sorte qu'elles pourront participer à l'éventuel partage interne.
3.4 SANTÉSUISSE a produit les procurations des demanderesses non-membres de SANTÉSUISSE (pièces 3 et 4 chargé dem. du 2 juillet 2021).
3.5 Le Tribunal de céans admet en conséquence la qualité pour agir des demanderesses figurant dans le rubrum du présent arrêt, celles-ci étant membres de SANTÉSUISSE, ou ayant produit une procuration valable, et ayant remboursé des coûts directs selon les « Datenpool » des années 2017, 2018 et 2019. Il sera précisé que PROGRES ASSURANCE SA, INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA ET ARCOSANA AG ont été radiées du registre du commerce le 3 janvier 2023 et ont fusionné, la première avec HELSANA VERSICHERUNGEN AG, et les deux suivantes, avec CSS ASSURANCE-MALADIE SA.
4.
4.1 Aux termes de l'art. 25 al. 2 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1).
À noter que depuis le 1er janvier 2021, le délai de péremption a été porté à trois ans (art. 25 al. 2 LPGA). L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 134 V 353 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_540/2014 du 5 janvier 2015 consid. 3.1). Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le délai de péremption relative ou absolue en vertu de l’ancien art. 25 al. 2 LPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle‑ci reste périmée.
La question de la péremption doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1). Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après : LAVS) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 153 consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable.
Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (arrêt du Tribunal fédéral des assurances non publié du 16 juin 2004 K 124/03, consid. 5.2). Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas arbitraire, faute d'éléments établissant le contraire, de retenir comme point de départ du délai de péremption, la date figurant sur les documents intitulés « préparation des données » et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (arrêts du Tribunal fédéral 9C_593/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.3.3 et 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 2.3).
4.2 Il y a lieu de constater qu'en l'espèce, les statistiques de SANTÉSUISSE concernant les années 2017 et 2018 ont été portées à la connaissance des demanderesses au plus tôt, respectivement, les 17 juillet 2018 et 17 juillet 2019 (cf. pièces 5, 6 et 7 chargés dem. des 5 juillet 2019 et 3 juillet 2020), dates correspondant à celle de la préparation des données figurant sur ces statistiques et confirmée par SASIS AG.
Celles de l'année 2019, pour lesquelles les calculs concernant l'analyse de régression en deux étapes ont été validés et certifiés par POLYNOMICS AG, l'ont été le 20 juillet 2020 (cf. pièces 6 et 7 chargé dem. du 5 juillet 2021).
4.3 Dans la mesure où les demandes ont été déposées les 5 juillet 2019, 14 novembre 2019 et 30 juin 2021, il sied ainsi de conclure que celles-ci respectent le délai légal d'une année prévu à l'art. 25 al. 2 LPGA, selon sa teneur applicable jusqu'au 31 décembre 2020.
5. Les prestations facturées à la charge de l'assurance obligatoire des soins doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 al. 1 LAMal). Le fournisseur de prestations doit limiter celles-ci à ce qui est dans l'intérêt des assurés et nécessaire au but du traitement (art. 56 al. 1 LAMal). Il y a polypragmasie lorsqu'un médecin, en comparaison avec d'autres médecins dans le même bassin de population et avec à peu près le même type de malades, facture en moyenne nettement plus, sans pouvoir faire valoir des particularités qui influencent la moyenne (ATF 137 V 43 consid. 2.2 ; 136 V 415 consid. 6.2).
5.1 Pour établir l’existence d’une polypragmasie, le Tribunal fédéral admettait le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (consid. 6.1 non publié ATF 130 V 377 ; 119 V 453 consid. 4).
Le Tribunal fédéral a à plusieurs reprises affirmé le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2).
Les 27 décembre 2013 / 16 janvier 2014, les fournisseurs de prestations, par l'intermédiaire de la Fédération des médecins suisses (FMH), et les assureurs‑maladie, représentés par SANTÉSUISSE et CURAFUTURA, ont conclu un accord, aux termes duquel le contrôle de l'économicité de la pratique médicale est effectué sur la base de la méthode ANOVA. Le Tribunal fédéral a jugé que cet accord n'était pas contraire à la loi (ATF 144 V 79 consid. 5 ; ATAS/27/2020).
La Fédération des médecins suisses - FMH, SANTÉSUISSE et CURAFUTURA ont, en collaboration avec POLYNOMICS SA, perfectionné la méthode ANOVA en une analyse de régression en deux étapes (méthode de screening - convention des 10 juillet / 15 août / 23 août 2018), qui s’applique comme nouvelle méthode au sens de l’art. 56 al. 6 LAMal, la première fois, pour l’année statistique 2017 (cf. également message relatif à la modification de la LAMal du 21 août 2019, FF 2019 6084).
Les partenaires tarifaires ont à nouveau adopté une convention relative à l’art. 56 al. 6 LAMal début 2023. Les médecins dont l’indice est sensiblement supérieur à la moyenne (100%) sont considérés comme statistiquement « hors norme ». Ils sont ensuite soumis à un examen individuel incluant une analyse de leur manière d’appliquer le tarif et de prescrire des médicaments en tenant compte du collectif de patients. La nécessité d’un examen individuel, auquel doivent procéder l'assureur et/ou SANTÉSUISSE avant même d'intenter une action en justice, est ainsi désormais inscrite dans la convention.
5.2 Dans son arrêt du 12 décembre 2023 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité), le Tribunal fédéral l'a confirmé. Il a ainsi considéré que l'examen de l'économicité de la pratique médicale d'un fournisseur de prestations comportait deux phases : l'analyse de régression et, en cas de résultat hors normes, un examen de cas particuliers, lequel ne correspond toutefois pas à la méthode analytique appliquée jusqu'alors (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.2).
L'établissement de l'indice de régression constitue la première étape et a uniquement pour but de détecter le fournisseur de prestations hors normes. Il ne permet pas de considérer que la pratique de celui-ci est non économique et n'instaure pas de présomption dans ce sens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.3). La marge de tolérance applicable dans le cadre de la méthode de régression permet de tenir compte de la liberté du traitement médical d'un fournisseur de prestations (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.4).
C'est lors de la deuxième étape que le fournisseur de prestations a la possibilité de justifier ses coûts trop élevés par les particularités de sa pratique.
L'action à déposer auprès du tribunal arbitral cantonal doit se baser sur les résultats d'un examen complet du cas individuel. La tâche du tribunal arbitral est de continuer à examiner les conclusions contestées de l'examen au cas par cas et, si possible, de régler le litige dans le cadre d'une procédure de médiation ou, à défaut, de statuer d'autorité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.6).
5.3 Il paraît utile enfin de récapituler les changements apportés par le Tribunal fédéral dans cet arrêt quant au fardeau de la preuve.
Jusqu'ici, des chiffres statistiques trop élevés impliquaient une présomption de polypragmasie. Il appartenait ensuite au médecin statistiquement hors normes de réfuter, en établissant les particularités de sa pratique, cette présomption.
Tel n'est plus le cas. L'examen au cas par cas est devenu obligatoire pour le dépôt d'une demande en restitution, lorsqu'une anomalie des coûts est constatée lors des statistiques. Aussi les particularités de la pratique du fournisseur de prestations doivent-elles être en principe prises en compte avant qu'une action puisse être intentée auprès des tribunaux arbitraux. Il revient en conséquence aux assureurs-maladie concernés de fournir la preuve justifiant une demande de restitution (cf. note du Professeur Ueli E______ du 27 février 2024 ; « Économicité : un arrêt déterminant du Tribunal fédéral », article paru le 24 avril 2024, Gabriela LANG in Bulletin des médecins suisses).
Reste qu'il appartient encore au médecin de collaborer pour expliquer les particularités de son cabinet (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid 4.4.1 ; Compedium des connaissances du 16 janvier 2024, révisé le 16 février 2024 avec arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité), dans la mesure où il dispose des données nécessaires à l'interprétation des données statistiques (arrêts du Tribunal fédéral 9C_259/2023 consid 5.6.2 ; 9C_135/2022 précité consid. 5.3.2). On peut à cet égard ajouter que les assureurs-maladie ne disposent pas d'une vision globale de la pratique de tel ou tel médecin. Ils ne peuvent que se prononcer, de cas en cas, sur les informations que chaque praticien aura données.
5.4 En l'espèce, les demanderesses ont déposé à l'encontre du défendeur des demandes en restitution au titre de violation du principe de caractère économique des prestations le 5 juillet 2019 pour l'année 2017, le 14 novembre 2019 pour l'année 2018, le 30 juin 2021 pour l'année 2019 et le 31 août 2023, pour les années 2020 et 2021, soit à des dates toutes largement antérieures à celle de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 décembre 2023, selon lequel dorénavant le résultat du screening n'est que provisoire et doit ensuite être validé sur la base d'un examen au cas par cas.
Les demanderesses ont en l'occurrence constaté que le résultat établi selon la méthode de régression était hors normes, les indices de régression 2017, 2018 et 2019 étant en effet, respectivement, de 205, 216 et 220. Il s'agit là de la première étape de l'examen de l'économicité de la pratique médicale du défendeur telle que prévue par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 décembre 2023.
5.5 L'arrêt du Tribunal fédéral n'avait en l'espèce pas encore été rendu lorsque les demanderesses ont pris connaissance des coûts hors normes du cabinet médical du défendeur. Elles n'ont, dans ces conditions, pas formellement procédé à l'examen au cas par cas préconisé par le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité avant de saisir le Tribunal de céans.
On peut toutefois se demander si elles n'ont pas en réalité satisfait à la deuxième étape de validation des chiffres recommandée par le Tribunal fédéral, étant rappelé que ce dernier a laissé ouverte la question de savoir comment il convenait de procéder à l'examen individuel. Selon le Professeur E______ (note du 27 février 2024), le Tribunal fédéral reste assez succinct en ce qui concerne la concrétisation de cet examen ultérieur du cas individuel, dès lors qu'il relève que « selon les besoins, il faut recourir à des dossiers de patients sélectionnés », mais en même temps, indique qu'il est plutôt important que le médecin ait la possibilité de justifier l'image des coûts. Le Professeur E______ en conclut que « ce que cela signifie n'est pas très clair. Il serait souhaitable que le Tribunal fédéral ou la pratique administrative concrétisent la manière dont cette deuxième étape doit se dérouler. Sur ce point, le rendement de l'arrêt du Tribunal fédéral est assez faible ».
5.6 En l'occurrence, SANTÉSUISSE a adressé au défendeur des courriers attirant l'attention de celui-ci sur le fait que ses indices coûts totaux par patient dépassaient la marge de tolérance admise par la jurisprudence, ce chaque année, depuis l'année statistique 2012, soit les 28 novembre 2013, 18 juillet 2016, 7 avril 2017, 23 avril 2018, 12 mars 2019 et 29 octobre 2020. Les actions en justice n'ont été introduites qu'à partir de juillet 2019. Le défendeur s'est exprimé par courriers des 3 février 2014, 16 juillet 2018 et 24 mai (recte 24 juin) 2019. Des entretiens entre les représentants de SANTÉSUISSE, d’une part, et le médecin, d’autre part, se sont tenus les 17 mars 2017 et 16 mai 2019 (pièces 13 à 17 chargé dem. du 5 juillet 2019 ; pièces 17 à 20 et 24 chargé dem. du 2 juillet 2021).
Le 29 octobre 2020, SANTÉSUISSE, après avoir analysé les chiffres de l'année 2019 et constatant qu'aucune amélioration n'avait été apportée, a proposé au défendeur un entretien de conciliation le 10 décembre 2020, ou le 15 décembre 2020 (pièce 24 chargé dem. du 5 juillet 2021). Un autre entretien avait été proposé le 12 avril 2019 pour l'année statistique 2017. On ignore si ces entretiens ont eu lieu, aucun procès-verbal ne figurant dans les chargés de pièces. SANTÉSUISSE n'explique pas pourquoi ils n'auraient pas eu lieu.
On peut quoi qu'il en soit constater que le défendeur a été en mesure de faire valoir les particularités de son cabinet auprès de SANTÉSUISSE, avant même que celle-ci ne saisisse le Tribunal de céans.
Lors des entretiens avec SANTÉSUISSE s'étant déroulés avant le dépôt de la demande, le défendeur a eu l'occasion de préciser que ses patients étaient âgés, présentaient des pathologies lourdes et étaient polymorbides (diabète, insuffisance rénale, hémodialyse), qu'il les voyait deux fois par mois, qu'il faisait beaucoup de laboratoire interne et qu'il assurait un suivi psychosocial pour des patients psychotiques ou en réinsertion sociale. Invité à expliquer pour quelles raisons ses prestations de base par malade étaient si élevées, il a indiqué qu'il suivait de nombreux malades chroniques et effectuait beaucoup de visites à domicile.
Il a par ailleurs été rendu attentif sur le fait que certains actes ne sont pas à la charge de l'assurance obligatoire des soins, tels que des examens de laboratoire, la prévention ou les check-up. Il a également été invité à réduire la durée de ses consultations et le nombre de fois qu'il voit ses malades.
5.7 Certes appartient-il dorénavant aux assureurs de prouver que la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie n'est pas économique, celui-ci reste toutefois tenu de collaborer. On ne peut cependant, au vu de ce qui précède, suivre SANTÉSUISSE dans son raisonnement, lorsqu'elle relève, notamment dans son courrier du 14 juin 2024, qu'il ressort du dossier de la cause qu'« à défaut de réponse contraire », le défendeur n'a pas toujours collaboré, ni fait usage de son droit de se justifier.
5.8 Les parties se sont également exprimées dans le cadre de la présente procédure.
5.8.1 Le Tribunal de céans a proposé au défendeur, à l'issue de l'audience du 1er octobre 2019, de dresser une liste de questions à l'attention de SANTÉSUISSE, questions auxquelles celle-ci a répondu précisément le 14 novembre 2019 (pièce 24 chargé dem. du 2 juillet 2021).
5.8.2 Le défendeur a, plus particulièrement, procédé à un examen des coûts de sa patientèle ayant nécessité les suivis les plus importants, analysé ce que représentaient les coûts liés à ces cas lourds par rapport à sa patientèle globale et identifié les patients les plus « chers ». Il a versé au dossier les résultats de ces recherches sur lesquels SANTÉSUISSE a pu se prononcer (cf. annexe aux écritures du défendeur des 19 février et 23 juin 2024).
5.8.3 SANTÉSUISSE a produit le 14 juin 2024, un rapport de son médecin-conseil. Le défendeur a d'emblée contesté le droit de SANTÉSUISSE de produire à ce stade de la procédure un avis médical, considérant qu'il ne saurait constituer l'examen au cas par cas expressément voulu par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 décembre 2023. Il n'a en revanche, et ce malgré la prolongation de délai qui lui a été accordée à sa demande, formulé aucune remarque particulière sur ce rapport.
On peut noter au surplus que selon le Tribunal fédéral, des particularités de cabinet dont l'efficacité en termes de coûts n'est pas chiffrable par la voie statistique, peuvent être analysées avec le concours d'un médecin-conseil sur la base de l'évaluation par échantillonnage d'un nombre représentatif de factures concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid 5.2.4).
5.9 Certes, selon le Tribunal fédéral, l'examen des caractéristiques de la pratique ayant une incidence sur les coûts ne doit-il pas être reporté à la procédure arbitrale, même si les tribunaux arbitraux peuvent établir les faits pertinents pour la décision avec la participation des parties - à titre complémentaire -, qu'ils administrent les preuves nécessaires et qu'ils sont libres dans l'appréciation des preuves (art. 89 al. 5 LAMal). Il y a toutefois lieu de rappeler qu'en l'espèce, SANTÉSUISSE a déposé sa demande en restitution avant que le Tribunal fédéral ait rendu son arrêt.
Force est quoi qu'il en soit de constater que, contrairement aux allégations du défendeur, SANTÉSUISSE ne s'est pas uniquement fondée sur les chiffres statistiques pour conclure à la non-économicité de la pratique du défendeur et saisir le Tribunal de céans. Le défendeur a eu l'occasion à plusieurs reprises de s'expliquer sur les particularités de sa pratique médicale, de sorte que SANTÉSUISSE a pu procéder à un examen individuel du dossier. Les pièces I, J, K, L, M et N jointes aux réponses aux questions du 22 octobre 2019 permettent de comparer le défendeur à ses confrères. Quant au Dr B______, il a repris pour l'essentiel les chiffres figurant dans le dossier, en a mis quelques-uns en évidence, soit notamment ceux liés aux particularités alléguées par le défendeur et les a commentés.
On peut en conséquence considérer, au vu de ce qui précède, que la seconde étape prévue par le Tribunal fédéral a été réalisée à satisfaction de droit et devrait permettre de déterminer s'il y a ou non polypragmasie dans le cas d'espèce.
5.10 Invité à se déterminer sur les conclusions de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 décembre 2023, le défendeur a fait valoir que l'examen au cas par cas effectué sur la base des dossiers de ses patients était à présent clairement exigé par la jurisprudence et en a expressément demandé la mise en œuvre.
Il y a à cet égard lieu de relever que même s'il est resté succinct quant à la façon de réaliser cet examen individuel, le Tribunal fédéral a précisé que ce qu'il faut entendre par analyse de cas individuels, ce n'est pas, comme dans la méthode analytique, l'évaluation de dossiers individuels de patients, de sorte que la deuxième étape n'a pas pour but principal d'évaluer les dossiers des patients, mais de donner au médecin la possibilité de justifier l'image des coûts. Il s'agit d'une procédure appropriée selon les besoins. L'« analyse au cas par cas », qui permet d'examiner plus avant l'anomalie des coûts identifiée lors du screening, ne doit donc pas être comprise dans le sens de la méthode de contrôle analytique traditionnelle (alternative à la méthode statistique ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid 5.2.4).
Le Tribunal de céans aurait certes pu envisager d'ordonner aux demanderesses de procéder à l'examen au cas par cas, en suspendant - ou non - la cause. Il paraît toutefois difficile de considérer qu'un examen au cas par cas puisse apporter davantage d'éclaircissements que ceux qui ont été déjà mis en évidence avant l'introduction de l'action en justice, d'une part, puis dans le cadre de la présente instruction, d'autre part.
Il n'apparaît ainsi pas nécessaire d'ordonner la mesure d'instruction requise.
5.11 L'audience de comparution personnelle des parties, également requise par le défendeur, ne paraît pas non plus utile dans ces conditions. Il est vrai que le Tribunal fédéral a indiqué que l'examen au cas par cas devait être effectué de manière participative. Tel a toutefois bien été le cas en l'espèce, dès lors que les parties ont largement pu exposer leurs arguments et s'expliquer, comme relevé ci‑dessus.
5.12 C'est ici le lieu d'ajouter que dans le cas traité par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 décembre 2023, les assureurs avaient agi en urgence, craignant de voir le délai de péremption de l'art. 25 al. 2 LPGA expiré. Ils n'avaient ainsi pas pris le temps d'investiguer avant le dépôt de leur demande en restitution. Le fournisseur de prestations n'avait pas été entendu, et n'avait, partant, pas eu la possibilité d'expliquer ses coûts élevés. Aucun examen au cas par cas n'avait eu lieu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.7). Le Tribunal fédéral a alors déploré l'absence d'instruction préalable précédant l'introduction de l'action en justice, raison pour laquelle il a entendu clarifier la façon de mener la procédure d'économicité.
La situation du cas d'espèce est différente, dès lors que le Tribunal de céans a précisément considéré que SANTÉSUISSE ne s'était pas uniquement fondée sur les chiffres statistiques pour conclure à la non-économicité de la pratique du défendeur et saisir le Tribunal de céans (cf. supra consid. 5.8).
6. Le défendeur a réclamé la mise en œuvre de mesures d'instruction.
6.1 Le défendeur considère que la liste des noms des praticiens formant le groupe de comparaison produite par SANTÉSUISSE ne suffit pas. Elle ne permet pas de vérifier si ces médecins ont une patientèle similaire. Il ne sait ainsi pas « à qui » il est comparé. Il souhaiterait pour ce motif que les demanderesses fournissent l'indice de régression moyen des médecins du groupe qui ont leur propre laboratoire, qui établissent régulièrement des prescriptions « magistrales », qui ont un titre de médecin spécialiste en pathologie, ainsi que le taux moyen d'hospitalisation de leurs patients et le taux moyen de bons de délégations délivrés à leurs patients. Il demande également à ce que SANTÉSUISSE produise des données plus complètes pour qu'il soit en mesure de se déterminer, notamment du point de vue des indicateurs de morbidité (indicateur du groupe d'âge et de sexe - GAS, franchise, hospitalisation et Pharmaceutical Cost Groups - PCG). Il fait valoir qu'il ne lui est pas possible en l'état de comprendre comment ces indicateurs sont pris en compte.
6.2 Dans un arrêt du 15 décembre 2010 (ATF 136 V 415 consid. 6.3.2 et 6.3.3), le Tribunal fédéral a indiqué que le fournisseur de prestations doit, en raison de la garantie du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), avoir la possibilité de prendre connaissance non seulement de ses propres données traitées par SANTÉSUISSE, mais également de certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données que celles produites par SANTÉSUISSE le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (arrêts du Tribunal fédéral 9C_622/2021 et 9C_732/2010 ; ATAS/1065/2021).
6.2.1 Il y a en l'espèce lieu de rappeler que les données statistiques qui ont conduit SANTÉSUISSE à soupçonner le défendeur d'avoir une pratique non économique sont celles que SASIS SA a publiées sur la base des informations transmises par le défendeur lui-même, et qui ont été certifiées par POLYNOMICS AG.
On peut ajouter que les demanderesses ont précisément apporté le 14 novembre 2019 des réponses détaillées aux questions posées par le défendeur le 22 octobre 2019.
Le rapport POLYNOMICS explique enfin de manière complète l'intégration des indicateurs de morbidité de manière à permettre au médecin mis en cause de comprendre l'influence de ces indicateurs dans le calcul de l'indice.
SANTÉSUISSE a donné au défendeur connaissance des listes nominatives du groupe de comparaison, de sorte que celui-ci est en mesure de savoir à quels médecins il est comparé (pièce 12 chargé dem. du 5 juillet 2019 ; pièce 16 chargé dem. du 5 juillet 2021). Elle a également communiqué des tableaux sur lesquels figurent les données du défendeur et celles, anonymisées, de ses confrères. (pièces 18 et 18 bis chargé dem. du 25 juin 2020). Le défendeur a ainsi eu accès aux données recueillies et traitées par SANTÉSUISSE. C'est à juste titre en revanche qu'elle n'a pas fourni les données - non anonymisées - de la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, le Tribunal fédéral ne l'exigeant pas (ATF 136 V 415).
6.2.2 Le défendeur allègue qu'il ne lui est pas possible de comprendre comment l'indicateur GAS est pris en compte.
L'explication relative à cet indicateur, s'agissant de la méthode de régression, figure pourtant dans les pièces produites par SANTÉSUISSE (notamment pièce 12 chargé dem. du 30 juin 2021).
6.2.3 S'agissant de l'indicateur franchise, le défendeur relève que seuls les pourcentages du nombre de consultations avec une franchise basse ont été transmis, soit 15,4% pour lui et 17,4% pour le groupe. Il souhaiterait dès lors que les demanderesses précisent quelle est la proportion de ses patients avec une franchise basse, la comparent avec celle des autres médecins, et indiquent en termes de valeur la pondération qu'elle exerce sur le calcul de l'indice.
Il importe de souligner à cet égard que les données enregistrées par SASIS SA tiennent précisément compte de l'influence des franchises en représentant les coefficients de franchise au sein du groupe de comparaison.
Il est quoi qu'il en soit intéressant de constater que le défendeur a davantage de patients avec une franchise basse, en 2017 et 2018, ce qui implique en définitive une diminution de son indice (cf. réponses aux questions du 22 octobre 2019 p.12), une franchise basse impliquant une plus grande consommation de prestations (pièce 11 bis : rapport POLYNOMICS).
6.2.4 Le défendeur reproche à SANTÉSUISSE de se borner à ne donner qu'une définition de l'indicateur hospitalisation, sans préciser ce qu'il en est des médecins du groupe de comparaison.
Il y a toutefois lieu de constater que le taux d'hospitalisation des patients du défendeur, d'une part, et celui de ses confrères, d'autre part, a été produit (pièce 7 chargé dem. du 30 juin 2021).
6.2.5 Le défendeur considère qu'il ne peut se déterminer sur ce que représente l'indicateur PCG.
Or, les demanderesses ont plus particulièrement renseigné le défendeur quant à cet indicateur dans le cadre des réponses aux questions du 14 novembre 2019, en dressant la liste des PCG pris en compte pour 2017 et 2018.
6.2.6 Force est de constater, au vu de ce qui précède, que le défendeur a disposé de toutes les informations nécessaires. Il est également important de souligner qu'il a été en mesure de soumettre à SANTÉSUISSE une liste de questions, auxquelles celle-ci a dûment répondu, de sorte que le respect du droit d'être entendu de celui-ci en a été renforcé.
6.3 Le défendeur a également demandé à ce que les cabinets dont le nombre de patients excède 1500 ne soient pas pris en considération, compte tenu des particularités de sa pratique, soit « l'occurrence sur-proportionnelle des pathologies lourdes ». On ne voit toutefois pas bien à quoi servirait d'écarter de la comparaison de tels cabinets, dès lors que ce qui importe est le coût moyen par patient. Cette demande est en conséquence rejetée.
7. Le défendeur a conclu à la mise en œuvre d'une expertise analytique, afin que soit examinée l'économicité de sa pratique durant les années statistiques concernées. Il souhaiterait qu’un panel de ses patients soit analysé afin de pouvoir exposer par le nombre d’exemples concrets qui serait jugé suffisant la spécificité de sa pratique médicale. Il fait valoir que dans plusieurs cantons, des expertises analytiques sont systématiquement ordonnées et que le Tribunal fédéral a confirmé le bien-fondé d'une telle pratique, sauf s'il ne s'agissait pas d'analyser le caractère économique des prestations (arrêts du Tribunal fédéral 9C_557/2018 ; 9C_150/2020).
7.1 Le Tribunal de céans a considéré, au considérant 5 supra, que la seconde étape prévue par le Tribunal fédéral avait été réalisée à satisfaction de droit et devrait permettre de déterminer s'il y a ou non polypragmasie dans le cas d'espèce. Il est à cet égard intéressant d'ajouter que selon le Tribunal fédéral, l'« analyse au cas par cas », qui permet d'examiner plus avant l'anomalie des coûts identifiée lors du screening, ne doit pas être comprise dans le sens de la méthode de contrôle analytique traditionnelle (alternative à la méthode statistique; arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.2.4). Le Tribunal fédéral a ainsi précisé que ce qu'il faut entendre par analyse de cas individuels, ce n'est pas, comme dans la méthode analytique, l'évaluation des dossiers individuels de patients. L'examen au cas par cas ne s'accompagne pas nécessairement d'une application de la méthode analytique au sens traditionnel du terme (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.8.3). Il s'agit de donner au médecin la possibilité de justifier l'image des coûts (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid.5.2.4).
7.2 Pour justifier la mise en œuvre d'une expertise analytique, le défendeur fait valoir qu'il n'existerait pas de groupe de comparaison aux caractéristiques similaires aux siennes, ses compétences étant très différentes de celles des médecins du groupe considéré.
Il y a ainsi lieu de déterminer si la pratique du défendeur peut, ou non, être valablement comparée à celle des médecins du groupe pris en considération par SANTÉSUISSE.
7.2.1 Celle-ci a en l'occurrence comparé la pratique du défendeur avec celle des médecins composant le groupe des praticiens.
7.2.2 Le défendeur considère qu'il ne saurait être comparé aux médecins de ce groupe. Il met ainsi en avant son FMH en pathologie, sous-spécialité cytopathologie, mais également sa formation en pathologie clinique acquise en Grande-Bretagne. Cette formation, qui n'existe pas en Suisse, le distinguerait des médecins qui sont uniquement praticiens et de ceux qui, avec un FMH de pathologie, ne travaillent qu'en laboratoire.
7.2.2.1 Il convient d'emblée de constater qu'un groupe qui comprendrait les médecins praticiens et les médecins pathologues ne peut se concevoir. Il va en effet de soi que la création de sous-groupes viendrait à vider la méthode statistique de son sens. Si un médecin possède plusieurs titres, il est ainsi rattaché au groupe le plus spécialisé.
À noter au surplus que c'est le défendeur lui-même qui avait demandé à être inscrit comme médecin praticien. SASIS lui avait alors confirmé, par courriel du 10 juillet 2014, le changement de groupe de comparaison, de celui des médecins pathologues à celui des médecins praticiens (pièce G chargé dem. du 2 juillet 2021).
7.2.2.2 Il paraît quoi qu'il en soit plutôt étonnant que le défendeur considère qu'il devrait être comparé à des médecins pathologues, dans la mesure où il n'a facturé, tant en 2017 qu'en 2018, que très peu de prestations sous le chapitre 01.37 « pathologie clinique » (cf. pièces L et M des réponses aux questions du 22 octobre 2019).
Il est enfin intéressant de relever que le coût moyen par patient du défendeur reste quoi qu'il en soit plus de 9 fois plus cher, s'il est comparé aux pathologues genevois, et 14 fois plus cher par rapport aux pathologues suisses.
7.2.2.3 Seule la spécialité acquise au terme d'une formation universitaire reconnue par la FMH est par ailleurs admise. Il n'est pas tenu compte de la formation continue que peut avoir suivie le médecin (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 148/04 consid. 5.2).
Ainsi, le défendeur ne saurait rien déduire en sa faveur de la formation en pathologie clinique acquise en Grande-Bretagne. Au demeurant, le groupe de comparaison comprend en principe aussi des praticiens qui ont bénéficié d'une formation spécifique dans un domaine médical particulier et prennent de ce fait en charge une catégorie de patients nécessitant des mesures diagnostiques et thérapeutiques qui s'écartent de celles prodiguées en règle générale par leurs collègues (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 148/2004 consid. 5).
Reste à rappeler que si une formation spéciale amène le médecin à traiter une clientèle sensiblement différente de celle de ses collègues du groupe de référence, ce fait peut être pris en compte comme particularité de sa pratique médicale (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 108/2001 consid. 11.1).
7.2.2.4 Le Tribunal de céans retiendra, à ce stade, une comparaison avec le groupe des praticiens, et non avec celui des pathologues.
7.2.3 Le défendeur allègue au surplus que sa pratique ne saurait être comparée à celle des médecins du groupe des praticiens, dès lors qu'il est impossible d'établir un collectif ayant les mêmes caractéristiques de patientèle et d'activité que les siennes.
7.2.3.1 Il met ainsi en avant le fait que ses patients, à la différence de ceux de ses confrères, sont âgés et atteints de lourdes pathologies. Il insiste sur le fait que sa patientèle est précisément caractérisée par « une occurrence sur-proportionnelle de pathologies lourdes ».
7.2.3.2 SANTÉSUISSE, dans ses réponses aux questions du 22 octobre 2019, a établi des graphiques pour 2017 et 2018 établissant la proportion de la patientèle du défendeur par tranche d'âge et par sexe et celle du groupe de comparaison suisse, d'une part, et genevois, d'autre part.
Il apparaît, au vu de ces graphiques, que l'argument de l'âge, ne suffit pas à lui seul pour conclure que la pratique du défendeur soit considérée comme si différente de celle des médecins du groupe de comparaison retenu, qu'elle doive impliquer une modification de ce groupe, ce d'autant moins que le critère de l'âge, notamment, est précisément pris en considération lors de l'utilisation de la méthode statistique.
7.2.3.3 Il est certes admis qu'un médecin qui traite des « cas lourds » peut avoir des coûts par patient plus élevés qu'un médecin dont les patients sont en meilleure forme physique ou psychique. Il serait toutefois nécessaire que le nombre de ces « cas lourds » soit suffisamment important pour justifier un coût par patient plus élevé. Le défendeur fait à cet égard valoir qu'il y aurait dans son cabinet « une occurrence sur-proportionnelle de pathologies lourdes ».
La question de savoir si l'âge de ses patients et les lourdes pathologies peuvent, le cas échéant, constituer une particularité de sa pratique qui permettrait de tenir compte d'une marge de tolérance dépassant l'indice initialement retenu, sera ultérieurement examinée (cf. consid infra 9.3.4).
7.2.4 Le défendeur fait également valoir qu'il traite de nombreux cas de troubles psychiques importants. Or, la prise en charge de tels troubles constitue un élément central de la pratique du médecin praticien (arrêt du Tribunal fédéral 9C_570/2015). Aussi ne s'oppose-t-elle nullement à ce que sa pratique soit comparée à celle de ses confrères praticiens.
7.2.5 Le défendeur souligne qu'il suit ses patients sur de nombreuses années et qu'il effectue un suivi complet, soit du diagnostic à la mise en œuvre du traitement approprié, qu'il assure enfin le suivi thérapeutique jusqu'à la guérison.
Or, c'est en principe ce qui est attendu d'un médecin de famille. Le Docteur B______ a à cet égard relevé qu'il est en réalité très fréquent que le médecin praticien assure le suivi endocrinologique, dermatologique ou cardiologique de ses patients, ce d'autant plus lorsque le diagnostic est posé et l'état des patients stabilisé.
7.2.6 Il se justifie, au vu de ce qui précède, de confirmer le bien-fondé de la comparaison de la pratique du défendeur avec celle de ses confrères praticiens.
Le nombre de médecins compris dans le groupe des praticiens - qui ne comprend au surplus que les cabinets dont les coûts directs sont supérieurs à CHF 100'000.- ou ayant au moins 50 patients pour l'année concernée - est significatif (1251 en 2019), et, partant, largement suffisant pour constituer un échantillonnage valable (pièce 16 chargé dem. 2 juillet 2021).
Les conditions posées par la jurisprudence relative à ce groupe de comparaison sont réalisées puisque celui-ci comporte suffisamment de médecins, que les éléments statistiques ont été rassemblés d'une manière analogue (données fournies par le biais du registre des codes créanciers [RCC] et le pool de données de SANTÉSUISSE et que la comparaison s'est étendue sur plusieurs années (cf. ATF 119 V 448 consid. 4b p. 448 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2 non publié in ATF 133 V 37 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2013).
7.3 Le défendeur cite, a contrario, à l'appui de sa conclusion visant à la mise en œuvre d'une expertise analytique, des cas de jurisprudence dans lesquels une telle expertise s'avérait parfaitement inutile, par exemple celui d'un fournisseur de prestations qui n'avait participé à aucun acte d'instruction et n'avait déposé aucune écriture, de sorte que les faits allégués par les assureurs-maladie avaient été considérés comme établis (arrêt du Tribunal arbitral zurichois du 28 août 2020). Ou encore celui d'un médecin dont la pratique avait fait l'objet d'une expertise analytique dans le cadre de procédures antérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2013).
Ces affaires sont effectivement totalement différentes de la situation du défendeur. Une telle constatation n'implique toutefois pas que, dans toutes les autres, une expertise devrait être réalisée.
7.4 Le défendeur allègue que dans d'autre cantons, des expertises sont d'emblée mises en place. Il ne donne aucun exemple en particulier. Il se réfère en revanche à un arrêt rendu par le Tribunal arbitral genevois le 7 juillet 2022 (ATAS/641/2022) pour montrer l'utilité de ce moyen de preuve.
Il y a toutefois lieu de relever que dans cet arrêt, le tribunal avait considéré qu'une expertise était nécessaire, parce qu'il avait eu un doute concernant l'applicabilité des statistiques pour établir une polypragmasie du médecin mis en cause. Il avait en effet constaté, sur la base du chiffre d'affaires, que le coût moyen par patient était inférieur au coût moyen du groupe de comparaison, que le nombre des patients était trois fois inférieur à la moyenne du groupe de comparaison, de sorte que les cas hors normes avaient un impact beaucoup plus important sur le coût moyen de ses patients, et enfin que les demanderesses mettaient en doute la fiabilité des tableaux établis par le médecin.
Ainsi, les motifs pour lesquels une expertise a été ordonnée dans cet arrêt ne peuvent être invoqués dans le cas du défendeur.
7.5 À noter que le défendeur souhaiterait que l'expertise porte tout particulièrement sur ceux de ses patients dont les coûts sont beaucoup plus élevés. Toutefois, la proportion de ces patients par rapport aux autres est relativement faible, de sorte que l'exercice, aussi limité, serait peu utile finalement (cf. infra consid. 9.3.1).
7.6 Le Tribunal de céans considère, au vu de ce qui précède, qu'il n'est en l'occurrence pas nécessaire d'ordonner une expertise analytique. Il s'avère que les particularités de sa pratique, mises en avant par le défendeur, peuvent être examinées grâce aux pièces produites, tant par les demanderesses que par le défendeur, ainsi qu'à leurs écritures (cf. supra consid. 5), étant au surplus rappelé que l'examen au cas par cas ne s'accompagne en principe pas d'une application de la méthode analytique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.8.3).
8. Il s'agit dès lors d'examiner à présent si SANTÉSUISSE était fondée à soupçonner que la pratique du défendeur était hors normes selon la méthode statistique, en d'autres termes, si elle a correctement effectué l'analyse de régression, laquelle représente la première étape décrite par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 décembre 2023.
8.1 Il convient préalablement de rappeler que, pour fonder le soupçon de l'existence d'une polypragmasie, ou en d'autres termes, pour déterminer s'il y a, dans la pratique du fournisseur de prestations en question, une anomalie statistique qui déclenchera l'examen au cas par cas, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique soit dépassée, il faut également tenir compte d'une marge de tolérance, laquelle permet de procéder à une comparaison nuancée.
8.1.1 En l'espèce, les demanderesses ont pris en considération, pour chacune des années concernées, une marge de tolérance de 30% pour la méthode ANOVA et de 20% pour l'analyse de régression.
8.1.2 Selon la jurisprudence, la marge de tolérance permet de tenir compte des particularités et différences entre les cabinets médicaux, ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.3). Elle ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (arrêts du Tribunal fédéral des assurances K 6/06 du 9 octobre 2006 consid. 4.2 ; K 150/03 du 18 mai 2004 consid. 6.1).
Il y a lieu d'observer que les assureurs retiennent généralement un indice de tolérance de 130 pour calculer le montant dont ils réclament la restitution au fournisseur de prestations auprès du tribunal arbitral, lorsqu'ils appliquent la méthode ANOVA, mais un indice de 120 lorsqu'ils appliquent l'analyse de régression
Dans un arrêt du 7 juillet 2023 (ATAS/567/2023), le Tribunal arbitral a admis qu'un indice de 120 devait suffire à tenir compte des particularités de la pratique médicale du défendeur, dès lors que l'analyse de régression constituait précisément le développement de la méthode ANOVA, était plus précise et tendait à améliorer la qualité de la procédure d'examen de l'économicité des médecins de façon significative.
Le Tribunal fédéral a toutefois, dans son arrêt 9C_135/2022 précité, désapprouvé l'instance inférieure qui avait tenu ce même raisonnement, en transformant la marge de tolérance en un supplément invariable de 20 points avec pour motif la spécification méthodologique améliorée. Le Tribunal fédéral a considéré que l'indice de tolérance devait continuer d'évoluer dans une fourchette de 20 points au minimum à 30 points au maximum sous l'effet de la méthode de screening, précisant que la détermination du supplément dans un cas particulier était laissée à l'appréciation des assureurs-maladie ou du tribunal arbitral. Le Tribunal fédéral a à cet égard indiqué que pour l'exercice du pouvoir d'appréciation, il serait par exemple déterminant de savoir si le fournisseur de prestations concerné est spécialisé dans certaines maladies ou formes de thérapies particulières, dans la mesure où celles-ci ne doivent pas être prises en compte comme particularités du cabinet (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.4).
8.1.3 Le Tribunal de céans a en l'espèce répondu par l'affirmative à la question de savoir si la pratique du défendeur pouvait être valablement comparée à celle des médecins du groupe de comparaison pris en considération par SANTÉSUISSE, quand bien même celui-ci était titulaire d'un FMH en pathologie (cf. supra consid. 7.2.1 à 7.2.6).
Il se justifie dès lors de retenir un indice de tolérance de 30 points, vu la jurisprudence et compte tenu du FMH en pathologie, ce pour autant que le FMH ne soit pas pris en compte comme particularité du cabinet (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.4). S'il l'est, la marge de tolérance de 30% sera remplacée par une marge de 20%. Cette question sera étudiée ci-dessous (cf. infra consid. 8.1.3).
8.2 Il résulte des statistiques relevées par SANTÉSUISSE (pièce 7 chargé dem. du 2 juillet 2021) que l'indice de régression coûts totaux est de 205 pour 2017, de 216 pour 2018 et de 220 pour 2019, et que l'indice de régression coûts directs est de 220 pour 2017, de 226 pour 2018 et de 245 pour 2019.
Il sied à cet égard de rappeler que la différence entre la valeur moyenne des coûts du fournisseur de prestations évalué – modifiée à l'aide de la méthode de screening, c’est-à-dire de l'analyse de régression à deux niveaux – et la valeur de référence (fixée à 100 points) du groupe de comparaison correspondant (plus la marge de tolérance) indique tout d'abord uniquement s'il existe une anomalie ; elle fonde un soupçon correspondant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid 5.3.1)
8.3 Aussi, au vu des indices de régression susmentionnés, SANTÉSUISSE était-elle fondée à soupçonner une anomalie. Il s'agit là de la première étape décrite par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 décembre 2023.
8.4 Le résultat hors normes d’une analyse de régression ne permettant pas à lui seul, selon la nouvelle jurisprudence, de conclure au caractère non économique, reste à présent à examiner si la pratique médicale du défendeur présente des particularités qui expliqueraient un coût moyen par patient plus élevé que la moyenne, et permettraient, ainsi, de réfuter le soupçon d'un mode de traitement non économique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.5.1)..
En effet, « la preuve du fondement d'une demande de remboursement n'est apportée que lorsque les clarifications consécutives à la mise en œuvre de la méthode de dépistage – c’est-à-dire les résultats de l'examen au cas par cas – démontrent l'existence d'un traitement non économique ». (E______ op.cit.). Il est vrai que dorénavant les particularités du cabinet doivent impérativement être prises en compte avant qu'une plainte puisse être déposée auprès du Tribunal arbitral.
En l'occurrence toutefois, il a été admis que le défendeur avait été en mesure de faire valoir les particularités de son cabinet auprès de SANTÉSUISSE, à titre préliminaire, soit avant même que celle-ci ne saisisse le Tribunal de céans (cf. supra consid. 5.8), étant à cet égard rappelé que le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir comment procéder à l'examen au cas par cas. L'analyse des particularités permettra ainsi de déterminer si l'existence d'une polypragmasie doit être admise ou au contraire rejetée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid 5.3.2). Cette analyse représente la seconde étape préconisée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 décembre 2023.
9.
9.1 Constitue une particularité de la pratique médicale toute caractéristique des prestations qui est plus souvent présente que dans la majorité des cabinets du groupe de comparaison et qui engendre un besoin de prestations plus élevé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 142/05).
Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé : une clientèle composée d'un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d'un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 152/98) ou le fait que le médecin s'est installé depuis peu de temps à titre indépendant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2023 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances K 150/03 ; K 113/2003).
En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 50/00). D'une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). Le tribunal arbitral dispose d'une marge de manœuvre importante à condition qu'il motive son jugement. Cette motivation doit en principe inclure une estimation des coûts supplémentaires admissibles ainsi que leur répercussion sur la marge additionnelle. D'autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques de la CAMS (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b). Le tribunal arbitral peut ainsi exclure complètement du coût moyen ceux afférents aux patients qui affichent cette particularité (exemple : ne pas tenir compte des coûts de traitements des patients drogués suivant un sevrage à la méthadone).
Dans son arrêt du 12 décembre 2023, le Tribunal fédéral a rappelé que malgré un indice de régression frappant, des coûts supérieurs à la moyenne peuvent, le cas échéant, être expliqués par des effets spécifiques au cabinet, ce qui permet de réfuter le soupçon d'un mode de traitement non économique. Les particularités du cabinet doivent impérativement être prises en compte, dans la mesure où elles n'ont pas déjà été prises en considération par la méthode de screening (cf. également E______ p. 114 ch. 7). Il est en fait primordial pour le Tribunal fédéral que les caractéristiques qui visent la typologie de la pratique soient si possible déjà prises en compte dans le cadre du screening. Il est toutefois nécessaire qu'un « groupe de référence correspondant » soit créé et pris en compte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid.5.5.2). Dans le cas contraire, la particularité du cabinet doit être prise en compte au niveau de l'examen au cas par cas (c.-à-d à la suite de la méthode de screening). Le Tribunal fédéral a également souligné qu'il convenait de distinguer les caractéristiques « catégorielles » du fournisseur de prestations - notamment lorsque celui-ci dispose de compétences particulières (par exemple gestion d'une pharmacie de cabinet) ou d'une spécialisation professionnelle qui se répercute sur la composition du collectif de patients -, des particularités du cabinet qui se rapportent à des caractéristiques variables du collectif de patients (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.5.2 et 5.5.3). La particularité d'une pratique médicale peut concerner le type du cabinet, lorsque le fournisseur de prestations dispose d'autorisations spéciales (par ex. pour une pharmacie du cabinet) ou d'une spécialisation qui a un effet sur la composition de sa patientèle. D'autres particularités peuvent avoir trait aux caractéristiques de la patientèle, telles qu'une proportion au-dessus de la moyenne d'étrangers, des visites à domicile fréquentes dans une grande région ou l'absence d'urgences. Même si un facteur est intégré dans la méthode du screening, cela n'exclut pas d'emblée de tenir compte de ce facteur dans une plus large mesure, par exemple lorsque le fournisseur de prestations traite plus de maladies chroniques, avec un besoin de suivi plus élevé, que la moyenne en raison de sa spécialisation, mais en prescrivant comparativement moins de médicaments pour des raisons spécifiques de la maladie. Dans une telle situation, le facteur « Pharmaceutical Cost Groups », compris dans la méthode de régression, indique une morbidité basse qui n'est pas conforme à la réalité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.5.3).
9.2 Le défendeur met en avant son FMH en pathologie, avec une sous-spécialité en cytopathologie, mais également une formation en pathologie clinique acquise en Grande-Bretagne en 1970 environ. Cette dernière n'existe pas en Suisse. Elle le distingue des médecins qui sont uniquement praticiens et de ceux qui, avec un FMH de pathologie, ne travaillent qu'en laboratoire. Ces formations lui permettent d'investiguer de façon plus approfondie, précisément dans le cas des pathologies lourdes, que ses confrères praticiens, lesquels renvoient systématiquement ces cas aux spécialistes ou à l'hôpital. Sa pratique permet d'éviter des hospitalisations, ainsi que l'intervention de spécialistes qui doivent prendre connaissance du dossier du patient depuis le début. Le défendeur ajoute que son expérience professionnelle est un facteur qui amène des patients souffrant de pathologies lourdes à le consulter. Il a en outre été l'un des médecins à l'origine de la création de l'Institut Central des Hôpitaux où il a travaillé en qualité de médecin-chef (cf. pièce jointe à ses écritures du 25 janvier 2022).
9.2.1 Il y a préalablement lieu de rappeler que le bien-fondé de la comparaison de la pratique du défendeur avec celle de ses confrères praticiens a été admise par le tribunal de céans (cf. supra consid. 7.2.1 à 7.2.6).
Dans la mesure où la formation post-graduée et continue a entraîné une modification du cercle de patients qui a une incidence sur les coûts, il est possible d'en tenir compte comme particularité du cabinet lors de la fixation de l'indice de réduction (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 108/2001 consid 11.1).
Les caractéristiques typologiques des cabinets (dont la remise directe de médicaments) doivent être prises en compte lors de l’examen individuel si elles ne peuvent pas être intégrées dans les facteurs de sélection ; de même pour les diplômes obtenus, par exemple dans le domaine de la médecine alternative (Bulletin des médecins suisses).
On ne voit toutefois pas qu'un titre de FMH en pathologie soit suffisant pour ne pas avoir, et cela d'une façon générale, à adresser ses patients à des spécialistes. Il paraît également difficile d'admettre que la pratique du défendeur à cet égard soit plus conforme au principe d'économicité, au vu de ses indices élevés.
Les spécialisations du défendeur et son expérience professionnelle, aussi intéressantes et reconnues soient-elles, ne changent rien au fait qu'il est attendu de lui qu'il respecte les critères d'économicité. La qualité des soins dispensés à ses patients n'est à cet égard aucunement remise en cause. Il va de soi toutefois que c'est ce qui est attendu de tous les médecins.
L'affirmation du défendeur, selon laquelle sa qualité de pathologue travaillant en cabinet constituerait un facteur favorable à ce que davantage de patients souffrant de pathologies lourdes viennent le consulter, n'est à juste titre pas partagée par le médecin-conseil dans son rapport du 24 mai 2024, au motif que « la spécialisation du défendeur comprend en premier lieu l'analyse morphologique et moléculaire d'échantillons de tissus, mais pas le traitement et le suivi de patients atteints de maladies graves / chroniques ».
Il n'apparaît pas en conclusion que le FMH en pathologie du défendeur ait eu un effet - suffisamment important pour être pris en compte - sur la composition de sa patientèle.
9.3 Le défendeur souligne le fait qu'il traite davantage de « cas lourds » que ses consœurs et confrères, ce qui justifierait son coût moyen par patient plus élevé.
9.3.1 Il a établi en annexe à ses écritures du 19 février 2021 un tableau de ses factures de l'année 2018 afin de le démontrer.
9.3.1.1 Il explique, sur la base de ce tableau, que 38 de ses patients (sur 202), représentent CHF 117'959,85, soit 50% des coûts directs, lesquels sont de CHF 239'262.-. Le traitement de ces patients, dont il affirme qu'ils sont tous des cas lourds, qui auraient été redirigés vers des spécialistes s'ils avaient consulté ses confrères praticiens, a nécessairement un coût incompressible, de sorte que l'on ne peut qu'en déduire que ses 164 autres patients coûtent peu en comparaison. Il relève du reste que ceux-ci n'ont été facturés qu'à CHF 739.56, alors que, selon les chiffres de SANTÉSUISSE, un patient lambda de ses confrères genevois représente en moyenne CHF 1'055.30. En outre, sur les 38 patients susmentionnées, 14, dont les pathologies sont plus graves encore, représentent à eux seuls 25% des coûts.
9.3.1.2 On peut constater sur la base de ces chiffres, pour 2018, qu'une partie de la patientèle du défendeur, soit 18,81%, représente des coûts importants, soit 18,8 % (CHF 117'959.85 / CHF 239'262.-). À noter que pour 2019, 18 de ses patients sur 203 se sont vus facturer un montant de CHF 62'970.- soit 25,79% des coûts directs, lesquels sont de CHF 244'091.-. On a ainsi pour 2019 un pourcentage de 8,86% de la patientèle qui représente 25,79% des coûts (CHF 62'970.- / CHF 244'091.-).
Le défendeur a indiqué, sur la base de son tableau, que sur les 38 patients, 14 avaient un besoin accru de prestations. Ces 14 patients, qui ont généré un coût de CHF 58'960.35, soit 24,64% du total des coûts directs, correspondent à 6,9% du total des patients (202).
9.3.1.3 Un coût important ne saurait toutefois justifier, à lui seul, l'existence de « cas lourds ». Certaines maladies peuvent engendrer plus de frais que d'autres, sans nécessairement constituer des pathologies lourdes.
Il appert par ailleurs qu'une proportion de 6% de patients souffrant de maladies graves/chroniques et nécessitant une prise en charge plus intensive n'est pas inhabituelle pour un cabinet de premier recours (cf. rapport du Dr B______ du 28 mai 2024 p. 2).
On pourrait ainsi considérer que les pourcentages de 18,81% pour 2018 et de 8,86% pour 2019 sortent de l'ordinaire pour le cabinet du défendeur. On ignore toutefois ce qui justifierait les coûts élevés de ces patients, étant rappelé que selon le défendeur, il ne redirige pas ses patients souffrant de pathologies lourdes vers des spécialistes, contrairement à ses consœurs et confrères, et leur prodigue les traitements nécessaires, efficaces et économiques. On ne peut que s'étonner que ses indices soient si élevés, ce d'autant plus que les médecins du groupe de comparaison traitent également des maladies graves / chroniques.
Il peut être utile d'observer que l'endroit où l'on place le curseur sur le graphique du nombre de patients est relatif et modifie, partant, les résultats (plus le curseur est à gauche, plus le coût des cas ordinaires est bas, et plus il est à droite, plus le coût des cas dits lourds est haut). Le défendeur parle de « coût incompressible » (consid. supra 9.3.1). En fait tout dépend où est mis le curseur.
9.3.2 Il est intéressant d'examiner à ce stade les facteurs de morbidité, soit le nombre de personnes malades dans une population déterminée à un moment donné, et principalement les PCG, afin de connaître la proportion de malades chroniques, lesquels nécessitent un suivi important, dans la patientèle du défendeur et de déterminer si le groupe de comparaison présente des malades et des maladies comparables.
9.3.2.1 Avec les PCG, la fréquence de différentes maladies chroniques dans une communauté de patients est démontrée indirectement par des indicateurs basés sur la facturation de médicaments. Ce critère permet de tirer des conclusions sur la morbidité de la patientèle (pièce 11 bis pages 31 à 34 et pièces 18 et 18 bis).
Selon le Tribunal fédéral, il convient de distinguer les caractéristiques « catégorielles » du fournisseur de prestations des particularités de cabinet qui se rapportent à des caractéristiques variables du collectif de patients. À ce titre, une proportion d'étrangers supérieure à la moyenne, des visites à domicile fréquentes dans une grande zone de chalandise ou l'absence de patients en urgence peuvent par exemple être pertinentes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2023 consid. 5.2). Mais les aspects liés à la morbidité doivent également être examinés de plus près, dans la mesure où ils n'ont pas été standardisés auparavant dans le cadre de l'analyse de régression. Le fait qu'un facteur ayant un impact sur les coûts soit intégré dans le modèle de screening n'exclut pas d'emblée une prise en compte supplémentaire en tant que particularité du cabinet. Il peut par exemple arriver qu'un cabinet médical traite, en raison d'une certaine spécialisation, un nombre supérieur à la moyenne de malades chroniques nécessitant une prise en charge importante, et que, pour des raisons spécifiques à la maladie, relativement peu de médicaments soient néanmoins prescrits ou remis. Dans une telle situation, le facteur de morbidité PCG indique une faible morbidité qui ne correspond pas aux conditions réelles. Dans ce cas, le médecin peut faire valoir, même sous la méthode de screening, qu'un correctif correspondant sera examiné au cas par cas. L'analyse du cas individuel (basé sur le dossier ou les statistiques) donne lieu, le cas échéant, à une correction par laquelle la différence entre la valeur de l'indice et l'indice de comparaison est diminuée de l'effet en question (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité ch.5.5.3).
Les facteurs de morbidité définis par les conventions tarifaires doivent permettre de saisir l'influence d'une caractéristique de santé spécifique du collectif de patients sur les coûts du cabinet. Les PCG sont l'un des quatre facteurs de morbidité selon la méthode de screening (en plus de l'âge et du sexe, des franchises et des séjours à l'hôpital ou en EMS au cours de l'année précédente). Cet instrument a été créée à l'origine en vue de la compensation des risques entre les assureurs-maladie sociaux (art. 16 ss LAMal ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité ch. 6.5.2). Les facteurs de morbidité associent la structure de coûts frappante d'un cabinet médical à un nombre éventuellement supérieur à la moyenne de malades chroniques parmi les patients (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 6.5.3).
9.3.2.2 En l'espèce, le défendeur a dressé la liste des pathologies qu'il traite dans son cabinet pour les années 2017 et 2018 dans sa duplique du 19 février 2021, et SANTÉSUISSE a indiqué, dans ses réponses aux questions du 22 octobre 2019, ch. 12 et 13, quels étaient les PCG pris en compte, selon les listes officielles, soit 24 pour 2017 et 34 pour 2018, lors du contrôle d'économicité du groupe de comparaison.
Il y a lieu de constater, en comparant les listes, que les pathologies mises en évidence par le défendeur, et en lien avec les PCG, ont correctement été prises en considération par SANTÉSUISSE, lors du contrôle d'économicité du groupe de comparaison.
Les PCG ont ainsi déjà été compris dans l'analyse de régression, de sorte que l'indice a pu être corrigé si besoin.
9.3.2.3 Le défendeur met en évidence le fait que l'indicateur PCG est deux fois plus grand en ce qui concerne les douleurs chroniques et le traitement de maladies neurologiques. Sont également plus importantes les valeurs qui lui sont attribuées par rapport au groupe de comparaison, pour des pathologies lourdes, telles que Alzheimer (1,9 pour le défendeur et 0,5 pour le groupe), dépression (15/12,5), diabète de type 2 (15,4/13,1), douleur neuropathique (1,2/0,9) et maladie thyroïdienne (6,5/5,8) (cf. pièce 7 chargé dem. du 2 juillet 2021).
Dans son rapport du 28 mai 2024, le médecin-conseil a en effet admis, tant pour 2017 que pour 2018, que certaines maladies graves / chroniques se retrouvaient plus fréquemment chez les patients du défendeur que chez ceux des médecins du groupe de comparaison, mais relevé que d'autres l'étaient plus rarement, telles que l'asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive - BPCO sévère, les cancers, la maladie de Parkinson, la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse, notamment.
Il appert que l'effet des PCG n'a influencé l'indice de régression du défendeur que très légèrement à la hausse pour l'année 2017 et de façon un peu plus importante pour l'année 2018, le fait qu'il y ait eu davantage de PCG pris en considération en 2018 (34) pouvant expliquer l'écart entre les deux années (cf. réponses aux questions du 22 octobre 2019 ch. 12 et 13).
9.3.2.4 Le Tribunal de céans relève que le défendeur ne connait aucun cas lié à 18 pathologies sur 34, alors que ses confrères en traitent 13, que son indicateur PCG est plus faible que celui de ses confrères pour 6 pathologies (asthme 2,6/5,2 ; épilepsie 1,5/1,7 ; maladies cardiaques 0,3/2,0 ; BOPC 0,4/2,2 ; diabète type 1 1,5/2,4 et glaucome 0,4/0,7), de même que pour deux autres, pour lesquelles les médecins sont beaucoup consultés, soit le cholestérol élevé 23,3/31,9 et l'hypertension 46,1/72,8, qu'il est en revanche un peu plus élevé pour 5 pathologies (Alzheimer 1,9/0,5 ; dépression 15/12,5 ; diabète type 2 15,4/13,1 ; maladies thyroïdiennes 6,5/5,8 et douleurs neuropathiques 1,2/0,9), et beaucoup plus élevé pour les douleurs chroniques 20,2/9,7 et les maladies du système nerveux 2/1 (cf. pièce 7 chargé dem. du 2 juillet 2021).
Le Tribunal de céans observe ainsi que dans l'ensemble, les résultats obtenus par le défendeur entre des pathologies pour lesquelles l'indicateur PCG est plus faible et celles pour lesquelles il est plus élevé, s'équilibrent.
Aussi la constatation de SANTÉSUISSE, selon laquelle l'effet des PCG n'a que « très légèrement » influencé l'indice de régression, ne peut-elle être que confirmée. Cette conclusion reste valable, quand bien même l'indicateur PCG du défendeur est deux fois plus important que celui de ses confrères pour les douleurs chroniques et pour les maladies du système nerveux. En effet, sachant que le défendeur se réclame volontiers comme étant particulièrement proche de ses patients, et du fait que certaines maladies graves / chroniques se retrouvent plus fréquemment chez les patients du défendeur que chez ceux des médecins du groupe de comparaison (cf consid. supra 9.3.2.3), il est vraisemblable, au degré requis par la jurisprudence, que pour mieux les soulager, il ait été amené à leur prescrire davantage de médicaments que ses confrères, de sorte que cet indicateur viendrait à montrer une forte morbidité qui ne correspondrait pas complétement aux conditions réelles (cf. consid. supra 9.3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité ch.5.5.3).
Il n'apparaît pas, au vu de ce qui précède, que l'indicateur PCG du défendeur présente une morbidité suffisamment forte par rapport aux médecins du groupe de comparaison pour que l'on puisse admettre que sa patientèle comporte un nombre supérieur à la moyenne de malades chroniques nécessitant une prise en charge importante et justifier son coût moyen par patient plus élevé.
9.3.3 Le défendeur relève que le taux d’hospitalisation de ses patients est faible et considère que ce faible taux vient démontrer l'acuité de ses diagnostics et l'efficacité de ses traitements, et, partant, une pratique économique.
9.3.3.1 Lorsque le médecin fait valoir que son mode de traitement permet d'éviter de nombreux séjours hospitaliers stationnaires, le Tribunal arbitral doit disposer de données statistiques afin d'être en mesure de vérifier qu'il y a bien eu économie compensatoire (ATF 119 V 455 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 113/03 consid.3.3).
Il est vrai en l'espèce que, pour 2019, le nombre de malades avec séjour en hôpital/EMS au cours de l'année précédente du défendeur, de 5% de sa patientèle, est plus faible que celui du groupe de comparaison, qui est de 10,3% (pièce 7 chargé dem. du 2 juillet 2021).
Il est toutefois utile de préciser que pour calculer le taux d'hospitalisation, seuls les séjours d'au moins 3 nuits consécutives dans un hôpital ou un EMS sont pris en compte (art. 2c Ordonnance sur la compensation des risques dans l'assurance-maladie – OcOR). Aussi le défendeur ne peut-il influencer le fait d'avoir moins d'hospitalisation. Un taux d'hospitalisations plus faible que celui des médecins du groupe de comparaison, dans ces conditions, impliquerait, partant, plutôt une patientèle comportant moins de « cas lourds ».
9.3.3.2 Il peut être délicat de juger, à satisfaction de droit, si c'est effectivement la qualité des soins prodigués par le défendeur de manière ambulatoire qui a permis de réduire le nombre d'hospitalisations, ou si c'est le fait d'avoir une patientèle moins morbide que celle des médecins composant le groupe de comparaison.
Il y a toutefois lieu de rappeler, d'une part, qu'en application de l'art. 32 LAMal, les prestations médicales à charge de l'assurance obligatoire des soins doivent d'emblée être efficaces, appropriées et économiques. Il paraît en conséquence difficile d'admettre que l'argument du défendeur, fondé sur l'acuité de ses diagnostics et sur le fait de dispenser des traitements efficaces, puisse être retenu à titre de particularité justifiant un coût moyen plus élevé. Au surplus, il est douteux qu'un faible taux d'hospitalisation, qui serait dû à des traitements particulièrement efficaces et à des diagnostics sûrs, puisse conduire à une économie, dans la mesure où les indices de régression du défendeur sont supérieurs à 200, et étant rappelé que les médecins praticiens composant le groupe de comparaison sont eux aussi soumis à l'obligation de respecter l'art. 32 LAMal
Le Tribunal de céans relève, d'autre part, que le fait de compter davantage de « cas lourds » dans une patientèle devrait en principe impliquer un plus grand nombre d'hospitalisations. Moins d'hospitalisations indiquerait au contraire que la patientèle du médecin en cause est moins morbide que celle des autres médecins. Or, en l'espèce, il n'a pas été admis, selon l'indicateur PCG, que le nombre de patients dits « cas lourds » du défendeur était plus important que celui des médecins du groupe de comparaison (cf. infra consid. 9.3.2).
9.3.3.3 Il convient d'ajouter que, selon les réponses aux questions du 22 octobre 2019 ch. 15, le facteur « séjour à l'hôpital » pour les patients du défendeur a un effet minime et n'implique ni baisse, ni augmentation de son indice, tant en 2017 qu'en 2018.
9.3.4 Le défendeur allègue qu'un grand nombre de ses patients sont âgés. Il fait valoir que leur prise en charge est complexe et nécessite des examens approfondis.
Or, la moyenne d'âge des patients du défendeur est de 49,8 pour 2017, de 50,07 pour 2018 et de 48,3 pour 2019, alors que celle du groupe est respectivement de 48,7, de 49,7 et de 50,1 pour ces trois années (pièce 5 chargé dem. du 25 juin 2020 ; pièce 7 chargé dem. du 2 juillet 2021). Force est de constater que ces chiffres, au demeurant très proches les uns des autres, se compensent, la moyenne d'âge pour le défendeur étant certes plus élevée –- pour 2017 (de 1,1) et 2018 (de 0,37), mais plus faible pour 2019 (de 1,8). On ne saurait retenir, au vu d'écarts si faibles, que la patientèle du défendeur soit significativement plus âgée.
Les chiffres relevés sur le graphique 2017 produit par SANTÉSUISSE dans ses réponses aux questions du 22 octobre 2019 ch. 8, révèlent notamment que le défendeur a plus de patients entre 60 et 70 ans que ses consœurs et confrères, mais moins entre 71 et 85 ans, ce qui ne permet en conséquence pas non plus de considérer que l'âge de ses patients constituerait une caractéristique qui impliquerait un besoin de prestations plus grand.
Le coût par patient du défendeur dépasse quoi qu'il en soit celui de ses confrères, quelle que soit la catégorie d'âge envisagée, étant rappelé au surplus que les groupes d'âge et de sexe (GAS) sont également utilisés pour le calcul de l'indice de régression.
9.3.5 Le défendeur relève que, selon les statistiques, le nombre de ses patients est plutôt modeste. Il considère que ce nombre confirme qu'il traite davantage de patients souffrant de pathologies lourdes, ce qui engendre, partant, des coûts plus importants que ceux des médecins du groupe de comparaison. Il fait valoir, en d'autres termes, que s'il consacrait davantage de son temps à des cas moins lourds, il aurait nécessairement plus de patients.
Le nombre des patients du défendeur est en effet de 202 en 2017, ainsi qu'en 2018, et de 203 en 2019, alors qu'il est de 723 en 2017, de 708 en 2018 et de 699 en 2019 pour ses consœurs et confrères.
On ne saurait toutefois retenir qu'un petit nombre de patients vienne justifier davantage de « cas lourds ». Une patientèle importante pourrait le cas échéant expliquer que le médecin facture beaucoup. L'inverse n'est pas valable : la patientèle modeste du défendeur ne peut être le signe, à elle seule, d'un nombre important de « cas lourds ». Le raisonnement suivi par le défendeur reviendrait à prendre le résultat qui lui est précisément reproché, soit un coût excessif, comme preuve de l'existence de « cas lourds ».
On peut également rappeler que la méthode statistique se fonde sur le coût moyen par patient, lequel n'est pas directement lié au nombre de clients traités, au taux d'activité du médecin, à son chiffre d'affaires ou au niveau général des coûts de la santé. Le revenu, faible ou élevé, du médecin ne joue aucun rôle. Le contrôle d'économicité ne vise pas à imposer un plafond de revenu aux médecins (ATAS/118/2016 ; Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale p. 152, § 2.8.4, et jurisprudences citées).
9.3.6 Le défendeur fait également valoir qu'il traite des patients atteints de troubles psychiques important.
9.3.6.1 Il sied préalablement de rappeler que la prise en charge de troubles psychiques constitue un élément important de la pratique du médecin généraliste et ne justifie par conséquent pas, par principe, qu'elle soit considérée comme une particularité de cette pratique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_570/2015 consid.7.4).
Il est en revanche admis que le médecin qui établit que sa clientèle compte un plus grand nombre de patients souffrant de troubles psychiatriques, psychosociaux ou psychosomatiques, nécessitant des traitements médicaux plus intenses, peut justifier un coût moyen par cas plus élevé, à condition que le médecin concerné ne facture pas la position TARMED (consultation psychothérapeutique ou psychosociale) réservée aux spécialistes (ATAS/1065/2021).
9.3.6.2 En l'espèce, pour l'année 2017, la position 00.0520 (consultation psychothérapeutique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours) n'a été utilisée qu'à hauteur de 1,06% par le défendeur, alors qu'elle l'a été à hauteur de 3,10% par ses confrères (pièce 19 chargé dem. du 25 juin 2020).
En revanche, pour l'année 2018, le défendeur a facturé 3 fois plus (9,29%) que les médecins du groupe de comparaison (3,68%) (pièce 19 bis chargé dem. du 25 juin 2020). Pour l'année 2019, la position 00.0520, est encore plus importante, puisqu'elle occupe la 2e place des positions TARMED utilisées par le défendeur (pièce 15 chargé dem. du 2 juillet 2021).
9.3.6.3 Force est de constater que le coût moyen par patient du défendeur élevé ne peut pas être justifié par une patientèle souffrant de troubles psychiques, dès lors que, d'une part, traiter de tels patients fait partie de l'activité d'un médecin généraliste et, d'autre part, que lorsque ces patients viennent à nécessiter des traitements plus intenses, le médecin concerné doit les adresser aux spécialistes. Il ne peut en effet utiliser la position TARMED réservée à ces derniers, en l'absence d'attestations de valeurs intrinsèques.
Or, c'est précisément ce que fait le défendeur (pièce 12 chargé dem. du 2 juillet 2021).
9.3.7 Le défendeur reconnaît que la durée de ses consultations est plus longue que celle de ses consœurs et confrères et que leur nombre est plus important. Il l'explique par le fait que les 20 minutes attribuées à cette prestation sont largement insuffisantes, en ce sens qu' « on doit tenir compte du mode de vie, de l'alimentation, du stress suite à un interrogatoire serré. Accepter de manière contraignante n'aura que des effets négatifs sur la compliance et rendra la prestation peu, voire inefficace. Ma durée de consultation est par là même prolongée si l'on veut englober les critères d'efficacité, d'économicité et d'adaptation ».
9.3.7.1 Les prestations de base par patient, soit visites à domicile et consultations, effectivement plus élevées pour le défendeur, sont les suivantes :
- pour 2017, de 6,4 (défendeur) et de 3,6 (groupe)
- pour 2018, de 5,4 (défendeur) et de 3,9 (groupe)
- pour 2019, de 5,9 et de 4 (groupe)
(pièce 7 chargé dem, du 2 juillet 2021).
En 2017, ses consultations sont plus longues (00.0020) que celles de médecins du groupe de comparaison. Il en est de même en 2018, pour les consultations psychothérapeutiques / psychosociales (00.0520), les consultations spécifiques (00.0510) et l'étude du dossier en l'absence du patient (00.1041).
Le nombre de consultations dispensé par le défendeur est élevé (en 2017 : 1175, en 2018 : 1046 et en 2019 : 1132).
Selon le médecin conseil, le nombre et la durée des consultations s'expliquent par le style de pratique « vieille école » dont se prévaut du reste le défendeur, style de pratique qui privilégie le temps consacré aux patients (cf. rapport du Dr B______ du 28 mai 2024).
Le défendeur fait également observer qu'il effectue de nombreuses visites à domicile, à savoir 109 en 2017, 51 en 2018 et 70 en 2019.
9.3.7.2 Il va de soi que la qualité d'écoute et l'empathie ne peuvent être qu'approuvées. Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la satisfaction des patients et leur bien-être ne permettent pas de tirer des conclusions sur l'efficacité et l'adéquation des traitements. Notre Haute Cour a même ajouté à cet égard que le fait que le médecin soit joignable à tout moment par ses patients, y compris en cas d'urgence, ne saurait y changer quoi que ce soit (ATF 144 V 79 consid. 6.2). D'une façon générale, le médecin n'a pas le droit de compter plus d'heures qu'effectivement réalisées, ni de facturer les prestations d'une façon contraire au TARMED (ATF 144 V 79).
S'agissant des visites à domicile, on peut observer que la consultation comporte nécessairement un coût plus élevé, en raison des déplacements. Cela dit, à Genève, on ne saurait parler d'une grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b). Certes une visite à domicile est-elle plus confortable pour le patient. Cela ne signifie toutefois pas encore qu'il s'agisse d'une nécessité médicale. Il ne semble pas à cet égard que les patients du défendeur- n'étant pas en moyenne significativement plus âgés que ceux des médecins du groupe de comparaison - ne puissent pas se déplacer au cabinet médical, sauf exception. Il en va de même pour ce qui concerne les multiples pathologies (ATAS 733/2012). On peut au surplus déduire du fait que les prestations de base comprennent les visites à domicile dans la méthode de régression qu'il incombe toujours au médecin en cause de justifier les visites à domicile "hors normes". A défaut, elles ne peuvent constituer une particularité de sa pratique permettant d'augmenter la marge de tolérance (https://tarifsuisse.ch/assets/Downloads/2020_08_19_Dokumentation_Umsetzung_Regressionsmodell_Final_FR.pdf).
9.3.8 Le défendeur relève qu'il investigue pour une grande partie les diagnostics de ses patients dans son propre laboratoire, ce qui lui permet d'avoir une pratique plus économique que celle de ses confrères, puisqu'il n'a pas à faire appel à un laboratoire externe comme eux.
9.3.8.1 L'art. 25 al. 1 LAMal prévoit que l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles. L'art. 25 al. 2 let. b LAMal précise que ces prestations comprennent les analyses, médicaments, moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques prescrits par un médecin ou, dans les limites fixées par le Conseil fédéral, par un chiropraticien. Enfin, l'art. 56 al. 1 LAMal, dont le titre porte précisément sur le « caractère économique des prestations », souligne le fait que le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement.
La liste des analyses (LA) constitue l’annexe 3 de l’ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS). Elle contient les analyses réalisées par les laboratoires médicaux selon l’article 54 OAMal et prises en charge par l’assurance obligatoire des soins.
Une analyse diagnostique doit permettre, avec une probabilité acceptable : 1. de décider si un traitement est nécessaire, et si oui, lequel, ou 2. de réorienter le traitement médical appliqué jusqu'alors, ou 3. de redéfinir les examens qui sont nécessaires (p. ex., pour prévenir, dépister ou traiter à temps les complications typiques auxquelles on peut s'attendre), ou 4. de renoncer à d'autres examens visant à explorer les symptômes, les séquelles ou les problèmes typiques auxquels on peut s'attendre. Il suffit que l’analyse diagnostique satisfasse une des quatre conséquences listées pour être à charge de l’assurance obligatoire des soins. Les analyses, pour lesquelles il apparaît clairement, au moment où elles sont prescrites, qu'elles ne satisferont à aucune des quatre conséquences précitées, ne sont pas prises en charge.
Les analyses présymptomatiques ou préventives, au sens de l’art. 26 LAMal, sont considérées comme des prestations à charge de l’assurance obligatoire des soins, uniquement si elles figurent comme telles dans la LA et comme mesure de prévention aux art. 12d à 12e OPAS. Les analyses génétiques présymptomatiques ou préventives chez les personnes en bonne santé visant à mettre en évidence leur prédisposition à une maladie sont prises en charge uniquement si elles figurent comme telles dans la liste des analyses et comme mesure de prévention dans l’art. 12d let. f OPAS.
9.3.8.2 SANTÉSUISSE relève que selon la jurisprudence, le fait de disposer d'un laboratoire n'est pas considéré comme une particularité permettant de justifier des coûts moyens par patient plus élevés, bon nombre de cabinets disposant d'un laboratoire, d'une radiologie et d'une échographie.
9.3.8.3 Pourtant, dans le cas d'un médecin qui effectuait un très grand nombre de traitements spéciaux et qui fournissait dans ce cadre un nombre supérieur à la moyenne de ses propres prestations de laboratoire, le Tribunal fédéral a admis le fait qu'il n'avait alors pas été nécessaire d'orienter les patients vers des médecins spécialistes ou de les hospitaliser, de sorte que par rapport aux autres médecins de son groupe, il avait occasionné moins de frais aux caisses-maladie (ATAS /1065/2021 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 9/99).
Les frais de laboratoire des médecins ne disposant pas d'un laboratoire et qui sont, partant, obligés de faire appel à des laboratoires externes, sont pris en considération dans les coûts indirects. Les prestations médicales supplémentaires effectuées par le défendeur par rapport aux autres médecins du groupe de comparaison viennent inversement diminuer ses coûts indirects, dès lors que ses patients peuvent être traités directement au cabinet médical et ne sont pas adressés à d'autres fournisseurs de prestations (ATAS/27/2020).
Il y a toutefois lieu d'ajouter que, même si seuls les coûts directs peuvent être restitués, l'ensemble des coûts doit être pris en considération. Si les statistiques laissent apparaître, par le biais de la pratique du laboratoire en cabinet, un indice faible des coûts indirects de frais de laboratoire, on ne peut réclamer la restitution des frais de laboratoire. On le peut au contraire si la moyenne des coûts de laboratoire prescrits par le médecin est supérieure à celle de ses confrères pour les années concernées, dès lors que les coûts directs de son laboratoire ne tendent pas à diminuer les coûts indirects de frais de laboratoire (ATAS/733/2012). Si les coûts indirects du médecin ne sont qu'à peine inférieurs à la moyenne de ses consœurs et confrères de sa spécialité, cela signifie qu'il fait appel presque aussi souvent que ceux-ci à d'autres laboratoires. Partant, l'équipement du défendeur ne peut pas non plus expliquer un coût moyen par patient supérieur à la moyenne (ATAS/27/2020).
9.3.8.4 SANTÉSUISSE a indiqué, dans ses réponses aux questions du 22 octobre 2019, au chiffre 2, qu'elle ne pouvait donner l'indice de régression moyen des médecins du groupe de comparaison qui ont leur propre laboratoire comme le défendeur. Elle a toutefois été en mesure de produire, pour toute la Suisse ainsi que pour Genève, les coûts liés aux laboratoires internes des médecins praticiens (cf. pièce D pour 2017 et pièces E et F pour 2018).
Il en résulte les chiffres suivants (cf. pièce 6 chargé dem. du 2 juillet 2019 pour 2019) ; cf. également réponses aux questions du 22 octobre 2019 ch. 2) :
année | Coût total laboratoire (CHF) Direct et indirect | Coût direct (CHF) | Coût moyen par patient (direct et indirect) en CHF | Coût moyen total groupe en CHF | Indice de régression du laboratoire |
2017 | 85'228 | 62'663 | 422 | 134 | 235 |
2018 | 89'963 | 59'288 | 445 | 138 | 287 |
2019 | 81'071 | 50'637 | 319 | 141 | 280 |
9.3.8.5 Force est en l'espèce de constater que la moyenne des coûts de laboratoire prescrits par le défendeur est supérieure à la moyenne de ses confrères pour les années 2017 (422 / 235), 2018 (445 / 287) et 2019 (319 / 141), de sorte que les coûts directs de son laboratoire ne tendent pas à diminuer les coûts indirects (de frais de laboratoire). Les indices de régression du laboratoire – lesquels tiennent compte des facteurs de correction de la régression (âge, sexe, canton, morbidité …) – sont, quant à eux, très élevés (235, 287 et 280). Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de retrancher des coûts directs les montants afférant aux frais de laboratoire.
9.3.8.6 Le défendeur fait valoir qu'il est spécialisé dans les analyses et qu'il procède à de nombreux contrôles (entretien d'information du 16 mai 2019). Il a ajouté, lors de l'entretien d'information du 17 mars 2017, qu'il vérifiait le cholestérol de tous ses patients et qu'il faisait appel, le cas échéant, à la médecine préventive.
Le médecin-conseil a confirmé avoir constaté que le défendeur procédait à des examens fréquents et importants, identiques pour pratiquement tous les patients, avec parfois des facturations doubles ou triples (albumine, ALAT, ASAT, Ca, glucose) incompréhensibles et des blocs d'oxymétrie respectifs. Il en conclut qu'il y a des tests non ciblés ou des blocs de laboratoire sans indication réelle (rapport du Dr B______ du 28 mai 2024).
Ce qui relève de la prévention et du check-up ne peut être mis à la charge de l'assurance obligatoire des soins, car il ne s'agit pas alors de traiter la maladie au sens de l'art. 3 LPGA (art. 32 LAMal ; ATAS/118/2016).
Or, il apparaît des constatations du médecin-conseil et des déclarations du défendeur lui-même, que celui-ci procède à des examens de façon systématique pour tous ses patients et/ou relevant de la médecine préventive, ce qui n'est pas compatible avec une pratique économique.
9.3.8.7 Aussi le coût moyen par patient supérieur à la moyenne, s'agissant des frais de laboratoire, ne peut-il être justifié.
9.3.9 Force est de constater que la pratique médicale du défendeur ne présente aucune spécificité marquée dont il conviendrait de tenir compte au titre de particularité qui justifierait de calculer un supplément à la marge de tolérance.
10. Reste à déterminer quelle méthode statistique doit être utilisée pour calculer le montant de la somme à restituer.
10.1 En l’espèce, les demanderesses réclament au défendeur, pour les années statistiques 2017, 2018 et 2019, la restitution, compte tenu d'une marge de tolérance de 20%, principalement, de montants calculés selon l’indice de régression et, subsidiairement, selon l’indice ANOVA, étant précisé qu'il conviendra le cas échéant de prendre également en considération les prestations facturées par celui-ci à l’assurance obligatoire des soins sur la base de positions TARMED pour lesquelles il ne dispose pas des valeurs intrinsèques requises.
10.2 Il y a lieu de rappeler préalablement que le montant à restituer par le défendeur sera calculé avec une marge de tolérance de 30% (et non de 20%), le FMH n'ayant pas été retenu comme particularité du cabinet (cf. consid. supra 8.1.3).
Il s'avère en l'occurrence que les indices de régression dépassent cette marge de tolérance pour chacune des trois années concernées, de sorte qu'une polypragmasie a été soupçonnée. Conformément à l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 12 décembre 2023, ce résultat hors normes ne constitue pas encore une preuve, ni même une présomption d'une pratique médicale non économique.
Il résulte toutefois de ce qui précède que les coûts élevés par patient du défendeur n'ont pu être motivés par les particularités de sa pratique médicale. Force est de constater que le défendeur n'a pas respecté les exigences d'économicité et de qualité prévues par la loi. Le remboursement des honoraires perçus pour des prestations inappropriées en est la sanction (art. 59 al. 1 let. b et al.3 LAMal ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 4.1).
10.3 L'analyse de régression en deux étapes s’applique comme nouvelle méthode au sens de l’art. 56 al. 6 LAMal, la première fois, pour l’année statistique 2017 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. supra 5.1 et 5.2). Le Tribunal fédéral a par ailleurs confirmé que l'examen de l'économicité de la pratique médicale d'un fournisseur de prestations comportait en premier lieu l'analyse de régression (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 précité consid. 5.2).
10.4 Le défendeur reproche aux demanderesses d'avoir englobé les coûts indirects dans le calcul du montant soumis à restitution.
10.4.1 Lors de l'examen de la question de l'économicité, l'indice de l'ensemble des coûts est en principe déterminant (ATF 133 V 37 consid. 5.3). L'obligation de restituer en application de l'art. 56 al. 2 LAMal n'englobe toutefois que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui). L'exclusion des coûts indirects de l'obligation de restitution ne modifie en rien la pratique selon laquelle l'examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire sur la base d'une vision d'ensemble, au sens de la jurisprudence publiée ATF 133 V 37, et qu'une part plus importante que la moyenne de prestations directement délivrées par le médecin par rapport aux prestations déléguées peut s'expliquer par une pratique médicale spécifique pouvant justifier des surcoûts (consid. 2.5.6). Ainsi seuls les coûts directs (y compris les médicaments remis par le médecin concerné) sont récupérables (ATF 137 V 43 consid 2.5 ; 133 V 37 consid.5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_135/2023 ; 9C_259/2023 consid. 5.2 ; 9C_535/2014 consid. 5.4 ; 9C_732/2010 consid. 3.3 et 3.4).
10.4.2 Le Tribunal de céans constate que, conformément à ce qui précède, SANTÉSUISSE a appliqué l’indice des coûts totaux, puis n'a fondé sa demande de rétrocession que sur les coûts directs, soit sur les montants effectivement encaissés par le médecin. Du reste, dans la formule mathématique – qui est constituée d'une suite de multiplications et de divisions – utilisée pour calculer le montant de régression à restituer par le défendeur, les coûts totaux sont bel et bien « neutralisés », dès lors qu'ils figurent en tant que numérateurs dans la première division, puis comme dénominateurs dans la dernière. Aussi le résultat est-il le même.
10.4.3 Aussi les calculs auxquels a procédé SANTÉSUISSE, sur la base de la méthode de régression, ne sont-ils pas critiquables, à cet égard.
11. Les demandes des 5 juillet et 14 novembre 2019 et du 30 juin 2021 sont en conséquence partiellement admises, étant toutefois rappelé que le Tribunal de céans a admis la marge de tolérance de 30%.
12. Soupçonnant que le défendeur facturait peut-être des prestations sous certains chapitres du TARMED sans en avoir le droit, les demanderesses ont requis des mesures d'instruction complémentaires le 6 avril 2021, en se réservant expressément de préciser leurs conclusions initiales aussitôt qu'elles obtiendraient les pièces requises du défendeur, soit les titres et attestations le légitimant à facturer certaines de ses prestations.
Le 22 mars 2022, considérant que le défendeur n'était pas au bénéfice des attestations de valeurs intrinsèques nécessaires, elles ont déposé de nouvelles conclusions auprès du Tribunal de céans et lui ont réclamé la restitution des montants de CHF 20’733.-, pour l’année 2017, et de CHF 68'543.- pour l’année 2018 (cf. pièce 20 bis chargé dem. du 6 avril 2021).
Il y a lieu de souligner que pour l'année 2019, les demanderesses ont d'emblée inclus dans le montant à restituer celui en lien avec l'absence des valeurs intrinsèques, soit CHF 69'127.- (cf. pièces 14 et 15 chargé dem. du 30 juin 2021).
12.1. Le défendeur a conclu à l'irrecevabilité des nouvelles demandes. Il fait à cet égard valoir que le fondement des prétentions n'est pas le même, l'ouverture de l'action étant basée sur une prétendue non-économicité et les conclusions nouvelles du 22 mars 2022 sur une soi-disant insuffisance des droits acquis en lien avec la facturation de positions TARMED
12.1.1 La question de la modification d'une demande initiale n'est pas réglée par la procédure cantonale, ni par les dispositions de la procédure fédérale. Partant, il sied d'appliquer par analogie l'art. 227 al. 1 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), selon lequel la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a) ou que la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b) (ATAS/1155/2022 ; ATAS/638/2019).
L’art. 230 al. 1 CPC prescrit que la demande ne peut être modifiée aux débats principaux que si les conditions fixées à l’art. 227 al. 1 CPC sont remplies (let. a) et que la modification repose sur des faits ou moyens de preuve nouveaux (let. b). Il existe ainsi deux paliers : la modification libre de l’art. 227 CPC, tolérée sous réserve de connexité ou d’admission par l’adversaire, avant les premières plaidoiries, et celle qui est conditionnée par l’apparition des faits ou de moyens de preuve objectivement ou subjectivement nouveaux (Daniel WILLISEGGER, Commentaire bâlois, 3ème éd. n. 3 ad art. 227 CPC). Dans le second cas, la modification des conclusions doit donc, d’une part, satisfaire aux exigences alternatives de l'art. 227 al. 1 CPC et, d’autre part, être la conséquence de faits ou de moyens de preuves nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2016 du 26 mai 2016 consid. 5.1). Il y a modification de la demande au sens des art. 227 et 230 CPC, soit lorsqu’une prétention jusqu’alors invoquée est modifiée, soit lorsqu’une nouvelle prétention est invoquée ; le contenu d’une prétention ressort des conclusions et de l’ensemble des allégués de fait sur lesquels elles sont fondées (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3). Pour examiner le lien de connexité entre la conclusion nouvelle et la demande initiale, le contenu de la prétention juridique se détermine au regard de l'action ouverte, des conclusions de la demande et des faits invoqués à l'appui de celle-ci, autrement dit par le complexe de faits sur lequel les conclusions se fondent (ATF 139 III 126 consid.3.2.2). Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s’ils sont invoqués sans retard et s’ils sont postérieurs à l’échange d’écritures ou à la dernière audience d’instruction (nova proprement dits ; art. 229 al. 1 let. a CPC) ou s’ils existaient avant la clôture de l’échange d’écritures ou la dernière audience d’instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (novas improprement dits ; art. 229 al. 1 let. b CPC).
12.1.2 En l'occurrence, un lien de connexité entre les prétentions initiales et les nouvelles doit être admis, puisqu'elles sont fondées sur le même complexe de faits, à savoir la demande de remboursement des montants facturés par le défendeur à charge de l'assurance obligatoire des soins et considérées par les demanderesses comme étant non économiques, étant précisé que pour contester qu'il y ait polypragmasie, le fournisseur de soins peut faire valoir des particularités dans l'exercice de sa pratique, mais aussi l'existence d'autorisations spécifiques accordées par certains assureurs admettant la facturation avec les valeurs intrinsèques concernées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_570/2015 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 172/97 consid 5e ; ATAS/567/2023 et ATAS/1155/2022).
12.1.3 Aussi les demanderesses étaient-elles en droit d'amplifier leurs conclusions pour les années 2017 et 2018.
12.2 Le défendeur considère que les nouvelles conclusions déposées le 22 mars 2022 sont prescrites.
12.2.1 Selon l'art. 25 al. 2 LPGA, teneur en vigueur au 31 décembre 2020, cité plus haut, le délai de prescription est d'un an après la connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.
On peut rappeler que ce délai d'un an commence à courir dès le moment où les demanderesses auraient dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles (ATF 122 V 270 consid. 5a). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde ‑ quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et 5.2.1 et les références ; 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; 140 V 521 consid. 2.1 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). À défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt du Tribunal fédéral 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106). Cependant, lorsque la restitution est imputable à une faute de l'administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai d'une année le moment où l'erreur a été commise par l'administration, mais le moment auquel celle-ci aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l'occasion d'un contrôle), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l'attention requise. En effet, si l'on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour l'administration de réclamer le remboursement de prestations allouées à tort en cas de faute de sa part (ATF 124 V 380 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_193/2021 ; ATAS 987/2023 ; ATAS/1155/2022).
12.2.2 Il convient en l'espèce de déterminer quel est le point de départ du délai de l'art. 25 al. 2 LPGA.
12.2.3 Le défendeur allègue à ce propos ne pas comprendre le « contrôle complémentaire » effectué par les demanderesses en cours de procédure, considérant qu'elles auraient pu faire valoir leurs nouvelles prétentions dans le cadre de leurs demandes initiales en 2019, dès lors que les positions qu'il avait facturées avaient toujours été portées à leur connaissance et n'avaient pas soulevé de contestation.
12.2.4 Il apparaît toutefois que c'est lorsque les demanderesses ont pris connaissance de la pièce 20, soit au plus tôt le 3 mars 2021, date correspondant au jour où les données TARIFPOOL SASIS SA ont été prises, qu'elles ont disposé d'indices laissant supposer que le risque qu'une facturation non conforme aux dispositions TARMED était présent et supposé, partant, l'existence d'une créance en restitution.
12.2.5 On peut malgré tout se demander si elles n'étaient pas en mesure de le savoir avant ce 3 mars 2021.
12.3 En l'espèce, il est vraisemblable, au degré requis par la jurisprudence, que les demanderesses n'aient pas compris, en prenant connaissance des statistiques de SANTÉSUISSE le 17 juillet 2019 pour l'année 2018 et le 20 juillet 2020 pour l'année 2019, que le défendeur pouvait avoir, éventuellement, utilisé sans droit certaines positions TARMED. Quoi qu'il en soit, et vu la jurisprudence constante susmentionnée selon laquelle le délai commence à courir le jour à partir duquel l'organe d'exécution aurait dû au plus tard reconnaître son erreur - par exemple à l'occasion d'un contrôle des comptes ou sur la base d'un indice supplémentaire - en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger de lui, on peut confirmer que le délai court à compter du moment où elles ont eu connaissance de la pièce 20.
12.3.1 Dès le moment où elles ont soupçonné une mauvaise utilisation des positions TARMED, les demanderesses devaient, selon la jurisprudence, procéder dans un délai raisonnable aux investigations nécessaires.
Il y a lieu de considérer qu'elles ont respecté ce « délai raisonnable » en sollicitant du défendeur, le 6 avril 2021, la production de pièces susceptibles de leur permettre de confirmer ou non leurs soupçons. Tant qu'elles ne disposaient pas de ces informations, elles n'étaient pas en mesure de savoir si elles avaient ou non à amplifier leurs conclusions initiales. Elles ont au surplus pris la précaution d'indiquer qu'elles se réservaient de préciser leurs conclusions initiales, le cas échéant, aussitôt qu'elles obtiendraient les pièces demandées.
12.3.2 Après le dépôt de nombreuses écritures, le défendeur a finalement, le 25 janvier 2022, admis que la FMH ne pouvait pas lui transmettre les attestations de valeurs intrinsèques requises. Ce n'est ainsi qu'à cette date que les demanderesses ont su qu'il n'en disposait d'aucune.
12.4 Les nouvelles conclusions déposées le 22 mars 2022 par les demanderesses, après qu'elles aient disposé de tous les éléments utiles pour calculer les montants dont elles ont demandé la restitution, l'ont donc été en temps utile.
13. Le défendeur a demandé que les factures concernées par ces nouvelles conclusions lui soient communiquées afin qu'il puisse se déterminer en toute connaissance de cause. Il reproche aux demanderesses de n'avoir produit aucune pièce susceptible d'apporter la preuve qu'elles auraient remboursé des factures à tort. Il fait au surplus valoir que la production de ces factures est essentielle au traitement du présent litige relatif à la facturation, du fait que celui-ci n'est pas réglé par l'art. 56 LAMal, mais par les art. 42 ss LAMal, et que la méthode statistique et les données y relatives ne s'appliquent pas dans ce dernier cas.
Il considère enfin que les pièces 20 et 20 bis auxquelles le renvoie SANTÉSUISSE ne lui permettent pas de rattacher à des factures, et encore moins à des patients, les montants allégués par les demanderesses et partant, de se déterminer sur la base d'éléments concrets.
13.1 La question du fardeau de la preuve a été exposée au considérant supra 5.3. En substance, il appartient aux assureurs d'apporter la preuve justifiant leur demande de restitution, étant toutefois précisé qu'ils ne disposent pas d'une vision globale de la pratique de tel ou tel médecin. Ils ne peuvent que se prononcer, de cas en cas, sur les informations que chaque praticien aura données (art. 3b al. 1 OPAS). Le fournisseur de prestations qui présente des coûts élevés a quant à lui toujours un devoir de collaboration pour expliquer les particularités de son cabinet.
13.2 En l'occurrence, les demanderesses se sont opposées aux mesures d'instruction requises par le défendeur, précisant qu'elles se fondent sur les données statistiques publiées par SASIS SA et certifiées par POLYNOMICS AG.
13.3 Les demanderesses ne se sont en effet pas directement fondées sur des factures, mais sur ces données statistiques, lesquelles résultent des factures que le défendeur a établies pour ses patients et qu'il a lui-même transmises aux demanderesses. Les chiffres définitifs ont été établis sur le total des positions listées sous pièces 20 et 20bis, qui correspondent au TARIFPOOL SASIS SA. Les demanderesses ont en particulier su, à la lecture de la pièce 20, quelles étaient les positions tarifaires qui avaient été utilisées sans droit par le défendeur.
On peut ici préciser qu'il est tout de même attendu du défendeur qu'il collabore à l'établissement des faits qu'il allègue, étant rappelé qu'il a accès à ses données statistiques, à sa facturation et à sa comptabilité analytique.
Aussi le Tribunal de céans considère-t-il que ces mesures d'instruction ne se justifient pas (art. 89 al. 5 LAMal).
14. Le défendeur fait également valoir, s'agissant des nouvelles conclusions, que la légitimation active des demanderesses n'est pas établie du point de vue des rapports contractuels et de leurs relations avec les assurés (tiers garant / tiers payant), comme elle l'est en matière de contrôle d'économicité (art. 56 LAMal).
14.1 Les principes applicables à la qualité pour agir ont déjà été exposés au considérant supra 3.
Il convient d'ajouter qu'aux termes de l'art. 42 LAMal,
"Sauf convention contraire entre les assureurs et les fournisseurs de prestations, l’assuré est le débiteur de la rémunération envers le fournisseur de prestations. L’assuré a, dans ce cas, le droit d’être remboursé par son assureur (système du tiers garant). En dérogation à l’art. 22 al. 1 LPGA, ce droit peut être cédé au fournisseur de prestations.
Assureurs et fournisseurs de prestations peuvent convenir que l’assureur est le débiteur de la rémunération (système du tiers payant). En cas de traitement hospitalier, l’assureur, en dérogation à l’al. 1, est le débiteur de sa part de rémunération."
Ont qualité pour demander la restitution :
a. l’assuré ou, conformément à l’art. 89 al. 3 l’assureur dans le système du tiers garant (art. 42 al. 1) ;
b. l’assureur dans le système du tiers payant (art. 42 al. 2).
14.2 Il est ainsi vrai que si les factures du défendeur ont été émises en tiers garant, les demanderesses n'ont en principe pas la légitimation active, dès lors que le débiteur de la rémunération est alors l’assuré (ATAS/1216/2019). Il y a toutefois lieu de rappeler que dans un tel cas, l’assureur peut représenter, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal).
Au surplus, ainsi que le Tribunal de céans l'a relevé plus haut (cf consid. supra 12.1.2), le lien de connexité entre les prétentions initiales et les nouvelles ne peut en effet qu'être admis, puisqu'elles sont fondées sur le même complexe de faits, à savoir la restitution des prestations fournies par des médecins sans autorisation de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Pour contester qu'il y ait polypragmasie, le fournisseur de soins peut faire valoir des particularités dans l'exercice de sa pratique, mais aussi l'existence d'autorisations spécifiques accordées par certains assureurs admettant la facturation avec les valeurs intrinsèques concernées.
14.3 Le défendeur relève encore, d'une part, que le mandat de SANTÉSUISSE ne lui a été accordé que pour une action fondée sur l'art. 56 LAMal et, d'autre part, qu'aucune cession de créance n'a été produite pour les demandes en lien avec la facturation des positions TARMED.
Or, l'art. 17 des statuts de SANTÉSUISSE prévoit que celle-ci « … agit en tant que représentant des membres et est investie des mandats nécessaires … », de sorte qu'elle dispose d'un mandat général.
SANTÉSUISSE a par ailleurs produit les procurations des demanderesses non-membres de SANTÉSUISSE (pièces 3 et 4 chargé dem. du 2 juillet 2021).
14.4 Le Tribunal de céans admet en conséquence la qualité pour agir des demanderesses, et le droit de SANTÉSUISSE de les représenter, s'agissant de leur demande en restitution de prestations litigieuses au regard de l'absence d'attestations de valeurs intrinsèques.
15. Reste à déterminer si le défendeur a ou non utilisé les positions TARMED susmentionnées sans droit pour les années 2017, 2018 et 2019.
15.1 Les prestations facturées à charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS) doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 LAMal). Elles doivent être prodiguées par des fournisseurs qui remplissent les conditions des art. 36 à 40 LAMal.
Dans sa teneur valable du 21 juin 2012 au 31 décembre 2021, l’art. 36 LAMal prévoit que sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, les médecins titulaires du diplôme fédéral et d’une formation post-graduée reconnue par le Conseil fédéral (al. 1). Le Conseil fédéral règle l’admission des médecins titulaires d’un certificat scientifique équivalent (al. 2).
Les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix (art. 43 al. 1 LAMal).
Selon l’art. 43 al. 2 LAMal, dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021, le tarif est une base de calcul de la rémunération ; il peut notamment :
a. se fonder sur le temps consacré à la prestation (tarif au temps consacré) ;
b. attribuer des points à chacune des prestations et fixer la valeur du point (tarif à la prestation) ;
c. prévoir un mode de rémunération forfaitaire (tarif forfaitaire) ;
d. soumettre, à titre exceptionnel, en vue de garantir leur qualité, la rémunération de certaines prestations à des conditions supérieures à celles prévues par les art. 36 à 40, notamment à celles qui prévoient que les fournisseurs disposent de l’infrastructure, de la formation de base, de la formation post-graduée ou de la formation continue nécessaires (exclusion tarifaire).
La facturation des médecins est fondée sur un tarif à la prestation et repose sur une structure tarifaire uniforme, le TARMED.
Le TARMED prévoit à son interprétation générale (IG) 10 que les prestations ne peuvent être facturées que par les spécialistes répondant aux exigences de valeur intrinsèque qualitative liées à ces prestations (exigences de formation post-graduée et continue, notamment titre de spécialiste et formations approfondies, attestations de formation complémentaire et certificats d'aptitude technique).
L’art. 7 al. 1 de la Convention-cadre TARMED (CCT) du 5 juin 2002 stipule que les parties conviennent que le concept pour la reconnaissance des unités fonctionnelles et le concept « valeur intrinsèque » TARMED 9.0 (ci-après : Concept, version 9) servent de base pour la reconnaissance des infrastructures et des valeurs intrinsèques.
Tout médecin adhérant à ladite convention, qu'il soit membre ou non de la FMH, doit satisfaire aux critères de reconnaissance. Le respect de ces critères est une condition pour obtenir l'autorisation de facturation (art. 7 al. 2 CCT).
La valeur intrinsèque qualitative indique quels titres de formation post-graduée (titre de spécialiste, formation approfondie, attestation de formation complémentaire ou certificat d’aptitude technique selon la RFP) donnent le droit de facturer une prestation à la charge de l’assurance-maladie sociale (Concept « valeur intrinsèque » TARMED, version 9.0 ; ATAS/643/2022).
Les médecins sont en droit de facturer des prestations selon la structure tarifaire TARMED pour autant qu’elles correspondent notamment à leur valeur intrinsèque (titre de formation post-graduée) ou à la garantie des droits acquis. La FMH crée et gère une banque de données où figurent, pour chaque médecin exerçant en Suisse, les prestations qu'il est autorisé à facturer.
Pour la facturation, il s’agit d’attester que les prestations portées en compte ont été fournies par un médecin habilité à le faire en vertu de sa valeur intrinsèque qualitative (ch. 4 Concept).
Chaque médecin reçoit des instances compétentes une validation de ses données en bonne et due forme (attestation de valeur intrinsèque).
Selon l’art. 1 de l’annexe 3 CCT, la FMH gère la banque de données sur les valeurs intrinsèques conformément au Concept (al. 1).
15.2 La loi sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd ; RS 811.11) entrée en vigueur le 1er septembre 2007, constitue la base légale de la formation pré-graduée, post-graduée et continue et règle l’exercice des cinq professions médicales universitaires.
L’ISFM, qui est un institut autonome au sein de la FMH, est responsable de la réglementation et de l’exécution de la formation post-graduée des médecins et se charge de décerner les titres de spécialiste dans le cadre des programmes de formation post-graduée accrédités par la Confédération (art. 4 de la réglementation pour la formation post-graduée du 21 juin 2000 - RFP).
Après l’obtention du diplôme fédéral de médecin, commence la formation post-graduée, qui a pour but l’obtention d’un titre de formation post-grade fédéral figurant dans l’ordonnance relative à la LPMéd.
Selon l'art. 2 al. 1 de l'ordonnance concernant les diplômes, la formation universitaire, la formation post-grade et l’exercice des professions médicales universitaire du 27 juin 2007 (OPMéd - RS 1811.112.0), les titres post-grades fédéraux suivants sont octroyés :
a. médecin praticien au sens de l’annexe 1 ;
b. médecin spécialiste d’un domaine au sens de l’annexe 1.
Selon l'annexe 1, la formation post-grade en médecine interne générale dure cinq ans et celle de médecin praticien trois ans.
Les titres en médecine générale et en médecine interne ont fusionné au 1er janvier 2011 pour devenir le titre de spécialiste en médecine interne générale. Depuis cette date, seuls des diplômes avec la nouvelle dénomination « médecine interne générale » sont délivrés (ATAS/150/2016 du 26 février 2016).
15.3 La formation continue est un devoir professionnel ancré dans la LPMéd (art. 40 let. b LPMéd). Elle fait l’objet de la réglementation pour la formation continue (RFC) ISFM / FMH du 25 avril 2002.
Le médecin doit effectuer 80 heures de formation continue par année. Elle comprend 30 crédits d’étude personnelle (non contrôlés), 25 crédits de formation continue élargie (attestés notamment par une autre société de discipline médicale, donc hors de la discipline principale) et 25 crédits de formation continue essentielle spécifique (en relation avec l’activité principale exercée).
Tous les détenteurs d’un titre post-grade fédéral sont tenus, indépendamment de leur taux d’occupation, d’accomplir leur formation continue et d’obtenir un diplôme de formation continue (art. 9 RCF). Le devoir de formation continue s’applique également aux activités effectuées en dehors du titre de spécialiste obtenu.
Chaque médecin tient lui-même un procès-verbal des heures de formation continue effectuées qu’il peut saisir sur la plate-forme centrale de l’ISFM. Il peut obtenir directement, selon le principe de l’auto-déclaration, via cette plate-forme, un diplôme de formation continue pour les porteurs du TPF, ou une attestation de formation continue pour les membres FMH non-porteurs du TPF.
Le programme de formation continue (PFC) de la société suisse de psychiatrie et psychothérapie (SSPP) repose sur la réglementation pour la formation continue (RFC) ISFM / FMH du 25 avril 2002, la LPMéd ainsi que les Directives sur la reconnaissance des sessions de formation continue de l’académie suisse des sciences médicales (ASSM). Les médecins qui remplissent les exigences du PFC obtiennent un diplôme de formation continue, respectivement une attestation de formation continue (cf. ch. 8). La formation continue essentielle fait l’objet de validation de la part de la SSPP. Le diplôme / l’attestation de formation continue peut être obtenu, selon le principe de l’auto-déclaration, via la plateforme centrale de formation continue de l’ISFM. L’art. 8 du PFC opère une distinction entre le diplôme de formation continue, l’attestation de formation continue et l’attestation de formation complémentaire.
Au terme de leur formation, les médecins détenteurs du titre fédéral de formation post-graduée « Médecin praticien » disposent des compétences pour exercer la médecine de famille sous leur propre responsabilité. La formation post-graduée de trois ans est une exigence minimale ne donnant pas encore droit à un titre de spécialiste. En règle générale, le titre de « Médecin praticien » correspond à une formation de base en vue de l’acquisition ultérieure du titre de spécialiste en médecine interne générale (www.siwf.ch/files/pdf18/praktischer_arzt_version _internet_f.pdf).
Selon le programme de formation post-graduée de médecin praticien, conformément à l’art. 30 ss de la Directive 93/16 de l’Union européenne (version étayée du 1er mai 2004 - www.siwf.ch/files/pdf18/praktischer_arzt_version_ internet_f.pdf), chaque État membre se doit d’offrir une « formation spécifique en médecine générale » comprenant au moins trois ans de formation à plein temps. La LPMéd et l'OPMéd prévoient un TPF de « médecin praticien » à l’issue d’une formation post-graduée de trois ans, au sens de la directive de l’UE. Au terme de la formation, le détenteur d’un titre post-grade de « médecin praticien / médecin praticienne » dispose des compétences pour exercer la médecine de famille sous sa propre responsabilité. En règle générale, la formation pour le titre de « médecin praticien » sert de formation de base avant d’accéder au titre de spécialiste en « médecine interne générale ».
Sur le plan du contenu, le programme de formation post-graduée « Médecin praticien » s’oriente sur le programme prévu pour le titre de spécialiste en médecine interne générale (chiffre 3.1 des objectifs de la formation post-graduée de base).
15.4 En l'espèce, le défendeur a facturé un total de CHF 20'733.- pour 2017, de CHF 68'543.- pour 2018, et de CHF 69'127 pour 2019, sur la base des positions TARMED suivantes (cf. pièce 20 du chargé dem. du 21 octobre 2021, pièce 20bis du chargé dem. du 22 mars 2022, et pièces 13 et 14 chargé dem. du 30 juin 2021) :
- 00.0410 : petit examen par le spécialiste de premier recours
- 00.0415 : petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans ;
- 00.0416 : petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les enfants de moins de 6 ans et pour les personnes au-dessus de 75 ans ;
- 00.0417 : petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans nécessitant plus de soins ;
- 00.0420 : examen complet par le spécialiste de premier recours ;
- 00.0425 : examen complet par le spécialiste de premier recours ;
- 00.0510 : consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans ;
- 00.0515 : consultation spécifique par le spécialiste de premier recours pour les enfants de moins de 6 ans et pour les personnes au-dessus de 75 ans ;
- 00.0516 : consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans nécessitant plus de soins ;
- 00.0520 : consultation psychothérapique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours.
En l'occurrence, ces positions TARMED peuvent être valablement utilisées par le défendeur que si celui-ci est en mesure de se prévaloir d'une attestation de valeur intrinsèque quantitative « titre FMH 5 » et qualitative « médecine interne, pédiatrie, médecine générale » (cf. Interprétations générales du TARMED, chapitre GI-10 « valeur intrinsèque » ; pièce 23 chargé dem. du 6 avril 2021 ; ATAS/567/2023 ; ATAS/1065/2021).
Or il s'avère que le défendeur n’a finalement produit aucune attestation de valeur intrinsèque de la FMH (cf. son courrier du 25 janvier 2022).
Il en résulte qu'il ne pouvait facturer les positions TARMED susmentionnées.
15.5 Le défendeur ne conteste du reste pas le fait de ne pas disposer d'attestation de valeur intrinsèque, mais persiste à affirmer qu'il a utilisé correctement les positions TARMED, dès lors qu'il suit une formation continue par l'intermédiaire du réseau de soins Delta (www.reseau-delta.ch). Il produit du reste les attestations y relatives, datées d'octobre 2021, pour les années litigieuses.
15.5.1 Les attestations de formation continue délivrées au défendeur ne sauraient toutefois suppléer à l'absence de titre post-grade fédéral, ni lui permettre de facturer ses prestations en tant que spécialiste, dès lors que celles-ci prouvent seulement qu'il a suivi la formation continue (art. 8 PFC), mais pas qu'il remplit les exigences permettant d'obtenir le titre post-grade fédéral. Selon l'art. 15 let. b RFP, seules les personnes qui ont obtenu l'examen de spécialiste peuvent prétendre à ce titre.
Il y a lieu d'observer que le titre post-grade décerné par la Confédération constitue un titre de spécialiste qui confère à son détenteur le droit d'exercer sous sa propre responsabilité dans la spécialité admise. Or, les attestations de formation continue produites ne font que démontrer que le défendeur a bien exécuté 20 heures en 2017 et 18 heures en 2018. Elles sont établies sur simple présentation des justifications de participation à des congrès et séminaires. Aucune n'a été produite pour 2019.
15.5.2 Il convient quoi qu'il en soit de relever que la formation continue post-graduée à laquelle le défendeur participe, certes reconnue pour la médecine interne générale par la SSMIG, doit toutefois être validée par un diplôme délivré par l'IFSM, puis soumise à la SSMIG pour approbation. Tant que cette approbation n'a pas été accordée, la FMH ne peut établir aucune attestation.
15.5.3 Le défendeur admet que tel est bien le cas, mais explique que s'il n'a pas été mis au bénéfice d'une attestation FMH, c'est uniquement parce que son activité professionnelle ne lui a pas laissé suffisamment de temps pour entreprendre les démarches nécessaires, qu'il estime chronophages en raison des divers organismes impliqués.
15.5.4 Cet argument ne saurait toutefois être pris en considération. On ne peut que constater qu'aucune attestation de valeur intrinsèque ne lui a été accordée par la FMH, d'une part, et que celles du réseau de soins DELTA ne suffisent pas, d'autre part.
15.6 Se pose encore la question de savoir si le défendeur pouvait facturer ces positions tarifaires en application de la garantie des droits acquis.
15.6.1 Le défendeur relève que les demanderesses n'ont pas tenu compte de la notion de droits acquis. Elles n'ont pas tenu compte de ce qu'il travaillait comme médecin indépendant depuis les années 1970 déjà, et qu'il suivait des formations continues. Or, le système TARMED garantit l'exercice de la profession dans le même cadre qu'avant son entrée en vigueur.
15.6.2 Tout médecin qui fournit régulièrement des prestations depuis 2001 sans être au bénéfice du titre de formation post-graduée requis peut en effet faire valoir lesdites prestations dans le cadre des droits acquis, mais il doit pouvoir attester d'une formation continue adéquate (cf. fiche d’information de TARMED SUISSE du 23 juin 2009 ; ATAS/235/2021).
La garantie des droits acquis permet à tout médecin d’exercer sa profession dans le même cadre qu’avant l’entrée en vigueur du TARMED et de continuer à facturer les mêmes prestations qu’il a jusqu’ici fournies sous sa propre responsabilité, régulièrement et sans contestation sur le plan de la qualité, pendant trois ans avant l’entrée en vigueur de la structure tarifaire TARMED. Les médecins qui n'exercent pas sous leur propre responsabilité et ceux en formation post-graduée doivent fournir la preuve que les prestations qu'ils souhaitent facturer ont été accomplies sous supervision pendant deux ans, régulièrement et sans contestation sur le plan de la qualité (ch. 1.3 Concept ; ATAS/643/2022).
Dès le 1er janvier 2007, la base de données établie sur les éléments donnés par les médecins confirmant qu’ils avaient bien suivi la formation ad hoc était l’élément essentiel sur lequel se basait le remboursement des prestations par les assureurs.
Le médecin qui, au moment de l’entrée en vigueur du TARMED, disposait du diplôme de médecin, mais pas d’un titre de spécialiste, pouvait choisir une spécialité correspondant à un tel titre et ainsi demander un certificat de facturation l’autorisant à facturer ses prestations dans cette discipline. Le certificat de facturation ne pouvait concerner que le domaine dans lequel le médecin avait exercé avant l’entrée en vigueur de la structure tarifaire. Il était limité dans le temps et sa durée maximale était identique au délai transitoire de la loi sur l’exercice des professions médicales, soit au 31 décembre 2006. Un droit de facturation existait en vertu des droits acquis pour les valeurs intrinsèques indiquées par le médecin lors du recensement de la FMH et seulement pour celles‑ci (ATAS 235/2021).
15.6.3 On ignore en l'espèce à quelle date le défendeur a obtenu son diplôme de praticien. On sait en revanche qu'il exerçait la médecine en qualité d'indépendant déjà bien avant l'entrée en vigueur du TARMED en 2004, de sorte que rien ne s'opposerait en principe à ce qu'il puisse se prévaloir de droits acquis (ATAS/643/2022). Il ne dispose cependant d'aucun certificat de facturation en relation avec de tels droits.
Il apparaît en conséquence qu'il ne peut pas non plus se prévaloir de droits acquis, de sorte qu'il n'est pas habilité à utiliser, à défaut d'un titre post-grade en médecine interne, pédiatrie ou médecine générale, les positions TARMED susmentionnées (cf. supra consid. 14.4).
15.7 Force est en conséquence de constater que ces positions TARMED, facturées par le défendeur à charge de l'assurance obligatoire des soins, l'ont été sans droit en 2017, en 2018 et en 2019, que celui-ci ne disposait pas pour ces années-là des valeurs intrinsèques qualitatives y relatives et qu'il ne pouvait pas non plus se prévaloir ni d'une formation continue, ni de droits acquis, de sorte que les versements effectués par les assureurs l'ont été à tort et doivent être remboursés.
16. Le défendeur a souligné à plusieurs reprises le fait qu'outre sa spécialisation en pathologie, sa sous-spécialisation en cytopathologie et le titre de médecin praticien, il est l'auteur de nombreux articles scientifiques. Il a été membre du conseil de fondation de C______ et y a travaillé en qualité de médecin-chef. Il a ensuite rejoint le groupe D______, puis a exercé à Genève.
Il n'est pas contesté que l'expérience du défendeur soit « extrêmement dense et reconnue », pour reprendre ses propres termes. Une telle expérience et une telle carrière ne peuvent être que saluées. Cela ne constitue toutefois pas un argument dont on peut tenir compte s'agissant des exigences de valeurs intrinsèques auxquelles tout fournisseur de prestations est soumis.
17. Il y a en conséquence lieu d'admettre les conclusions des demanderesses du 22 mars 2022 tendant à la restitution par le défendeur des sommes de CHF 20'733.- pour 2017 et de CHF 68'543.- pour 2018 (pièce 20 bis chargé dem. du 22 mars 2022) pour avoir facturé des prestations à l'assurance obligatoire des soins avec les positions TARMED susmentionnées, sans disposer des valeurs intrinsèques requises. Il en est de même pour 2019 avec un montant à restituer de CHF 69'127.-.
Les demandes des 5 juillet 2019, 14 novembre 2019 et 30 juin 2021 ont été partiellement admises, en ce sens qu'une marge de tolérance de 30% a été retenue au vu du FMH en pathologie, ce titre n'ayant pas été admis comme particularité du cabinet (cf. consid. supra 9.2).
Le calcul du montant à restituer, compte tenu de la marge de tolérance de 30% et de ce qui est dû pour l'utilisation sans droit de certaines positions TARMED, s'établit en conséquence comme suit, étant au surplus rappelé que seuls les coûts directs sont pris en considération :
Pour l'année statistique 2017 (demande du 5 juillet 2019, ch. 21 et conclusions du 22 mars 2022 pp. 2-3) :
Coûts totaux 463'163 (483'896 – 20'733)
Coûts totaux directs 248'566 (269'299 – 20'733)
Indice de régression (praticiens) 205
Marge de tolérance 130
Montant à restituer selon la méthode de régression 90'938.80
Auquel il y a lieu d'ajouter 20'733.-
Total dû 111'671.80
Pour l'année statistique 2018 (demande du 14 novembre 2019, ch. 24 et conclusions du 22 mars 2022 p. 3) :
Coûts totaux 381'847 (450'390 – 68'543)
Coûts totaux directs 170'819 (239'362 -68'543)
Indice de régression 216
Marge de tolérance 130
Montant à restituer selon la méthode de régression 68'011.30
Auquel il y a lieu d'ajouter 68'543.-
Total dû 136'554.-
Pour l'année statistique 2019 (demande du 30 juin 2021 ch. 22) :
Coûts totaux 415'774
Coûts totaux directs 174'964 (244'091 – 69'127)
Indice de régression 220
Marge de tolérance 130
Montant à restituer selon la méthode de régression 71'576.20
Auquel il y a lieu d'ajouter 69'127.-
Total dû 140'703.20
Le défendeur doit en conséquence aux demanderesses, prises conjointement et solidairement, les montants de CHF 111'671.80 pour 2017, de CHF 136'554.- pour 2018 et de CHF140'703.20 pour 2019, soit au total pour les trois années, CHF 388'929.-.
18. La procédure devant le Tribunal arbitral n'est pas gratuite. Conformément à l'art. 46 al. 1 LaLAMAL, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers, ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMAL).
Les demanderesses, représentées par SANTÉSUISSE, obtiennent 90% de leurs conclusions principales. Eu égard au sort du litige, les frais du Tribunal, de CHF 25'072.25, sont mis à la charge des parties, à raison de 10% (CHF 2'507.20) pour les demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 90% (CHF 22'565.-) pour le défendeur.
L'émolument, fixé à CHF 5'000.- est mis à charge des parties, à raison de 10% (CHF 500.-) pour les demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 90% (CHF 4’500.-) pour le défendeur.
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare les demandes des 5 juillet 2019, 14 novembre 2019 et 30 juin 2021, ainsi que les conclusions du 22 mars 2022 recevables.
Au fond :
2. Les admet partiellement.
3. Condamne le défendeur à verser à SANTÉSUISSE, à charge pour elle de les répartir entre les demanderesses, les montants de CHF 111'671.80 pour 2017, de CHF 136'554.- pour 2018 et de CHF 140'703.20 pour 2019, soit au total pour les trois années, CHF 388'929.-.
4. Eu égard à l'issue du litige, met l'émolument de justice de CHF 5'000.- et les frais du Tribunal arbitral de CHF 25'072.25 à la charge des parties, à raison de 10% (CHF 3'007.20) pour les demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 90% (CHF 27'065.-) pour le défendeur.
5. Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente suppléante
Doris GALEAZZI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le