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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/707/2018

ATAS/743/2024 du 30.09.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/707/2018 ATAS/743/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 septembre 2024

Chambre 1

 

En la cause

A______

représenté par Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), ressortissant kosovar né en 1970, sans formation professionnelle, est arrivé en Suisse en 1999. En dernier lieu, il a travaillé comme aide-jardinier paysagiste dès le mois de septembre 2009. Le 5 novembre 2010, dans le cadre de son travail, il est tombé d'une benne de camion, soit d'une hauteur d'environ 2,5 mètres, et a percuté le sol avec son côté droit. Il a souffert depuis lors de douleurs de la région lombaire, de la face externe de la hanche, de la fesse et du coude droits.

b. Le 13 juin 2012, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l’intimé) en raison d'une hernie discale protrusive extraforaminale gauche L4-L5 avec léger conflit L3 à gauche, ainsi qu’une discopathie protrusive L5-S1 médiane et phénomène inflammatoire, avec impaction post-traumatique au plateau supérieur droit de L4 versus hernie intraspongieuse.

c. Par décision du 12 septembre 2013, l’OAI, se fondant sur le rapport établi le 9 avril 2013 par deux médecins du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie, et la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie, a considéré que l'activité habituelle d'aide-jardinier n'était plus exigible depuis le 5 novembre 2010, mais que dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, la capacité de travail de l’assuré était entière depuis mai 2011, soit six mois après l'accident. Il a rejeté la demande de prestations, au motif que le degré d'invalidité déterminé selon la méthode de comparaison des revenus était nul.

d. Par arrêt du 25 novembre 2014 (ATAS/1222/2014), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS ou la chambre de céans) a rejeté le recours formé par l’assuré contre ladite décision. Elle a retenu que le rapport d'examen rhumatologique et psychiatrique du SMR du 9 avril 2013 avait valeur probante et a fait siennes ses conclusions. Elle a également confirmé le calcul du degré d'invalidité de l’OAI.

B. a. Le 12 janvier 2016, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité, alléguant souffrir d'un flexum du coude droit irréductible, apparu après deux opérations en 2014.

b. Après avoir interrogé le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne, ainsi que le docteur E______, médecin adjoint à l’unité de la main des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), l’OAI a transmis à l’assuré un projet de décision le 6 mars 2017, selon lequel sa demande de prestations était rejetée. L'exigibilité médicale était entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l'assuré, soit alterner les positions assises et debout deux fois par heure, ne pas soulever régulièrement de charges supérieures à 5 kg du côté gauche, ne pas travailler en porte-à-faux statique prolongé du tronc, ne pas être exposé aux vibrations et accomplir un travail mono-manuel exclusivement à gauche. Le délai de carence d'une année ouvrant le droit à des prestations avait pris fin en janvier 2017. Le taux d'invalidité arrêté à 10% ne donnait droit ni à des mesures professionnelles, ni à une rente d’invalidité.

c. Le 28 mars 2017, l'assuré a contesté le projet de décision. Il était toujours dans l'incapacité d'utiliser son bras droit malgré les interventions chirurgicales. Son coude restait bloqué à 90° et il vivait au quotidien avec beaucoup de douleurs physiques. Cette situation l'épuisait moralement et affectait son état psychologique de manière importante. Il a joint un rapport daté du 28 mars 2017 de la docteure F______, spécialiste FMH en psychiatrie, cheffe de clinique aux HUG, selon lequel la capacité de travail de l’assuré était, d’un point de vue psychiatrique, nulle. Ce médecin a retenu un trouble dépressif récurrent avec un épisode dépressif sévère, des symptômes psychotiques et autres modifications durables de la personnalité. La Dre F______ précisait que l’assuré était suivi au Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrée des HUG (CAPPI-Jonction) depuis octobre 2013 et bénéficiait d’un traitement médicamenteux antidépresseur et d’entretiens réguliers.

d. L’OAI a alors mandaté le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie, pour examiner l’assuré. Celui-ci a rendu son rapport le 23 novembre 2017. Selon lui, l’assuré ne souffrait d’aucun trouble majeur de la personnalité assimilable à une atteinte à la santé mentale. L’expert a retenu « un éventuel épisode dépressif majeur atypique d’intensité impossible à déterminer ». Il a fait état d’un tableau d’amplification grossier et caricatural des plaintes.

e. Dans une note du 13 décembre 2017, le médecin du SMR a considéré que l'expertise du Dr G______ était convaincante, de sorte qu'il maintenait ses précédentes conclusions.

f. Par décision du 23 janvier 2018, l’OAI a confirmé son refus du 6 mars 2017.

C. a. L’assuré, représenté par son avocate, a interjeté recours le 23 février 2018 auprès de la CJCAS contre ladite décision. Il a conclu, principalement, et sous suite de frais et dépens, à l'octroi de mesures professionnelles et d'une rente entière d'invalidité, eu égard à son incapacité de travail de 100%, tant dans l'activité habituelle que dans une activité adaptée, et, subsidiairement, à l'évaluation de sa capacité résiduelle de travail et à la prise en compte d'un abattement d'au moins 20% du salaire statistique.

b. Suivant la réponse de l’OAI du 26 mars 2018, les parties ont échangé réplique et duplique, respectivement les 11 et 24 avril 2018.

c. Après avoir interrogé la Dre F______ et invité le médecin du SMR à se déterminer, le 23 octobre 2019, la chambre de céans a, considérant que l’expertise du Dr G______ n’avait pas valeur probante, ordonné une expertise psychiatrique et commis à ces fins le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (ATAS/963/2019). Elle a relevé que le Dr G______ ne s'était pas prononcé sur la capacité de travail de l'assuré, ni sur les ressources personnelles dont celui-ci disposait, pas plus qu'il n'avait discuté les raisons pour lesquelles il s'était écarté des conclusions de la Dre F______. Certes, selon le médecin du SMR, la décision négative de l’OAI avait entraîné une réaction psychique de colère chez l’assuré ne pouvant pas être considérée comme une atteinte psychique invalidante. Toutefois, la psychiatre traitante retenait le diagnostic de trouble dépressif récurrent, ainsi que celui d’autres modifications durables de personnalité en raison d’un changement significatif et durable de sa personnalité et de son comportement suite à la perte de fonction de son membre supérieur droit avec une altération significative du fonctionnement social. La chambre de céans a dès lors estimé qu’elle n’était pas, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, en mesure de statuer en l’état actuel du dossier.

d. Le Dr H______ a établi son rapport d’expertise le 23 décembre 2019, après s’être entretenu avec l’assuré, assisté d’un interprète albanais, les 21 novembre et 5 décembre 2019, et avoir pris contact par téléphone avec la psychiatre traitante et le médecin traitant.

L’expert n’a retenu aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail. Il a en revanche relevé des troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique léger depuis 2011 au présent « sans indice de jurisprudence rempli », un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendante actuellement non décompensé, trouble « qui n’avait pas empêché l’assuré de gérer son quotidien sans limitation, de travailler à 100% dans le passé et d’avoir une vie conjugale stable », et des facteurs psychologiques ou comportementaux associés à des troubles ou des maladies classés ailleurs, « sans indice de gravité jurisprudentielle rempli », étant précisé que le diagnostic était probable après les séquelles post-accident.

e. L'assuré et l'OAI ont formulé leurs observations par écritures du 19 février 2020, respectivement du 24 février 2020.

f. Par courriel du 5 mai 2020, l’OAI a transmis à la chambre de céans un rapport du 24 avril 2020 du docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant du recourant, dans lequel ce dernier a retenu le diagnostic d’épisode dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques.

Le psychiatre traitant observait également un important trouble de la mémoire et de la concentration. Le recourant cherchait les documents pour se rappeler l'âge de ses parents et enfants, la durée de son mariage et la séquence des événements de sa vie. Il parvenait en outre difficilement à mobiliser son attention sur une tâche (télévision, conversations, lecture…). En consultation, le psychiatre avait par ailleurs observé que le patient peinait à rester attentif et présentait de nombreuses absences. La résistance psychique était également décrite comme nulle (0%), la thymie et les troubles cognitifs entraînant une fatigabilité importante avec apathie, anhédonie et aboulie. L’intéressé présentait des idées noires. Il présentait des difficultés à s’adapter, à appliquer des compétences professionnelles, à établir des contacts avec des tiers et à évoluer dans un groupe, à entretenir des relations familiales, à réaliser des activités spontanées.

Le psychiatre traitant faisait enfin état d'un syndrome dysexécutif modéré à sévère, « selon les tests ». Le patient présentait des difficultés de compréhension et une importante difficulté à s’exprimer, probablement due à une altération cognitive.

g. Invité à se déterminer, l’OAI a soumis le rapport du Dr I______ au SMR, lequel a considéré, le 9 juin 2020, que ce médecin n’amenait pas de nouveaux éléments médicaux objectifs permettant de remettre en question les conclusions de l’expertise du Dr H______. L’OAI a dès lors maintenu ses conclusions en rejet du recours.

h. Par arrêt du 5 mars 2021 (ATAS/182/2021), la chambre de céans a jugé que les conclusions de l'expertise du Dr H______ n'apparaissaient pas convaincantes. Elle a en particulier relevé qu'il était difficilement compréhensible que l’expert soit, d’une part, en mesure de constater que « lors des décompensations, comme durant quelques semaines en 2018 quand [l'assuré] a été hospitalisé, il peut présenter des idées suicidaires actives, voire des idées hétéros agressives dans des contextes de frustration. Durant ces périodes de décompensation, il peut présenter ponctuellement des symptômes d'allure de trouble dépressif sévère avec des symptômes psychotiques, vu son agitation, les idées noires et le fait qu'il se sent persécuté par l'OAI s'il ne reçoit pas une rente », et, d’autre part, de conclure que « cependant, les critères de gravité et de durée de la CIM-10 ne sont pas remplis pour un tel trouble dépressif récurrent sévère ». La description donnée par l’expert paraissait plutôt être compatible avec le diagnostic retenu par les Drs I______ et F______ d’épisode dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques. Par ailleurs, alors que l'expert ne retenait aucun diagnostic invalidant, il avait vivement recommandé une réévaluation de la situation dans six à douze mois en fonction de l’évolution, l’état n’étant pas stabilisé. Il estimait ainsi que la capacité de travail pouvait encore être améliorée de façon sensible « dans le sens d’une réadaptation professionnelle et d’une aide à la réinsertion professionnelle après mise en place d’un suivi psychiatrique hebdomadaire avec un travail spécifique sur la question du status algique et des avantages secondaires avec mise en place d’un traitement antidépresseur suffisant avec monitoring sanguin », ce qui paraissait pour le moins contradictoire avec ses conclusions. La chambre de céans a, partant, ordonné une nouvelle expertise psychiatrique, qu'elle a confiée au docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

i. Les 15 mai et 14 juin 2021, le Dr J______ a examiné l'assuré, assisté d'une traductrice, puis, après s'être entretenu avec le Dr I______, a rendu son rapport d'expertise le 24 juillet 2021. L'expert a retenu une dysthymie, sans effet sur la capacité de travail, laquelle était entière dans toute activité adaptée à l'état physique.

j. Dans sa détermination du 10 août 2021, l'OAI, se ralliant à l'avis joint du SMR du même jour, a persisté dans ses conclusions.

k. Le 23 août 2021, l'assuré a également maintenu ses conclusions. Il a produit un article intitulé « Le Mini-Mental State Examination (MMSE) : un outil pratique pour l'évaluation de l'état cognitif des patients par le clinicien », publié le 12 juin 1999 dans la Presse Médicale, ainsi qu'un rapport du Dr I______ du 10 août 2021. Le psychiatre traitant s’écartait du diagnostic de dysthymie posé par l'expert, en réitérant que son patient souffrait d'un trouble dépressif ayant valeur de maladie psychiatrique. Selon le Dr I______, compte tenu de l'efficacité du traitement antidépresseur (dont la compliance était optimale, ainsi que l'avait constaté le Dr J______), il fallait plutôt retenir un épisode dépressif en rémission partielle.

l. Par ordonnance du 20 mai 2022, la chambre de céans a ordonné une expertise rhumatologique et psychiatrique, complétée par un bilan neuropsychologique du recourant.

L’appréciation du Dr J______ n’emportait en effet pas la conviction de sorte que sa valeur probante ne pouvait qu’être mise en doute. Au vu notamment des éléments objectifs mis en évidence par le psychiatre traitant (altération cognitive), force était de constater que l’expert psychiatre n’avait pas suffisamment instruit la situation du recourant. Le Dr J______ avait déclaré péremptoirement qu'aucun substrat médical n'expliquait l'amnésie du recourant, jugeant la coopération de ce dernier au test MMSE non optimale. Or, on attendait d'un expert, en présence d'un expertisé se plaignant de troubles de la mémoire (et dont les réponses sont en conséquence lacunaires), qu'il prenne les mesures qui s'imposaient et adapte son examen, cas échéant, au moyen d'autres tests, pour confirmer ou infirmer les troubles mnésiques, ce d'autant qu'on se demandait si le syndrome dysexécutif modéré à sévère évoqué par le Dr I______ pouvait impacter ou non la mémoire du recourant. Or, le Dr J______ ne s'exprimait pas à ce propos. De même, si le recourant ne présentait certes pas un trouble du langage, ni un trouble moteur ou un trouble gnosique ‒ reconnaissance des objets ‒ (rapport du 24 juillet 2021, p. 9 ; avis du SMR du 31 août 2021), cela ne renseignait pas ‒ à défaut d'explications circonstanciées étayées par des tests complémentaires ‒ sur l'existence ou non d'un trouble mnésique. En outre, dans son rapport du 10 août 2021, le Dr I______ s'était écarté du diagnostic de dysthymie posé par l'expert, en réitérant que son patient souffrait d'un trouble dépressif ayant valeur de maladie psychiatrique. Selon le psychiatre traitant, compte tenu de l'efficacité du traitement antidépresseur (dont la compliance avait été constatée optimale par le Dr J______ [rapport d'expertise, p. 19]), il fallait plutôt retenir un épisode dépressif en rémission partielle.

m. La nouvelle expertise pluridisciplinaire a été confiée au O______ (ci-après : O______). Elle a été mise en œuvre par les docteurs K______ (rhumatologie et médecine interne) et L______ (psychiatrie), ainsi que par Madame M______ (neuropsychologie). Le rapport d’expertise a été adressé à la chambre de céans le 11 septembre 2022.

-          L’expert en rhumatologie a retenu les diagnostics incapacitants d’ankylose partielle du coude droit avec flessum irréductible d’origine indéterminée depuis le 29 avril 2014, date de la première arthrolyse du coude droit et de syndrome lombaire non déficitaire sur hernie discale gauche L3-L4, et une petite impaction post-traumatique du plateau supérieur droit de L4 depuis l’accident du 5 novembre 2010. La capacité de travail est considérée nulle dans l’activité habituelle depuis le 29 avril 2014.

Dans une activité adaptée, la capacité de travail est également décrite comme nulle dès le 29 avril 2014. Elle était cependant à nouveau entière dès septembre 2016, soit six mois après la troisième arthrolyse, moyennant une diminution de la performance de 20% en raison de l’atteinte au membre supérieur dominant. Était considérée comme adaptée, une activité légère bimanuelle sans port de charge fréquent supérieur à 10 kg, ni station debout et assise prolongées.

-          Aucun diagnostic incapacitant n’était retenu sous l’angle psychiatrique. Seul était admise par l’expert une dysthymie, sans incidence sur la capacité de travail, laquelle était considérée comme entière, dans toute activité depuis toujours.

-          Sous l’angle neuropsychologique, l’experte a indiqué que les troubles évoquaient une atteinte neurocognitive majeure, ne pouvant s’expliquer ni par les diagnostics, ni par le niveau socio-éducatif, ni par la fatigue évoquée par l’expertisé. Sur la base de dépistages cognitifs, les troubles étaient même en discrète aggravation, sans que cela ne puisse non plus s’expliquer. Vu cependant l’échec et les incohérences relevées lors de deux tests simples spécialement conçus pour détecter l’amplification des troubles, ainsi que des comportements inadéquats, de surcharge et de théâtralisation, un diagnostic de « majoration de symptômes pour raisons psychologiques » était finalement retenu par l’experte. Celle-ci en faisait mention tant dans la partie diagnostic « avec répercussion sur la capacité de travail » que dans celle « sans répercussion sur la capacité de travail ». Enfin, elle relevait que « l’évaluation ne pouvait [peut] pas être jugée comme concluante et un défaut d’effort était [est] avancé. Ce constat avait [a] déjà été évoqué par les précédents experts psychiatres ». La capacité de travail ne pouvait donc pas être évaluée.

Au terme de l’évaluation consensuelle pluridisciplinaire, les experts ont repris les conclusions de l’expert rhumatologue concernant les diagnostics incapacitants, les limitations fonctionnelles et la capacité de travail, laquelle était donc considérée entière, avec diminution de la performance de 20% en raison de l’atteinte au membre supérieur dominant, dès septembre 2016, dans une activité adaptée aux limitations d’ordre somatique exclusivement.

Sous la rubrique « constatations/diagnostics d’éléments ayant une incidence sur les capacités fonctionnelles » est également mentionnée, au plan neuropsychologique, la majoration de symptômes pour raisons psychologiques.

n. Dans ses déterminations du 4 octobre 2022, l’intimé a, conformément à l’avis du SMR, considéré l’expertise comme globalement convaincante et a ainsi reconnu à l’assuré une rente entière limitée dans le temps, soit, vu la date de dépôt de la demande, de juillet à novembre 2016. Il était relevé, pour le surplus, que l’expert rhumatologue ne s’était pas prononcé sur la capacité de travail pour une activité mono-manuelle légère, considérée exigible par le SMR et justifiant, selon l’intimé, un abattement de seulement 10% (et non 20% comme retenu dans l’expertise pour une activité bi-manuelle).

o. Le 15 novembre 2022, le recourant a émis diverses critiques à l’encontre de l’expertise.

Il était étonnant que l’expert rhumatologue ne retienne qu’une baisse de performance de 20% dans une activité adaptée, alors qu’il ressortait des autres volets du rapport d’expertise qu’il était peu probable que le recourant soit en mesure d’apprendre et de comprendre ce qui était attendu de lui.

Quant à l’expert psychiatre, son objectivité était remise en cause, dans la mesure notamment où il avait très mal accueilli le recourant, l’avait immédiatement antagonisé, avait ricané lors de ses réponses aux questions et ne lui avait pas laissé le temps d’organiser ses pensées. Le recourant avait eu l’impression que la consultation n’avait été qu’une formalité sans importance, ce qui était corroboré par le fait que l’appréciation de l’expert psychiatre se fondait au final essentiellement sur les conclusions de l’expertise du Dr J______ dont les manquements avaient pourtant été relevés précédemment. Un rapport du Dr I______ du 1er novembre 2022 était par ailleurs produit dans lequel le psychiatre traitant faisait part de son incompréhension face à l’interprétation par l’expert des éléments objectifs et notamment de la difficulté évidente du recourant à répondre mais également à comprendre les questions. Il semblait inexact de retenir une majoration de symptômes alors qu’il s’agissait d’un problème d’acculturation et d’inadaptation.

Enfin, concernant le volet neuropsychologique, le recourant a précisé que, même avec l’aide de l’interprète, il n’était pas parvenu à comprendre la plupart des consignes données. L’ensemble des expertises figurant au dossier faisaient d’ailleurs état de facultés cognitives extrêmement limitées, confirmées d’ailleurs par l’attestation du 1er novembre 2022 du Dr I______, relevant que des réelles difficultés de compréhension étaient présentes dans le cadre du suivi psychothérapeutique, même en l’absence de bénéfice objectivable. Ces éléments n’avaient pas été pris en compte par la neuropsychologue.

D. a. Le 9 octobre 2023, la chambre de céans a ordonné un nouveau bilan neuropsychologique qu’il a confié à Madame N______, (psychologue et neuropsychologue) le précédent bilan comportant trop de lacunes pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

b. Madame N______ a procédé à l’examen neuro-psychologique du recourant le 27 février 2024. Celui-ci a duré trois heures et demi et s’est déroulé en présence d’un interprète.

c. L’experte a remis son rapport à la chambre de céans le 27 février 2024, concluant à l’impossibilité de retenir un diagnostic neuropsychologique, de déterminer d’éventuelles limitations fonctionnelles ou encore de se prononcer quant à une incapacité de travail du fait d’une majoration des symptômes par l’assuré. Cette majoration résultait de tous les éléments récoltés. La simulation était en outre confirmée par les épreuves de validité de performance effectuées qui aboutissaient à des scores en dessous du seuil de hasard.

Le diagnostic de syndrome dysexécutif ne pouvait en particulier pas être confirmé par le bilan neuropsychologique au vu de la majoration de symptômes et de l’absence consécutive de fiabilité des réponses. Il était ainsi très probable que le trouble dysexécutif ne soit pas un reflet du réel fonctionnement de l’assuré.

Au final, sous l’angle neuropsychologique, la capacité de travail était entière dans toute activité, ce depuis toujours.

d. Par observations du 26 mars 2024, le recourant a rejeté les conclusions figurant au rapport neuropsychologique et a sollicité qu’un complément d’expertise soit confié à un autre expert concernant les effets secondaires des médicaments sur sa capacité de travail.

En effet, maux de tête, insomnie, somnolence, irritabilité, état confus, troubles de l’attention, nervosité, agitation, fatigue, angoisse, troubles de l’élocution, désorientation, vision trouble et vertiges font partie des effets secondaires des différents traitements pris par le recourant (soit le Trittico, la Fluoxétine, la Quétiapine, la Prégabaline). Or, bien que le recourant ait mentionné de tels effets, à l’experte, celle-ci ne retient aucun lien entre ceux-ci et les échecs aux différents tests effectués.

e. L’intimé a également déposé ses observations le 26 mars 2024, relevant que l’examen neuropsychologique avait été effectué dans les règles de l’art et que ses conclusions, comparables à celles de 2022, étaient convaincantes.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ;
ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, plus particulièrement, sur sa capacité de travailler à partir du mois de novembre 2016.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001
consid. 1).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.2  

5.2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

5.2.2 Il convient dorénavant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs développés par le Tribunal fédéral suivants :

Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.

Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.

Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

5.2.3 Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective.

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Ce diagnostic doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les difficultés décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses difficultés dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

5.3  

5.3.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

5.3.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

5.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.5 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

5.6 Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.             Dans un premier moyen de droit, le recourant conteste l’évaluation de sa capacité de travail par l’intimé, tant sur le plan psychique que somatique.

La chambre de céans a d’ores et déjà indiqué dans ses ordonnances d’expertise successives différentes lacunes dans l’appréciation par les médecins et experts amenés à se prononcer sur l’état du recourant. En dernier lieu, elle a ainsi mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire en psychiatrie, rhumatologie et neuropsychologie auprès du O______. Jugeant le volet neuropsychologique peu convaincant, elle a encore ordonné un nouveau bilan qu’elle a confié à Madame N______. C’est ainsi dans un premier temps la valeur probante de cette dernière expertise et du dernier bilan neuropsychologique qu’il convient d’apprécier.

6.1 Sur le plan formel, ces rapports remplissent les exigences nécessaires à se voir reconnaître pleine valeur probante. Ils contiennent en particulier le résumé du dossier, les indications subjectives du recourant, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas.

6.2 Il convient encore d’en examiner le fond.

6.2.1 Concernant l’aspect rhumatologique, l’expert a retenu les diagnostics incapacitants d’ankylose partielle du coude droit avec flessum irréductible d’origine indéterminée et de syndrome lombaire non déficitaire sur hernie discale gauche L3-L4, et une petite impaction post-traumatique du plateau supérieur droit de L4. La capacité de travail est considérée nulle dans l’activité habituelle depuis le 29 avril 2014.

Dans une activité adaptée, la capacité de travail est également décrite comme nulle dès le 29 avril 2014, puis entière dès septembre 2016, soit six mois après la troisième arthrolyse, moyennant une diminution de la performance de 20% en raison de l’atteinte au membre supérieur dominant. Est considérée comme adaptée, une activité légère bimanuelle sans port de charge fréquent supérieur à
10 kg, ni station debout et assise prolongée.

L’appréciation médicale du rhumatologue est suffisamment motivée. Ses conclusions sont claires et prennent en compte tant les plaintes de l’expertisé que l’examen clinique et l’ensemble du dossier médical.

En particulier, il a développé de manière convaincante les motifs pour lesquels il ne partageait pas l’appréciation du Dr E______ du 22 décembre 2016 (telle que corrigée par son auteur le 16 février 2018) selon laquelle « La capacité de travail à l'heure actuelle concernant les limitations fonctionnelles, à savoir une absence de fonction possible du membre supérieur droit » serait nulle. L’expert explique en effet que, malgré un handicap certain au membre supérieur dominant, au motif strictement ostéoarticulaire, une activité bimanuelle légère comme par exemple en tant que manutentionnaire, avec une diminution de performance de 20% est exigible, tout comme d’ailleurs une hypothétique activité monomanuelle en utilisant uniquement la main gauche (non dominante), par exemple dans les domaines de surveillance ou de télésurveillance.

Le recourant critique uniquement à cet égard le fait que l’expert ne retienne qu’une diminution de rendement de 20% dans une activité adaptée, ce qui ne serait pas cohérent au vu de l’ensemble de l’expertise, l’intéressé n’étant pas en mesure d’apprendre et de comprendre ce qui est attendu de lui en raison de limitations d’ordre psychiatrique et neuropsychologique. Cet argument ne saurait être suivi dans la mesure où aucune atteinte incapacitante n’est retenue par les experts dans ces deux domaines (cf. 6.2.2). La diminution de rendement de 20% n’est ainsi pas non plus critiquable au vu de l’ensemble de la situation somatique.

Ce volet de l’expertise est ainsi convainquant et doit se voir reconnaître pleine valeur probante.

6.2.2 Concernant ensuite l’aspect psychiatrique de l’expertise O______ ainsi que le bilan neuropsychologique de Madame N______, aucun diagnostic incapacitant n’y est retenu.

L’expert psychiatre relève qu’en dehors des allégations du recourant, aucun élément clinique ne permet d’établir un état dépressif majeur, un trouble somatoforme douloureux ou encore un trouble anxieux. Il retient au final uniquement le diagnostic non incapacitant de dysthymie qui n’empêche pas l’expertisé de fonctionner normalement. La capacité de travail est ainsi considérée comme entière dans toute activité depuis toujours.

Dans le cadre de l’examen de l’indicateur jurisprudentiel de la cohérence, le rapport met surtout en avant des phénomènes de majoration, de théâtralisation et dramatisation. Il indique notamment que les oublis sont trop massifs et nombreux et qu’ils sont le fruit de la mauvaise coopération de l’intéressé.

Au final, comme le Dr J______ avant lui, l’expert psychiatre du O______ se distancie ainsi des conclusions du psychiatre traitant, essentiellement du fait de l’exagération des symptômes susmentionnée qui conduit à une appréciation différente de la gravité des troubles psychiques, considérée modérée par les experts, mais sévère selon le psychiatre traitant.

La chambre de céans constate que le manque de cohérence et le phénomène de majoration ressortent de l’ensemble des éléments au dossier, en particulier des deux tests neuropsychologiques approfondis de validité de performance effectués par Madame N______ et qui ont abouti, selon l’experte à des résultats « en-dessous du seuil du hasard avec des scores que les auteurs des tests apparentent à de la simulation ». L’incohérence entre les plaintes du recourant et les constatations cliniques objectives avait en outre déjà été relevée dans les différentes expertises psychiatriques antérieures des docteurs G______, H______ et J______ et dans le bilan neuropsychologique effectué par Mme M______. Même si la chambre de céans n’a pas reconnu pleine valeur probante à ces derniers examens (ce qui a justifié la mise en œuvre d’une expertise complémentaire), le fait qu’ils aboutissent tous à un résultat similaire relativement à l’indicateur de la cohérence est significatif. Il l’est d’autant plus qu’il explique en partie les lacunes desdites expertises, la qualité de leurs conclusions étant forcément affectée par les incohérences récurrentes dans leurs prémisses, soit les plaintes du recourant. C’est d’ailleurs ce que Madame M______ a expliqué au terme de son examen neuropsychologique lorsqu’elle indiquait que son évaluation ne pouvait être considérée comme concluante en raison d’un défaut d’effort, de comportements d’exagération et de performances peu plausibles.

Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, force est d’admettre que c’est de manière convaincante que l’expert psychiatre du O______ et Madame N______ ont conclu à une exagération des symptômes et à l’absence de toute atteinte psychiatrique ou neuropsychologique à la santé ayant une incidence sur la capacité de travail. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ces deux conclusions sont d’ailleurs souvent liées, l’absence de cohérence conduisant en règle générale à une absence d'atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2).

Le recourant s’oppose à cette appréciation, essentiellement au double motif que :

-          celle de l’expert psychiatre s’écarte de celle du psychiatre traitant ;

-          le bilan neuropsychologique omet de prendre en compte les effets secondaires des médicaments pris par le recourant, alors que ceux-ci seraient de nature à expliquer les plaintes du recourant relativement aux : maux de tête, insomnie, somnolence, irritabilité, état confus, troubles de l’attention, nervosité, agitation, fatigue, angoisse, troubles de l’élocution, désorientation, vision trouble et vertiges.

Concernant le premier argument, la chambre de céans rappelle que l’expert psychiatre explique de manière claire et circonstanciée les raisons pour lesquelles il s’éloigne des diagnostics retenus par le Dr I______. Les conclusions de ce dernier ne sont pour leur part guère motivées, que ce soit en terme de diagnostics, de limitations fonctionnelles ou d’évaluation de la capacité de travail. Elles sont d’autant plus sujettes à caution en raison de la relation de confiance qui unit le recourant à son psychiatre traitant (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc).

En outre, comme rappelé ci-avant, les conclusions de l’expert psychiatre du O______ sont d’autant plus convaincantes qu’elles sont proches de celles de ces prédécesseurs et des neuropsychologues pour ce qui est de l’appréciation, en l’espèce déterminante, de la cohérence du recourant et de l’exagération de ses symptômes.

Concernant le grief de la non prise en compte par la neuropsychologue des effets secondaires des différents médicaments, il sied de relever que de tels effets ont été écartés par l’expert psychiatre qui évoque uniquement une « possible fatigue mais non objectivée ce jour et de plus, les traitements ne sont pas correctement pris. L'observance thérapeutique est mauvaise ». Le recourant n’a d’ailleurs jamais évoqué d’effets secondaires du fait de ses traitements lors de l’expertise O______, ni par la suite, ce jusqu’à ses observations finales déposées suite au deuxième bilan neuropsychologique. De tels effets ne sont pas non plus mis en exergue par les différents rapports de ses médecins traitants.

Ainsi, le seul fait que les notices de certains des traitements du recourant mentionnent des possibles effets secondaires dont certains correspondraient à des plaintes du recourant (maux de tête, insomnie, somnolence, irritabilité, état confus, troubles de l’attention, nervosité, agitation, fatigue, angoisse, troubles de l’élocution, désorientation, vision trouble et vertiges) n’est pas de nature à remettre en doute la validité de l’expertise. Tel est d’autant moins le cas que, comme rappelé ci-avant, les nombreuses incohérences et exagérations de symptômes relevées par les différents experts relativisent grandement la valeur desdites plaintes.

Enfin, même si de tels effets secondaires étaient avérés (ce que la chambre de céans ne retient pas), ils n’expliqueraient pas les résultats aux différents tests approfondis de validation de symptômes, ceux-ci s’avérant inférieurs au seuil du hasard.

Dès lors, les critiques émises par le recourant à l’encontre de l’expertise psychiatrique du O______ et du bilan neuropsychologique de Madame N______ ne sont pas fondées et les résultats de ces examens doivent se voir reconnaître pleine valeur probante.

Ainsi, faute de diagnostic incapacitant du point de vue psychiatrique et neuropsychologique, seules les limitations d’ordre rhumatologique seront prises en compte dans l’évaluation de la capacité de travail du recourant.

Il est dès lors retenu, conformément aux conclusions de l’expertise O______, que les atteintes rhumatologiques retenues, soit l’ankylose partielle du coude droit et le syndrome lombaire excluent complètement l’exercice de l’activité habituelle. En revanche, depuis septembre 2016, une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du recourant est exigible à plein temps, moyennant une diminution de rendement de 20%. Est considérée comme adaptée, une activité légère bimanuelle sans port de charge fréquent supérieur à 10 kg, ni station debout et assise prolongées.

7.              

7.1 Chez les assurés actifs – comme le recourant –, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

7.2 Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé – puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

D'après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l'assuré est encore en mesure d'exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l'angle de l'obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu'offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d'eux qu'ils prennent des mesures incompatibles avec l'ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

Les limitations fonctionnelles justifiant une diminution de rendement déjà prises en compte dans l'évaluation de la capacité de travail n'ont pas à être retenues une seconde fois lors de la détermination de l'abattement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2020 du 27 août 2021 consid. 6 et la référence). Selon la jurisprudence, lorsqu'une personne assurée est capable de travailler à plein temps mais avec une diminution de rendement, celle-ci est prise en considération dans la fixation de la capacité de travail. Il n'y a pas lieu, en sus, d'effectuer un abattement à ce titre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_780/2023 du 23 avril 2024 consid. 6 et les références).

7.3 Lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur la même tabelle statistique, il n'est pas nécessaire de les chiffrer précisément, dans la mesure où le taux d'invalidité se confond avec le taux d'incapacité de travail. Dans ce cas, le degré d'invalidité correspond en effet au degré d'incapacité de travail, compte tenu d'une éventuelle déduction du salaire fondé sur les statistiques, qui ne doit pas dépasser 25%. Il ne s’agit pas d’une « comparaison en pour-cent » au sens de l'ATF 114 V 310 consid. 3a, mais d’une simplification purement arithmétique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_111/2023 du 12 octobre 2023 consid. 6.2 et les références).

Même s'il n'est pas indispensable de déterminer avec précision les salaires de références, il n'en demeure pas moins que, dans cette situation, l'évaluation de l'invalidité repose sur des données statistiques. Par conséquent, une réduction supplémentaire du revenu d'invalide est possible (arrêt du Tribunal fédéral 9C_842/2018 du 7 mars 2019 consid. 5.1 et les références).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3. et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

7.4  

7.4.1 Selon l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité
(art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d'accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n'est pas lié à l'exercice d'une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie professionnelle restante (art. 8 al. 1bis LAI en vigueur dès le 1er janvier 2008). L'art. 8 al. 3 let. b LAI dispose que les mesures de réadaptation comprennent les mesures d'ordre professionnel (orientation professionnelle, formation professionnelle initiale, reclassement, placement, aide en capital).

Se pose en premier lieu la question de savoir si l'assuré est invalide ou menacé d'une invalidité permanente (cf. art. 28 al. 1 LAI). On rappellera qu'il n'existe pas un droit inconditionnel à obtenir une mesure professionnelle (voir par ex. l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_385/2009 du 13 octobre 2009). Il faut également relever que si une perte de gain de 20% environ ouvre en principe droit à une mesure de reclassement dans une nouvelle profession (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 2 et les références), la question reste ouverte s'agissant des autres mesures d'ordre professionnel prévues par la loi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_464/2009 du 31 mai 2010).

7.4.2 En vertu de l'art. 15 LAI, l'assuré auquel son invalidité rend difficile le choix d'une profession a droit à l'orientation professionnelle et à une mesure préparatoire à l'entrée en formation (al. 1). L'assuré auquel son invalidité rend difficile l'exercice de son activité antérieure a droit à l'orientation professionnelle (al. 2).

L'art. 4a RAI – également en vigueur à compter du 1er janvier 2022 – précise en quoi peut consister l'orientation professionnelle.

Les objectifs de cette mesure sont que, grâce au soutien qui leur est offert à travers l'orientation professionnelle, les personnes assurées identifient des formations qui correspondent à leur âge, leur niveau de développement, leurs aptitudes et leurs intérêts, et qu'elles sont en mesure de suivre. Sont concernées les personnes assurées sur le point de suivre une formation professionnelle ou limitées dans le choix professionnel en raison de leur invalidité et ayant par conséquent besoin d'une orientation professionnelle spécialisée (OFAS, Circulaire sur les mesures de réadaptation professionnelle de l'AI [CMRPr], valable dès le 1er janvier 2022, ch. 10.1). Le Tribunal fédéral a rappelé que l'orientation professionnelle se démarque des autres mesures d'ordre professionnel (art. 16 ss LAI) par le fait que, dans le cas particulier, l'assuré n'a pas encore fait le choix d'une profession. L'art. 15 LAI suppose que l'assuré soit capable en principe d'opérer un tel choix, mais que seule l'invalidité l'en empêche, parce que ses propres connaissances sur les aptitudes exigées et les possibilités disponibles ne sont pas suffisantes pour choisir une profession adaptée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_882/2008 du 29 octobre 2009 consid. 5.1 et les références).

7.4.3 Conformément à l'art. 17 LAI, l'assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée (al. 1). La rééducation dans la même profession est assimilée au reclassement (al. 2).

À teneur de l'art. 6 al. 1 RAI, sont considérées comme un reclassement les mesures de formation destinées à des assurés qui en ont besoin, en raison de leur invalidité, après achèvement d'une formation professionnelle initiale ou après le début de l'exercice d'une activité lucrative sans formation préalable, pour maintenir ou pour améliorer sensiblement leur capacité de gain (al. 1). Sont également considérées comme un reclassement les mesures de formation aboutissant à une formation plus qualifiante que celle dont dispose l'assuré, à condition qu'elles soient nécessaires pour maintenir ou améliorer sa capacité de gain (al. 1bis).

7.4.4 Aux termes de l'art. 18 al. 1 LAI (mesure d'aide au placement) – dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2022 –, l'assuré en incapacité de travail (art. 6 LPGA) et susceptible d'être réadapté a droit à un soutien pour rechercher un emploi approprié ou, s'il en a déjà un, pour le conserver.

Selon la jurisprudence, les raisons de santé pour lesquelles l'assuré rencontre des difficultés dans la recherche d'un emploi approprié entrent dans la notion d'invalidité propre à l'aide au placement si l'atteinte à la santé occasionne des difficultés dans la recherche d'un emploi au sens large (ATF 116 V 80 consid. 6a). Tel est le cas par exemple si, en raison de sa surdité ou de son manque de mobilité, l'assuré ne peut avoir un entretien d'embauche ou est dans l'incapacité d'expliquer à un employeur potentiel ses possibilités réelles et ses limites (par ex. les activités qu'il peut encore exécuter en dépit de son atteinte visuelle), de sorte qu'il n'aura aucune chance d'obtenir l'emploi souhaité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 421/01 du 15 juillet 2002 consid. 2c in VSI 2003 p. 274 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_859/2010 du 9 août 2011 consid. 2.2).

Lorsque la capacité de travail est limitée uniquement du fait que seules des activités légères peuvent être exigées de l'assuré, il faut qu'il soit entravé de manière spécifique par l'atteinte à la santé dans la faculté de rechercher un emploi (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 421/01 du 15 juillet 2002 consid. 2c, in VSI 2003 p. 274), principe dont la jurisprudence a admis qu'il demeurait valable également après l'entrée en vigueur de la 4ème et de la 5ème révision de l'AI (arrêts du Tribunal fédéral 9C_416/2009 du 1er mars 2010 consid. 5.2 ; I 427/05 du 24 mars 2006, in SVR 2006 IV Nr. 45 p. 162).

8.             Comme relevé par l’expert rhumatologue du O______, une activité bimanuelle légère, par exemple dans la manutention, est exigible avec une diminution de performance de 20%, tout comme d’ailleurs une activité monomanuelle en utilisant uniquement la main gauche (non dominante), par exemple dans les domaines de surveillance ou de télésurveillance.

8.1 Le recourant conteste le caractère réaliste de telles possibilités de travail concrètes compte tenu de ses limitations fonctionnelles, du fait qu’il n’a aucune formation professionnelle, ne maîtrise pas le français et n’est pas en mesure d’apprendre et de comprendre ce qui est attendu de lui. Il sied tout d’abord de rappeler que l’impossibilité « d’apprendre et de comprendre ce qui est attendu de lui » a été niée par les résultats des deux bilans neuropsychologiques. Pour ce qui est de l’absence de formation professionnelle et la faible maîtrise du français, elles ne s’opposent pas à l’exercice de tâches simples de manutention, de vérification/contrôle de marchandise, de surveillance ou télésurveillance.

De telles activités ne sont d’ailleurs que peu affectées par les limitations fonctionnelles du recourant qui peut notamment se déplacer sans restriction et utiliser pleinement son bras gauche.

Il convient donc de conclure que le marché du travail offre au recourant un éventail suffisamment large d'activités légères et que de telles activités sont donc exigibles à 100% moyennant une diminution de rendement de 20%.

8.2 À cet égard, l’intimé estime qu’il convient de s’en tenir à la diminution de rendement de 10% telle que retenue dans la décision entreprise, au motif que l’expert rhumatologue n’aurait pas fixé la diminution de performance pour l’ensemble des activités adaptées au recourant, mais uniquement pour les activités bimanuelles légères à l’exclusion donc des activités monomanuelles qui seraient pour leur part exigibles à plein rendement.

Ce raisonnement qui résulte d’une lecture très partielle de l’expertise ne saurait être suivi. En effet, si l’expert du O______ indique dans un premier temps que la diminution de rendement est due à l’atteinte au membre supérieur droit (dominant), il motive par la suite cette même diminution par le problème lombaire et l’ankylose partielle du coude. Nombre des limitations qu’il retient sont également liées à l’atteinte dorsale qui a donc une incidence tout aussi importante sur les capacités fonctionnelles et les performances du recourant.

Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir que la diminution de rendement de 20% fixée par l’expertise O______ (dont l’intimé admet pour le surplus la valeur probante) se rapporte à l’ensemble des activités adaptées à l’état de santé du recourant et n’est pas critiquable.

8.3 Pour le surplus, cette diminution de rendement de 20% découlant des limitations fonctionnelles et à défaut d’autres circonstances particulières, aucun abattement supplémentaire n’est justifié.

8.4 Enfin, concernant le degré d’invalidité, l’intimé l’a établi en prenant pour base la même tabelle statistique pour les revenus avec et sans invalidité, soit celle sur l’enquête suisse sur la structure des salaires, TA1 ligne totale pour un homme exerçant une activité du niveau de compétence 1 à un taux de 100%. Ce choix n’apparaît pas critiquable et n’est d’ailleurs pas critiqué.

Dans la mesure où les deux revenus se fondent sur la même tabelle statistique, c’est également à juste titre que l’intimé ne les a pas chiffrés avec exactitude. En effet, dans un tel cas de figure, le degré d’invalidité se confond avec le taux d’incapacité de travail (cf. ATF 119 V 475 consid. 2b).

8.5 En l’espèce, le taux d’incapacité retenu par l’expertise du O______ est de 20% (soit la quotité de la diminution de rendement). Le degré d’invalidité s’élève donc également à 20% et non à 10% tel que retenu dans la décision entreprise.

Si ce taux est insuffisant pour ouvrir un droit à une rente AI, il atteint en revanche le seuil minimal pour l’octroi des mesures professionnelles que le recourant a également sollicité. L’intimé – qui a retenu à tort que ce seuil n’était pas atteint – n’a cependant pas du tout investigué cette question et notamment les autres conditions d’accès aux différentes mesures professionnelles. Il convient donc de lui retourner le dossier pour instruction complémentaire et nouvelle décision concernant les mesures professionnelles.

9.             Le recourant, assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 4'000.- (art. 61 let. g LPGA ;
art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

10.         Vu le sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 23 janvier 2018.

4.        Donne acte à l’intimé de ce qu’il octroie au recourant une rente entière d’invalidité limitée dans le temps, soit de juillet 2016 à novembre 2016.

5.        Dit que le degré d’invalidité du recourant est de 20% dès septembre 2016.

6.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur l’octroi de mesures professionnelles.

7.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 4’000.-, à titre de participation à ses frais et dépens.

8.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le