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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/707/2018

ATAS/182/2021 du 05.03.2021 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/707/2018 ATAS/182/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d'expertise du 5 mars 2021

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Liza SANT'ANA LIMA

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), ressortissant kosovar né en 1970, sans formation professionnelle, est arrivé en Suisse en 1999. En dernier lieu, il a travaillé comme aide-jardinier paysagiste dès le mois de septembre 2009. Le 5 novembre 2010, durant son travail, il est tombé d'une benne de camion, soit d'une hauteur d'environ 2,5 mètres et a percuté le sol avec son côté droit. Il a souffert depuis lors de douleurs de la région lombaire, de la face externe de la hanche, de la fesse et du coude droits.

2.        Le 13 juin 2012, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) en raison d'une hernie discale protrusive extraforaminale gauche L4-L5 avec léger conflit L3 à gauche, ainsi qu'une discopathie protrusive L5-S1 médiane et phénomène inflammatoire, avec impaction post-traumatique au plateau supérieur droit de L4 versus hernie intraspongieuse.

3.        Par décision du 12 septembre 2013, l'OAI, se fondant sur le rapport établi le 9 avril 2013 par deux médecins du service médical régional AI (SMR), le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie, et la doctoresse C______, spécialiste FMH en psychiatrie, a considéré que l'activité habituelle d'aide-jardinier n'était plus exigible depuis le 5 novembre 2010, mais que dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, la capacité de travail de l'assuré était entière depuis mai 2011, soit six mois après l'accident. Il a rejeté la demande de prestations, au motif que le degré d'invalidité déterminé selon la méthode de comparaison des revenus était nul.

4.        La chambre de céans a, par arrêt du 25 novembre 2014 (ATAS/1222/2014), rejeté le recours formé par l'assuré contre ladite décision. Elle a retenu que le rapport d'examen rhumatologique et psychiatrique du SMR du 9 avril 2013 avait valeur probante et a fait siennes ses conclusions. Elle a également confirmé le calcul du degré d'invalidité de l'OAI.

5.        Le 12 janvier 2016, par l'intermédiaire de l'Hospice général, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité, alléguant avoir été en incapacité de travail à 100% du 1er décembre 2011 au 14 août 2013, et précisant qu'il souffrait d'un flexum du coude droit irréductible apparu après deux opérations en 2014.

6.        Après avoir interrogé le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne, ainsi que le docteur E______, médecin adjoint à l'Unité de la main des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), l'OAI a transmis à l'assuré un projet de décision le 6 mars 2017, selon lequel sa demande de prestations était rejetée. L'exigibilité médicale était entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l'assuré, soit alterner les positions assise et debout deux fois par heure, de ne pas soulever régulièrement de charges supérieures à 5 kg du côté gauche, de ne pas travailler en porte-à-faux statique prolongé du tronc, de ne pas être exposé aux vibrations et d'accomplir un travail mono manuel exclusivement à gauche. Le délai de carence d'une année ouvrant le droit à des prestations avait pris fin en janvier 2017. Il existait sur le marché du travail un certain nombre d'activités qui ne nécessitaient pas de qualification particulière et qui étaient adaptées à son état de santé. Pour calculer le degré d'invalidité, respectivement les revenus avec et sans invalidité, il y avait lieu de se baser sur le tableau TA1 de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS). Au vu de cette situation, et selon la jurisprudence, le degré d'invalidité se confondait avec le taux de l'incapacité de travail. En raison des limitations fonctionnelles, il convenait de procéder à un abattement de 10%. Le taux d'invalidité étant ainsi de 10%, il ne donnait droit ni à des mesures professionnelles, ni à une rente d'invalidité.

7.        Le 28 mars 2017, l'assuré a contesté le projet de décision. Il était toujours dans l'incapacité d'utiliser son bras droit malgré les interventions chirurgicales. Son coude restait bloqué à 90° et il vivait au quotidien avec beaucoup de douleurs physiques. Cette situation l'épuisait moralement et affectait son état psychologique de manière importante. Il a joint un rapport de la doctoresse F______, psychiatre FMH, cheffe de clinique aux HUG, daté du 28 mars 2017, selon lequel sa capacité de travail était, d'un point de vue psychiatrique, nulle. Ce médecin a retenu un trouble dépressif récurrent avec un épisode dépressif sévère, symptômes psychotiques et autres modifications durables de la personnalité. La Dresse F______ précise que l'assuré est suivi au CAPPI-Jonction depuis octobre 2013 et bénéficie d'une traitement médicamenteux antidépresseur et d'entretiens réguliers.

8.        L'OAI a alors mandaté le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie, pour examiner l'assuré. Celui-ci a rendu son rapport le 23 novembre 2017. Selon lui, l'assuré ne souffrait d'aucun trouble majeur de la personnalité assimilable à une atteinte à la santé mentale. L'expert n'a retenu qu'« un éventuel épisode dépressif majeur atypique d'intensité impossible à déterminer ». Il a fait état d'un tableau d'amplification grossier et caricatural des plaintes. Il a considéré qu'il ne pouvait se prononcer clairement sur la capacité de travail au vu de l'investigation psychiatrique en tant que telle et qu'une réadaptation n'était probablement pas indiquée.

9.        Dans une note du 13 décembre 2017, le médecin du SMR a considéré que l'expertise du Dr G______ était convaincante, de sorte qu'il maintenait ses précédentes conclusions.

10.    Par décision du 23 janvier 2018, l'OAI a confirmé son refus du 6 mars 2017.

11.    L'assuré, représenté par Me Liza SANT'ANA LIMA, a interjeté recours le 23 février 2018 contre ladite décision. Il a conclu, principalement, et sous suite de frais et dépens, à l'octroi de mesures professionnelles et d'une rente entière d'invalidité, eu égard à son incapacité de travail de 100%, tant dans l'activité habituelle que dans une activité adaptée, et, subsidiairement, à l'évaluation de sa capacité résiduelle de travail et à la prise en compte d'un abattement d'au moins 20% du salaire statistique.

12.    Suivant la réponse de l'OAI du 29 mars 2018, les parties ont échangé réplique et duplique, respectivement les 11 avril et 24 avril 2018.

13.    Après avoir interrogé la Dresse F______ et invité le médecin du SMR à se déterminer, la chambre de céans a, considérant que l'expertise du Dr G______ n'avait pas valeur probante, le 23 octobre 2019, ordonné une expertise psychiatrique et commis à ces fins le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (ATAS/963/2019). La chambre de céans a en effet relevé que selon le médecin du SMR, la décision négative de l'OAI avait certes entraîné une réaction psychique de colère chez l'assuré - ce que confirmait la Dresse F______ décrivant un état de santé qui s'était aggravé lors de la notification de la décision de l'OAI -, et que de tels troubles réactionnels suite à une décision de suppression de rente d'invalidité ne peuvent pas être considérés comme des atteintes psychiques invalidantes, celle-ci retenait toutefois le diagnostic de trouble dépressif récurrent, ainsi que celui d'autres modifications durables de personnalité en raison d'un changement significatif et durable de sa personnalité et de son comportement suite à la perte de fonction de son membre supérieur droit avec une altération significative du fonctionnement social. La chambre de céans a dès lors considéré qu'elle n'était pas, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, en mesure de statuer en l'état actuel du dossier.

14.    Le Dr H______ a établi son rapport d'expertise le 23 décembre 2019, après s'être entretenu avec l'assuré, assisté d'un interprète serbo-croate, les 21 novembre et 5 décembre 2019, et avoir pris contact par téléphone avec la psychiatre traitante et le médecin traitant.

L'expert n'a retenu aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail. Il a en revanche relevé des troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique léger depuis 2011 au présent « sans indice de jurisprudence rempli », un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendante actuellement non décompensé, trouble « qui n'avait pas empêché l'assuré de gérer son quotidien sans limitation, de travailler à 100% dans le passé et d'avoir une vie conjugale stable », et des facteurs psychologiques ou comportementaux associés à des troubles ou des maladies classés ailleurs, « sans indice de gravité jurisprudentielle rempli », étant précisé que le diagnostic était probable après les séquelles post accident.

Selon l'expert, la capacité de travail de l'assuré dans l'activité antérieure était de 100% sans baisse de rendement « tenant compte de la jurisprudence en vigueur de 2015 et 2017 depuis 2011 au présent ». Cette capacité de travail pourrait toutefois s'abaisser jusqu'à 0% en cas d'évolution négative vers un épisode dépressif sévère probable en cas d'absence d'un traitement antidépresseur à des taux sanguins efficaces. Sa capacité de travail était également de 100% dans une activité adaptée, soit une activité avec une hiérarchie simple et bienveillante, et un coaching positif dans une activité adaptée d'un point de vue somatique. La capacité de travail pouvait encore être améliorée de façon sensible « dans le sens d'une réadaptation professionnelle et d'une aide à la réinsertion professionnelle après mise en place d'un suivi psychiatrique hebdomadaire avec un travail spécifique sur la question du status algique et des avantages secondaires avec mise en place d'un traitement antidépresseur suffisant avec monitoring sanguin ».

Les différentes atteintes étaient présentes depuis 2011 sans changement significatif en dehors d'une décompensation ponctuelle du trouble de la personnalité qui avait nécessité une hospitalisation psychiatrique de courte durée.

La compliance était nulle pour le traitement antidépresseur et partielle pour le traitement de quétiapine pris en cas de besoin en fonction de ses colères. L'assuré ne semblait pas avoir adhéré à un processus psychothérapeutique et n'osait pas aborder la question de la barrière linguistique et les effets secondaires avec ses thérapeutes malgré presque une décade d'essais thérapeutiques.

L'expert a retenu un isolement social partiel avec de bonnes relations surtout familiales. Il n'y avait pas de trouble psychique qui empêchait l'assuré de reconnaître sa maladie. S'agissant de l'influence des facteurs psychosociaux, il a noté l'existence d'une sinistrose installée depuis plusieurs années.

Il a examiné les critères permettant de poser un diagnostic de trouble somatoforme douloureux persistant selon la CIM-10 et a conclu que « les indices jurisprudentiels de gravité de la jurisprudence de novembre 2017 pour des troubles dépressifs moyens et légers et qui sont les mêmes que pour un éventuel trouble douloureux somatoforme persistant avec un trouble de la personnalité mixte ne sont pas remplis depuis 2011 au présent ».

Il a indiqué que « nous n'avons retenu aucune incohérence chez un assuré authentique, qui n'exagère pas la journée type ou les activités encore possibles, la seule incohérence étant une demande de rente AI à 100% pour des raisons psychiatriques, dans le contexte de limitations non objectivables d'un point de vue psychiatrique. Toutefois, l'assuré explique devoir recevoir une rente pour des raisons somatiques (sans plaintes psychiatriques à l'avant plan). (...)

De plus, on ne retient pas d'anhédonie, pas d'aboulie, pas de symptômes psychotiques lors de l'examen psychiatrique, mais un vécu de persécution sans récupération délirante dans un contexte où l'assuré ne se sent pas entendu dans sa souffrance somatique majeure selon lui et de sinistrose bien installée.

Selon l'anamnèse, l'assuré a montré des comportements impulsifs et une intolérance à la frustration depuis le début de l'âge adulte et ceci est hautement compatible avec un trouble de la personnalité émotionnellement labile existant depuis le début de l'âge adulte, qui peut décompenser ponctuellement quand l'assuré est contrarié. Lors des décompensations, comme durant quelques semaines en 2018 quand il a été hospitalisé, il peut présenter des idées suicidaires actives, voire des idées hétéros agressives dans des contextes de frustration. Durant ces périodes de décompensation, il peut présenter ponctuellement des symptômes d'allure de trouble dépressif sévère avec des symptômes psychotiques, vu son agitation, les idées noires et le fait qu'il se sent persécuté par l'AI s'il ne reçoit pas une rente. Cependant, les critères de gravité et de durée de la CIM-10 ne sont pas remplis pour un tel trouble dépressif récurrent sévère ».

L'expert a enfin vivement recommandé une réévaluation de la situation dans six à douze mois en fonction de l'évolution, l'état n'étant pas stabilisé. Selon lui en effet, « il s'agit d'une situation où l'assuré a au moins partiellement raison à notre avis, lorsqu'il explique qu'il n'est pas réaliste de trouver un emploi dans une activité adaptée sans une formation préalable, avec des douleurs, sans parler le français, après une longue pause professionnelle, et nous confirmons qu'il a un niveau intellectuel limité bien qu'il n'ait pas de retard mental. Un bilan de compétences fait avec tact et bienveillance serait souhaitable avant de définir l'activité réalisable d'un point de vue médico-théorique tenant compte des ressources intellectuelles et somatiques, à notre avis limitées ».

15.    Les parties ont été invitées à se déterminer.

16.    Le 19 février 2020, l'assuré a reproché au Dr H______ de s'être appuyé sur l'expertise du Dr G______ du 23 novembre 2017, dans la mesure où cette expertise est basée sur un diagnostic non objectif préétabli « visant uniquement à le priver de toute aide de l'AI ». Il conteste avoir dit qu'il estimait avoir droit à une rente d'invalidité complète sans essai de réadaptation professionnelle, et qu'en cas de refus d'une rente d'invalidité, il mettrait fin à ses jours. Il rappelle qu'il ne s'est jamais opposé à la mise en place de mesures de réadaptation professionnelle, se contentant de souligner qu'elle serait difficile à mettre en place vu son âge et ses difficultés à maîtriser la langue française. Il souligne qu'il ne sait rien faire d'autre que manoeuvre ou jardinier, et souffre de douleurs au dos et d'un coude bloqué à 90°.

Il relève que selon le Dr H______, son suivi psychiatrique actuel n'est pas adéquat et annonce que, dans le but d'avoir un suivi plus adapté à ses besoins, il a déjà pris rendez-vous avec le docteur I______, psychiatre. Il salue par ailleurs la proposition de réévaluation de sa situation dans six à douze mois.

Il rappelle que ses limitations physiques sont toujours d'actualité et maintient les conclusions de son mémoire du 23 février 2018.

17.    Le 24 février 2020, l'OAI, se fondant sur l'avis du médecin du SMR du 3 février 2020, a persisté dans ses conclusions. Le médecin du SMR a en effet considéré que l'expertise du Dr H______ était convaincante et cohérente avec les précédents examens psychiatriques, du SMR en 2013 et du Dr G______ en 2017. Il en a conclu que sur le plan strictement médico-théorique, en tenant compte des facteurs jurisprudentiels, la capacité de travail de l'assuré sur le plan psychiatrique était entière depuis 2011, de sorte que les conclusions de son rapport final du 3 août 2018 demeuraient valables.

18.    Par courriel du 5 mai 2020, l'OAI a transmis à la chambre de céans un rapport rédigé par le Dr I______ le 16 avril 2020 (recte 24 avril 2020).

Dans ce rapport, établi à la demande du patient et remis en mains propres, le Dr I______ a retenu le diagnostic d'épisode dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques. Selon le Dr I______, « la capacité d'adaptation est limitée en raison d'une faible résistance psychique. En effet, la thymie actuelle, l'anhédonie, l'aboulie et les troubles mnésiques et exécutifs sont très handicapants pour son autonomie. Le patient éprouve de grandes difficultés à accomplir les tâches ménagères quotidiennes, ainsi qu'à entamer spontanément des activités comme la cuisine, si bien qu'il mange des sandwichs ou des plats préparés qu'il achète.

Sa flexibilité et sa capacité de reconversion sont diminuées en raison de la thymie actuelle, il a des difficultés à initier et à trouver du plaisir à effectuer des activités. Par ailleurs, il rapporte être observé et être gêné du regard des autres face à son handicap. Sa capacité à appliquer des compétences professionnelles est actuellement altérée (0%) due aux difficultés de s'adapter à une routine et à l'entièreté des symptômes : la thymie a baissé, l'anxiété, la capacité de compréhension limitée, les difficultés de communication et les problèmes de mémoire et d'attention notables ».

Le pronostic est, selon le Dr I______, réservé.

19.    Invité à se déterminer, l'OAI a soumis le rapport du Dr I______ au SMR lequel a considéré, le 9 juin 2020, que ce médecin n'amenait pas de nouveaux éléments médicaux objectifs permettant de remettre en question les conclusions de l'expertise du Dr H______. L'OAI a dès lors maintenu ses conclusions en rejet du recours.

20.    Le 23 décembre 2020, la chambre de céans a informé les parties de sa décision de mettre en oeuvre une nouvelle expertise psychiatrique et leur a communiqué le nom de l'expert, soit le docteur J______. Elle a imparti aux parties un délai pour qu'elles se prononcent sur une éventuelle récusation de l'expert, et précisé que la mission d'expertise était la même que celle de l'ordonnance du 23 octobre 2019 (ATAS/963/2019).

21.    Respectivement les 11 janvier 2021 et 14 janvier 2021, le recourant et l'OAI ont indiqué ne pas avoir de motif de récusation à l'encontre du Dr J______.

EN DROIT

1.        Les questions de la compétence de la chambre de céans et de recevabilité du recours ont déjà été examinées dans le cadre de l'ordonnance d'expertise du 23 octobre 2019.

2.        Il y a lieu de rappeler que le litige porte sur le droit de l'assuré à une rente d'invalidité et à des mesures professionnelles.

3.        Les dispositions légales applicables et la jurisprudence y relative ont également déjà été exposées dans l'ordonnance d'expertise. La chambre de céans se bornera dès lors à rappeler que lorsque l'administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel - soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques - et s'assurer que la modification du degré d'invalidité rendue vraisemblable par l'assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Selon la jurisprudence, elle doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 545 consid. 6), c'est-à-dire comparer les circonstances existant lorsque la nouvelle décision est prise avec celles qui existaient lorsque la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente est entrée en force (ATF 133 V 108 consid. 5 ; ATF 130 V 71 consid. 3.2.5) pour apprécier si dans l'intervalle est intervenue une modification sensible du degré d'invalidité justifiant désormais l'octroi d'une rente. Si elle constate que les circonstances prévalant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (cf. ATF 133 V 108 consid. 5.3.2) ne se sont pas modifiées jusqu'au moment de la nouvelle décision, et que le degré d'invalidité n'a donc pas changé, elle rejette la nouvelle demande. Dans le cas contraire, elle est tenue d'examiner s'il y a désormais lieu de reconnaître un taux d'invalidité ouvrant le droit à une prestation ou augmentant celle-ci. En cas de recours, le même devoir d'examen matériel incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a et ATF 109 V 114 consid. 2a et b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_721/2014 du 16 juin 2015 consid. 3.1).

Il convient également d'ajouter que sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

Lorsqu'une appréciation repose sur une évaluation médicale complète, il faut, pour la contester, faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés dans le cadre de l'expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions. En d'autres termes, il faut faire état d'éléments objectifs précis qui justifieraient, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, la mise en oeuvre d'un complément d'instruction (voir notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2014 du 9 janvier 2015). Il sied également de rappeler que, selon la jurisprudence, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire.

4.        a. Il s'agit en l'espèce de comparer les faits prévalant au moment de la décision initiale du 12 septembre 2013 avec ceux existant lors de la décision litigieuse du 23 janvier 2018.

b. Dans un rapport bi-disciplinaire du 9 avril 2013, dont la valeur probante a été reconnue par la chambre de céans dans son arrêt du 25 novembre 2014 (ATAS/1222/2014), le Dr B______ et la Dresse C______, du SMR, avaient considéré que l'activité habituelle d'aide-jardinier n'était plus exigible depuis le 5 novembre 2010, mais que dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, la capacité de travail de l'assuré était entière depuis mai 2011, soit six mois après l'accident.

Par décision du 12 septembre 2013, l'OAI avait, sur cette base, rejeté la demande de prestations.

c. Le 27 février 2017, le SMR s'est fondé sur le dernier rapport du Dr E______ daté du 22 décembre 2016 pour confirmer que l'assuré pouvait travailler à 100%, ce dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles suivantes : alterner les positions assise et debout deux fois par heure, de ne pas soulever régulièrement de charges supérieures à 5 kg du côté gauche, de ne pas travailler en porte-à-faux statique prolongé du tronc, de ne pas être exposé aux vibrations et d'accomplir un travail mono manuel exclusivement à gauche.

L'assuré a contesté le projet de décision du 6 mars 2017, lui refusant toute prestation AI, et a fait valoir qu'il souffrait, selon la Dresse F______, d'un trouble dépressif récurrent avec un épisode dépressif sévère accompagné de symptômes psychotiques, de troubles attentionnels et de la concentration avec limitations de compréhension, ainsi que d'un cours et d'un contenu de la pensée rétrécis.

L'OAI a alors mandaté le Dr G______ pour expertise psychiatrique. Ce dernier, dans un rapport du 23 novembre 2017 - que le SMR a jugé probant -, a posé le diagnostic d'épisode dépressif majeur sans effet sur la capacité de travail, et a retenu une amplification des symptômes, ainsi qu'une mauvaise observance au traitement.

Aussi l'OAI a-t-il notifié à l'assuré sa décision du 23 janvier 2018, confirmant le projet de décision du 6 mars 2017.

d. À la suite du recours interjeté par l'assuré contre ladite décision, la chambre de céans a ordonné le 23 octobre 2019 une expertise psychiatrique et en a confié la mission au Dr H______ (ATAS/963/2019).

5.        a. Le rapport du Dr H______, daté du 23 décembre 2019, remplit sur le plan formel la plupart des exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document. Il contient un résumé du dossier, une anamnèse détaillée, les indications subjectives de l'assuré, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas, et des conclusions. L'assuré était assisté d'un interprète serbo-croate lors des deux entretiens avec l'expert.

b. Il apparaît toutefois douteux que l'assuré ait tenu certains propos que lui prête le Dr H______, plus particulièrement celui selon lequel il estimait avoir droit à une rente entière d'invalidité sans qu'il y ait besoin de mettre en place des mesures de réadaptation professionnelle. Il est en effet peu vraisemblable que l'assuré ait déclaré à l'expert qu'il ne souhaitait pas être mis au bénéfice de telles mesures, dans la mesure où son recours porte certes sur le refus de la rente, mais également sur le refus de mesures professionnelles. Il est en revanche plausible qu'il ait exprimé ses craintes et ses appréhensions quant à la mise en place de ces mesures vu son âge, ses difficultés à maîtriser la langue française, le fait qu'il ne sait rien faire d'autre que manoeuvre ou jardinier et qu'il souffre de douleurs incontestables sur le plan somatique.

La pertinence de certaines remarques, telles que « trouble qui n'avait pas empêché l'assuré de gérer son quotidien sans limitation, de travailler à 100% dans le passé et d'avoir une vie conjugale stable », laisse également perplexe.

6.        a. Sur le fond, l'expert n'a retenu aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail. Il a en revanche relevé des troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique léger depuis 2011 au présent, et un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendante actuellement non décompensé.

La capacité de travail de l'assuré est, selon l'expert, de 100% sans baisse de rendement, dans l'activité antérieure, de même que dans une activité adaptée d'un point de vue somatique, avec au surplus une hiérarchie simple et bienveillante, et un coaching positif. Il n'a relevé aucun changement significatif depuis 2011, en dehors d'une décompensation ponctuelle du trouble de la personnalité qui a nécessité une hospitalisation psychiatrique de courte durée.

b. Le médecin du SMR a considéré que l'expertise du Dr H______ était convaincante et cohérente avec les précédents examens psychiatriques, du SMR du 9 avril 2013 et du Dr G______ du 23 novembre 2017. Il en a conclu que sur le plan strictement médico-théorique, la capacité de travail de l'assuré sur le plan psychiatrique était entière depuis 2011, de sorte que les conclusions de son rapport final du 3 août 2018 demeuraient valables.

7.        La chambre de céans ne peut que s'étonner de la référence au rapport du Dr G______, dès lors que dans son ordonnance d'expertise du 23 octobre 2019, elle a précisément nié toute valeur probante à cette expertise.

Elle peine à comprendre que l'expert soit, d'une part, en mesure de constater que « lors des décompensations, comme durant quelques semaines en 2018 quand il a été hospitalisé, il peut présenter des idées suicidaires actives, voire des idées hétéros agressives dans des contextes de frustration. Durant ces périodes de décompensation, il peut présenter ponctuellement des symptômes d'allure de trouble dépressif sévère avec des symptômes psychotiques, vu son agitation, les idées noires et le fait qu'il se sent persécuté par l'AI s'il ne reçoit pas une rente », et, d'autre part, de conclure que « cependant, les critères de gravité et de durée de la CIM-10 ne sont pas remplis pour un tel trouble dépressif récurrent sévère ». La description donnée par l'expert paraît plutôt être compatible avec le diagnostic retenu par les Drs I______ et F______ d'épisode dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques.

L'expert n'a retenu ni anhédonie, ni aboulie, ni symptômes psychotiques lors de l'examen psychiatrique, mais un vécu de persécution sans récupération délirante dans un contexte où l'assuré ne se sent pas entendu dans sa souffrance somatique majeure selon lui et de sinistrose bien installée, alors que selon le Dr I______, au contraire, « la capacité d'adaptation est limitée en raison d'une faible résistance psychique. En effet, la thymie actuelle, l'anhédonie, l'aboulie et les troubles mnésiques et exécutifs sont très handicapants pour son autonomie ».

Elle constate que l'expert n'a retenu aucun diagnostic qui ait une répercussion sur la capacité de travail, au motif que ceux qu'il a posés sont « sans indice de jurisprudence rempli ».

Or, il n'appartient pas au médecin de se déterminer sur l'application de la jurisprudence, mais de répondre aux questions posées sur un plan strictement médical.

L'expert a examiné les critères permettant de poser un diagnostic de trouble somatoforme douloureux persistant selon la CIM-10 et conclu que

« les indices jurisprudentiels de gravité de la jurisprudence de novembre 2017 pour des troubles dépressifs moyens et légers et qui sont les mêmes que pour un éventuel trouble douloureux somatoforme persistant avec un trouble de la personnalité mixte ne sont pas remplis depuis 2011 au présent ».

Or, l'appréciation du caractère invalidant d'un trouble somatoforme douloureux constitue également une question juridique.

Enfin, alors qu'il ne retient aucun diagnostic invalidant, l'expert a vivement recommandé une réévaluation de la situation dans six à douze mois en fonction de l'évolution, l'état n'étant pas stabilisé. Il estime ainsi que la capacité de travail peut encore être améliorée de façon sensible « dans le sens d'une réadaptation professionnelle et d'une aide à la réinsertion professionnelle après mise en place d'un suivi psychiatrique hebdomadaire avec un travail spécifique sur la question du status algique et des avantages secondaires avec mise en place d'un traitement antidépresseur suffisant avec monitoring sanguin », ce qui parait pour le moins contradictoire avec ses conclusions.

Ces éléments suffisent à susciter des doutes sur les conclusions de l'expertise du Dr H______ qui n'apparaissent pas convaincantes.

Force est de constater que le dossier ne permet pas dans ces conditions à la chambre de céans de trancher le droit de l'assuré aux prestations AI.

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une nouvelle instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en oeuvre une expertise (ATF 137 V 210). Il se justifie en l'occurrence d'ordonner une expertise psychiatrique.

Elle sera confiée au docteur J______, à l'encontre duquel les parties n'ont fait valoir aucun motif de récusation.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.             Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______.

2.             Commet à ces fins le Docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

3.             Dit que la mission d'expertise sera la suivante :

a)        prendre connaissance du dossier de la cause ;

b)        si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité l'assuré :

c)        examiner et entendre l'assuré, après s'être entouré de tous les éléments utiles, au besoin  d'avis d'autres spécialistes;

d)       si nécessaire, ordonner d'autres examens.

4.             Charge l'expert d'établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.        Anamnèse détaillée.

2.        Plaintes et données subjectives de la personne.

3.        Status clinique et constatations objectives.

4.        Diagnostics selon la classification internationale.

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l'étiologie et la pathogénèse).

5.        Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

6.        Les plaintes sont-elles objectivées ?

7.        Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l'anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

8.        Dans l'affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

9.        Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

10.    L'assuré a-t-il fait preuve de résistance à l'égard des traitements proposés ? La compliance est-elle bonne ? Quel est le dosage plasmatique des médicaments psychotropes en cours de traitement ?

11.    Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

12.    Quelle est la capacité de travail de l'assuré

a)      dans l'activité habituelle

b)      dans une activité adaptée.

13.    Dater la survenance de l'incapacité de travail durable, le cas échéant, indiquer l'évolution de son taux et décrire son évolution.

14.    Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

15.    De quelles ressources mobilisables l'assuré dispose-t-il ?

16.    Quel est le contexte social ? L'intéressé peut-il compter sur le soutien de ses proches ?

17.    Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d'une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l'assuré à reconnaître sa maladie ?

18.    Quelle est l'influence des facteurs psychosociaux ?

19.    Formuler un pronostic global.

20.    Commenter et discuter les avis médicaux du SMR, des experts s'étant déjà prononcés et des médecins traitants et indiquer - cas échéant - pour quelles raisons ces avis sont confirmés ou écartés.

21.    Toute remarque utile et proposition des experts.

5.             Invite l'expert à déposer à sa meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

6.             Réserve le fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le