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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/638/2024

ATAS/323/2024 du 08.05.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/638/2024 ATAS/323/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 mai 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

A.           a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1964, a travaillé en qualité de secrétaire. Elle est au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité depuis 2003. Le 8 février 2013, l’assurée a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé), indiquant que son époux était incapable de poursuivre son activité de teinturier, depuis le 1er octobre 2012.

b. Le SPC a régulièrement adressé des décisions fixant le droit aux prestations complémentaires de l’assurée, lesquelles reprenaient, pour cette dernière, un gain potentiel de CHF 19'210.-.

c. Le 25 novembre 2019, l’assurée a annoncé au SPC qu’elle souffrait d’un cancer. Elle lui a transmis des certificats médicaux attestant une incapacité de travail totale, depuis le 22 octobre 2019. Par décision du 11 février 2020, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève a octroyé à l’époux de l’assurée trois quarts de rente, du 1er avril au 30 juin 2013, une rente entière, du 1er juillet 2013 au 28 février 2014, un quart de rente du 1er novembre 2018 au 31 janvier 2019 et trois quarts de rente dès le 1er février 2019.

d. Le 3 juillet 2020, le SPC a informé l’assurée qu’il avait repris les calculs des prestations complémentaires du 1er avril 2013 au 30 juin 2020, pour tenir compte des nouvelles rentes. Il a joint à son envoi ses décisions du 19 juin 2020, recalculant le droit aux prestations complémentaires pour cette période, qui révélaient un trop-perçu de CHF 41'573.-, que l’assurée était invitée à lui rembourser.

e. Suite à l’opposition de l’assurée, le SPC a écarté cette dernière, par décision du 31 août 2020. Il a exposé que ses nouveaux calculs étaient justifiés par l’octroi rétroactif de la rente de l’époux de l’assurée. Le gain potentiel de l’assurée avait déjà été pris en compte dans les décisions précédentes et son bien-fondé confirmé par la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Depuis les arrêts rendus par celle-ci, l’assurée n’avait fait état d’aucun élément renversant la présomption qu’elle serait en mesure de réaliser un revenu.

f. Sur recours de l’assurée, la chambre de céans a confirmé, par arrêt du 10 mars 2022 (ATAS/216/2022), le principe selon lequel la capacité de travail de l’assurée lui permettait de réaliser un gain et a admis l’imputation d’un gain potentiel à la recourante. La cause a toutefois été renvoyée au SPC en raison du fait que de nouveaux calculs devaient être effectués afin d’établir le montant devant être restitué par la recourante.

B. a. Par décision sur opposition du 25 avril 2022, le SPC, après avoir effectué les nouveaux calculs suite au renvoi de la cause par l’arrêt du 10 mars 2022, a établi que la demande de restitution du trop-perçu était ramenée de CHF 41'573.- à CHF 38'454.-. Il était notamment mentionné que dans les 30 jours suivant l’entrée en force de la décision de restitution, l’assurée pouvait demander la remise de cette dernière, pour autant qu’elle ait reçu des prestations de bonne foi et que le remboursement la placerait dans une situation difficile.

b. La décision sur opposition du 25 avril 2022 n’a pas fait l’objet d’un recours et est entrée en force. Par courrier du 22 août 2022 adressé à l’avocate de l’assurée et intitulé « 1er rappel », le SPC a demandé le paiement du montant dû. Faute de réaction, il a envoyé un deuxième rappel à l’avocate de l’assurée, en date du 26 septembre 2022.

c. Par courrier du 5 octobre 2022, l’avocate de l’assurée a adressé au SPC une demande de remise du montant dont le remboursement était réclamé dans la décision sur opposition du 25 avril 2022, ainsi qu’une demande d’assistance juridique gratuite.

C. a. Par décision du 15 décembre 2023, le SPC a déclaré la demande de remise irrecevable, pour cause de tardiveté. Il s’est également prononcé sur la demande d’assistance juridique, qu’il a rejetée.

b. Par courrier de son avocate du 4 janvier 2024, l’assurée s’est opposée à la décision du 15 décembre 2023, faisant valoir que le délai de 30 jours était un délai d’ordre et non de péremption, et a conclu à ce que l’assistance juridique lui soit accordée ainsi que la remise du montant réclamé.

c. Par décision sur opposition du 23 janvier 2024, le SPC a écarté l’opposition et a confirmé sa précédente décision du 15 décembre 2023, considérant que le délai de plusieurs mois qui séparait la décision entrée en force et la demande de remise était constitutif d’une période d’inaction étendue et qu’il se justifiait de déclarer cette dernière irrecevable.

D. a. Par acte de son avocate, déposé au greffe de la chambre de céans, en date du 23 février 2024, l’assurée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 23 janvier 2024 en reprenant, en substance, l’argumentation déjà développée au stade de l’opposition et en alléguant, d’autre part, que les conditions de la bonne foi et de la situation financière difficile étaient réalisées. Elle concluait à l’annulation de la décision querellée et à l’octroi de la remise de l’obligation de restituer le montant réclamé, le tout sous suite de frais et dépens.

b. Par réponse du 22 mars 2024, le SPC a conclu au rejet du recours, en insistant sur le fait que le recourante savait déjà, après l’arrêt du 10 mars 2022 rendu par la chambre de céans, qu’elle devait rembourser les prestations indues, même si la quotité de ces dernières devait faire l’objet d’une nouvelle décision du SPC. De surcroît, l’assurée, assistée par une avocate, n’avait pas donné suite à l’interpellation du SPC réclamant, dans un premier rappel, le paiement du montant réclamé, en date du 22 août 2022. Ce n’était qu’à la suite de la menace de procéder par recouvrement ou par retenue de la rente que l’assurée avait formé, par son avocate, sa demande de remise, par courrier du 5 octobre 2022. Au vu de ces circonstances et compte tenu du fait que l’assurée était assistée d’une avocate, la demande de remise était manifestement tardive.

c. Par réplique de son avocate datée du 23 avril 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

e. Les autres faits et informations seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC ‑ RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LPGA a été modifiée par la novelle du 21 juin 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l'assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l'art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             L’objet du litige est la décision de refus de remise de l’obligation de restituer le montant de CHF 38'454.- rendue par le SPC.

4.1 En vertu de l'art. 25 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2). Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer prévue par l'art. 25 al. 1 LPGA implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1er LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées. L'octroi rétroactif d'une rente est un motif de révision procédurale au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_341/2017 du 27 septembre 2017 consid. 4.1).

4.2 Au plan cantonal, aux termes de l'art. 24 al. 1 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Conformément à l'art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2). Jusqu'à l'envoi de son préavis à l'autorité de recours, le SPC peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé (al. 3).

4.3 En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer des prestations indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l'obligation de renseigner. Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 8C_689/2016 du 5 juillet 2017 consid. 3.1).

5.              

5.1 Dans le domaine des assurances sociales, notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

5.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.              

En l’espèce, l’arrêt du 10 mars 2022 (ATAS/216/2022) a déjà tranché l’obligation de restituer de l’assurée, le renvoi de la cause au SPC ne portant que sur la quotité dont la restitution était demandée dès lors que le SPC avait inclus, à tort, les prestations versées pendant trois mois supplémentaires. La nouvelle décision sur opposition, de restitution du trop-perçu, rendue par le SPC en date du 25 avril 2022, est entrée en force, fixant le montant dont la restitution était demandée à CHF 38'454.-, montant non contesté par l’assurée.

La présente procédure ne porte donc que sur la question de la remise de l’obligation de rembourser le montant demandé.

6.1 En vertu de l’art. 4 al. 4 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), la demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée, au plus tard, 30 jours à compter de l'entrée en force de la décision de restitution.

Dans la décision querellée, le SPC considère que la demande de remise déposée par l’avocate de l’assurée doit être déclarée irrecevable car tardive. Selon l’intimé, accepter une demande de remise qui excéderait le délai de 30 jours fixé par l’art. 4 al. 4 OPGA viderait de tout substance ce dernier, dès lors qu’il prévoit ledit délai. Admettant qu’il doit faire preuve de souplesse, l’intimé n’en soutient pas moins que la recourante a fait preuve d’une lenteur excessive et que le dépassement du délai de 30 jours est abusif ; de surcroît, aucun motif justificatif n’est avancé pour expliquer le retard.

La recourante, de son côté, soutient que le délai de 30 jours n’est qu’un délai d’ordre et qu’un dépassement dudit délai n’a pas pour conséquence d’aboutir à la péremption de la demande de remise. À cet égard, elle cite l’arrêt rendu le 29 mars 2019 (ACH 185/18 – 53/2019) par la Cour des assurances sociales du canton de Vaud (ci-après : CASSO), selon lequel le dépassement de quelques jours d’un délai d’ordre ne saurait être assimilé à une période d’inaction étendue, justifiant de s’interroger sous l’angle d’une attitude téméraire ou empreinte de légèreté d’un assuré.

Dans l’état de fait ayant donné lieu à l’arrêt du 29 mars 2019 de la CASSO, le délai de 30 jours de l’art. 4 al. 4 OPGA arrivait à échéance le 26 avril 2018 alors que la demande de remise avait été déposée quelques jours plus tard, le 8 mai 2018.

La CASSO a estimé (consid. 5 c) que « le délai de trente jours pour le dépôt de la demande de remise, tel qu’institué à l’art. 4 al. 4 OPGA, est un délai d’ordre (cf. consid. 3a supra), dont le dépassement n’entraîne pas de conséquences juridiques particulières (voir à cet égard TAF C-1507/2014 du 27 octobre 2015 consid. 2.3.1 et les références citées). Plus précisément, le non-respect d’un délai d’ordre n’entraîne pas la perte du droit d’accomplir encore l’acte omis (Métral, op. cit., n° 10 ad art. 60 LPGA). À cela s’ajoute que le dépassement du délai d’ordre relève, en l’espèce, d’une douzaine de jours, ce qui ne saurait être assimilé à une période d’inaction étendue justifiant de s’interroger sous l’angle d’une attitude téméraire ou empreinte de légèreté. Pour ces raisons, force est de constater que l’intimé n’était pas en droit d’écarter la demande de remise au motif qu’elle était intervenue hors délai (dans ce sens : TFA C 280/05 du 6 janvier 2006 consid. 3.5, non publié in ATF 132 V 42) ».

Étant rappelé que dans un arrêt du 6 janvier 2006, le Tribunal fédéral avait examiné en détail, en se référant notamment aux travaux parlementaires, la nature du délai de l’art. 4 al. 4 OPGA, pour arriver à la conclusion qu’il ne s’agissait pas d’un délai de péremption, mais d’un délai d’ordre (ATF 132 V 42 consid. 3.4).

Le SPC ne conteste pas le bien-fondé de la décision rendue par la CASSO mais considère que le cas d’espèce est différent et qu’il ne s’agit pas d’un court retard, car la recourante, assistée par une avocate, a déposé sa demande de remise, non pas dix jours après l’échéance du délai d’ordre de l’art. 4 al. 4 OPGA, mais plus de quatre mois après. Partant, le SPC estime qu’il se justifie de déclarer irrecevable ladite demande, dès lors que la recourante aurait fait preuve d’une lenteur excessive, de sorte que le dépassement, de plus de quatre mois, du délai de 30 jours serait abusif, ce d’autant plus qu’aucun motif n’est avancé pour justifier un tel délai.

Le raisonnement du SPC ne cite cependant aucune référence jurisprudentielle ou doctrinale permettant, d’une part, d’établir la conséquence du non-respect d’un délai d’ordre et, d’autre part, de préciser quelle serait la portée d’une lenteur excessive ou de l’absence de motivation du dépassement d’un délai d’ordre pour considérer le non-respect dudit délai comme abusif.

6.2 S’agissant des conséquences de la violation d’un délai d’ordre, il sied de se référer, notamment, à la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral qui, dans un arrêt du 27 octobre 2015 (A-1507/2014), partiellement confirmé par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1080/2015 du 24 juillet 2017) a rappelé que :

« 2.3.1 En règle générale, les délais prévus par la loi sont péremptoires, dont l'inobservation entraîne la perte d'un droit matériel ou procédural et qui ne peuvent être modifiés, interrompus ou prolongés par les autorités administratives et judiciaires. À l'opposé, les délais fixés par un acte de rang normatif inférieur, comme une ordonnance, sont en principe de simples délais d'ordre, dont le dépassement n'entraîne pas de conséquences juridiques directes (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral A-1438/2014 précité consid. 2.3.1 et A-1878/2014 précité consid. 3.6.1 et 3.6.2; cf. également ATF 108 Ia 165 consid. 2b). Si pour des motifs liés à la sécurité du droit et compte tenu des conséquences de leur inobservation, les délais de péremption doivent en principe figurer dans une loi au sens formel (cf. Moser/Beusch/Kneubühler, op. cit., n. marg. 2.136 ss ; Häfelin/Müller/Uhlmann, op. cit., ch. 795 ss ; Bernard Maitre/Vanessa Thalmann/Fabia Bochsler, in : VwVG, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, in : Waldmann/Weissenberger [édit.], 2009, [ci-après cité : Praxiskommentar VwVG], n° 4 ad art. 22; Attilio R. Gadola, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, in : Pratique judiciaire actuelle [PJA] 1995 p. 56), il n'est toutefois pas exclu que de tels délais soient fixés par voie d'ordonnance (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral A-1405/2014 précité consid. 2.4.2, A-6777/2013 précité consid. 2.4.2 et A-1878/2014 précité consid. 3.6.1) ».

Selon Jean MÉTRAL (Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, Bâle 2018, n° 10 ad art. 60 LPGA), en ce qui concerne les délais d’ordre « leur non-respect n’entraîne pas la perte du droit d’accomplir encore l’acte omis, mais il peut entraîner des frais, s’il dénote une attitude empreinte de légèreté (art. 61 let. a). En pratique, des frais entrent essentiellement en considération en cas de manquements répétés ou d’attitude dilatoire. Selon les circonstances, le tribunal pourra interpréter l’omission comme une renonciation de la partie concernée à accomplir l’acte en question. Le juge n’est pas tenu d’impartir d’office un nouveau délai. Il ne le fera généralement que s’il estime nécessaire, compte tenu de son devoir d’instruire la cause d’office ».

Il découle de ce qui précède qu’on ne saurait assimiler les conséquences de l’inobservation d’un délai d’ordre avec celles résultant de l’inobservation d’un délai de péremption.

C’est pourtant ce qu’a fait le SPC dans le cas d’espèce, considérant que la violation de ce qu’il considère, pourtant, comme un délai d’ordre, pouvait avoir les mêmes conséquences que la violation d’un délai de péremption, déclarant ainsi la demande de remise « irrecevable ».

S’il est vrai que le délai de quatre mois pour demander la remise conduit, d’une part, à s’interroger sur les motifs de ce retard et d’autre part, à questionner la diligence de l’avocate assistant la recourante, cela ne permet pas pour autant de nier le droit de présenter une demande de remise, ce qui entraînerait des conséquences juridiques directes, soit la perte du droit à ladite remise.

Partant, la chambre de céans n’a d’autre choix que d’annuler la décision d’irrecevabilité rendue par le SPC.

6.3 S’agissant des deux conditions cumulatives posées par l’art 25 al. LPGA, soit la bonne foi et la situation financière difficile, la recourante a développé son argumentation mais l’intimé ne s’est pas prononcé sur le fond, considérant que la demande de remise était, de toute façon, irrecevable.

Ce n’est que dans l’avant-dernier paragraphe de sa réponse du 22 mars 2024 que l’intimé évoque rapidement l’inapplicabilité des conditions de revenus en se référant au ch. 4653.04 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), étant précisé que le SPC n’a, toutefois, pas examiné toutes les conditions fixées dans le ch. 4653.04 qui permettent d’écarter l’argument de la condition financière difficile.

Selon une jurisprudence bien établie de la chambre de céans, le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés doit en principe soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire, soit renvoyer la cause à l’autorité sociale intimée pour qu’elle procède à une instruction complémentaire (ATAS/1109/2021 du 4 novembre 2021 consid. 11b ; ATAS/707/2021 du 30 juin 2021 consid. 9b ; ATAS/662/2021 du 23 juin 2021 consid. 9 ; ATAS/404/2021 du 29 avril 2021 consid. 9b ; ATAS/810/2020 du 28 septembre 2020 consid. 8 ; ATAS/283/2020 du 14 avril 2020 consid. 8d ; ATAS/1102/2019 du 27 novembre 2019 consid. 8). Vu la maxime inquisitoire de l’art. 61 let. c LPGA, la chambre de céans tente, dans la mesure du raisonnable, de procéder directement aux éclaircissements nécessaires dans un but de célérité et d’économie procédurale (en ce sens pour la mise en œuvre d’expertises : ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4) ; cependant, un renvoi à l’administration apparaît en général approprié si celle-ci s’est soustraite à son devoir d’instruire, respectivement si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait en cas de recours (ATAS/707/2021 du 30 juin 2021 consid. 9b ; ATAS/662/2021 du 23 juin 2021 consid. 9 ; ATAS/404/2021 du 29 avril 2021 consid. 9b ; ATAS/833/2020 du 6 octobre 2020 consid. 10 ; ATAS/463/2020 du 4 juin 2020 consid. 10 ; ATAS/56/2020 du 30 janvier 2020 consid. 13b ; ATAS/960/2019 du 22 octobre 2019 consid. 9c ; ATAS/497/2019 du 4 juin 2019 consid. 7c ; ATAS/83/2019 du 1er février 2019 consid. 8c). Il ne revient en effet pas à la chambre de céans de procéder à une instruction détaillée en lieu et place du personnel spécialisé des autorités sociales compétentes (en ce sens : ATF 146 V 240 consid. 8.3.2), d’autant que cela aurait pour conséquence de priver les assurés concernés d’un degré de juridiction (comparer pour le Tribunal fédéral : ATF 147 I 89 consid. 1.2.5) et d’affaiblir le devoir constitutionnel de motivation sérieuse de l’autorité (en ce sens : ATF 146 V 240 consid. 8.3.2).

En l’état, le SPC n’ayant pas examiné la condition de la bonne foi et n’ayant pas développé son argumentation concernant la situation financière difficile, il se justifie de lui renvoyer la présente cause pour complément d’instruction et nouvelle décision sur la demande de remise.

7.             Compte tenu de ce qui précède, le recours est partiellement admis.

8.             La recourante, étant assistée d’une avocate et obtenant partiellement gain de cause, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1’000.- (art. 61 let. g LPGA).

9.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 23 janvier 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimé, pour complément d’instruction et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 1'000.-, pour participation à ses frais et dépens, à la charge de l’intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le