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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1753/2018

ATAS/463/2020 du 04.06.2020 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1753/2018 ATAS/463/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 juin 2020

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Genève, représenté par l'Association pour la permanence de défense des patients et des assurés - APAS

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en 1969, marié et père de trois enfants, a travaillé depuis 2001 en qualité de maçon. Suite au dépôt, en 2003, d'une première demande de prestations d'invalidité, motivée par une allergie à la poussière, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) l'a mis au bénéfice d'un reclassement professionnel en qualité de chauffeur, à l'issue duquel l'assuré a été engagé par une entreprise de transport.

2.        Par décision du 12 décembre 2007, l'OAI a considéré qu'il avait recouvré, depuis 2002, une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Sa perte de gain (33%) était insuffisante pour ouvrir droit à une rente.

3.        Le 4 décembre 2009, l'assuré a été victime d'un accident en exerçant comme maçon, activité qu'il avait reprise dans l'intervalle : après avoir sauté d'une échelle ayant basculé sous son poids, il s'était réceptionné pieds joints sur le sol, ce qui avait eu pour conséquences un craquement, ainsi qu'une violente torsion du genou gauche.

4.        L'assuré a été mis en arrêt de travail par le docteur B______, médecin généraliste.

5.        Le 17 février 2010, il a été opéré du genou gauche (méniscectomie partielle) par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

6.        Dans un rapport adressé à l'assurance-accidents le 30 avril 2010, le Dr C______ a retenu le diagnostic de déchirure en battant de cloche du ménisque interne gauche. L'évolution était favorable, suite à la méniscectomie partielle. La capacité de travail était de 100% depuis le 6 mars 2010.

7.        Le 14 mai 2010, l'assuré a déposé auprès de l'OAI une nouvelle demande de prestations.

8.        À l'occasion d'un entretien téléphonique avec l'OAI, le 21 décembre 2010, l'assuré a allégué avoir été victime d'un nouvel accident en date du 16 août 2010, décrit comme suit à l'assureur-accidents : il avait reçu la tête d'un panneau de coffrage sur le crâne, au niveau des cervicales. Le poids de la structure (plus de 50 kg) l'avait « aplati » contre le sol et lui avait fait perdre connaissance pendant plusieurs minutes.

9.        Dans un rapport adressé à l'OAI le 30 décembre 2010, le Dr B______ a conclu à une pleine capacité de travail dès le 13 avril 2010, précisant par ailleurs que l'état de santé de son patient s'était amélioré en septembre 2010.

10.    Dans un rapport adressé à l'OAI le 17 septembre 2011, le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie-psychothérapie, a retenu le diagnostic de trouble de l'adaptation avec réaction anxieuse et dépressive (F43.22). Suite à son accident professionnel, l'assuré avait développé un trouble de l'adaptation dans un contexte familial difficile, avec un trouble de la personnalité borderline (trois enfants de trois femmes différentes, divorce d'avec sa quatrième femme et lien amoureux avec une autre). Une rente paraissait « contre-indiquée » au médecin, qui estimait que l'on pouvait s'attendre à une reprise de l'activité professionnelle à 100% dans un délai de deux mois au maximum.

11.    À la demande de l'assurance perte de gain, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a expertisé l'assuré une première fois le 6 janvier 2012. Il est parvenu à la conclusion qu'en mars 2011, l'assuré avait souffert d'un trouble de l'adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive, qui s'était résolu en décembre 2011. L'assuré avait été totalement incapable de travailler du 25 mars au 31 décembre 2011, mais avait recouvré une pleine capacité de travail le 1er janvier 2012.

12.    Dans un rapport adressé à l'OAI le 4 mai 2012, le Dr D______ a confirmé une nette amélioration depuis le début de l'année 2012 et une pleine capacité de travail.

13.    Dans un rapport adressé à l'assurance perte de gain le 1er octobre 2013, le Dr D______ a fait état d'un épisode dépressif récurrent sévère (F33.2) et de traits de personnalité paranoïaque (Z73.1). L'assuré ne pouvait désormais plus travailler, ni comme maçon, ni dans une autre profession. Il présentait des limitations psychiques, mais une lente amélioration de la symptomatologie était observée, avec une diminution des idées suicidaires. Une reprise d'activité était espérée dans les deux à trois mois. Il existait cependant un risque de rechute.

14.    Le 18 décembre 2013, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d'invalidité, en invoquant cette fois-ci une dépression.

15.    Dans un rapport du 18 février 2014, le Dr D______ a fait état d'un épisode dépressif moyen, à la limite supérieure, en rémission partielle. La capacité de travail était nulle dans toute activité. Cependant, l'état de santé était en lente amélioration depuis janvier 2014. Au plan médico-théorique, une reprise d'activité professionnelle était espérée dans les 3 à 6 mois.

16.    Le Dr E______ a procédé à une nouvelle expertise le 7 mai 2014.

L'assuré relatait avoir traversé un premier épisode de dépression en 2006, au moment du décès de sa mère. Un second épisode était survenu en 2011, dans le contexte de la toxicomanie de son fils et d'un accident de travail. Ce deuxième épisode avait été soigné à l'aide d'une médication et avait conduit le Dr D______ à attester une incapacité de travail totale. En janvier 2012, guéri, il avait pu reprendre une activité professionnelle.

L'épisode actuel avait débuté au moment du décès de son père, le 9 juillet 2013, ensuite de quoi le Dr D______ avait modifié le traitement. L'assuré disait aller bien depuis un mois et n'était plus sous médication depuis trois semaines ; il avait retrouvé confiance en lui, s'était inscrit au chômage et se sentait apte à travailler.

L'expert est parvenu à la conclusion que le trouble dépressif récurrent, singulièrement l'épisode ayant débuté en juillet 2013, était en cours de résolution. Les éléments résiduels étaient non incapacitants. La capacité de travail était de 100%, ce que tendaient à confirmer l'arrêt du traitement psychotrope et le fait que l'assuré s'était inscrit au chômage.

17.    Le 12 décembre 2014, la doctoresse F______, du Service médical régional de l'AI (SMR), a émis l'avis que l'assuré avait été totalement incapable de travailler du 2 septembre 2013 (NDR : date à compter de laquelle l'assurance perte de gain avait versé des indemnités journalières) au 30 avril 2014, conformément à l'expertise psychiatrique. Elle a préconisé de requérir le dossier de chômage et d'obtenir un rapport sur le plan somatique.

18.    Interrogé par l'OAI, l'Office cantonal de l'emploi a indiqué le 6 janvier 2015 que les délais-cadres suivants avaient été ouverts en faveur de l'assuré :

-          du 10 septembre 2007 au 9 septembre 2009 : droit aux indemnités ;

-          du 20 décembre 2010 au 19 décembre 2012 : pas de droit aux indemnités ;

-          du 1er février 2012 au 31 janvier 2014 : droit aux indemnités ;

-          du 5 mai 2014 au 4 mai 2016 : pas de droit aux indemnités.

19.    Dans un rapport du 23 février 2015, le Dr D______ a indiqué que l'assuré présentait des névralgies cervico-brachiales - hernie C5-C6 et C6-C7 - mais pouvait tout de même exercer à 100% toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (c'est-à-dire permettant d'éviter le port de charges de plus de 2.5 - 3 kg, les stations assise/debout au-delà d'une heure et la marche sur plus de 300 - 500 m.).

20.    Le 2 avril 2015, le docteur G______, radiologue, a transmis à l'OAI un bilan d'imagerie par résonance magnétique (IRM) de la colonne cervicale du 18 décembre 2013, concluant à une cervicarthrose étagée de C4-C5 à C6-C7, à des modifications disco-ostéophytaires dans la région paramédiane droite et à une image compatible avec une hernie discale.

21.    Dans un bref rapport adressé le 23 février 2015 à l'assurance perte de gain, le docteur H______, du Centre médical Grand-Lancy, a conclu à une pleine capacité de travail dans une activité compatible avec les limitations fonctionnelles.

22.    Le 15 juillet 2015, la doctoresse I______, médecin auprès du SMR, s'est ralliée au rapport du Dr H______ et a retenu que l'assuré disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée depuis février 2015. Antérieurement, il ressortait des expertises du Dr E______ que l'assuré avait connu des périodes d'incapacité de travail, du 25 mars au 15 novembre 2011, puis du 12 septembre 2013 au 30 avril 2014.

23.    En mai 2016, l'OAI a accordé à l'assuré un reclassement professionnel comme responsable d'immeuble, formation dispensée par le Centre d'études et de Formation Intégrée du Léman (ci-après : CEFIL). Le reclassement a par la suite été prolongé jusqu'au 27 avril 2017.

24.    En mars-avril 2017, l'assuré a transmis à l'OAI :

-          un rapport du 27 octobre 2016 adressé par le Dr B______à l'assurance-accidents, faisant état d'un étirement post traumatique du plexus brachial droit, précisant qu'en soulevant un objet lourd, le 13 octobre 2016, son patient avait entendu un « crac » et ressenti de violentes douleurs cervicales, irradiant dans le bras droit ; la capacité de travail était jugée nulle depuis le 13 octobre 2016 ;

-          un certificat d'arrêt de travail délivré par le docteur J______, chirurgien, valable du 27 février au 10 mars 2017 ;

-          deux certificats d'arrêt de travail pour cause de maladie, signés par le Dr B______ les 6 et 18 avril 2017 ;

-          une ordonnance établie par le Dr B______ le 18 avril 2017, prescrivant à l'assuré un somnifère et un anxiolytique.

25.    Le 21 avril 2017, une collaboratrice de l'OAI a répondu à l'assuré qu'une instruction serait entreprise pour l'accident survenu sur le lieu de stage, le 6 octobre 2016, mais qu'à cet égard, l'« arrêt maladie » signé par le Dr B______ était insuffisant. En présence d'une nouvelle atteinte, l'assuré devait s'adresser à ses médecins pour que ceux-ci décrivent une éventuelle péjoration de son état de santé.

26.    En août et septembre 2017, l'OAI a reçu de l'assuré :

-          un premier certificat rédigé le 2 mai 2017 par le Dr B______ dans les termes suivants : « [...] [l'] arrêt de travail du 6 avril jusqu'au 1er mai 2017 est secondaire à un état anxieux associé à une insomnie, entraînant une asthénie sévère. [L'assuré] présente également des douleurs au niveau des épaules des deux côtés, extrêmement invalidant[es], raison pour laquelle un traitement d'anti-inflammatoires a été introduit. Vu la mauvaise évolution, je vais l'adresser à un spécialiste en orthopédie » ;

-          un second certificat établi par le même médecin le 27 juillet 2017 : « J'écris ce courrier à la demande de mon patient après avoir été dûment délié du secret médical. Il présente de sévères douleur[s] cervicale[s] et lombaire[s], nécessitant de multiples investigations et un suivi par plusieurs spécialistes[s]. Un orthopédiste, un neurologue, un radiologue interventionnel qui a pratiqué à plusieurs reprises des infiltrations, sans succès. Au vu de la sévérité des symptômes, [l'assuré] va consulter bientôt un neurochirurgien, le Dr K______ Frédéric, et aussi un médecin de réadaptation physique, le Dr L______ ».

27.    Le 11 décembre 2017, la doctoresse M______, médecin auprès du SMR, a rappelé que l'assuré, après avoir bénéficié d'un reclassement comme chauffeur, avait déposé une deuxième demande de prestations en 2010, en raison d'une entorse grave du genou gauche, de douleurs cervicales (hernie discale C5-C6 et C6-C7) et d'un épisode dépressif moyen à sévère, lequel avait connu une rémission complète en mai 2014. Le Dr D______ avait par ailleurs diagnostiqué un trouble somatoforme et un trouble de la personnalité de type borderline, sans effet sur la capacité de travail. Les troubles dégénératifs du rachis cervical avaient justifié une nouvelle incapacité de travail durable dans l'activité de chauffeur-livreur, mais l'assuré avait retrouvé, dès février 2015, une pleine capacité de travail dans toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. L'assuré avait alors été une nouvelle fois réadapté en tant que responsable d'immeuble. Il avait réussi cette formation et exercé cette activité au sein du Foyer N______, à la satisfaction de l'employeur. À la suite d'une chute avec étirement du plexus brachial droit, il avait à nouveau été en incapacité de travail du 13 octobre 2016 au 16 avril 2017, selon les rapports du Dr B______. L'incapacité s'était poursuivie jusqu'au 1er mai 2017, en raison d'un état anxieux, d'une insomnie et d'une asthénie. Depuis le 2 mai 2017, l'assuré avait recouvré une pleine capacité de travail comme responsable d'immeuble (cf. certificat du Dr B______ du 2 mai 2017).

28.    En février 2018, l'OAI a constaté qu'à l'issue de son reclassement comme responsable d'immeuble, l'assuré avait réussi les examens. La directrice du Foyer N______ aurait été disposée à l'engager, mais en raison de l'accident, c'était un autre candidat qui l'avait été. Il n'avait pas été utile de refaire un stage, vu les bons résultats de l'assuré et le fait que, selon le SMR, l'intéressé avait recouvré une pleine capacité de travail le 2 mai 2017. L'Office mettait donc fin au mandat de réadaptation.

29.    Par décision du 23 avril 2018, l'OAI a nié à l'assuré le droit à une rente d'invalidité.

Dans le cadre de sa formation de responsable d'immeuble, il avait obtenu un diplôme et bénéficié d'indemnités journalières du 2 décembre 2015 au 27 avril 2017. Sa capacité de travail avait été nulle du 13 octobre 2016 au 1er mai 2017, puis entière, dès le 2 mai 2017, dans la profession de responsable d'immeuble.

À l'issue des mesures de réadaptation, la perte de gain n'était plus que de 29%, taux insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

30.    Par acte du 23 mai 2018 - complété le 27 août 2018 - l'assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant, sous suite de dépens, préalablement à la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire en rhumatologie, neurologie et psychiatrie, principalement à l'annulation de la décision et à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité.

Le recourant reproche à l'OAI une instruction insuffisante de son dossier dans la mesure où il a statué sur la seule base d'un avis du SMR fixant arbitrairement au 2 mai 2017 la date de sa rémission complète, sans aucune motivation, et sans avoir pris la peine de réinterroger ses médecins, quand bien même le seul document dont il disposait à l'époque attestait de la poursuite d'une totale incapacité de travail.

Le recourant conteste également le calcul du degré d'invalidité, arguant que le revenu d'invalide a été surévalué, dans la mesure où il ne peut exercer aucune profession relevant des lignes 79 (activités des agences de voyage, voyagistes, services de réservation et activités connexes), 80 (enquête et sécurité) et 82 (activités administratives et autres activités de soutien aux entreprises) de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) et que seules des activités légères dans le domaine du nettoyage sont envisageables. À son sens, il convient de se référer au salaire ressortant de la Convention collective de travail du secteur du nettoyage ou à la ligne 81 (services relatifs aux bâtiments et aménagement paysager) de l'ESS, niveau 1.

31.    Invité à se déterminer, l'intimé, dans sa réponse du 5 juin 2018, complétée le 18 septembre 2018, a conclu au rejet du recours.

L'intimé soutient qu'une instruction complémentaire est inutile, le recourant ne mettant en évidence aucun élément objectivement vérifiable qui aurait été ignoré et qui serait propre à remettre en cause les conclusions du SMR.

S'agissant du calcul du taux d'invalidité, plus particulièrement l'évaluation du revenu d'invalide, l'OAI explique s'être référé au salaire statistique d'un homme exerçant une profession relevant de la ligne 79-82, avec un niveau de compétence 2. L'intimé ne voit pas pourquoi la ligne 81 (services relatifs aux bâtiments et aménagement paysager) n'entrerait pas en ligne de compte, vu la capacité de travail du recourant et sa formation. Contrairement à ce que ce dernier prétend, il n'y a pas lieu de se référer à la Convention collective de travail du secteur du nettoyage, car les salaires prévus par les conventions collectives sont sensiblement inférieurs aux salaires moyens usuels. Enfin, il n'y a pas de raison de s'écarter du niveau de compétence 2, qui concerne des domaines dans lesquels le recourant pourrait mettre en valeur les connaissances qu'il a acquises.

32.    Interrogé par la Cour de céans, le Dr D______ a répondu le 5 février 2019.

Il a expliqué que l'assuré bénéficie, depuis 2011, d'un suivi psychiatrique et psychothérapeutique, dont le rythme a été variable, au gré des fluctuations de son état de santé. Deuxième d'une fratrie de neuf et sans formation spécifique, l'assuré, originaire du Cap Vert, a travaillé depuis 1987 comme maçon-coffreur, emploi physiquement lourd, tant dans son pays d'origine qu'en Suisse. Père de quatre enfants de trois femmes différentes, il a toujours témoigné d'une instabilité au niveau affectif. Subjectivement, il existe une tristesse, une fatigue, une anhédonie, des insomnies d'endormissement avec réveils précoces, des idées noires, souvent sans désir de passage à l'acte, une diminution de l'appétit et un isolement social partiel. Selon les examens cliniques, les troubles dépressifs récurrents sont réactionnels à des douleurs post accidents et à des crises familiales « fluctuantes ». Chaque nouvel accident s'est ajouté à un status algique lié à un ancien accident, ce qui a certainement déstabilisé l'assuré, lequel reste fragile sous l'angle psychiatrique et présente un haut risque de rechute, compte tenu du caractère récurrent des épisodes dépressifs et de ses douleurs résiduelles.

L'assuré a souffert, dans un premier temps, de troubles de l'adaptation (F43.22), ayant évolué vers des troubles dépressifs récurrents sévères, sans symptôme psychotique (F33.2). Ensuite, il a présenté des troubles dépressifs récurrents avec syndrome somatique (F33.11), puis des troubles dépressifs récurrents légers (F33.0) et enfin, depuis le 10 septembre 2018, des troubles dépressifs en rémission. Le médecin retient en outre, un diagnostic de traits de la personnalité émotionnellement labile (Z 73.1), sans effet sur la capacité de travail.

L'évolution a donc été initialement défavorable - les troubles de l'adaptation ayant progressé vers un épisode dépressif sévère - et, par la suite favorable, dans le sens d'un épisode dépressif moyen, puis léger, en rémission depuis le 10 septembre 2018. Les limitations psychiques ont disparu progressivement, puis totalement le 10 septembre 2018.

Au moment des épisodes dépressifs sévères, les capacités de concentration, les capacités cognitives, les facultés d'adaptation et la résistance au stress étaient nulles. Depuis le 10 septembre 2018, l'assuré peut exercer toute profession adaptée à son état de santé somatique, de même que toute mesure de réadaptation. Sa « capacité de s'adapter à l'environnement » professionnel est de « 100% depuis le 10 septembre 2018, mais pas durant les épisodes dépressifs sévères ».

33.    Le 19 février 2019, l'intimé, considérant que le Dr D______ n'avait pas précisé les périodes d'incapacité de travail liées à ses diagnostics, a persisté dans ses conclusions.

34.    Le 12 avril 2019, le recourant a retenu du rapport du Dr D______ une totale incapacité de travail jusqu'en septembre 2018, en raison d'un état dépressif de gravité sévère à moyenne ayant évalué favorablement pendant de brèves périodes. Il a proposé de réinterroger ce médecin afin que celui-ci fournisse un calendrier aussi détaillé que possible de la gravité des épisodes dépressifs.

35.    Invité par la Cour de céans à détailler l'évolution des épisodes dépressifs, le Dr D______ a répondu, le 6 mai 2019, qu'au vu de son dossier, la capacité de travail avait été nulle du 15 octobre 2011 au 29 janvier 2012, en raison d'un trouble de l'adaptation, puis d'un épisode dépressif sévère, avec une « reprise au chômage » le 30 janvier 2012. Une rechute dépressive s'était produite suite au décès du père de l'assuré, le 9 juillet 2013, avec des périodes de rechute et d'amélioration en 2014 entremêlés et une reprise à 100% le 1er septembre 2015. Par la suite, l'assuré a subi des rechutes dépressives moins sévères et plus fluctuantes, que le médecin s'est dit toutefois incapable de préciser, dans la mesure où il a été lui-même opéré d'un cancer.

36.    Le 27 mai 2019, l'intimé a persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

Il relève que les périodes d'incapacité de travail attestées par le Dr D______ ne correspondent pas à ses rapports antérieurs, dans lesquels il n'a pas attesté de période d'incapacité de travail durable. Il n'a pas non plus attesté d'incapacité de travail postérieurement au 30 avril 2014, pas plus qu'il n'a précisé le début de son nouveau suivi.

37.    Le 11 mars 2020, la Cour a interrogé le Dr B______ et lui a notamment demandé de clarifier son attestation du 2 mai 2017.

38.    Le Dr B______ s'est exécuté le 30 avril 2020, en précisant tout d'abord n'avoir pas revu l'assuré depuis deux ans, l'intéressé étant désormais suivi aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) par la consultation de la douleur, par un neurochirurgien et par un psychiatre.

Du 23 mars au 30 avril 2017, il a été mis en arrêt de travail, en raison de douleurs hémorroïdaires sévères, de cervicobrachialgies invalidantes et de troubles anxieux, entraînant des insomnies, une baisse de la concentration et une asthénie. Compte tenu d'un amendement de l'état anxieux, mais d'une persistance des douleurs cervicales, irradiant dans les épaules, le médecin a adressé le patient à un spécialiste en orthopédie, le docteur O______, puis, en juillet 2017, à un neurochirurgien ainsi qu'à un médecin physique, après plusieurs infiltrations de cortisone au niveau cervical.

Son patient lui a indiqué, le 2 mai 2017, qu'au vu de la fin de son stage de réinsertion professionnelle, il n'avait plus besoin d'arrêt de travail, mais, sur le plan médical, persistaient clairement des douleurs d'ordre rhumatologique.

L'assuré a été soigné au moyen d'antidouleurs, d'anti-inflammatoires, de Stilnox et de Xanax. Il a également subi plusieurs infiltrations et effectué de la physiothérapie au niveau cervical.

À la question de savoir s'il partageait le point de vue du SMR, selon lequel son patient avait recouvré une pleine capacité de travail comme responsable d'immeuble dès le 2 mai 2017, le médecin a répondu par la négative, relevant que l'assuré décrivait alors une persistance de symptômes rhumatologiques au niveau cervical, irradiant dans les épaules. De surcroît, le patient avait été ensuite vu par un orthopédiste, puis adressé à un neurologue, à un médecin physique et à un neurochirurgien, lesquels avaient tous confirmé des symptômes douloureux et invalidants. Ces symptômes avaient motivé des traitements lourds, tels que des infiltrations et, vu l'évolution, une intervention chirurgicale avait été réalisée en 2019.

Le Dr B______ a produit une série de pièces, dont il ressort notamment que l'assuré a effectivement été opéré aux HUG, le 14 mars 2019, d'une hernie discale C5-C6 et C6-C7, avec canal cervical étroit. Il a également annexé plusieurs rapports de consultation, en lien avec des contractions musculaires post-opératoires.

39.    Invité à se déterminer sur le rapport du Dr B______ et ses annexes, l'intimé, par écriture du 19 mai 2020, a conclu au renvoi du dossier pour instruction complémentaire et nouvelle décision, les nouvelles pièces versées au dossier rendant vraisemblable une aggravation de l'état de santé, à tout le moins depuis 2017, en lien avec un syndrome rachidien cervical et lombaire. Par ailleurs, l'assuré était suivi par un psychiatre depuis 2019. Le SMR préconisait de mettre en oeuvre une expertise en rhumatologie, neurochirurgie et psychiatrie, afin de préciser la capacité résiduelle de travail et son évolution dans le temps.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable.

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - [LPA-GE - E 5 10]).

4.        L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué. D'après cette définition, l'objet de la contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2).

En l'espèce, au vu de la décision attaquée et des conclusions du recours, le litige porte sur le droit de l'assuré à une rente d'invalidité, dans le cadre de la (nouvelle) demande déposée en 2010.

5.        L'assuré a droit à une rente lorsqu'il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année, il est invalide (art.8 LPGA) à 40 % au moins (cf. art. 28 al. 1 let. b et c LAI, en sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2008 - 5ème révision AI). En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins.

En vertu de l'art. 29 al. 1 LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2008, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1er LPGA, mais pas avant le mois qui suit le dix-huitième anniversaire de l'assuré. Le droit ne prend pas naissance tant que l'assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l'art. 22 LAI (al. 2). La rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance (al. 3).

En vertu du principe selon lequel la réadaptation a la priorité sur la rente, le droit à la rente ne prend pas naissance tant que l'assuré peut faire valoir son droit à des indemnités journalières au sens de l'art. 22 LAI. Par ailleurs, le droit à ces indemnités interrompt en principe le droit à la rente qui a pris naissance ou qui est en train de naître. Demeurent toutefois réservées les dispositions des art. 47 al. 1ter et 22 al. 5bis LAI, qui prévoient le maintien de la rente durant l'exécution des mesures de réadaptation, et l'art. 20ter al. 1 RAI, qui précise que, lorsque l'indemnité journalière, y compris la prestation pour enfant, est inférieure à la rente versée jusqu'ici, la rente continue d'être allouée au lieu de l'indemnité journalière (Michel VALTÉRIO, Commentaire de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, 2018, n°6 ad art. 29 LAI et les références citées).

6.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

7.        Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

S'agissant du caractère invalidant d'affections psychiques, il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). L'examen des indicateurs standards reste toutefois superflu lorsque l'incapacité de travail est niée sur la base de rapports probants établis par des médecins spécialistes et que d'éventuelles appréciations contraires n'ont pas de valeur probante, du fait qu'elles proviennent de médecins n'ayant pas une qualification spécialisée ou pour d'autres raisons (voir ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 125 V 351 consid. 3a).

8.        Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3 ; 122 V 157 consid. 1c).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Toutefois, dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

Par ailleurs, un rapport du SMR au sens de l'art. 59 al. 2 bis LAI (en corrélation avec l'art. 49 al. 1 RAI) a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.        Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (RAMA 2000 p. 381 consid. 2a). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu'il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à sa santé, en tenant compte de l'évolution des salaires (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1).

Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS ; ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb).

10.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Selon la jurisprudence (DTA 2001 p. 169), le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l'administration pour complément d'instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à l'administration, lorsqu'il a pour but d'établir l'état de fait, ne viole ni le principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni la maxime inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un renvoi constitue en soi un déni de justice (par exemple, lorsque, en raison des circonstances, seule une expertise judiciaire ou une autre mesure probatoire judiciaire serait propre à établir l'état de fait), ou si un renvoi apparaît disproportionné dans le cas particulier (RAMA 1993 n° U 170 p. 136). À l'inverse, le renvoi à l'administration apparaît en général justifié si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l'idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (voir RAMA 1986 n° K 665 p. 87).

11.    En l'espèce, dans la décision attaquée, datée du 23 avril 2018, l'intimé a refusé d'accorder à l'assuré une rente d'invalidité. Il a rappelé avoir financé une formation de responsable d'immeuble, sanctionnée par un diplôme. Selon le SMR, la capacité de travail a été nulle du 13 octobre 2016 au 1er mai 2017, puis entière, dès le 2 mai 2017, en tant que responsable d'immeuble. À l'issue des mesures de réadaptation accordées, la perte de gain n'était plus que de 29%.

De son côté, le recourant estime que l'OAI a insuffisamment instruit son dossier, en statuant sur la seule base d'un avis du SMR non motivé et fixant arbitrairement au 2 mai 2017 la date de sa rémission complète. Par ailleurs, il considère que son revenu d'invalide a été surévalué ; il estime ne pouvoir exercer aucune profession relevant des lignes 79, 80 et 82 de l'ESS.

12.    Il convient d'examiner quelles sont les répercussions des atteintes à la santé du recourant sur sa capacité de travail, en particulier depuis le 1er mai 2017, date à partir de laquelle la décision attaquée le juge pleinement capable d'exercer une activité adaptée à ses limitations.

a. Dans son « avis médical » du 11 décembre 2017, la Dresse M______, du SMR, a déduit d'une attestation rédigée par le Dr B______ le 2 mai 2017 que l'assuré avait recouvré, dès le 1er mai 2017, une capacité de travail entière dans toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Dans son attestation du 2 mai 2017, le Dr B______ a déclaré : « [l'] arrêt de travail du 6 avril jusqu'au 1er mai 2017 est secondaire à un état anxieux associé à une insomnie, entraînant une asthénie sévère. [L'assuré] présente également des douleurs au niveau des épaules des deux côtés, extrêmement invalidant[es], raison pour laquelle un traitement d'anti-inflammatoires a été introduit. Vu la mauvaise évolution, je vais l'adresser à un spécialiste en orthopédie ».

b. L'avis exprimé par le SMR le 11 décembre 2017 constitue un rapport au sens de l'art. 59 al. 2bis LAI. Comme cela ressort des considérants qui précèdent, un tel document a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder. Il doit être soumis à de strictes exigences en matière de preuve et une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (cf. supra consid. 8 et les références citées). 

c. En l'occurrence, dans la mesure où il a déduit de l'attestation rédigée en mai 2017 par le Dr B______ que l'assuré avait recouvré une pleine capacité de travail, le SMR a posé, dans son rapport de synthèse, une conclusion qui n'est pas étayée sous l'angle médical, dès lors qu'elle ne correspond pas, en réalité, au point de vue exprimé par ce médecin. En effet, dans son certificat, le Dr B______ n'a pas expressément attesté une pleine capacité de travail, notamment depuis le 2 mai 2017, mais il a, au contraire, décrit une persistance de divers symptômes. Invité par la CJCAS à préciser le sens de son attestation, le Dr B______ ne s'est pas rallié à l'interprétation que le SMR en avait faite, dans le sens d'une amélioration de la capacité de travail : ce médecin a expliqué que l'assuré n'avait plus eu besoin d'un arrêt de travail en raison de la fin du stage effectué à l'issue de son reclassement, raison pour laquelle il n'avait pas prolongé l'arrêt de travail, mais qu'il persistait alors clairement des douleurs au niveau cervical, irradiant dans les épaules. Son patient avait ensuite consulté le Dr O______, puis été adressé à un neurologue, à un neurochirurgien et à un médecin spécialisé dans la réadaptation physique, après avoir subi des infiltrations de cortisone au niveau cervical. Ces praticiens avaient tous confirmé l'existence de symptômes douloureux et invalidants, lesquels avaient finalement conduit à une intervention chirurgicale en 2019.

d. Sur la base des explications et des pièces fournies par le Dr B______, le SMR admet désormais qu'une aggravation de l'état de santé a été rendue vraisemblable, en lien avec un syndrome cervical et lombaire. L'assuré étant en outre suivi par un psychiatre depuis 2019, ce service préconise la mise en oeuvre d'une expertise en rhumatologie, neurochirurgie et psychiatrie, afin de clarifier la question de la capacité résiduelle de travail, en particulier dans une activité adaptée, et son évolution dans le temps. Se ralliant au point de vue du SMR, l'intimé conclut, dans ses dernières écritures, à ce que le dossier lui soit renvoyé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

e. Au regard de ce qui précède, force est d'admettre que le rapport de synthèse du 11 décembre 2017, sur lequel se fonde la décision de refus de rente, n'a pas de valeur probante. À défaut de rapport circonstancié permettant de se prononcer sur la capacité de travail de l'assuré, son évolution dans le temps et, le cas échéant, sur la date à partir de laquelle l'exercice d'une activité professionnelle (adaptée) pouvait être envisagé, l'intimé ne pouvait faire l'économie d'une mesure d'instruction complémentaire. Conformément à ce que propose l'office, la cause lui sera donc renvoyée afin qu'il mette en oeuvre une expertise pluridisciplinaire en rhumatologie, neurochirurgie et psychiatrie, puis rende une nouvelle décision.

f. En dernier lieu, on relèvera que, dans sa décision du 23 avril 2018, l'intimé a omis de statuer sur le droit éventuel à une rente d'invalidité pour la période antérieure au reclassement professionnel de l'assuré, pendant lequel l'intéressé a perçu des indemnités journalières (du 2 décembre 2015 au 27 avril 2017). Dans sa décision à venir, il appartiendra donc à l'intimé de se prononcer sur le droit éventuel à une rente depuis le dépôt de la seconde demande de prestations, en 2010.

g. Partant, le recours est partiellement admis et la décision du 23 avril 2018, annulée. La cause est renvoyée à l'OAI pour qu'il complète l'instruction dans le sens qui précède, puis rende une nouvelle décision.

13.    Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'800.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l'intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

La procédure de recours en matière de contestation portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'assurance-invalidité étant soumise à des frais de justice, un émolument de CHF 200.- est mis à charge de l'intimé (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement et annule la décision du 23 avril 2018.

3.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

4.        Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 2'800.- à titre de dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le