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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4060/2022

ATAS/785/2023 du 09.10.2023 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 14.11.2023, 8C_709/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4060/2022 ATAS/785/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

représentée par l’Association de défense des patients et assurés (APAS), mandataire

 

recourante

contre

 

GENERALI ASSURANCES SA

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______, née B______(ci-après l’assurée ou la recourante), en 1986, est titulaire d’un Bachelor of Business administration, spécialisation marketing, et d’un certificat de l'Université de Séville en marketing, finance et management. Elle a travaillé en tant que consultante pour une entreprise sise à Genève dès le 1er juillet 2014. À ce titre, elle était assurée contre les accidents auprès de la GENERALI ASSURANCES GÉNÉRALES SA (ci-après l’assurance ou l’intimée).

b. Le 27 mai 2017, l’assurée a subi un accident. Alors qu’elle circulait à vélo, elle a brusquement freiné pour éviter un véhicule. Elle a été projetée par-dessus le guidon et a atterri sur la chaussée. Elle a subi une fracture de la vertèbre dorsale D5 de type A4 non déficitaire.

c. L’assurée a subi une spondylodèse D3-4 et D6-7, pratiquée au service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) le 30 mai 2017.

d. Selon un rapport du 5 septembre 2017 du docteur C______, médecin au service de neurochirurgie des HUG, l’évolution était positive. Il avait prolongé l’arrêt de travail complet pour six semaines, avec reprise ensuite à 50%, sans voyages. Il autorisait l’assurée à pratiquer le vélo et la natation. Les autres activités sportives seraient à réévaluer lors de la prochaine consultation.

Dans son rapport du 5 décembre suivant, ce médecin a noté une amélioration progressive des douleurs, cependant exacerbées par les longs voyages dans le cadre du travail. Il a préconisé une réduction de la fréquence et de la durée des voyages. Il a attesté une capacité de travail de 50% le 4 décembre 2017.

e. Une expertise a été réalisée par le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, à la demande de l’assurance. Dans son rapport du 12 avril 2018, celui-ci a posé le diagnostic de spondylodèse D3-D7 pour fracture Burst de D5 et de consolidation avec cyphose locorégionale d’environ 25%. Il a conclu à une capacité de travail totale à la date de l’expertise, l’état n’étant toutefois pas stabilisé.

f. Par courrier du 31 mai 2018, l’assurance a communiqué à l’assurée qu’au vu des conclusions de l’expertise, elle ne verserait plus d’indemnités journalières au-delà du 30 avril 2018. Le traitement médical continuerait à être pris en charge.

g. L’assurée a subi une ablation du matériel d’ostéosynthèse le 8 octobre 2018 aux HUG. Elle a été en arrêt de travail complet dès cette date. Elle a repris le travail à 50%, sans voyages, le 14 janvier 2019.

h. L’assurance-invalidité a alloué un reclassement à l’assurée sous forme de formation de conseillère en environnement de septembre 2019 au 31 décembre 2020, période durant laquelle elle a versé des indemnités journalières.

i. L’assurée a accouché d’une petite fille le 22 novembre 2020.

j. L’assurance a confié une expertise au professeur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, ce dont elle a informé l’assurée en lui indiquant qu’elle pouvait poser des questions supplémentaires et invoquer d’éventuels motifs de récusation à l’encontre de cet expert par courrier du 19 mai 2021.

Le Pr E______ a établi son rapport le 16 juillet 2021. Il a posé les diagnostics de fracture de type Burst au niveau D5 de type A3, d’ablation du matériel d’ostéosynthèse, de douleurs résiduelles avec douleurs nucales et de douleurs du thorax ainsi que de l’épaule droite. Seules la fracture et la cyphose résiduelle étaient de façon certaine les conséquences de l’accident du 27 mai 2021. Lors des bilans initiaux, il n’y avait pas de lésions de l’épaule, de l’hémithorax, de la colonne cervicale et du crâne. Les douleurs thoraciques et de l’épaule droite dont se plaignait l’assurée n’étaient pas objectivables par le statut et l’imagerie. Celle-ci était très affectée par ses limitations fonctionnelles et ses douleurs, surtout du fait qu’elle était habituée à des efforts sportifs considérables avant son accident. L’activité de bureau exercée auparavant, qui représentait 40% de son temps de travail, pourrait encore être réalisée. En revanche, les tâches de représentation à l’étranger avec des voyages fréquents et des ports de charges pour le transport des échantillons, représentant 60% de son temps de travail, n’étaient plus possibles. Dans cette activité, l’incapacité de travail était ainsi de 60%. La situation actuelle était compatible avec un vrai entrainement sportif et la reprise progressive d’une activité professionnelle, sans port de charges et sans positions fixes prolongées, comme lors de longs voyages en avion. La formation complémentaire prise en charge par l’assurance-invalidité et les compétences de l’assurée devraient lui permettre de trouver une activité professionnelle. La reprise devrait être accompagnée d’un traitement de type physiothérapie active ou ergonomie du travail. Le pronostic pour la reprise du travail était de quatre mois, et l’accompagnement devait durer ensuite environ huit mois. L’état médical n’était pas stabilisé mais le serait au plus tard cinq ans après l’accident. Les limitations fonctionnelles étaient la longue station assise et le port de charges de plus de 10 kg. Une activité adaptée, sans déplacements de plus de deux heures et sans port de charges, pouvait être progressivement reprise jusqu’à un taux de 100%. L’expert a chiffré l’atteinte à l’intégrité à 20%, compte tenu de la cyphose et des douleurs résiduelles.

Le 28 septembre 2021, le Pr E______ a répondu aux questions complémentaires de l’assurée, précisant que la capacité de travail actuelle dans un poste adapté était de 50%, avec augmentation progressive à 100% durant une période de trois mois. La physiothérapie devrait se poursuivre quelques mois après la reprise du travail à temps complet, au maximum jusqu'à cinq ans après le traumatisme, date à laquelle l’état serait stabilisé. Les chances de réadaptation étaient bonnes avec la réadaptation.

k. L’assurance-chômage en France (Pôle Emploi) a octroyé à l’assurée une allocation d’aide de retour à l’emploi par courrier du 26 avril 2021.

l. Par décision du 14 juillet 2021, l’assurance-invalidité a nié le droit de l’assurée à une rente, compte tenu d’une perte de gain de 13.8%.

m. Par décision du 8 mars 2022, l’assurance a mis fin au versement des indemnités journalières au 14 août 2021 et à la prise en charge du traitement médical au 31 mai 2022. Elle a nié le droit à une rente d'invalidité et alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 20%, en tenant uniquement compte des séquelles accidentelles
retenues par le Pr E______ et des conclusions de cet expert. Elle a détaillé le calcul des indemnités journalières qui seraient versées en complément aux diverses allocations pour maternité et de l’assurance-chômage. Compte tenu des compétences de l’assurée, qui conservait une pleine capacité de travail dans toute activité correspondant à sa formation, l'existence d'une incapacité de gain pouvait être niée d'emblée, sans comparaison des revenus.

n. L’assurée s’est opposée à la décision de l’assurance le 25 avril 2022. Elle a soutenu que ses douleurs thoraciques et à l’épaule droite étaient bien en lien avec l’accident, dès lors qu’elles n’étaient pas présentes avant et n’étaient pas expliquées par un trouble dégénératif. L’accompagnement physiothérapeutique se justifiait au-delà du 31 mai 2022. Il visait à prévenir des blocages du dos, survenant en cas d’interruption du traitement, ce qui provoquerait une rechute. La conception générale selon laquelle la stabilisation pouvait être attendue dans les cinq ans devait être confrontée aux besoins concrets dans son cas. S’agissant de sa capacité de travail, elle a renvoyé l’assurance aux conclusions de l’assurance-invalidité, qui retenait un degré d’invalidité de 13.8%. Elle a conclu à l’octroi d’une rente de ce taux au minimum. Elle a pris acte du complément d’indemnités journalières qui lui serait versé et du versement de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité.

L’assurée a par la suite produit un rapport de sa physiothérapeute du 16 mai 2022.

o. Par décision du 25 octobre 2022, l’assurance a écarté l’opposition. En l’absence de substrat organique objectivable à l’origine des troubles à l’épaule et des douleurs thoraciques, seule la cyphose résiduelle consécutive à la fracture devait être retenue comme une atteinte en lien de causalité avec l’accident. S’agissant du traitement médical, les mesures conservatoires ne soulageant que momentanément la symptomatologie douloureuse, telles que la physiothérapie, ne pouvaient être prises en charge par l’assurance-accidents.

B. a. Par écriture du 28 novembre 2022, l’assurée, représentée par l’APAS, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre de céans. Elle a sollicité un délai pour compléter son recours. Elle a conclu à l’annulation de la décision sur opposition, à la prise en charge du traitement médical au-delà du 31 mai 2022, et à l’octroi d’une rente d’invalidité de 50 %, sous réserve d’amplification. Elle a requis son audition afin d’exposer son état de santé et son impact sur sa capacité de travail. Elle a en substance allégué qu’il existait un lien de causalité entre ses douleurs thoraciques et à l’épaule droite, puisqu’elles étaient apparues après l’accident. Son état de santé se dégradait et ses douleurs ne lui permettaient pas de travailler à temps complet. La physiothérapie se justifiait au-delà du 31 mai 2022. S’agissant de son degré d’invalidité, elle s’est derechef référée au taux de 13.8% fixé par l’assurance-invalidité.

Dans un complément de recours du 2 février 2023, la recourante a conclu, préalablement à son audition et à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire auprès d’un centre multidisciplinaire de la douleur, à l’annulation de la décision sur opposition, à la prise en charge du traitement médical au-delà du 31 mai 2022, et à l’octroi d’une rente de 33% minimum, sous réserve d’amplification selon les résultats de l’instruction. Elle a précisé qu’un neurochirurgien consulté le 18 janvier 2023 avait exclu un nouveau geste chirurgical. Elle a décrit le retentissement fonctionnel de ses douleurs thoraciques, à l’épaule et au dos. Elle estimait ne pas pouvoir dépasser un taux de travail de 50 %. L’instruction de l’intimée s’était limitée au plan orthopédique et apparaissait incomplète, notamment sous l’angle neurologique. Elle a décrit l’évolution de son revenu sans invalidité, qui serait de CHF 118'000.- sans accident en 2021. Le revenu avec invalidité devait être établi sur la base de l’Enquête suisse sur les salaires (ESS 2018, TA1, lignes 58-63 ou 69- 75, niveau de compétence 3), soit un revenu compris entre CHF 6'488.- et CHF 6'623.- par mois. Il en résultait une perte de gain de 33.4%, sans même tenir compte de l’abattement que l’assurance-invalidité avait fixé à 10%.

b. Dans sa réponse du 27 février 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a répété que pour la seule atteinte accidentelle, l’aptitude à l’activité professionnelle habituelle avait été retenue par l’expert. La recourante pouvait trouver un poste équivalent à celui qu’elle avait perdu. La dégradation de l’état de santé décrite par la recourante tenait compte de l’ensemble des troubles, dont le lien de causalité avec l’accident n’avait pas été démontré. L’intimée a requis la production du dossier de l’assurance-invalidité de l’assurée.

c. Le 28 avril 2023, la recourante a produit un certificat médical du 9 février 2023 du docteur F______, alléguant qu’il était impossible au vu de son contenu de considérer qu’une activité exercée huit heures par jour assise était possible sans diminution de rendement.

d. Dans sa duplique du 16 mai 2023, l’intimée a relevé que le Dr B______ était le père de la recourante et on ignorait sa spécialisation. De plus, ses constatations et les troubles que celui-ci avait décrits avaient été rapportés par le Pr E______. En présence d’un tableau clinique superposable à celui pris en compte par l’expert, la mise en œuvre d’une nouvelle expertise ne se justifiait pas, pas plus que la production de nouvelles pièces médicales par la recourante.

e. Par écriture du 11 septembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions, notamment sa demande d’audition et d’expertise judiciaire. Elle a exposé qu’elle avait consulté un neurologue en juillet 2023. Celui-ci confirmait le besoin de physiothérapie à raison de deux ou trois séances par semaine. Outre les douleurs neuropathiques, il mentionnait des céphalées migraineuses justifiant des essais de traitement. Au vu de ses douleurs, la reprise d’une activité à plein temps ne paraissait pas envisageable.

Elle a joint un rapport du 11 juillet 2023 du docteur G______, neurologue.

f. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimé le 12 septembre 2023.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable au présent recours, dès lors qu'il n'était pas pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

4.             Le litige, tel que circonscrit par les conclusions du recours, porte sur le droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents et sur la prise en charge du traitement médical au-delà du 31 mai 2022.

5.             L'assurance-accidents est en principe tenue d'allouer ses prestations en cas d'accident professionnel ou non professionnel en vertu de l'art. 6 al. 1 LAA. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l'assureur-accident s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1)

6.             Les prestations suivantes sont prévues en cas d'accident.

6.1 En vertu de l'art. 10 al. 1 LAA, l'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident.

6.2 Aux termes de l'art. 16 LAA, l'assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d'un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1). Le droit à l'indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l'accident. Il s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré décède (al. 2). En vertu de l'art. 17 al. 1 LAA, l'indemnité journalière correspond, en cas d'incapacité totale de travail (art. 6 LPGA), à 80 % du gain assuré. Si l'incapacité de travail n'est que partielle, l'indemnité journalière est réduite en conséquence.

6.3 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité (art. 18 al. 1 LAA). L'art. 8 LPGA précise qu'est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA). La notion d'invalidité selon l'art. 8 LPGA est en principe identique dans l'assurance-accidents, l'assurance militaire et l'assurance-invalidité (ATF 126 V 288 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 853/05 du 28 décembre 2006 consid. 4.1.1). Si le Tribunal fédéral a confirmé le caractère uniforme de la notion d'invalidité dans les différentes branches d’assurance, il a renoncé à la pratique consistant à accorder en principe plus d'importance à l'évaluation effectuée par l'un des assureurs sociaux, indépendamment des instruments dont il dispose pour instruire le cas et de l'usage qu'il en a fait dans un cas concret. Certes, il faut éviter que des assureurs procèdent à des évaluations divergentes dans un même cas. Mais même si un assureur ne peut en aucune manière se contenter de reprendre, sans plus ample examen, le taux d'invalidité fixé par un autre assureur, une évaluation entérinée par une décision entrée en force ne peut pas rester simplement ignorée. Toutefois, il convient de s'écarter d'une telle évaluation lorsqu'elle repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable ou encore lorsqu'elle résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré. À ces motifs de divergence, il faut ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité. Enfin, un assureur social ne saurait être contraint, par le biais des règles de coordination de l'évaluation de l'invalidité, de répondre de risques qu'il n'assure pas, notamment, pour un assureur-accidents, une invalidité d'origine maladive non professionnelle. Le principe d'uniformité de la notion d'invalidité n'a pas pour conséquence de libérer les assureurs sociaux de l'obligation de procéder dans chaque cas et de manière indépendante à l'évaluation de l'invalidité. En aucune manière un assureur ne peut se contenter de reprendre simplement et sans plus ample examen le taux d'invalidité fixé par l'autre assureur, car un effet obligatoire aussi étendu ne se justifierait pas (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 323/04 du 30 août 2005 consid. 4.1).

6.4 Conformément à l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accident est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se détermine notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Ainsi, ni la simple possibilité qu'un traitement médical donne des résultats positifs, ni l'avancée minime que l'on peut attendre d'une mesure thérapeutique ne confèrent à un assuré le droit de recevoir de tels soins (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 2). En matière de physiothérapie, le Tribunal fédéral a précisé que le bénéfice que peut amener la physiothérapie ne fait pas obstacle à la clôture du cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2018 du 11 juillet 2018 et les références).

7.              

7.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l’emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l’assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATF 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d).

7.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.4 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

8.             L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus, qu'il convient d'appliquer aux assurés exerçant une activité lucrative (ATF 128 V 29 consid. 1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).

8.1 En principe, il n'est pas admissible de déterminer le degré d'invalidité sur la base de la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de la personne assurée, car cela reviendrait à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2013 du 9 août 2013 consid. 4.2). Il n'est toutefois pas nécessaire de chiffrer précisément les revenus avec et sans invalidité lorsque le taux d'invalidité se confond avec le taux d'incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2017 du 12 mars 2018 consid. 5). Tel est notamment le cas lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur les mêmes données statistiques, par exemple lorsque l’assuré conserve une capacité de travail résiduelle dans son activité habituelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_842/2018 du 7 mars 2019 consid. 5.1). Cette méthode de comparaison en pourcent s’applique notamment lorsque le salaire dans le dernier emploi ne peut être pris en compte, car les rapports de travail se sont achevés pour des motifs étrangers à l’invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2021 du 3 novembre 2021 consid. 5.1, cf. pour des cas d’application arrêts du Tribunal fédéral 8C_628/2015 du 6 avril 2016 consid. 5.3.5, et a contrario 8C_536/2017 du 5 mars 2018 consid. 5.2 et 5.3, 9C_882/2010 du 25 janvier 2011 consid. 7.2.1).

8.2 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires. En effet, selon l’expérience générale, la dernière activité aurait été poursuivie sans atteinte à la santé. Les exceptions à ce principe doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s’écarte du dernier salaire réalisé et qu'on recoure aux données statistiques résultant des ESS éditées par l'Office fédéral de la statistique. Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3).

8.3 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il faut en l'absence d'un revenu effectivement réalisé se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b). Depuis la 10ème édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle. Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques ou manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs, les cadres de direction et les gérants, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement de données et les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 2.3 et les références).

8.4 Il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25 % permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b).

8.4.1 Savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs est une question de droit. L'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue en revanche une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 5.2). Il y a excès ou abus du pouvoir d’appréciation si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

8.4.2 Les tribunaux cantonaux des assurances au sens de l'art. 57 LPGA, qui constituent l'autorité de recours ordinaire dans la très grande majorité des cas relevant des assurances sociales, doivent disposer d'un pouvoir d'examen identique à celui du Tribunal administratif fédéral, et ce notamment au regard du principe constitutionnel de l'égalité de traitement de tous les assurés. Cela s'impose d'autant plus que le domaine des assurances sociales comprend de nombreuses situations – dont l’abattement sur le revenu d'invalide en matière d'assurance-invalidité constitue un exemple flagrant – dans lesquelles l'administration dispose d'une marge d'appréciation importante, dont l'application doit pouvoir être contrôlée par l'autorité de recours de première instance (ATF 137 V 71 consid. 5.2). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est ainsi pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (Angemessenheitskontrolle). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité a adoptée dans un cas concret dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. À cet égard, le juge des assurances sociales ne peut sans motif pertinent substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaitre sa propre appréciation comme la mieux appropriée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_690/2016 du 27 avril 2017 consid. 3.2 et 9C_855/2014 du 7 août 2015 consid. 4.2 et 4.3). Ainsi, lorsque la juridiction cantonale examine l'usage qu'a fait l'administration de son pouvoir d'appréciation pour fixer l'étendue de l'abattement sur le revenu d'invalide, elle doit porter son attention sur les différentes solutions qui s'offraient à elle et voir si un abattement plus ou moins élevé serait mieux approprié et s'imposerait pour un motif pertinent, sans toutefois substituer sa propre appréciation à celle de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_637/2014 du 6 mai 2015 consid. 4.2).

9.             En l’espèce, la chambre de céans retient ce qui suit en ce qui concerne la capacité de travail et de gain de la recourante et son droit au traitement médical.

9.1 L’expertise du Pr E______ est conforme aux exigences dégagées par la jurisprudence. Ce médecin a en effet rédigé son rapport après avoir pris connaissance du dossier médical complet de la recourante, incluant les examens d’imagerie. Il a interrogé celle-ci sur son anamnèse, a rapporté ses plaintes et a procédé à un examen clinique complet avant de poser ses diagnostics et d’établir ses conclusions, qui sont motivées.

9.2 S’agissant en particulier du lien de causalité entre l’accident et les atteintes de la recourante, l’expert a établi de manière convaincante lesquelles étaient imputables au traumatisme initial. En ce qui concerne les douleurs thoraciques et de l’épaule, il a noté l’absence de toute lésion de cet ordre lors des examens radiologiques pratiqués dans les suites de l’accident. Ces lésions n’étaient du reste pas non plus objectivables lors de son expertise. C’est ainsi à juste titre que l’expert n’en a pas tenu compte dans l’appréciation de la capacité de travail. L’argumentation de la recourante, selon laquelle ces troubles seraient nécessairement en lien avec l’accident puisqu’ils sont apparus après cet événement, ne peut être suivie. En effet, le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement post hoc, ergo propter hoc) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2018 du 7 novembre 2018 consid. 4 et les références).  

Il n’existe du reste pas de rapports médicaux au dossier qui permettraient de mettre en doute les conclusions de l’expert sur ce point. Les hypothèses envisagées par le docteur H______, médecin au service de chirurgie orthopédique des HUG, qui dans son rapport du 13 juin 2019 a diagnostiqué, outre des dorsalgies mécaniques, une probable désinsertion partielle du muscle trapèze en regard de la cicatrice, ainsi qu’une probable neuropathie irritative D5 ou D6 gauche, ont été écartées par l’IRM réalisée pour confirmer ce diagnostic. En effet, cet examen du 26 août 2019 n’a pas montré d’anomalies de signal inflammatoires osseuses ou musculaires, ni d’arguments pour une atteinte des articulations costo-vertébrales ou pour une désinsertion des muscles trapèzes. Une nouvelle IRM du 12 mai 2021 a en outre uniquement révélé une fracture tassement ancien de D5 stable avec un recul millimétrique du mur postérieur, sans signes de myélopathie, ainsi qu’un œdème osseux du pédicule et du processus articulaire supérieur D4 à droite d’origine mécanique en premier lieu, atteintes dont l’expert a dûment tenu compte. Le docteur I______, médecin au service de chirurgie orthopédique aux HUG, a certes diagnostiqué dans son rapport du 30 novembre 2020 une omalgie dorsale droite et trigger region des stabilisateurs de l’omoplate avec une probable composante neurogène radiculaire D5, sans toutefois se prononcer sur un lien de causalité avec l’accident ni établir au degré de la vraisemblance prépondérante une origine organique à cette atteinte. Quant au Dr G______, il affirme dans son rapport établi en juillet 2023 que la douleur en ceinture pourrait correspondre au niveau de la lésion et être une séquelle de la contusion médullaire, tout en admettant que cette lésion n’était pas visible. Or, une simple hypothèse non étayée par les examens radiologiques n’emporte pas la conviction. S’agissant des migraines qu’il rapporte également – dont l’origine n’est au demeurant pas non plus établie à satisfaction de droit –, on se bornera à rappeler que de telles atteintes n’ont jamais été signalées avant que l’intimée ne rende sa décision sur opposition, et que de jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 131 V 242 consid. 2.1). 

9.3 En ce qui concerne la capacité de travail complète dans une activité adaptée retenue par l’expert, on note en préambule qu’il n’y a pas d’incapacité de travail attestée par les médecins traitants de l’assurée au dossier depuis le 26 avril 2021 au moins.

Sur ce plan également, il n’existe pas de documents médicaux qui justifieraient que l’on s’écarte des conclusions du Pr E______. En particulier, le Dr I______ n’a pas fait état d’une incapacité de travail dans son rapport du 30 novembre 2020 à l’intimée, en précisant qu’une reconversion était en cours – ce qui semble suggérer qu’il n’excluait pas à cette date déjà une reprise. Ce médecin n’a de plus pas mentionné de diagnostics en lien de causalité avec l’accident que l’expert aurait ignorés, celui-ci ayant tenu compte des dorsalgies dans l’établissement des limitations fonctionnelles. Le Dr C______ avait quant à lui pronostiqué une capacité de travail totale dès le 13 août 2019 dans son certificat du 4 juillet précédent. Les limitations fonctionnelles retenues par ce neurochirurgien dans son rapport du 8 juin 2018, excluant le port de charges, les voyages prolongés et les mouvements en rotation, se recoupent en outre très largement avec celles tracées par l’expert. Quant au docteur J______, médecin à la consultation d’antalgie des HUG, qui a reçu la recourante le 26 septembre 2019, il a rapporté des douleurs dorsales irradiant vers les cervicales et la région lombaire, alors que les douleurs en hémi ceinture avait pratiquement disparu depuis le changement de physiothérapie. Il a précisé que les douleurs devenaient gênantes à la marche prolongée, après deux ou trois heures de voyage en voiture ou quand elle courait plus de 5 km. Ce médecin n’a ainsi pas non plus évoqué de diagnostics que l’expert aurait ignorés, et ne s’est du reste pas déterminé sur la capacité de travail et de gain de la recourante.

Le Dr B______ a quant à lui pour l’essentiel relaté les douleurs de la recourante, qui correspondent à celles que l’expert a déjà rapportées. Ce médecin a a également évoqué un syndrome neurogène périphérique lié à la compression des racines nerveuses de D4-D5 et D6-D7, une cyphose dorsale, une hyperlordose de la colonne et un début de scoliose résultant du déséquilibre engendré par la déformation de la vertèbre. En préambule, on note que ce médecin est le père de la recourante, ce qui implique nécessairement une certaine prudence dans l’appréciation de son rapport. Par ailleurs, il est désormais à la retraite et était auparavant spécialiste en gynécologie, de sorte qu’il s’exprime sur des atteintes qui ne relèvent pas de son domaine de spécialité. Enfin, les douleurs et la cyphose ont été prises en compte par l’expert. La compression des racines D4-D5 et D6-D7 qu’il mentionne, responsable selon lui d’un syndrome neurogène périphérique, n’est pas étayée par des observations radiologiques. Partant, les interrogations de ce médecin au sujet de la capacité de travail de la recourante ne suffisent pas à mettre en doute les conclusions du Pr E______. Quant au Dr G______, il se borne pour l’essentiel à décrire les douleurs signalées par la recourante. Or, l’expert a tenu compte des douleurs de la recourante en lien de causalité avec l’accident, comme on l’a vu.

Enfin, l’appréciation subjective de la recourante de sa propre capacité de travail, qu’elle estime à 50 % au plus, ne saurait se substituer aux conclusions d’une expertise réalisée dans les règles de l’art.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans se ralliera aux conclusions du Pr E______, selon lesquelles la recourante dispose d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée après une reprise progressive, soit trois mois après l’expertise. C’est ainsi à juste titre que l’intimée a mis un terme au versement des indemnités journalières dès le 14 août 2021.

9.4 La recourante conteste encore le refus de prendre en charge son traitement médical au-delà du 31 mai 2022.

Il est vrai que le Pr E______ avait fixé la date de stabilisation de l’état de santé de manière pronostique. Cela étant, cela ne suffit pas à nier le caractère probant de ses conclusions sur ce point. On relève d’ailleurs que la recourante ne suit aucun traitement spécialisé et qu’aucune option thérapeutique ne parait plus discutée. Le neurochirurgien qu’elle dit avoir consulté le 18 janvier 2023 n’aurait selon elle pas proposé de nouvelle intervention. Elle n’a plus vu les médecins des HUG après avril 2021, et les dernières prescriptions pour des séances de physiothérapie versées au dossier ont été établies en novembre 2021 et janvier 2022 par la doctoresse K______, pédiatre à la retraite, qui est la mère de la recourante. Le Dr G______ a certes également préconisé des séances de physiothérapie. Cela étant, conformément à la jurisprudence citée, la poursuite de la physiothérapie ne permet pas d’exclure une stabilisation de l’état de santé. Il n’est du reste pas inutile de souligner que selon le rapport du 22 mai 2022 de la physiothérapeute de la recourante, ce traitement vise essentiellement le maintien de la qualité de vie et la reprise d’activités sportives. Contrairement à ce qu’affirme la recourante, le fait que cette physiothérapeute n’ait pas mentionné d’indication professionnelle au traitement ne peut s’expliquer par l’absence d’activité lucrative, puisque celle-ci a également très largement abandonné ses activités sportives alors même que leur reprise est citée comme un but poursuivi par le traitement.

Ainsi, comme le souligne à juste titre l’intimée, on ne se trouve pas dans la situation prévue à l’art. 21 al. 1 let. c LAA, dans laquelle des prestations pour soins sont accordées après la fixation de la rente lorsque l’assuré en a besoin de manière durable pour conserver sa capacité résiduelle de gain.

Compte tenu de ce qui précède, c’est également de manière conforme au droit que l’intimée a mis un terme à la prise en charge du traitement médical au 31 mai 2022.

9.5 La recourante a requis son audition, afin d’exposer son état de santé, ainsi que la mise en œuvre d’une expertise judiciaire, suggérant la désignation d’un centre de la douleur, tout en déplorant une instruction incomplète au plan neurologique.

Si un justiciable a le droit de faire administrer des preuves essentielles en vertu de la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu (ATF 127 V 431 consid. 3a), ce droit n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction, et que procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier sa décision (ATF 130 II 425 consid. 2.1; ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

En l’espèce, eu égard au caractère probant de l’expertise du Pr E______, la chambre de céans ne donnera pas suite à la demande de la recourante de mise en œuvre d’une expertise judiciaire, par appréciation anticipée des preuves. Elle ne procédera pas non plus à son audition, censée établir l’impact de ses douleurs sur sa vie, dès lors que le ressenti d’un assuré ne suffit pas en l’absence de tout autre élément objectif à écarter des conclusions médicales motivées. L’apport du dossier de l’assurance-invalidité n’apparait pas non plus indispensable. En effet, l’intimée a procédé à une instruction complète et elle n’est pas nécessairement liée par le prononcé de l’assurance-invalidité, dès lors qu’elle ne répond que des atteintes en lien de causalité naturelle avec l’accident qu’elle couvre.

10.         Reste à déterminer le degré d’invalidité de la recourante à partir du 1er juin 2022.

Si celle-ci a été licenciée du poste qu’elle exerçait avant l’accident, ses compétences et sa capacité de travail dans son domaine d’activité n’ont pas été altérées de manière substantielle par l’accident. Le fait qu’elle ne puisse plus assumer d’emploi impliquant de longs déplacements professionnels ne rend pas la reprise d’une activité de consultante en marketing irréaliste, étant rappelé que l’invalidité doit être évaluée à l’aune d’un marché équilibré du travail (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2 et les références). C’est ainsi à juste titre que l’intimée a considéré que la recourante pouvait mettre en valeur sa capacité de gain dans un tel emploi.

Cela étant, aucun élément ne suggère que la recourante n’aurait pas poursuivi l’activité qu’elle exerçait au moment de son accident. Il y a ainsi lieu de fixer son revenu avant invalidité non pas sur des bases statistiques, mais bien sur le salaire qu’elle réalisait alors. Selon le courriel de son ancien employeur du 17 mars 2021, ce revenu se serait élevé en 2021 à CHF 108'000.- avec un bonus potentiel de 10 %, soit CHF 118'800.-. On note à cet égard que selon les informations données par l’employeur à l’intimée par courriel du 22 janvier 2021, de tels bonus avaient été versés les années précédentes. C’est ainsi ce montant qui sera pris en compte à titre de revenu sans invalidité.

Quant au revenu avec invalidité, compte tenu du parcours universitaire et de l’activité de consultante encore exigible, on peut se référer au salaire statistique tiré d’activités spécialisées, scientifiques et techniques (ESS 2020, Lignes 69-75). Le niveau de compétence 4 correspondant à une activité intellectuelle peut être pris en compte, ce qui correspond pour une femme à un revenu de CHF 7'784.- par mois, soit CHF 93'408.- par année. Il convient d’adapter ce revenu à la durée hebdomadaire normale de travail de 41.7 heures en 2021, ce qui l’élève à CHF 97'378.-. Compte tenu de l’indexation, qui a vu un recul des salaires de 0.2 % en 2021, le revenu d’invalide est de CHF 97'183.- en 2021.

L’intimée ne s’est pas déterminée sur un éventuel abattement. Cela étant, il faut souligner que seule une réduction en raison des limitations fonctionnelles pourrait entrer en ligne de compte dans le cas d’espèce. Or, compte tenu du fait que seuls le port de charges et les positions fixes prolongées doivent être évités, ce qui est généralement compatible avec un poste de consultant, on peut admettre que dans le cas d’espèce, les répercussions de ces limitations seraient peu marquées. On ne saurait ainsi considérer qu’elles sont de nature à réduire la rémunération à laquelle la recourante peut prétendre.

Compte tenu de ce qui précède, la comparaison des revenus avec et sans invalidité de respectivement CHF 118'800.- et CHF 97'183.- aboutit à un degré d’invalidité de 18.20 %, qui doit être arrondi selon les règles mathématiques (ATF 130 V 121 consid. 3.2) à 18 %.

La recourante a ainsi droit à une rente de ce taux dès le 15 août 2021, soit au lendemain de la fin du droit aux indemnités journalières.

11.         Le recours est partiellement admis.

La recourante a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimée du 25 octobre 2022 en ce sens que la recourante a droit à une rente correspondant à un taux d’invalidité de 18 % dès le 15 août 2021.

4.        Confirme la décision de l’intimée pour le surplus.

5.        Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le