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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4124/2022

ATAS/768/2023 du 11.10.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4124/2022 ATAS/768/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 octobre 2023

Chambre 4

 

En la cause

Madame A______

représentée par Me Maëlle KOLLY, avocate

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), née B______ le ______ 1958, divorcée depuis le 17 décembre 2011, mère de C______, D______ et E______, nés respectivement en 1992, 1994 et 2001, perçoit de la part du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) des prestations complémentaires (ci-après : PC) à la rente d’invalidité (quart de rente à partir du 17 octobre 2008 puis demi-rente dès le 1er février 2008) que l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève lui a octroyée par décision du 20 mai 2009. Selon décision du 29 août 2022 rendue par la caisse suisse de compensation, l’intéressée perçoit une rente ordinaire de vieillesse mensuelle de CHF 1'568.- depuis le 1er septembre 2022 en lieu et place d'une rente ordinaire de l'assurance-invalidité.

b. Par courrier du 13 décembre 2016, l’intéressée a fait savoir au SPC qu’elle renonçait aux PC dès le 1er janvier 2017. En effet, elle avait reçu un « petit héritage de CHF 248’000.- » qui, de son point de vue, faisait obstacle à la poursuite du versement des PC. Elle a précisé que dans l’éventualité où elle aurait reçu des PC indûment, elle ne pourrait pas les rembourser car elle n’avait plus cet argent, raison pour laquelle elle renonçait aux prestations futures « le temps qu’il [faudrait] pour compenser ».

c. Par décision du 20 décembre 2016, le SPC a interrompu le versement des PC dès le 31 décembre 2016 en raison de la renonciation de l’intéressée à celles-ci.

d. Le 16 février 2018, l’intéressée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès du SPC. Sous rubrique « renseignements complémentaires », elle a précisé qu’elle avait cédé, le 21 décembre 2016, CHF 240’000.- à ses enfants, et réparti la somme à parts égales de CHF 80’000.- entre C______, D______et E______.

e. Par décision du 2 juillet 2018, le SPC a déterminé le droit de l’intéressée aux PC avec effet au 1er janvier 2019 en indiquant que le droit aux PCF était ouvert
à hauteur de CHF 1’524.- par année, correspondant à CHF 127.- par mois. L’intéressée ne pouvait en revanche prétendre aux PCC dès lors que ses dépenses reconnues étaient inférieures à son revenu déterminant. Selon les plans de calculs annexés, portant sur la période à compter du 1er février 2019, les dépenses reconnues se montaient à CHF 33’156.- pour les PCF et CHF 43’461.- pour les PCC. Quant au revenu déterminant, que le SPC avait évalué à CHF 31’632.- pour les PCF et CHF 44’405.- pour les PCC, il s’expliquait en partie par les rentes de l’AVS/AI (CHF 18’660.-) mais aussi par la fortune. Cette dernière se composait de l’épargne (CHF 10’343.35) et du montant des biens dessaisis (CHF 220’000.-). Une fois convertie en revenu déterminant, la fortune se montait à CHF 12’856.20 pour les PCF (CHF 230’343.35 sous déduction de la franchise de CHF 37’500.- et prise en compte du solde pour 1/15) et CHF 25’355.40 pour les PCC (soit
CHF 240’343.35 sous déduction de la franchise de CHF 37’500.- et prise en compte du solde pour 1/8). S’ajoutaient encore au revenu déterminant les produits de la fortune, composés des intérêts de l’épargne (CHF 5.40) et du produit hypothétique des biens dessaisis (CHF 110.-) et (pour les seules PCC), le montant annuel des PCF (CHF 1’524.-).

f. Le 7 septembre 2020, l’intéressée a formé une demande de révision de son droit aux PC en expliquant qu’elle vivait actuellement avec CHF 3’500.- par mois grâce à la rente de sa fille, E______, qui vivait avec elle et était à sa charge. Dans ces circonstances, elle n’arrivait ni à payer ses factures ni à subvenir à l’entretien de E______, à lui payer ses fournitures scolaires, etc. En 2016, elle s’était dessaisie de la part de l’héritage lui revenant en faveur de ses enfants. Sur quoi, C______ et E______ étaient parties en Australie pour y apprendre l’anglais. Quant à D______, il s’était rendu au Japon pour y étudier le japonais. Ses trois enfants avaient donc besoin de cet argent pour leurs études. Actuellement, ses enfants n’avaient plus cet argent, et elle non plus. Pour payer son loyer de CHF 2’500.-, elle avait dû s’endetter auprès de sa sœur, Madame F______ (ci-après : la sœur de l’intéressée), à qui elle devait CHF 106’000.- à ce jour, montant qu’elle n’arrivait pas à rembourser. De plus, sa sœur, qui serait à la retraite le 1er février 2021, ne pouvait plus lui prêter d’argent. Par ailleurs, elle avait « deux anciennes dettes » pour lesquelles elle devait payer CHF 100.- par mois.

B. a. Par décision du 8 décembre 2020, le SPC a recalculé le montant des prestations complémentaires de l’intéressée pour la période s’ouvrant le 1er janvier 2021 et fixé le montant mensuel des PC à CHF 606.- pour les PCF et CHF 59.- pour les PCC. Ce maintien du droit aux PC en 2021 avait été rendu possible grâce à l’application, au-delà de sa durée de validité, du droit en vigueur jusqu’au
31 décembre 2020. Cette solution, qui était envisageable au plus tard jusqu’au
31 décembre 2023 pour les personnes déjà au bénéfice de PC au 1er janvier 2021, était, dans le cas particulier, plus favorable à l’intéressée. En effet, dans la mesure où sa fortune nette était supérieure aux seuils prévus par le nouveau droit, appelé à entrer en vigueur le 1er janvier 2021, l’intéressée n’aurait plus eu droit aux PC si la réforme précitée lui avait été appliquée.

b. Le 14 décembre 2020, l’intéressée a formé opposition à cette décision et a, par pli du 18 janvier 2021, précisé à l'attention du SPC que ses enfants, en faveur desquels elle s’était dessaisie de sa part d’héritage en 2016, lui avaient « prêté cet argent » pour qu’elle rachète le fonds de commerce d’un bar nommé G______, qu’elle avait exploité à 30% pendant moins d’une année avant de le revendre dans un contexte d’épuisement et de problèmes familiaux. À cause de la pandémie de Covid-19, les acheteurs s’étaient rétractés le 11 mars 2020, si bien qu’elle avait tout perdu et, avec les sommes investies, l’espoir d’une retraite plus confortable.

c. Par décision du 25 janvier 2021, le SPC a recalculé le droit aux PC pour les périodes du 1er au 30 septembre 2020, du 1er octobre au 31 décembre 2020 et du 1er au 31 janvier 2021. Il en ressortait que sur le total de CHF 1’027.- versés sur les périodes précitées, CHF 1’049.- étaient dus, de sorte qu’il existait un solde de CHF 22.- en faveur de l’intéressée. Selon les plans de calcul annexés, relatifs à la période s’ouvrant le 1er janvier 2021, les dépenses reconnues, qui se montaient à CHF 37’054.- pour les PCF et CHF 47’444.- pour les PCC, se composaient des besoins vitaux de l’intéressée (à concurrence de CHF 19’610.- pour les PCF et CHF 30’000.- pour les PCC) de ceux de E______ (CHF 10’260.- pour les PCF et CHF 13’044.- pour les PCC), du loyer, pris en compte à hauteur de CHF 15’000.-, des cotisations à l’AVS/AI/APG (CHF 528.15) et de l’assurance obligatoire des soins (CHF 13’008.-). Quant au revenu déterminant, que le SPC avait évalué à CHF 49’786.- pour les PCF et CHF 71’432.- pour les PCC, il s’expliquait notamment par les rentes de l’AI (CHF 35’052.-) et par la fortune. Cette dernière se composait de l’épargne (CHF 1’368.10) et du montant des biens dessaisis (CHF 200’000.-), sous déduction d’une dette de CHF 772.90. Une fois convertie en revenu déterminant, la fortune se montait à CHF 9’873.- pour les PCF (CHF 200’595.20 sous déduction d’une franchise de CHF 52’500.- et prise en compte du solde pour 1/15) et à CHF 18’511.90 pour les PCC (soit
CHF 200’595.20 sous déduction d’une franchise de CHF 52’500.- et prise en compte du solde pour 1/8). S’ajoutaient encore au revenu déterminant les produits de la fortune, composés des intérêts de l’épargne (CHF 0.55) et du produit hypothétique des biens dessaisis (CHF 60.-) et le montant annuel des PCF
(CHF 13’008.-).

Enfin, il était précisé qu’au vu de la fortune nette supérieure aux seuils prévus par le nouveau droit, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, le droit aux PC aurait été supprimé si le nouveau droit avait été appliqué. De ce fait, aucun calcul comparatif n’avait pu être réalisé.

d. Le 5 février 2021, l’intéressée a formé opposition à cette décision en soutenant que la fortune, estimée à CHF 200’000.-, n’était pas à considérer comme un bien dessaisi. En effet, si elle n’avait pas fait don de CHF 240’000.- à ses enfants en 2016 (pour leur permettre de faire des études) mais avait, en lieu et place, utilisé cet argent pour « racheter [son] bar », ces CHF 200’000.- auraient été considérés comme de la fortune investie, puis perdue et donc inexistante à ce jour. Aujourd’hui, ni ses enfants ni elle-même ne possédaient cet argent et la vente du « G______ » avait été annulée. La régie avait résilié le bail et elle se retrouvait avec des « dettes personnelles » relatives aux charges sociales et aux loyers.

e. Pour compléter ces allégations, l’intéressée a produit notamment :

-          Un avis de crédit de la BCGE, daté du 18 juin 2018, informant la titulaire du compte 1______, la société J______, du versement de CHF 80’000.- par D______ avec la référence « Maman bar » ;

-          Un avis de crédit de la BCGE, daté du 19 juin 2018, informant la société J______ du versement de CHF 80’042.20 par C______ ;

-          Un avis de crédit de la BCGE, daté du 26 juin 2018, annonçant à J______ le versement de CHF 90’000.- par l’intéressée elle-même ;

-          Un avis de la BCGE, daté du 21 juin 2018, informant J______ que son compte 1______ avait été débité de CHF 41’128.30 en faveur de la société I______ à titre de « acompte + frais admin. Bar J______ » ;

-          Un avis de la BCGE, daté du 31 juillet 2018, informant J______ que le même compte avait été débité de CHF 152’000.- en faveur de I______ à titre de « solde [ ] comm. J______ ».

f. Par pli du 13 août 2021, le SPC s’est référé au courrier du 7 septembre 2020 de l’intéressée, plus précisément à la dette de CHF 106’000.- que cette dernière avait contractée auprès de sa sœur pour le règlement de son loyer. Aussi le SPC a-t-il invité l’intéressée à fournir la preuve des paiements (ou virements) effectués par sa sœur en vue du règlement des loyers en question sur la période du 4 septembre 2018 au 13 mars 2020, pour un montant total de CHF 106’000.-. Étant donné que le courrier du 7 septembre 2020 faisait également référence à « deux anciennes dettes », le SPC a également invité l’intéressée à produire tout justificatif y relatif.

g. Le 19 août 2021, l’intéressée a répondu à ce courrier en précisant, à propos des pièces jointes, que les versements de sa sœur en sa faveur avaient été effectués par l’intermédiaire du compte de leur mère, Madame K______, qui avait des dettes envers sa fille aînée, soit la sœur de l’intéressée.

h. Par courrier du 27 août 2021, le SPC a fait observer à l’intéressée que les versements effectués en sa faveur via le compte de sa mère étaient systématiquement versés sur le compte 2______. Par ailleurs, contrairement aux informations communiquées dans le courrier du 7 septembre 2020, les versements en question, qui variaient entre CHF 5’000.- et CHF 7’000.- n’étaient vraisemblablement pas destinés au règlement du loyer de son appartement, d’un montant mensuel de CHF 2’411.- charges comprises. Dès lors, l’intéressée était invitée à indiquer à qui appartenait le compte précité.

i. Le 30 août 2021, l’intéressée a indiqué qu’elle avait fait l’acquisition d’un bar en août 2018 car elle voulait reprendre une activité professionnelle à temps partiel. Elle n’avait cependant pas tenu le coup. Une très grosse fatigue physique, visuelle et mentale l’avait empêchée de gérer ce bar. Elle avait décidé de le revendre mais avec la pandémie de Covid-19, les acheteurs s’étaient désistés et elle avait « tout perdu ». Le bail avait été résilié et la société J______ avait été mise en faillite. Cette dernière avait été clôturée faute d’actifs. S’agissant du compte 2______, il appartenait à J______ qui gérait le bar G______. L’argent versé par sa sœur lui avait notamment permis de payer le loyer du bar.

j. Par décision du 16 septembre 2021, le SPC, statuant d’une part sur l’opposition du 14 décembre 2020 contre la décision du 8 décembre 2020 et, d’autre part, sur l’opposition du 5 février 2021 contre la décision du 25 janvier 2021, a rejeté l’une et l’autre oppositions, motif pris que la donation de CHF 240’000.-, effectuée en 2016 en faveur de ses trois enfants, avait été effectuée sans contre-prestation. À cet égard, la restitution, par les enfants, des fonds concernés en 2018 pour le rachat du fonds de commerce du bar G______ ne pouvait être considérée comme une contre-prestation de la diminution (non justifiée) de son patrimoine. En effet, un rapport de connexité entre la diminution de fortune de CHF 240’000.- et les versements (à bien plaire) opérés par ses enfants en sa faveur le
18 juin 2018 faisait défaut. Par conséquent, la prise en compte des montants retenus à titre de bien dessaisi ne pouvait qu’être confirmée.

S’agissant des dettes, il ressortait effectivement des relevés de compte que les montants prêtés, compris entre CHF 5’000.- et CHF 8’000.-, correspondaient à la dette alléguée de CHF 106’000.-. Cependant, ces montants avaient été reversés de manière systématique sur le compte de la société J______, désormais en faillite, et dont le SPC n’avait pas connaissance jusqu’alors. Les fonds avaient ainsi été versés sur un compte inconnu du SPC, pour l’exercice d’une activité également inconnue du SPC, quand bien même l’intéressée était déjà au bénéfice de PC. Au vu des informations lacunaires figurant au dossier, qui résultaient de la violation manifeste, par l’intéressée, de son devoir d’information, le SPC ne pouvait pas tenir compte de la dette alléguée de CHF 106’000.-.

C. a. Le 27 septembre 2021, l’intéressée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant en substance à son annulation. À l’appui de cette conclusion, elle a soutenu que le fait d’avoir versé CHF 240’000.- à ses enfants, puis d’avoir récupéré cet argent pour acheter G______ devait être assimilé à la situation dans laquelle elle aurait gardé cette somme sur un compte et l’aurait utilisée deux ans plus tard pour l’investir dans un fonds de commerce. En ce qui concernait le manquement au devoir d’information allégué, ce reproche omettait de prendre en compte le fait que si elle avait tu le nom de la société J______ à l’intimé, cela s’expliquait par le fait que cette dernière n’avait jamais généré de bénéfices mais uniquement de grosses pertes. En conséquence, la recourante ne s’était jamais versé de salaire pendant l’année d’activité du bar. Il s’ensuivait que si elle avait manqué à son devoir d’information, cela avait été « en toute bonne foi » car elle attendait de se verser un salaire, ou qu’J______ génère un bénéfice pour en faire état. S’agissant enfin du loyer pris en considération par l’intimé, elle ne contestait pas les nouveaux calculs puisqu’elle était soumise à l’ancien droit.

b. Dans le cadre de la procédure susmentionnée, la recourante a soutenu que l’argent dont elle avait fait don à ses enfants lui avait été restitué en plein par ces derniers en 2018, de sorte que la situation s’apparentait à la révocation d’une donation.

c. L’intimé a en revanche fait valoir que la question du rapport de connexité devait être examinée sous l’angle d’un éventuel lien entre les donations survenues en 2016 et le versement des fonds effectué par les enfants en 2018. Ce lien faisait précisément défaut dans la mesure où ces donations étaient destinées à financer des études à l’étranger, sans que leur restitution soit prévue. Par conséquent, le versement des fonds en 2018, qui avait permis le rachat du bar G______ ne constituait pas une contre-prestation adéquate de la donation.

D. a. Par arrêt du 15 juin 2022 (ATAS/550/2022, dans la cause A/3309/2021), la chambre de céans a admis partiellement le recours contre la décision sur opposition du 16 septembre 2021, l'a annulée et a renvoyé la cause au SPC pour instruction complémentaire, nouveau calcul et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

Concernant le montant de CHF 240’000.-, la chambre de céans a notamment retenu qu'aucune contrepartie n’avait été prévue à l’époque où les donations avaient été effectuées par la recourante à ses trois enfants, ce qui en faisait des
« libéralités », conformément aux termes utilisés dans les trois déclarations de donation mobilière d’un montant de CHF 80’000.- chacune. Par ailleurs, concernant l'argument de la recourante selon lequel le dessaisissement aurait pris fin en juin 2018, soit au moment où ses enfants lui avaient restitué l'intégralité des sommes reçues, la chambre de céans a relevé que les paiements intervenus en juin 2018 ne s'étaient pas ajoutés au patrimoine de la recourante mais à celui d’J______, qui était la titulaire du compte auprès de la banque ayant reçu les versements des trois enfants de la recourante. En outre, la prétendue fin du dessaisissement de CHF 240’000.- en juin 2018 aurait impliqué une situation apparentée à la « révocation de la donation ». Or, tout en rappelant que la gratuité était la caractéristique essentielle de la donation, la chambre de céans a retenu qu'il ne ressortait aucunement du dossier que les enfants de la recourante se seraient engagés « en même temps », soit en décembre 2016, à reverser les fonds reçus à la recourante dès que celle-ci en réclamerait la restitution. Il n'était par ailleurs aucunement démontré que la recourante et ses enfants auraient convenu initialement que les fonds ne seraient mis que provisoirement à la disposition de ces derniers, soit jusqu’aux opérations d’acquisition du bar « G______ ». Il n'y avait donc pas de corrélation directe entre la cession de la somme de
CHF 240’000.- en décembre 2016 et la « restitution », qui plus est à un tiers (J______), d’un montant légèrement supérieur dix mois plus tard, ce d'autant plus qu'un lien de connexité temporelle étroit entre le dessaisissement de
CHF 240’000.- en décembre 2016 et l’acquisition de la contre-valeur correspondante (l’acquisition du bar en juin-juillet 2018) faisait de toute manière défaut.

Pour ce qui était de la dette de la recourante d'un montant de CHF 106'500.- que le SPC avait refusé de déduire de la fortune brute, la chambre de céans a relevé que la reconnaissance de dette du 15 mars 2020 était certes postérieure au transfert des fonds représentant CHF 107'500.- au total, mais que la conclusion d'un contrat de prêt de consommation entre la recourante et sa sœur était toutefois corroborée par un nombre suffisant d'indices ressortant des extraits de compte versés au dossier (justificatifs de virements, en particulier) qui démontraient que les fonds avaient bien été versés sur le compte de la recourante et non sur celui d'J______. Il était ainsi établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’entre le 4 septembre 2018 et le 13 mars 2020, la recourante avait bénéficié de plusieurs versements représentant un total de CHF 106’500.-, en vertu d’un contrat de prêt de consommation conclu avec sa sœur. Le fait qu’une partie de ses fonds ait, dans un second temps, bénéficié à J______, n’était pas de nature en soi à opérer une reprise de dette externe par cette société, d’autant qu’un tel acte aurait nécessité un contrat entre la reprenante (la société J______) et la créancière (la sœur de l’intéressée), conformément à l’art. 176 CO. C'était donc à tort que l'intimé avait omis de déduire la somme de CHF 106'500.- de la fortune brute de la recourante. Par ailleurs, en tant qu’ils portaient sur la période dès le 1er janvier 2021, les plans de calcul du SPC s’abstenaient de calculer le droit au PC de la recourante sous l’angle du nouveau droit, motif pris que sa fortune nette serait supérieure aux seuils prévus par l’art. 9a LPC et entraînerait, en vertu du nouveau droit, une suppression du droit aux PC au 1er janvier 2021. La chambre de céans avait toutefois constaté qu’en déduisant la dette de CHF 106’500.- que la recourante avait envers sa sœur, sa fortune nette ne se montait pas, comme retenu dans la décision querellée, à CHF 200’595.20, mais à CHF 94’095.20 au 1er janvier 2021, soit un montant inférieur aux seuils d’accès. L’intimé ne pouvait donc pas se dispenser d’effectuer un calcul comparatif du droit aux PC selon l’ancien et le nouveau droit à partir du 1er janvier 2021. Cette omission devant être réparée, la chambre de céans a renvoyé la cause au SPC pour qu'il détermine le droit le plus favorable à partir du 1er janvier 2021 et qu'il procède à la correction des plans de calcul de la décision du 25 janvier 2021 (déduction de CHF 106’500.-), en tant qu’ils portaient sur les périodes du 1er au 30 septembre et du 1er octobre au 31 décembre 2020. Le SPC devait en outre se prononcer sur la question de la déductibilité des « deux anciennes dettes » envers L______ et la BCV et, dans l’affirmative, sur le solde dû, si tant est que ces « anciennes dettes » n’aient pas déjà été prises en compte par la dette de CHF 772.90 dont il était fait état non seulement pour les périodes de calcul du 1er octobre au 31 décembre 2020, mais aussi à partir du 1er janvier 2021 (sans qu’aucune explication ne ressorte des plans de calculs du 25 janvier 2021 ou de la décision litigieuse à ce sujet).

E. a. Par décision du 23 août 2022, le SPC a requis de l'intéressée la restitution d'un trop-versé à hauteur de CHF 348.- pour la période rétroactive du 1er juin au 31 août 2022. Le SPC a en outre informé l’intéressée qu’elle n’avait pas de droit aux prestations complémentaires dès le 1er septembre 2022 au motif que sa fortune nette était supérieure au seuil prévu par la loi. Selon le plan de calcul annexé, les dépenses reconnues se montaient à CHF 54'502.- pour les PCF et CHF 67'676.- pour les PCC. Quant au revenu déterminant, que le SPC avait évalué à CHF 53'731.- pour les PCF et CHF 80'333.- pour les PCC, il s'expliquait en partie par un report de prestations de CHF 12'792.- (pour les seules PCC), les rentes de l'AVS/AI (CHF 35'064.-) mais aussi par la fortune. Cette dernière se composait de l'épargne (CHF 1'368.10) et du montant des biens dessaisis
(CHF 190'000.-) Une fois convertie en revenu déterminant, la fortune se montait à CHF 13'809.50 pour les PCF (CHF 1'368.10 + CHF 190'000.- - CHF 772.90 de dettes, sous déduction de la franchise de CHF 52'500.- et prise en compte du solde pour 1/10) et CHF 27'619.05 pour les PCC (soit CHF 1'368.10 + CHF 190'000.- -
CHF 772.90 de dettes, sous déduction de la franchise de CHF 52'500.- et prise en compte du solde pour 1/5). S'ajoutaient encore au revenu déterminant les produits de la fortune, composés des intérêts de l'épargne (CHF 0.55), du produit hypothétique des biens dessaisis (CHF 57.-), ainsi que les allocations familiales (CHF 4'800.- pour les PCF et CHF 4'800.- pour les PCC).

b. Le 1er septembre 2022, l'intéressée a formé opposition à cette décision en faisant valoir que, selon l'arrêt de la chambre de céans du 15 juin 2022, le calcul des prestations devait tenir compte de la dette de CHF 106'000.- envers sa sœur et, le cas échéant, de la dette de CHF 35'752.- envers la BCV et de la dette de CHF 2'000.- envers L______. Or, à teneur du plan de calcul annexé à la décision du 23 août 2022, ces dettes n'avaient pas été déduites de la fortune. Par ailleurs, elle était toujours dans l'attente d'une nouvelle décision du SPC concernant son droit aux PC pour les périodes du 1er au 30 septembre 2020, du 1er octobre au 31 décembre 2020 et dès le 1er janvier 2021. Elle indiquait au surplus que sa fille terminerait ses études à la fin du mois de septembre et que son droit aux prestations devrait donc être recalculé en temps utile. À l'appui de son opposition, l'intéressée a produit : une lettre de la BCV du 28 juin 2022, à laquelle était jointe une copie de la reconnaissance de dette signée le 23 mai 2011 pour un montant de CHF 35'752.05, ainsi qu'une attestation de L______ du 13 juillet 2022 attestant que l'intéressée avait une dette à ce jour de CHF 2'000.-.

c. Par pli du 5 septembre 2022, l'intéressée a adressé au SPC une copie de la décision de la caisse suisse de compensation du 28 août 2022, à teneur de laquelle une rente ordinaire de vieillesse de CHF 1'568.- lui était allouée dès le
1er septembre 2022, ainsi qu'une copie du courrier de la caisse de pension GastroSocial du 25 août 2022 l'informant du versement de la prestation de vieillesse d'un montant de CHF 365.15 en date du 2 septembre 2022, ainsi qu'une attestation d'études pour sa fille E______ du 3 septembre 2021 indiquant que celles-ci se termineraient le 15 septembre 2022.

d. Par décision du 9 septembre 2022, rendue en exécution de l'arrêt de la chambre de céans du 15 juin 2022 (ATAS/550/2022), le SPC a recalculé le droit aux PC rétroactivement au 1er septembre 2020. Il a indiqué avoir tenu compte des dettes suivantes:

-          Une dette de CHF 106'000.- de l'intéressée envers sa sœur en déduction de la fortune à compter du 1er septembre 2020 ;

-          Une dette de CHF 37'952.05 de l'intéressée envers la BCV en déduction de la fortune sur la période du 1er septembre 2020 au 30 juin 2022 (selon pièce reçue le 27 juillet 2022) ;

-          Une dette de CHF 35'752.05 de l'intéressée envers la BCV en déduction de la fortune à compter du 1er juillet 2022 (selon pièce reçue le 27 juillet 2022) ;

-          Une dette de CHF 4'320.50 de l'intéressée envers L______ en déduction de la fortune sur la période du 1er septembre 2020 au 31 juillet 2022 (selon pièce reçue le 20 août 2021) ;

-          Une dette de CHF 2'000.- de l'intéressée envers L______ en déduction de la fortune à compter du 1er août 2022 (selon pièce reçue le
27 juillet 2022).

Les plans de calcul annexés à cette décision rétroagissaient au 1er septembre 2020. Pour la période du 1er septembre 2020 au 31 janvier 2021, l'intéressée avait droit à un montant rétroactif de CHF 7'953.- (CHF 9'001.- de prestations dues –
CHF 1'048.- de prestations déjà versées) et, pour la période du 1er février 2021 au 30 septembre 2022, à un montant rétroactif de CHF 33'674.- (CHF 34'386.- de prestations dues – CHF 712.- de prestations déjà versées), soit un montant rétroactif total de CHF 41'627.- (CHF 7'953.- + CHF 33'674.-) qui lui serait versé avec la prestation complémentaire mensuelle du mois d'octobre 2022, laquelle s'élèverait à CHF 531.- dès cette date.

Pour la période dès le 1er octobre 2022, le SPC a retenu, à titre d'épargne, le montant de CHF 42'995.10 correspondant au montant rétroactif de CHF 41'627.- versé à l'intéressée par le SPC pour la période du 1er septembre 2020 au
30 septembre 2022 et CHF 1'368.10 d'épargne comptabilisée lors de la période de calcul précédente.

e. Par décision sur opposition du 26 septembre 2022, le SPC a déclaré sans objet l'opposition formée par l'intéressée le 1er septembre 2022 à la décision du
23 août 2022, au motif que, suite à cette opposition, le SPC avait rendu une nouvelle décision le 9 septembre 2022, laquelle rétroagissait au
1er septembre 2020 et tenait compte des dettes de l'intéressée conformément à l'arrêt de la chambre de céans du 15 juin 2022 (ATAS/550/2022). Dès lors que les griefs de l'intéressée avaient été admis dans la décision du 9 septembre 2022, l'opposition du 1er septembre 2022 était devenue sans objet.

f. Le 12 octobre 2022, l'intéressée a formé opposition contre la décision du
9 septembre 2022, faisant valoir que son loyer net s'élevait à CHF 16'320.- avec des charges en sus s'élevant à CHF 1'440.- depuis le 1er juin 2022. Elle contestait le montant du loyer retenu (CHF 11'840.-), car le seuil prévu par la loi était de CHF 19'440.- (CHF 16'440.- + CHF 3'000.-). L'intégralité de son loyer devait donc être pris en compte dans le calcul. Elle a en outre contesté la prise en compte du montant rétroactif de CHF 41'627.- à titre d'épargne, ce qui avait pour effet de réduire son droit aux prestations complémentaires. En effet, si les montants mensualisés correspondant lui avaient été versés en temps utile dès le
1er septembre 2020, ils auraient servi à régler ses charges courantes et essentielles, de sorte qu'elle ne les aurait certainement pas épargnés. Elle se retrouvait ainsi à devoir payer doublement les erreurs du SPC qui l'avait contrainte à vivre en-dessous de son minimum vital pendant un certain temps.

g. Par décision du 25 octobre 2022, le SPC a informé l'intéressée que le droit à une rente complémentaire de l'AVS/AI pour sa fille E______ était supprimé dès le 30 septembre 2022 dès lors que cette dernière avait terminé sa scolarité. Selon le plan de calcul annexé à cette décision, un solde rétroactif de CHF 166.- lui était dû et son droit aux PC dès le 1er novembre 2022 s'élevait à CHF 1'238.80
(CHF 857.80 de PCF et CHF 381.- de PCC) duquel devait être déduit le montant de CHF 541.80 à titre de part de prestation réservée au règlement des primes d'assurance-maladie. L'intéressée avait donc droit au versement d'un montant de CHF 697.- par mois à titre de PC. Le SPC a en outre réclamé, pour le compte du service de l'assurance-maladie (SAM), le remboursement d'un montant de
CHF 460.60 indûment versé à titre de réductions individuelles de primes d'assurance-maladie.

h. Par décision sur opposition du 4 novembre 2022, le SPC a partiellement admis l'opposition formée par l'intéressée le 12 octobre 2022. Concernant la prise en compte du montant rétroactif de CHF 41'627.- dans la fortune, le SPC a fait valoir que l'origine des éléments de fortune n'était pas pertinente et a relevé que les dettes de l'intéressée avaient été prises en compte en déduction de sa fortune. La prise en compte du montant rétroactif de CHF 41'627.- était donc confirmée. S'agissant du montant du loyer devant être pris en compte dans le calcul, il ressortait des registres de l'office cantonal de la population et des migrations (OCPM) que l'intéressée vivait avec sa fille E______, mais que son fils D______ne vivait plus avec elles depuis le 1er janvier 2022, de sorte qu'il n'y avait plus lieu de tenir compte d'un loyer proportionnel de 2/3. Le loyer de CHF 17'760.- devait donc être intégralement pris en compte sur la période du 1er juin au 30 septembre 2022. En revanche, conformément à la décision du 25 octobre 2022, le SPC tenait compte d'un loyer proportionnel (1/2) à compter du 1er octobre 2022, étant relevé que E______ n'était plus prise en compte dans le calcul des prestations dès cette date en raison de la perte de son droit à une rente complémentaire.

i. Le 2 décembre 2022, l'intéressée a formé recours contre la décision sur opposition du 4 novembre 2022, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'intimé pour nouveau calcul ne tenant pas compte du montant de
CHF 41'627.- d'arriérés de prestations. En substance, elle a réitéré les critiques formulées dans son opposition du 12 octobre 2022 et a produit les justificatifs de paiement de diverses factures (CHF 5'200.- de remboursement de sa carte de crédit, CHF 1'850.- de frais de déménagement, CHF 2'969.- d'achat d'un réfrigérateur, d'un lave-linge et d'un lave-vaisselle, CHF 1'101.- d'achat d'un ordinateur, CHF 544.- d'achat d'une armoire et EUR 462.- de frais de vétérinaire). Elle a aussi produit une facture d'un montant de CHF 1'378.10 ayant pour objet la remise en état de l'ancien appartement loué. Selon la recourante, ces justificatifs démontraient que la somme retenue à titre de fortune avait diminué dans la même proportion.

j. Le 20 décembre 2022, la recourante a été mise au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au 29 novembre 2022.

k. Par réponse du 23 décembre 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours, reprenant en substance la motivation contenue dans la décision querellée. Il a en outre relevé que la recourante était libre de produire en début d'année suivante ses relevés de compte au 31 décembre 2022, ainsi que l'état de ses dettes en vue de la mise à jour de son dossier dès le 1er janvier 2023.

l. Par réplique du 16 février 2023, la recourante a fait valoir que sa situation différait du cas classique visé par la jurisprudence s'agissant du versement d'un rétroactif de n'importe quelle autre assurance sociale. Le fait que l'intimé ait tenu compte du versement d'un rétroactif qui résultait de sa propre erreur consacrait une violation du principe de proportionnalité et du principe de la bonne foi par l'intimé lui permettant ainsi de bénéficier doublement de ses « erreurs » d'appréciation. Or, la recourante et sa famille auraient dû bénéficier de prestations plus importantes du 1er septembre 2020 et jusqu'au mois de septembre 2022 si l'intimé ne s'était pas trompé. Une telle amélioration de son train de vie ne pourrait cependant jamais être comblée, le seul moyen de réparer cette erreur d'appréciation étant de verser rétroactivement le montant dû. Par ailleurs, le droit de la recourante aux PC tenait compte, dans les éléments de fortune retenus, d'un bien dessaisi. Ainsi, même si la prise en compte du montant correspondant à ce bien dessaisi était conforme à la jurisprudence stricte, cela avait toutefois pour résultat que le calcul du droit aux PC se fondait sur un capital dont elle ne disposait pas effectivement et dans lequel elle ne pouvait pas puiser pour assurer son train de vie minimal.

m. Le 9 mars 2023, l'intimé a dupliqué, faisant valoir que le montant rétroactivement perçu avait été comptabilisé à juste titre dans la fortune dès lors que celui-ci était venu augmenter le patrimoine de la recourante. Il a en outre relevé que le nouveau calcul des prestations ayant donné lieu au versement du montant rétroactif était intervenu suite à la prise en compte de dettes accumulées dans le cadre de l'activité indépendante de la recourante qui n'avait pas été annoncée au SPC. Dans ces circonstances, il ne pouvait être retenu que la recourante avait été victime d'une erreur du SPC. Enfin, rien n'empêchait la recourante de produire des pièces justifiant le remboursement de dettes antérieures au cours du mois d'octobre 2022, soit dès le mois de prise en compte du montant rétroactif de prestations, dans l'hypothèse où la famille aurait dû emprunter de l'argent pour prendre en charge des dépenses passées. De telles pièces n'avaient toutefois pas été produites jusqu'à ce jour.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

2.3 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC – J 4 20]; art. 43 LPCC).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au
1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.              

4.1  

4.1.1 Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249; RO 2020 585).

En vertu des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (Réforme des PC), l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle (al. 1).

4.1.2 D'après le Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016,
« [p]lusieurs mesures proposées par la présente réforme peuvent influencer le calcul de la PC et engendrer pour certaines personnes une réduction du montant des PC ou une perte du droit aux PC. Pour permettre aux personnes concernées de s’adapter à la nouvelle situation financière, les mesures suivantes leur seront applicables trois ans seulement après l’entrée en vigueur de la réforme : adaptation du montant minimal de la PC (art. 9 al. 1) ; répartition de la fortune pour les couples dont un des conjoints vit dans un home ou dans un hôpital
(art. 9 al. 3 let. b et c) ; droit des cantons de tenir compte dans le calcul de la PC de la prime effective si elle est d’un montant inférieur à la prime moyenne
(art. 10 al. 3 let. d) ; abaissement du montant des franchises sur la fortune totale (art. 11 al. 1 let. c) ; prise en compte intégrale du revenu d’une activité lucrative des conjoints qui n’ont pas droit aux PC (art. 11 al. 1 let. a et art. 11a al. 1). Le nouveau droit s’applique immédiatement aux personnes qui acquièrent le droit aux PC après l’entrée en vigueur de la réforme » (FF 2016 7249 p. 7326).

Ainsi, un délai transitoire de trois ans est prévu pour les personnes dont le droit aux prestations est né avant la réforme. Ces bénéficiaires conservent leurs droits acquis selon l'ancien droit durant ce délai, si la réforme entraîne pour eux, dans l'ensemble, une diminution ou une suppression des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2022 du 7 juillet 2022 consid. 3.1 ; arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 du 3 avril 2023 consid. 3b).

4.1.3 La Circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC établie par l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), valable dès le 1er janvier 2021 (ci-après : C-R PC), indique que :

« La réforme des PC entre en vigueur le 1er janvier 2021. Conformément aux dispositions transitoires, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans aux bénéficiaires PC pour lesquels la réforme entraîne une réduction des prestations » (ch. 1101) ;

Si le calcul de la PC correspondant au nouveau droit entraîne une diminution de la PC annuelle ou la perte du droit à la PC, le calcul de la PC continue d’être établi selon l’ancien droit jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard (ch. 1102) ;

Si le calcul de la PC correspondant au nouveau droit entraîne une augmentation de la PC annuelle ou si le montant de la PC annuelle reste le même, le calcul de la PC est établi selon le nouveau droit à partir du 1er janvier 2021 (ch. 1103) ;

Les dispositions du droit transitoire ne s'appliquent qu'aux cas en cours. À partir du 1er janvier 2021, les nouveaux cas sont exclusivement régis par le nouveau droit (ch. 1301) ;

Sont considérés comme cas en cours ceux pour lesquels le droit à la PC a pris naissance avant le 1er janvier 2021 (ch. 1302) ;

Afin de déterminer si l’ancien ou le nouveau droit est plus favorable aux cas en cours au 1er janvier 2021, il faut dresser une comparaison en établissant un calcul selon l’ancien droit et un autre selon le nouveau droit (ch. 2101).

Pour les cas où la fortune au 1er janvier 2021 dépasse le seuil prévu à
l’art. 9a al. 1 LPC, il n’est pas nécessaire d’établir un calcul comparatif, car les conditions d’octroi de la prestation complémentaire ne seraient plus remplies dans le nouveau droit. Dans cette situation, il faut continuer de calculer la prestation complémentaire conformément à l’ancien droit (ch. 2103).

Durant le délai transitoire, il n’est nécessaire d’établir un calcul comparatif que pour les cas dans lesquels le calcul de la PC se fonde sur l’ancien droit. Dès que le calcul est établi selon le nouveau droit, ce dernier reste applicable pour le reste de la période transitoire. Seuls sont réservés les cas visés au ch. 3224 (recte : 3324), dernière phrase » (ch. 3104).

4.1.4 Les directives administratives s'adressent aux organes d'exécution. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Le juge peut les prendre en considération lorsqu'elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du
26 janvier 2023 consid. 4.3.2 et les références).

4.1.5 Le principe du passage au nouveau régime juridique (réforme des PC) peut être revu lorsqu'il était fondé sur un état de fait erroné, à l'inverse du cas où, après ce passage, un nouveau changement de situation surviendrait et rendrait l'ancien droit plus favorable. La C-R PC semble viser de tels cas et tendre à éviter la possibilité d'allers-retours entre l'ancien et le nouveau droit au gré de changements de situation (arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 précité consid. 8a).

4.2 À titre liminaire, il est rappelé que, dans son arrêt du 15 juin 2022, la chambre de céans a renvoyé la cause à l'intimé afin que ce dernier détermine, entre autres, le droit le plus favorable pour la recourante dès le 1er janvier 2021
(cf. ATAS/550/2022 du 15 juin 2022 consid. 9.3).

Dans sa décision du 23 août 2022, soit la première décision postérieure à l'arrêt de la chambre de céans susvisé, l'intimé a indiqué que la fortune nette de la recourante « [était] supérieure aux seuils prévus par l'art. 9a al. 1 LPC entré en vigueur au 1er janvier 2021, de sorte que le droit à la prestation complémentaire aurait été supprimé si le nouveau droit avait été appliqué » et a conclu que, dans ces circonstances, aucun comparatif ne pouvait être réalisé.

Il ressortait toutefois des plans de calcul annexés à la décision du 23 août 2022 que l'intimé n'avait pas déduit de la fortune le montant de CHF 106'500.- correspondant à la dette de la recourante envers sa sœur, ni les dettes envers la BCV et L______, tel que le prévoyait l'arrêt de la chambre de céans susmentionné (cf. ATAS/550/2022 du 15 juin 2022 consid. 9.1 et 9.2).

L'intimé a procédé à la déduction du montant de CHF 106'500.-, ainsi qu'à la déduction des montants suivants dans sa décision suivante du 9 septembre 2022 :

-          CHF 37'952.05 (dette de la recourante envers la BCV sur la période du
1er septembre 2020 au 30 juin 2022) ;

-          CHF 35'752.05 (dette de la recourante envers la BCV à compter du
1er juillet 2022) ;

-          CHF 4'320.50 (dette de la recourante envers L______ sur la période du 1er septembre 2020 au 31 juillet 2022) et

-          CHF 2'000.- (dette de la recourante envers L______ à compter du
1er août 2022).

À la lecture des plans de calcul annexés à cette décision, il apparaît que l'intimé a procédé à un calcul comparatif des prestations complémentaires dès le
1er janvier 2021.

En effet, l'établissement d'un calcul comparatif était nécessaire dès lors que la fortune nette de la recourante s'élevait à CHF 51'822.65 compte tenu des dettes susmentionnées ([1'368.- + 200'000.-] – 149'545.45) au 1er janvier 2021 et était ainsi inférieure au seuil prévu à l'art. 9a al. 1 LPC (CHF 100'000.- pour une personne seule + CHF 50'000.- pour un enfant donnant droit à une rente pour enfant de l'AVS ou de l'AI).

Il convient dès lors d'examiner le calcul comparatif effectué par l'intimé.

S'agissant de l'application de la loi dans sa teneur jusqu'au 30 décembre 2020 (aLPC), il ressort du tableau intitulé « [p]lan de calcul des prestations complémentaires défavorable », portant sur la période du 1er au 30 janvier 2021 (cf. pièce intimé n°147, p. 26), que l'intimé a pris en compte les dettes susmentionnées d'un montant total de CHF 149'545.45 (CHF 106'500.- + 37'952.05 + CHF 4'320.50 + 772.90), ainsi que du montant de CHF 15'000.- (soit le montant annuel maximal prévu par l'art. 10 al. 1 let. b ch. 2 aLPC) et le montant de CHF 13'008.- (correspondant au montant annuel des primes d'assurance obligatoire des soins pour la recourante et sa fille : [CHF 606.- + CHF 478.-] x 12), ce qui a pour résultat d'ouvrir un droit au versement de prestations complémentaires annuelles de CHF 18'481.- (PCF) et CHF 13'174.- (PCC), soit un montant total de CHF 31'655.-.

À teneur du plan de calcul intitulé « [p]lan de calcul des prestations complémentaires favorables (selon réforme PC 2021) » portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2021 (cf. pièce intimé n°147, p. 9), établi en application de la LPC dans sa nouvelle teneur dès le 1er janvier 2021, la prise en compte des dettes d'un montant total de CHF 149'545.45, ainsi que du montant de CHF 18'900.- (soit les montants annuel maximaux de CHF 15'900.- pour une personne seule vivant dans la région 2 et un supplément de CHF 3'000.- pour une personne supplémentaire partageant le même appartement, tel que le prévoit
l'art. 10 al. 1 let. b ch. 1 et 2 LPC) et du montant de CHF 12'237.60.- (correspondant au montant annuel des primes d'assurance obligatoire des soins pour la recourante et sa fille : [CHF 541.80.- + CHF 478.-] x 12) donne droit au versement de prestations complémentaires annuelles de CHF 21'157.- (PCF) et CHF 12'776.- (PCC), soit un montant total de CHF 33'933.-.

Au vu du calcul comparatif effectué par l'intimé, il appert que la réforme des PC n'entraîne pas une diminution de prestations ou de perte du droit à celles-ci dès le 1er janvier 2021. C'est donc à juste titre que l'intimé a établi le calcul desdites prestations sur la base du nouveau droit à compter du 1er juin 2021 dans sa décision du 9 septembre 2022 et dans la décision querellée.

Il est au demeurant précisé que le passage au nouveau droit, après que l'autorité a indiqué appliquer l'ancien droit dans ses décisions précédentes (décisions du 8 décembre 2020, du 18 novembre 2021 et 1er décembre 2021) est conforme à ce que prévoit la C-R PC. En revanche, en application de cette circulaire, il sera exclu de procéder à une application ultérieure de l'ancien droit en cas de changement de situation qui rendrait l'ancien droit plus favorable à la situation de la recourante.

4.3 En définitive, le présent contentieux doit être tranché en application du nouveau droit.

5.             Le litige porte sur l'intégration, dans le calcul des prestations complémentaires, de l'arriéré d'un montant de CHF 41'627.- issu d'un paiement rétroactif de l'intimé en faveur de la recourante suite à l'arrêt ATAS/550/2022 du 15 juin 2022 et retenu à titre de fortune dès le 1er octobre 2022, ainsi que sur la prise en compte de divers justificatifs de paiement à titre de dépenses.

6.              

6.1 Selon l’art. 11 al. 1 LPC, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b) ainsi que 1/10ème de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse 30 000 francs pour les personnes seules et 15'000 francs pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfant de l'AVS ou de l'AI (let. c).

6.2 Par fortune au sens de l’art. 11 al. 1 LPC, il faut comprendre toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l’assuré et qui peuvent être transformés en argent liquide (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés ; font ainsi notamment partie de la fortune : les gains à la loterie, la valeur de rachat d’une assurance-vie, l’épargne, les actions, les obligations, les parts à des successions, les versements en capital d’assurances, l’argent liquide, ou encore les prêts accordés (ATAS/442/2022 du 18 mai 2022 consid. 6.2 ; ATAS/359/2022 du 21 avril 2022 consid. 8.2 ; ATAS/314/2022 du 7 avril 2022 consid. 5.2). Il suffit que l’assuré puisse effectivement disposer de l’élément de fortune en cause (ATF 146 V 331 consid. 4.1 ; ATF 127 V 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_831/2016 du 11 juillet 2017 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_333/2016 du 3 novembre 2016 consid. 4.3.1). L’origine d’un élément de fortune n’a en revanche pas d’importance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_612/2012 du 28 novembre 2012 consid. 3.2 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 43 ad. art. 11 LPC ; Erwin CARIGIET/Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2ème éd. 2008, p. 162). Dans un arrêt P 43/04 du 3 décembre 2004 consid. 3, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a notamment considéré qu’une indemnité en réparation d’un tort moral versée sur la base de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (loi sur l’aide aux victimes, LAVI - RS 312.5) entrait dans le cadre de la fortune au sens de la LPC, en l’absence de base légale prévoyant le contraire (ainsi notamment l’art. 5 let. c LPCC pour les prestations complémentaires genevoises). Confirmant le principe précité, le Tribunal fédéral a ainsi admis la prise en considération dans les revenus déterminants du patrimoine composé de prestations complémentaires économisées par une assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_612/2012 du 28 novembre 2012 consid. 3.2).

6.3 Aux termes de l’art. 5 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d’exécution moyennant certaines adaptations prévues par le droit cantonal. Les PCF sont ainsi ajoutées au revenu déterminant (art. 5 let. a LPCC) et, en dérogation à l’art. 11 a. 1 let. c LPC, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de 1/5ème s’agissant d’un assuré percevant une rente de vieillesse, après déduction des franchises prévues par cette disposition (et du montant des éventuelles indemnités en capital obtenues en réparation d’un préjudice corporel) (art. 5 let. c LPCC).

6.4 Dans un arrêt récent, la chambre de céans a confirmé sa jurisprudence selon laquelle un versement rétroactif de la part du service des prestations complémentaires entre dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle d’un assuré et n’est pas contraire au principe d'égalité issu de l’art. 8 al. 1 Cst.
(cf. ATAS/544/2022 du 16 juin 2022 consid. 9). La chambre de céans a ainsi déjà eu l'occasion de rappeler que la seule différence de traitement entre un assuré qui reçoit immédiatement un montant mensuel correct du SPC, et celui qui reçoit un versement rétroactif est que le premier est, en théorie, libre de thésauriser ou non une partie de la somme reçue, alors que le second est de facto contraint à une telle accumulation. Cette différence de traitement ne dépasse pas le large cadre fixé au législateur par l’art. 8 al. 1 Cst (cf. ATAS/544/2022 du 16 juin 2022 consid. 9.2).

7.              

7.1 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

7.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.             En l'occurrence, la recourante se plaint d'une violation du principe de proportionnalité et du principe de la bonne foi.

8.1 En premier lieu, tel que l’a retenu la chambre de céans dans ses arrêts antérieurs, il découle des art. 11 al. 1 LPC et 5 LPCC qu’une somme reçue à titre de versement rétroactif par une assurance sociale, y compris l’autorité compétente pour les PCF et PCC, doit être prise en compte à titre de fortune dans le calcul du montant d’une prestation complémentaire annuelle (cf. consid. 6 ci-dessus).

8.2 S'agissant de l'invocation du principe de la bonne foi par la recourante, cette dernière fait valoir que la prise en compte du montant rétroactif de CHF 41'627.- vient à nouveau réduire son droit aux PC alors même qu'elle a dû vivre en-dessous de son minimum vital durant la durée de la procédure.

8.2.1 Chaque autorité étatique qui applique le droit suisse se doit de respecter d'office le principe de la bonne foi, notamment en ce qui concerne l’interdiction de l'abus de droit (ATF 128 III 201 consid. 1c). Le comportement de l'État doit en particulier être loyal et digne de confiance dans toutes ses relations juridiques (ATF 142 IV 286 consid. 1.6.2).

8.2.2 En l’espèce, on ne discerne pas chez l’intimé de comportement déloyal qui mènerait à conclure à l’existence d’un abus de droit. En effet, celui-ci a certes initialement défendu qu'il ne devait pas être tenu compte de la dette de
CHF 106'500.- en faveur de la sœur de la recourante motif pris que cette dernière aurait systématiquement reversé les fonds prêtés sur le compte d'J______, de sorte qu'il ne s'agissait pas d'une dette personnelle, mais d'une dette d'J______. Le refus de prendre en compte cette dette était également motivé en raison de l'établissement de la reconnaissance de dette en date du 15 mars 2020, soit postérieurement au transfert des fonds ayant eu lieu entre le 4 septembre 2018 et le 13 mars 2020. La position de l'intimé n'a toutefois pas été partagée par l'autorité supérieure, à savoir la chambre de céans, qui a renvoyé la cause à l'intimé dans son arrêt ATAS/550/2022 par lequel il lui a été demandé de déduire la dette susvisée, ce qui a entrainé le versement du montant rétroactif litigieux à la recourante.

Dans ces circonstances, aucun élément ne laisse penser que l'intimé aurait volontairement procédé à un calcul erroné dans le but de verser un rétroactif à la recourante ayant pour effet de diminuer sa fortune a posteriori et donc le montant de ses prestations complémentaires.

En tout état de cause, le seul fait que l’intimé ait procédé à une révision, menant au versement d’un rétroactif, suite à une erreur initiale de sa part, ne constitue pas encore un abus de droit.

8.2.3 Par conséquent, le grief de la recourante relatif à la violation du principe de la bonne foi tombe à faux.

8.3 Reste à examiner le grief de la violation du principe de proportionnalité.

8.3.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

8.3.2 En l'espèce, la recourante invoque une violation du principe de proportionnalité en raison de la prise en compte du montant rétroactif de
CHF 41'627.- ayant pour résultat de réduire à nouveau son droit aux PC alors même qu'elle a dû vivre en-dessous de son minimum vital durant la durée de la procédure. La recourante soutient par ailleurs que l'argument de l'intimé selon lequel l'évaluation de sa fortune pouvait être revue sur présentation de pièces permettant de justifier des remboursements de dettes ou d'achats futurs de biens de consommation courante ne suffisait pas à corriger un résultat non conforme à la proportionnalité puisque c'était uniquement en cas de dépenses ultérieures et d'un certain montant que la fortune pourrait être réduite en conséquence et uniquement pour le montant des dépenses prouvées par pièces.

À la lecture des pièces du dossier, il apparaît que l'intimé n'a été informé qu'en date du 9 septembre 2020 (cf. pièce 95 – Intimé) de la dette de CHF 106'000.- [recte: CHF 106'500.-] contractée par la recourante le 4 septembre 2018 auprès de sa sœur dans le cadre d'une activité indépendante qui n'a été annoncée à l'autorité que le 18 janvier 2021 (cf. pièce 104 - Intimé). Il est en outre relevé que la recourante avait fait état de la dette de CHF 106'500.- dans son courrier du
7 septembre 2020 indiquant qu'elle avait dû s'endetter auprès de sa sœur « pour payer [s]on loyer de Chf 2'500.- ». Or, l'instruction du dossier par l'intimé a permis de déterminer que ce montant avait en réalité servi à payer le loyer du bar G______, tel que l'a ultérieurement expliqué la recourante dans son courrier du 30 août 2021 (cf. pièce 114 – Intimé). La chambre de céans constate ainsi qu'il s'est écoulé plus d'une année entre le moment où la recourante a fait état de la dette de CHF 106'500.- et le moment où elle a expliqué à l'intimé l'origine de cette dette permettant la prise en considération de celle-ci dans le calcul du droit aux PC. Par ailleurs, tel qu'il a été exposé ci-dessus (cf. consid. 8.2), l'intimé n'a pas adopté de comportement contraire au principe de la bonne foi en contestant la prise en considération de la dette de CHF 106'500.- dans le calcul du droit aux PC. Il apparaît ainsi malvenu, de la part de la recourante, de reprocher à l'intimé une erreur d'appréciation ayant eu pour effet de la contraindre à vivre plus modestement pendant la durée de la procédure en comparaison du niveau de vie plus élevé dont elle aurait pu bénéficier si l'équivalent du montant rétroactif avait été versé plus tôt et régulièrement.

Il était en outre effectivement loisible à la recourante de démontrer les éventuels remboursements de dettes qu'elle aurait contractées pour vivre pendant la période où elle aurait dû percevoir les PC équivalentes au montant du rétroactif, à savoir du 1er septembre 2020 au 30 septembre 2022. Une telle manière de procéder apparaît conforme au but de la loi sur les prestations complémentaires qui est de compléter les prestations servies par l'AVS et l'AI pour le cas où ces prestations ne suffiraient pas à couvrir de façon appropriée les besoins vitaux d'un assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_846/2010 du 12 août 2011 consid. 4.2.1), étant précisé que l'achat de biens de consommation courante ne permet pas d'augmenter le poste des dépenses selon l'art. 10 al. 1 let. a LPC dès lors que cette disposition prévoit un montant forfaitaire.

Dans ces circonstances, il n'apparaît aucunement disproportionné de prendre en compte, dans le calcul du droit aux PC, un montant versé à titre rétroactif qui vient certes augmenter la fortune de la recourante, mais duquel peuvent être soustraites les éventuelles dettes contractées par cette dernière pour subvenir à ses besoins avant le versement du montant rétroactif.

En tout état de cause, la chambre de céans relève que l'application de
l'art. 11 al. 1 LPC conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral ne permet pas, en l'état, d'écarter du calcul du droit aux PC un montant rétroactif perçu à la suite d'un correctif du SPC. Il incomberait en effet au législateur, et non pas au juge, de modifier les paramètres du calcul du droit aux PC sur ce point.

Au vu de ce qui précède, on ne saurait considérer que le principe de proportionnalité ait été violé dans le cas d'espèce.

8.4 La recourante semble en outre faire valoir une violation du principe d'égalité indiquant qu'il est « difficilement compréhensible que des assurés dans des situations sur le fond semblable soient traités de manière différente et uniquement en raison d'une mauvaise appréciation du cas d'espèce par l'autorité
administrative » (cf. Mémoire de réplique, p. 3). Or, tel que l'a déjà jugé la chambre de céans, la prise en compte d'un montant rétroactif ne contrevient pas au principe de l'égalité (cf. consid. 6.4 ci-dessus).

9.             En dernier lieu, la recourante a produit divers justificatifs de paiements de factures de biens de consommation courante. Il convient donc d'examiner si ceux-ci doivent être considérés comme des dépenses reconnues au sens de
l'art. 10 al. 1 let. a LPC et devant être prises en considération dans le calcul du droit aux PC.

9.1 L'art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

9.2 L'art. 10 LPC énumère - de manière exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 9C_822/2009 du 7 mai 2010 consid. 3.3 et la référence, in SVR 2011 EL n° 2 p. 5) - les dépenses reconnues. Ce montant inclut notamment les frais de nourriture, d'habillement, de soins corporels de consommation d'énergie (électricité, gaz, etc.), de communication, de transport ou de loisirs (CARIGIET/KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2ème éd. 2009, p. 134; JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR] vol. XIV, Soziale Sicherheit, 2ème éd. 2007, p. 1694 n. 86).

Le bénéficiaire n'a pas à prouver les frais encourus pour ces postes dans la mesure où le montant prévu pour ceux-ci est de nature forfaitaire (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, ch. 2 ad art. 10 LPC).

En droit cantonal, les dépenses reconnues sont les mêmes qu'en droit fédéral
(art. 6 LPCC), à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'article 3.

9.3 En l'occurrence, la recourante a produit plusieurs justificatifs de paiement de factures ayant pour objet le remboursement d'un compte de carte de crédit d'un montant total de CHF 6'100.- effectué en date des 7 et 11 octobre 2022, des frais de déménagement d'un montant de CHF 1'850.- payés les 14 et 15 mai 2022, ainsi que l'achat de divers biens de consommation courante (une facture de
CHF 2'225.- d'électroménager payée les 18 et 23 mai 2022, une facture de
CHF 734.- pour l'achat d'un réfrigérateur payée le 24 juillet 2021, une facture de
CHF 1'101.10 pour l'achat d'un ordinateur payée le 13 octobre 2022 et une facture de CHF 544.90 pour l'achat de meubles payée le 24 mai 2022), ainsi que des frais de soins vétérinaires d'un montant total de EUR 435.- payés le 20 octobre 2022 et le 10 novembre 2022. La recourante a en outre produit une facture de la régie M______ d'un montant de CHF 1'378.- dont l'objet est désigné par les termes « remboursement réserve de sortie », sans toutefois apporter la preuve du paiement de celle-ci.

Il ressort toutefois des plans de calcul annexés à la décision querellée que l'intimé a comptabilisé les montants forfaitaires prévu par les art. 10 al. 1 let. a LPC et
3 LPCC : CHF 19'610.- (PCF) et CHF 30'000.- (PCC) à titre de dépenses reconnues pour les besoins vitaux de la recourante, ainsi que CHF 10'260.- (PCF) et CHF 13'044.- (PCC) pour sa fille E______ du 1er juin au 30 septembre 2022. À partir du 1er octobre 2022, l'intimé a uniquement retenu les montants forfaitaires PCF et PCC susmentionnés couvrants les besoins vitaux de la recourante dès lors que sa fille E______ n'avait plus droit à une rente enfant de l'AI à partir de cette date, de sorte qu'aucun montant ne pouvait être retenu pour cette dernière
(art. 10 al. 1 let. a ch. 3 LPC a contrario).

Par conséquent, en application des art. 10 al. 1 let. a LPC et 3 LPCC, la chambre de céans constate que les dépenses invoquées par la recourante ont déjà été prises en considération par l'intimé dans le calcul du droit aux PC par le biais du montant forfaitaire relatif aux besoins vitaux, de sorte qu'elles ne permettent pas d'augmenter le montant des dépenses reconnues tel que retenu dans les plans de calcul annexés à la décision querellée.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let fbis LPGA et art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le