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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/49/2023

ATAS/715/2023 du 25.09.2023 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 02.11.2023, 8C_689/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/49/2023 ATAS/715/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 septembre 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représenté par ASSUAS Association suisse des assurés, mandataire

 

 

recourant

contre

 

ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D’ASSURANCES SA

 

intimée

 

 

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1966, a été victime d’une fracture du tibia droit, une plaie ouverte de la rotule, ainsi qu’une déchirure du ligament croisé antérieur du genou droit, nécessitant plusieurs opérations, après avoir été renversé par une moto le 2 juillet 1996 et chuté alors qu’il circulait à vélo. Les conséquences de cet événement ont été prises en charge par ELVIA ASSURANCES, laquelle a été reprise par ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance).

b. Le 16 juillet 1997, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité et l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) a pris en charge un reclassement professionnel du 1er octobre 2002 au 30 juin 2004 (cours et stage pratique) en tant qu’employé administratif / aide-comptable. Au terme du stage au sein de l’entreprise B______ SA (ci-après : B______), le recourant a été engagé à plein temps dans cette société (cf. décision de l’OAI du 8 février 2005 afférente à la réussite des mesures professionnelles, excluant le droit à une rente) et licencié pour le 30 juin 2015.

B. a. Le 23 janvier 2014, alors que l’assuré travaillait pour B______ en qualité de manager, il s’est tordu la cheville et le genou droits au bord d’un trottoir. Il a continué de travailler à la suite de cet accident et l’assurance a pris en charge les suites de celui-ci.

b. Dans son rapport du 12 mars 2014, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, lequel avait prodigué les premiers soins le 3 février 2014, a posé le diagnostic d’entorse bénigne, après avoir constaté des douleurs de la cheville droite et du genou droit. Le traitement médical était terminé le 12 mars 2014. Aucun arrêt de travail n’était attesté.

c. Le 6 mai 2015, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a attesté une capacité de travail nulle dès cette date pour une durée indéterminée, laquelle a été prolongée à réitérées reprises. Le 9 juin 2015, il a diagnostiqué une douleur du genou droit et de la cheville droite post-traumatique et indiqué qu’il y avait une discrète amélioration depuis le contrôle du 27 mai 2015. Le pronostic était défavorable (arthrose post-traumatique). Il fallait s’attendre à une gonarthrose droite et à une arthrose de la cheville droite. L’assuré poursuivait des séances de physiothérapie ainsi que le traitement médicamenteux.

d. Le 13 août 2015, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité.

e. Le 23 décembre 2015, le docteur E______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, a posé le diagnostic de gonarthrose tricompartimentale du genou droit et effectué une viscosupplémentation par des infiltrations intra-articulaires.

f. Dans son rapport du 16 janvier 2016, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a posé les diagnostics suivants : os scaphoïde accessoire avec douleur post-traumatique droite ; tendinopathie fissuraire du tendon d’Achille droit. Le traitement, qui n’était pas terminé, consistait en des séances de physiothérapie et la prise d’AINS.

g. Mandatée par l’assurance, l’entreprise G______ SA a effectué la surveillance de l’assuré du 28 mars au 3 avril 2016. L’entreprise a conclu que l’assuré parcourait au quotidien des distances à pied allant jusqu’à 2 km. Il ne roulait que quelques kilomètres par jour, soit au total 12 km pour 43 mn de conduite. Il restait régulièrement à son domicile ou sortait pour s’occuper de ses enfants ou pour rencontrer des personnes dans des bars, restaurants ou sur la voie publique.

h. Lors d’un entretien avec l’assurance le 12 avril 2016, l’assuré a affirmé qu’il avait continué à travailler suite à l’accident, mais qu’il était en arrêt depuis le 6 mai 2015, les douleurs étant devenues insupportables. Il se plaignait de souffrir en permanence de la jambe droite. Il ne se sentait pas bien, il avait l’impression de ne servir à rien. Il avait perdu ses amis et ne pouvait pas s’occuper de ses enfants comme auparavant. Selon son médecin, il était dépressif. Il n’était pas en mesure de marcher plus de 20 mn ou de plier la jambe. Il pouvait en réalité se baisser, mais c’était très douloureux. Il restait à la maison, le plus souvent couché. Il marchait rarement. Il sortait pour les soins médicaux. Même sans bouger, la jambe tendue, il souffrait. Il poursuivait les séances de physiothérapie et prenait des antidouleurs et antiinflammatoires. Il utilisait rarement les béquilles. Son médecin lui avait conseillé de ne pas les utiliser afin de ne pas perdre les muscles de la jambe. Il avait été licencié avec effet au 31 décembre 2015. Actuellement, il ne travaillait pas en raison des douleurs mais souhaitait reprendre une activité à titre indépendant un jour. Il ne pouvait plus faire de sport (tennis, foot, basket), mais nageait à la piscine du club Silhouette. Il conduisait sur de courtes périodes, 10 à 20 mn au maximum.

Le collaborateur de l’assurance lui a ensuite présenté le rapport d’observation et indiqué que celle-ci avait mis en évidence des éléments en contradiction avec les déclarations qu’il venait de faire (courir, exercer une activité rémunérée). L’assuré a spécifié qu’il avait donné, uniquement durant la semaine de surveillance, des conseils et rempli la déclaration d’impôt de certains amis et connaissances qu’il rencontrait dans la rue ou dans des établissements publics. Selon l’assurance, cette manière de procéder ressemblait plus à une relation avec un client.

i. A la demande de l’assurance, le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a rendu une expertise le 20 avril 2016. Il a posé les diagnostics suivants : s’agissant du genou droit, un status après un accident survenu en 1996 ayant provoqué une fracture de la tête tibiale du côté droit ; une déchirure du ligament croisé antérieur, ayant ensuite entraîné un abaissement de la rotule ; un status après ostéosynthèse de la fracture tibiale puis ablation du matériel d’ostéosynthèse ; un status après correction chirurgicale de la rotule trop basse et un status après probable lésion du ménisque interne ; ainsi qu’un status après contusion du genou droit en 2014. En ce qui concernait la cheville droite, il a diagnostiqué un status après entorse considérée comme « bénigne », avec actuellement récupération fonctionnelle complète. Le statu quo sine avait été retrouvé au jour de l’examen, le 19 février 2016.

j. Le 9 mai 2016, la docteure I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport aux termes duquel l’assuré avait déclaré qu’il présentait de fortes douleurs au niveau de la cheville droite liées à une entorse survenue le 23 janvier 2014. Depuis ces deux accidents, il éprouvait de fortes douleurs pulsatives persistantes à la jambe droite l’empêchant de réaliser ses activités de la vie quotidienne. Il était frustré de ne plus pouvoir danser ou effectuer du sport. Son avenir professionnel était une préoccupation excessive. Ces deux accidents avaient perturbé sa santé, sa vie professionnelle, sociale, familiale et financière et il en souffrait beaucoup. Son sommeil était perturbé, il se sentait très fatigué, épuisé et en échec dans la vie en général. Il craignait de ne plus retrouver sa force, sa santé physique et psychique stable. Il se plaignait d’oppression à la poitrine, de sensation d’étouffement avec souffle coupé et de céphalées de tension persistantes. Il évoquait des scénarios de suicide qui le déstabilisaient. Il était bouleversé, déçu et découragé par le refus de son assurance-accidents de prendre en charge son traitement. Il se sentait incompris dans sa souffrance psychique.

k. Par décision du 27 mai 2016, l’assurance a mis fin à ses prestations au 22 juillet 2014 pour la cheville droite et au 19 février 2016 pour le genou et ajouté que l’événement du 23 janvier 2014 devait être considéré comme un accident léger, si bien que la causalité adéquate n’était pas remplie entre cet événement et l’épisode dépressif actuel.

l. Le 21 juin 2016, l’assuré a, par l’entremise de son conseil, formé opposition, contestant la valeur probante de l’expertise du Dr H______ et par décision du 8 février 2017, l’assurance a rejeté l’opposition.

m. Par acte du 13 mars 2017, l’assuré a recouru contre cette décision auprès de la chambre de céans (cause A/853/2017). Il a allégué que son état de santé ne s’était pas amélioré. Il éprouvait encore des douleurs au genou. Il concluait au versement des indemnités journalières.

n. Le 4 décembre 2017, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle (cause A/853/2017). À cette occasion, le recourant a déclaré qu’en 1996, lorsqu’il était employé polyvalent à la J______, il avait été renversé par une moto alors qu’il circulait à vélo. Il avait subi quatre à cinq opérations au genou et au tibia (qui avait été vissé), notamment une plastie des ligaments croisés. Il avait touché des indemnités de l’assurance-invalidité, laquelle lui avait également financé une formation chez B______, où il a collaboré dès 2003 comme employé polyvalent (coursier, chauffeur de la famille, comptabilité). Il avait été licencié pour le 31 décembre 2015. Il ne se sentait pas capable de travailler pour des raisons tant physiques que psychiques. Il avait fait beaucoup d’efforts pour garder son emploi. Les séquelles physiques qu’il subissait actuellement étaient dues pour le genou à son premier accident, aggravées par le deuxième accident, et pour le pied au deuxième accident. Après son arrêt de travail de 2015, il ne sortait quasiment plus, hormis pour faire un hammam ou un sauna (le chaud lui faisait du bien). Sa psychiatre, qui lui prescrivait un traitement antidépresseur, lui avait conseillé de sortir au moins une fois par jour.

Le recourant a fourni un rapport du 1er décembre 2017 de la Dre I______, dans lequel elle a noté que le recourant se plaignait de fortes douleurs pulsatives persistantes au niveau du genou droit, de la cheville droite et de pied droit l’empêchant d’effectuer ses activités de la vie quotidienne depuis l’accident du 23 janvier 2014 et qu’il était en incapacité de travail totale depuis le 25 février 2016 pour une durée indéterminée

o. Par ordonnance du 16 mars 2018, la chambre de céans a confié une expertise judiciaire bidisciplinaire au professeur K______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et à la docteure L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

p. Le 21 novembre 2018, le Prof. K______ a rendu son rapport d’expertise.

Le 21 janvier 2014, l’assuré s’était tordu le pied et la cheville droits sur le bord d’un trottoir, avait chuté et heurté sa rotule droite sur le sol. Il se plaignait de douleurs constantes aux genou et pied droits, avec blocages. Une radiographie du genou droit avait été pratiquée le 18 avril 2018 et une IRM du genou le 2 mai 2018. Les diagnostics suivants ont été posés :

-       Genou droit : status post fracture épiphyso-métaphysaire interne du tibia droit in situ ; status post ostéosynthèse par vis ; status post ablation du matériel d'ostéosynthèse ; status post rupture ligament croisé antérieur ; status post reconstruction ligament croisé antérieur (tendon rotulien) ; status post algoneurodystrophie ; status post patella baja ; status post ostéotomie de la tubérosité tibiale pour proximaliser la rotule ; status post ablation matériel d'ostéosynthèse distension-rupture du ligament croisé antérieur reconstruit ; atrophie musculature de la cuisse et du mollet ; chondropathie fémoro-patellaire légère à modérée ; patella baja (Index Caton-Deschamps : 0,67 selon IRM 03.05.2018) ; déchirure horizontale du ménisque externe ; arthrose tricompartimentale du genou droit.

-       Cheville droite : status post entorse externe grade 1-2 ; tendinopathie fibrillaire du tendon d'Achille ; ostéophytes débutants pilon antérieur et postérieur.

-       Pied droit : os accessoire naviculaire (os tibial externe) type II ; os trigone ; épine calcanéenne ; articulation cunéo-métatarsienne I oblique.

En conclusion, l’assuré avait été victime d’un accident de la circulation en 1996 qui avait entrainé cinq interventions et qui avait causé des lésions séquellaires aboutissant à une arthrose tricompartimentale débutante et à une patella baja du genou droit. Le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 10% décidé en 2004 était insuffisant, le cas n'étant manifestement pas stabilisé à ce moment-là (intervention sur patella baja en 2007). Un taux de 25% aurait été plus juste (ligament croisé antérieur rompu ou détendu, patella baja, arthrose débutante tricompartimentale, métaphyse tibiale proximale cicatricielle). L'accident de 2014 avait péjoré l'état arthrosique du genou droit et avait entrainé un état douloureux du pied et de la cheville droits sur un état antérieur (os naviculaire, articulation cunéo-métatarsienne oblique). La tendinopathie fissuraire du tendon d'Achille droit pouvait être mise sur le compte de la boiterie induite par l'arthrose du genou. Il existait une capacité de reprise à 70% dans un travail adapté sur le plan orthopédique et ostéoarticulaire dès la date de son examen clinique le 27 juin 2018. Il était recommandé de poursuivre la prise en charge par l'assureur du traitement antalgique ainsi que la physiothérapie de renfort musculaire.

q. Le 16 janvier 2019, la Dre L______ a rendu son rapport d’expertise, concluant à une capacité de travail de 50%.

r. Le 2 décembre 2018, les experts ont rendu un consilium, suite à deux rencontres les 5 octobre et 21 novembre 2018. L’accident de 2014 avait péjoré l'état arthrosique du genou droit et avait entrainé un état douloureux du pied et de la cheville droits sur un état antérieur (os naviculaire, articulation cunéométatarsienne oblique). Concernant la cheville et le pied droits, il n'avait pas été possible d'établir une corrélation directe entre les examens objectifs et les plaintes de l'assuré. En d'autres termes, les constatations objectives n'expliquaient pas les douleurs et les limitations dont se plaignait l’assuré. Par contre, les plaintes de l’assuré concernant son genou droit étaient corroborées par l'ensemble constitué de l'examen clinique et des différents tests à la disposition de l'expert. Les atteintes actuelles du genou droit découlaient de l'accident du 2 juillet 1996 et avaient été aggravées par l'accident de 2014. Ces atteintes donnaient lieu à une baisse partielle de la capacité de travail de l'assuré avec reprise partielle possible à 70% dans un travail adapté, ainsi que cela avait été décrit en détail dans le volet orthopédique de l’expertise. Le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) posé dans le volet psychiatrique de l’expertise permettait quant à lui d'expliquer, en partie, les douleurs et la détresse de l'assuré. Ce syndrome était un trouble caractérisé par la présence de douleurs qui ne pouvaient être complètement expliquées par un trouble somatique objectivé. Il donnait lieu à une baisse de rendement de 50% dans une activité adaptée par ailleurs aux lésions objectivées dans le volet orthopédique de l’expertise. Sur le plan psychothérapeutique, il restait encore certaines démarches à entreprendre avant de pouvoir affirmer que le pronostic de ce trouble psychique était réservé. Ces démarches (hypnose et autohypnose) pourraient donner à l'assuré la possibilité de contrôler ses douleurs.

s. Le 29 juillet 2019, le Prof. K______, à la demande de la chambre de céans qui requérait de sa part une évaluation de la vidéo-surveillance de l’assuré, a rendu un complément d’expertise, en relevant que la vidéo-surveillance ne changeait pas ses conclusions par rapport à la capacité de travail fixée à 70%. Au contraire cette surveillance démontrait une activité de marche limitée, en adéquation avec une pathologie du membre inférieur droit, dont une arthrose du genou et un état douloureux du pied droit, chez un homme de 50 ans. Il lui paraissait que toute activité lucrative, même sédentaire, nécessitait des trajets avec de la marche et des stations debout. L’assuré souffrant de douleurs constantes, il lui paraissait médicalement indiqué de lui laisser le temps de faire les trajets aller-retour au travail et de lui laisser un temps de repos au travail nécessaire pour récupérer des douleurs causées par le va et vient de l'activité professionnelle. Ces vidéos démontraient un état de handicap par la faible activité physique déployée, et notamment concernant la faible quantité de marche, enregistrée pendant la semaine où la surveillance avait eu lieu.

t. Le 26 août 2019, l’assuré a indiqué qu’il s’était cassé le pied et le bras droits le 9 août 2019 et qu’il souhaitait que l’assurance reprenne le versement de ses prestations au 20 février 2016.

u. Le 20 novembre 2019, le Prof. K______ a répondu à une demande de renseignements de l’OAI. L’assuré était en arrêt depuis le 9 août 2019, en raison d’un accident. Il était capable de travailler dans une activité adaptée permettant des changements de position, déplacements limités et l’évitement de ports de charges, à un taux plein à condition que les phénomènes douloureux soient maitrisés.

v. Par arrêts du 27 janvier 2020 (A/853/2017 et ATAS/51/2020), la chambre de céans a admis partiellement le recours de l’assuré, réformé partiellement la décision de l’assurance et renvoyé la cause à l’assurance pour allouer l’indemnité journalière jusqu’au 19 février 2016 et examiner, au-delà, le droit du recourant à la prise en charge d’un traitement médical, à une rente d’invalidité et à une IPAI.

w. Le 22 octobre 2020, le Prof. K______ a rendu un rapport à la demande de l’OAI, attestant d’une incapacité de travail totale en raison de douleurs à la marche suite à la fracture du 5ème métatarse droit (accident du 9 août 2019), au niveau de l’épaule droite et au genou droit suite à la contusion, avec une limitation du périmètre de marche.

x. Le 6 janvier 2021, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR) a estimé que l’avis du 22 octobre 2020 du Prof. K______, attestant un arrêt de travail total de l’assuré, ne pouvait être suivi, ce d’autant que son expertise de 2018 concluait à une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée. Il a en conséquence préconisé une expertise rhumato-psychiatrique, laquelle a été rendue par le Centre d’expertises médicales (ci-après : CEMed) le 15 juillet 2021 (docteurs M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, et N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie). Les experts ont retenu les diagnostics suivants : difficultés dans les rapports avec le conjoint (Z63.0) (fausse couche particulièrement difficile : 2005 ; interruption thérapeutique de grossesse : 2009 ; séparation : 2020) ; décès (suicide) d’un membre de la famille (Z63.4) (2014) ; non observance d’un traitement médical (C-PAP) (Z91.1) (depuis 2017) ; troubles anxieux et dépressifs mixtes (F41.2) ; syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) ; patella baja bilatérale ; gonarthrose droite modérée secondaire (traumatisme 1996) ; gonarthrose gauche primaire avec patella baja minime ; douleur épaule droite ; pseudarthrose de la base du cinquième métatarsien pied droit (09.08.2019) ; fracture de la tête radiale type Mason I (09.08.2019).

Depuis le 9 février 2020, l’assuré était capable de travailler à 100% dans une activité adaptée aux limitations somatiques. Il n’y avait aucune incapacité de travail sur le plan psychique.

C. a. Le 15 avril 2021, l’assuré a saisi la chambre de céans d’un recours pour déni de justice, l’assurance n’ayant toujours pas statué plus d’un an après la notification de l’ATAS/51/2020 et par arrêt du 28 juin 2021 (ATAS/695/2021), la chambre de céans a admis le recours. Elle a constaté qu’aucun acte d’instruction relatif au dossier de l’assuré n’avait eu lieu depuis l’ATAS/51/2020 du 27 janvier 2020 et a ordonné à l’assurance de rendre une décision dans les meilleurs délais. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral.

b. Dans un rapport daté du 6 juillet 2021, le docteur O______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a retenu que l’assuré souffrait de troubles à l’épaule droite, à la cheville droite et au genou droit, suite à des évènements survenus en 1996, 2014 et 2019. Il préconisait un traitement conservateur avec une potentielle intervention « mini-invasive » dans le dernier cas si ce traitement conservateur s’avérait insuffisant.

c. Le 3 août 2021, le SMR a retenu, sur la base de l’expertise précitée, une incapacité de travail totale dès le 6 mai 2015 et nulle dès le 9 février 2020 dans l’activité habituelle d’aide-comptable, laquelle était adaptée aux limitations fonctionnelles.

d. Par courrier recommandé du 14 septembre 2021, l’assuré a mis en demeure l’assurance de statuer, notamment concernant la prise en charge de ses frais médicaux.

e. Par courrier daté du 22 octobre 2021, le Dr O______ a requis de l’assurance une confirmation de prise en charge d’une opération du genou droit de l’assuré planifiée pour le 2 décembre 2021.

f. Le 9 novembre 2021, le recourant a requis une décision formelle vu l’ATAS/695/2021.

g. Le 12 novembre 2021, l’assurance a informé l’assuré que l’expertise du CEMed ayant conclu que les limitations fonctionnelles somatiques n’avaient pas de répercussion sur sa capacité de travail, une nouvelle expertise était nécessaire afin de déterminer la prise en charge du traitement après le 19 février 2016, le taux de l’IPAI et celui d’une éventuelle rente d’invalidité, ainsi que la prise en charge de l’intervention envisagée le 2 décembre 2021.

h. Par courrier du 25 novembre 2021, l’assuré a déposé un nouveau recours (cause A/4071/2021) pour déni de justice contre l’assurance. Celle-ci n’avait pas encore rendu de décision et ne prenait pas en charge ses soins médicaux.

i. Le 26 novembre 2021, l’assurance a informé l’assuré que l’expertise serait confiée au docteur P______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.

j. Le 12 décembre 2021, l’assuré a chuté en trottinette ; il s’est fracturé l’humérus droit, ce qui a nécessité une intervention chirurgicale le 21 décembre 2021.

k. Le Dr P______ a convoqué le 27 décembre 2021 l’assuré pour un examen le 2 février 2022, en indiquant sous « motif de l’expertise », le résumé de l’expertise du Prof. K______.

l. Le 25 janvier 2022, le SMR, après avoir requis des renseignements complémentaires auprès du Dr M______ (avis du 21 décembre 2021), a considéré qu’il convenait de tenir compte de l’expertise du Prof. K______, de sorte que l’incapacité de travail était totale, dans l’activité d’aide-comptable, qui était adaptée, dès le 6 mai 2015, de 30% dès le 19 février 2016 et nulle dès le 9 février 2020.

m. Le 2 février 2022, le Dr P______ a rendu son rapport d’expertise, concluant à l’absence de diminution permanente de la capacité de travail de l’assuré résultant des accidents de 1996 et 2014. Une IPAI de 10% était justifiée. Aucun des diagnostics retenus par l’expertise judiciaire n’entrainait de limitations fonctionnelles aptes à interdire ou limiter l’exercice de la profession habituelle.

n. Par mémoire du 10 février 2022, l’assurance a répondu (cause A/4071/2021) en concluant au rejet du recours pour déni de justice sous suite de dépens. Elle a annoncé qu’elle attendait un rapport d’expertise complémentaire pour statuer.

o. Une audience en présence des parties a été tenue le 28 février 2022. Dans ce cadre, le recourant a informé la chambre de céans qu’une opération de son genou avait été planifiée en janvier 2020 mais qu’elle n’avait jusqu’alors pas pu avoir lieu faute de décision de l’intimée. Celle-ci a précisé que si elle n’avait pas encore rendu de décision, c’était qu’elle désirait confier une nouvelle expertise au Dr P______, s’agissant du genou, du talon d’Achille, de la cheville et du pied droits du recourant. Elle considérait en outre qu’il était approprié d’attendre le résultat d’une instruction parallèle d’un trouble potentiel à l’épaule et à la colonne du recourant suite à une chute survenue en 2019.

À la fin de l’audience, la chambre de céans a requis de l’intimée qu’elle indique d’ici au 7 mars 2022 si elle était prête à mettre en œuvre l’arrêt ATAS/51/2020 du 27 janvier 2020, respectivement à rendre une décision dans le sens indiqué par cet arrêt.

p. Par courrier du 7 mars 2022, l’assurance a annoncé qu’elle était toujours en attente du résultat de la nouvelle expertise confiée au Dr P______, laquelle portait en particulier sur les troubles au genou droit du recourant. C’était uniquement sur cette base qu’elle serait en mesure de fixer le taux d’invalidité de l’assuré et le montant de son IPAI. En effet, de l’opinion de l’intimée, il ressortait de l’ATAS/51/2020 que la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée était « d’au moins 70% » et que cette question nécessitait donc une clarification complémentaire. En revanche, elle avait bien mis fin au paiement des indemnités journalières pour le 19 février 2016, en conformité avec l’ATAS/51/2020 du 27 janvier 2020.

q. Par arrêt du 19 avril 2022 (ATAS/349/2022), la chambre de céans a admis le recours pour déni de justice et a condamné l’assurance à rendre une décision dans un délai de 30 jours, en relevant qu’il avait été jugé le 27 janvier 2020 que l’assuré présentait une incapacité de travail de 30% dans une activité adaptée et que l’assurance devait fixer le degré d’invalidité et le taux de l’IPAI de l’assuré. L’expertise ordonnée auprès du Dr P______ portait principalement sur des questions tranchées par l’arrêt du 27 janvier 2020, entré en force, de sorte qu’elle était, dans cette mesure, contraire au droit. Même s’il fallait retenir qu’une instruction en vue notamment d’une révision était nécessaire, cela ne pouvait justifier que l’intimée ne rende pas de décision initiale, en violation des injonctions claires qui lui avaient été faites par la chambre de céans.

r. Par décision du 23 mai 2022, l’assurance a, en application des conclusions de l’expertise judiciaire, octroyé à l’assuré une rente d’invalidité d’un taux de 30% du 19 février 2016 au 23 mai 2022 et une IPAI d’un taux de 25%, majorés d’intérêts moratoires, et a pris en charge le traitement conservateur pour maintenir les phénomènes douloureux du genou et du tendon d’Achille droits du 19 février 2016 au 8 février 2020. Il était admis que l’assuré présentait une capacité de travail de 70% dès le 20 février 2016 ; cependant, l’expertise du CEMed attestait dès le 9 février 2020 une capacité de travail totale, de sorte que la rente d’invalidité devait être supprimée dès cette date.

s. Le 23 juin 2022, l’assuré a fait opposition à la décision précitée ; il a contesté le gain assuré de CHF 126'000.-, vu son salaire annuel en 2014 ; la valeur probante de l’expertise du CEMed était contestée et il était rappelé que l’ATAS/51/2020, qui se basait sur l’expertise du Prof. K______, était entré en force et l’expertise du Dr P______ était inutile ; il contestait la fin des prestations au 9 février 2020 (frais de traitement) et au 23 mai 2022 (rente d’invalidité) ; il demandait la prise en charge de l’arthroscopie du genou droit par le Dr O______ et l’assurance devait se prononcer sur la prise en charge du traitement de son talon d’Achille droit.

t. Le 28 juin 2022, le SMR a estimé qu’il fallait retenir une incapacité totale de travail de trois mois dès le 12 décembre 2021 pour les suites de la fracture de l’humérus droit (intervention chirurgicale du 21 décembre 2021).

u. Le 19 octobre 2022, le SMR a précisé que la capacité de travail de l’assuré était de 70% dès le 19 février 2016, également au-delà du 9 février 2020. En effet, après relecture du dossier, il apparaissait que l’appréciation du Dr M______ correspondait à une appréciation différente d’un même état de fait (de celle du Prof. K______) ; comme le SMR avait suivi la capacité de travail de 70% retenue par le Prof. K______ dès le 19 février 2016 et que la situation médicale n’avait pas changé, il était proposé de maintenir le 70% de capacité de travail au-delà du 9 février 2020.

v. Par décision du 27 octobre 2022, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le degré d’invalidité de l’assuré était de 30% et que l’activité habituelle était adaptée.

w. Par décision du 23 novembre 2022, l’assurance a partiellement admis l’opposition. Le gain assuré était bien de CHF 126'000.- compte tenu de la date des accidents en cause. La rente d’invalidité prenait fin au 1er juin 2022, soit le premier jour du mois suivant la notification de la décision du 23 mai 2022. Des intérêts complémentaires étaient dus du 23 mai au 31 mai 2022 (CFH 647.60 et CHF 20.70). L’OAI avait mis en œuvre une expertise auprès du CEMed et l’assuré ne démontrait pas en quoi elle était insoutenable ou entachée de partialité ; ses conclusions avaient été confirmées par le Dr P______, dont l’expertise était probante. La prise en charge de l’arthroscopie du genou droit et du traitement du tendon d’Achille était refusée.

x. Le 28 novembre 2022, l’assuré, représenté par ASSUAS, a recouru auprès de la chambre de céans à l’encontre de la décision de l’OAI du 27 octobre 2022 (A/4073/2022), en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité et à un reclassement professionnel et par arrêt du 3 avril 2023 (ATAS/238/2023), la chambre de céans a rejeté le recours (cause A/4073/2022).

D. a. Le 9 janvier 2023, l’assuré a recouru auprès de la chambre de céans à l’encontre de la décision de l’assurance du 23 novembre 2022, en concluant à son annulation, à l’octroi de prestations selon le contrat d’assurance-accidents complémentaire, au droit à la rente d’invalidité au-delà du 23 mai 2022 (sic), ainsi qu’à la prise en charge de l’arthroscopie du genou droit et au traitement du talon d’Achille.

Aucun fait nouveau depuis l’appréciation du Prof. K______ ne permettait de supprimer la rente d’invalidité ni de mettre fin à la prise en charge des frais de traitement. Le Dr M______, du CEMed, avait confirmé que son appréciation était différente de celle du Prof. K______, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’une évolution favorable de l’état de santé mais uniquement d’un avis différent ; la nouvelle expertise du Dr P______ était contraire au droit en tant qu’elle portait sur des questions clarifiées par le Prof. K______.

b. Le 13 mars 2023, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. Le recourant a indiqué que suite à l’accident du 12 décembre 2021, il devait se faire opérer à nouveau.

c. Le 23 mars 2023, l’assurance a conclu au rejet du recours. L’assurance-accidents complémentaire ne relevait pas de la présente procédure. La suppression de la rente d’invalidité tenait compte des appréciations subséquentes des médecins orthopédistes, y compris celle du Prof. K______ de novembre 2019 ; il s’agissait d’une révision qui tenait compte de la modification durable de la capacité de gain du recourant de 70 à 100%, comme attestée par le Prof. K______ en 2019, le Dr M______ en 2021 et le Dr P______ en 2022.

d. Le 25 avril 2023, le recourant a répliqué.

e. Le 27 mai 2023, l’assurance a dupliqué.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             La décision litigieuse a alloué au recourant une rente d’invalidité de 30%, basée sur un gain assuré de CHF 126'000.-, du 19 février 2016 au 31 mai 2022, majorée d’intérêts moratoires, une IPAI d’un taux de 25%, majorée d’intérêts moratoires, ainsi que la prise en charge des traitements médicaux conservatoires pour maîtriser les phénomènes douloureux du genou et du tendon d’Achille, du 19 février 2016 au 8 février 2020.

Selon les termes du recours, est encore litigieux le droit du recourant à des prestations sur la base de son assurance-accidents complémentaire, la cessation de la rente d’invalidité au 31 mai 2022 et la suppression de la prise en charge des frais de traitement au 8 février 2020, ainsi que la prise en charge d’une arthroscopie du genou droit.

 

 

3.              

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

3.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

4.              

4.1 Selon l’art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite. L’art. 19 al. 1 LAA prévoit que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

4.2 L'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA). Le traitement médical n'est alloué qu'aussi longtemps que sa continuation est susceptible d'apporter une sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré. Il cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA). Lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire aux conditions énumérées à l'art. 21 al. 1 LAA, soit notamment lorsqu'il a besoin de manière durable d'un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c) ou lorsqu'il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration (let. d). Il s'agit de prestations durables, dont l'octroi ne peut pas être limité à quelques mois (ATF 144 V 418). Si la continuation du traitement médical n'est plus susceptible d'apporter une sensible amélioration de l'état de santé au sens de l'art. 19 al. 1 LAA et si les conditions de l'art. 21 al. 1 LAA ne sont pas remplies, il appartient à l'assurance-maladie obligatoire de prendre en charge les frais de traitement (ATF 140 V 130 consid. 2.2 ; ATF 134 V 109 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.3 et la référence).

Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de traitement médical diffèrent selon que l'assuré est ou n'est pas au bénéfice d'une rente (ATF 116 V 41 consid. 3b). Dans l'éventualité visée à l'art. 10 al. 1 LAA, un traitement doit être pris en charge lorsqu'il est propre à entraîner une amélioration de l'état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. Il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature à rétablir ou à augmenter la capacité de gain. En revanche, dans l'éventualité visée à l'art. 21 al. 1 LAA, un traitement ne peut être pris en charge qu'aux conditions énumérées à cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 8C_332/2012 du 18 avril 2013 consid. 1).

4.3 En vertu de l'art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. Peut en particulier justifier une révision une modification sensible de l'état de santé ou des conséquences sur la capacité de gain d'un état de santé resté en soi le même (ATF 133 V 545 consid. 6.1 p. 546 ; 130 V 343 consid. 3.5 p. 349 s. et les arrêts cités). En revanche, une simple appréciation différente d'un état de fait qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé n'appelle pas une révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 11 et les références). Le point de savoir si un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment où la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente a été rendue avec les circonstances au moment de la décision de révision (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

5.              

5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.              

7.1 En l’occurrence, dans un premier grief, le recourant sollicite des prestations de la part de l’intimée sur la base d’un contrat d’assurance-accidents complémentaire. Or, d’une part, cette question ne fait pas l’objet de la décision litigieuse (à cet égard ATF 134 V 418), d’autre part, elle ne peut être soumise directement à la chambre de céans, le Tribunal administratif de première instance étant compétent pour connaitre, en première instance, de tels litiges (art. 116 al. 3 LOJ et art. 134 al. 2 LOJ). La chambre de céans ne peut en conséquence entrer en matière sur cette conclusion.

7.2 Dans un second grief, le recourant s’oppose à la cessation de la rente d’invalidité au 31 mai 2022.

7.2.1 L’intimée, en allouant des prestations sur la base de l’expertise judiciaire du Prof. K______, a confirmé la valeur probante de celle-ci (reconnue par l’arrêt de la chambre de céans du 27 janvier 2020 - ATAS/51/2020, entré en force), de sorte que cette question n’est plus litigieuse.

7.2.2 L’intimée se prévaut des avis médicaux des Drs K______, du 20 novembre 2019, M______, du 15 juillet 2021 et P______, du 2 février 2022, pour tenter d’établir une amélioration de l’état de santé du recourant, justifiant la suppression de la rente d’invalidité au 31 mai 2022 et la prise en charge du traitement au 8 février 2020.

7.2.2.1.    S’agissant de l’avis du Prof. K______ du 20 novembre 2019, il relève que le recourant est apte à travailler à un taux de 100% dans une activité adaptée, à la condition que les phénomènes douloureux soient maitrisés, lui permettant de récupérer une capacité de concentration nécessaire à l’accomplissement d’un travail rémunéré. Or, le Prof. K______ n’indique pas que tel est le cas au jour de son rapport. Cet avis est ainsi insuffisant pour établir une amélioration de l’état de santé du recourant, ce d’autant plus que la phrase précitée et mise en exergue par l’intimée (point 11 du rapport du Prof. K______ du 20 novembre 2019) est exactement identique à celle figurant déjà dans le rapport d’expertise judiciaire (expertise judiciaire p. 29), le Prof. K______ ayant cependant précisé que la capacité de travail était bien limitée à un taux de 70%.

7.2.2.2.    S’agissant de l’expertise du Dr M______, le SMR a relevé que ses conclusions ne tenaient compte que du dernier événement du 9 août 2019 mais ne se prononçait pas sur l’évolution de l’état de santé depuis 2015 et que le Dr M______ n’expliquait pas pourquoi il s’écartait des conclusions de l’appréciation du Prof. K______, de sorte qu’il convenait de le questionner afin qu’il précise si la capacité de 100% qu’il avait retenue correspondait à une évolution favorable de l’état de santé du recourant (avis du SMR du 29 novembre 2021). Or, le 21 décembre 2021, le Dr M______ a précisé que son évaluation d’une capacité de travail de 100% depuis le 9 février 2020 était une appréciation différente de celle retenue par le Prof. K______, de sorte que le SMR a finalement estimé que le recourant était en incapacité de travail de 30% depuis le 19 février 2016 et que la situation médicale n’avait pas changé depuis 2015, la capacité de travail dans l’activité habituelle étant de 70% dès le 19 février 2016 et cela également au-delà du 9 février 2020 (avis du SMR du 19 octobre 2022).

Dans ces conditions, l’intimée ne saurait se fonder valablement sur l’expertise du Dr M______ pour établir une amélioration de l’état de santé du recourant au 9 février 2020, le Dr M______ l’ayant lui-même niée.

7.2.2.3.    S’agissant enfin de l’expertise du Dr P______ du 2 février 2022, elle ne contient pas non plus d’éléments médicaux permettant d’établir une amélioration de l’état de santé du recourant au 9 février 2020, dès lors qu’elle s’attache à contester les éléments retenus par le Prof. K______ dans son expertise judiciaire, et qu’elle conclut à un état de santé définitif atteint au 19 février 2016 et à une absence de diminution permanente de la capacité de travail du recourant, celui-ci étant considéré comme totalement capable de travailler dans son activité habituelle, à tout le moins dès le 1er mars 2014 (expertise du Dr P______ pp. 65, 67, 70 et 73).

L’intimée n’explicite d’ailleurs pas en quoi le rapport d’expertise du Dr P______ attesterait d’une amélioration de l’état de santé du recourant au 9 février 2020.

7.2.3 Au demeurant, aucun élément médical au dossier ne permet d’établir que l’état de santé du recourant se serait amélioré entre le moment où l’intimée a reconnu un droit à la rente d’invalidité, en février 2016, et celui où elle l’a supprimé, en mai 2022.

8.             Dans un troisième grief, le recourant s’oppose à la suppression de la prise en charge des frais de traitement au 8 février 2020.

8.1 La prise en charge du traitement a été admise par l’intimée jusqu’au 8 février 2020, date de l’expertise du Dr M______.

Le Prof. K______ a relevé un syndrome douloureux persistant (état douloureux du pied et de la cheville), soit des douleurs chronicisées et a recommandé la poursuite de la prise en charge du traitement antalgique et de la physiothérapie (expertise judiciaire p. 36). Dans son complément d’expertise, le Prof K______ a relevé qu’un traitement conservateur devait se poursuivre pour conserver, voire améliorer, le status actuel et qu’une prise en charge par le centre de la douleur était indiquée (complément d’expertise judiciaire du 29 juillet 2019 p. 4). Dès lors qu’il ne ressort pas de l’appréciation du Prof. K______ que des soins durables sont nécessaires pour conserver la capacité résiduelle de travail de 70% (à cet égard arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2023 du 14 juillet 2023 et art. 21 al. 1 let. c LAA), l’intimée pouvait revenir sur sa décision de prise en charge d’un tel traitement à la date du 9 février 2020, étant par ailleurs relevé que les frais de traitement ne sont pas des prestations durables au sens de l’art. 17 al. 2 LPGA, de sorte que les règles présidant à la révision des prestations ne leur sont pas applicables (ATF 133 V 57).

En outre, l’art. 21 al. 1 let. d LAA, cité par le recourant, n’est pas applicable dès lors qu’il vise l’assuré totalement incapable de travailler (ATF 140 V 130), ce qui n’est pas le cas du recourant.

8.2 Au demeurant, c’est à bon droit que l’intimée a mis fin à la prise en charge des frais de traitement au 8 février 2020.

8.3 Enfin, le recourant requiert la prise en charge de l’intervention envisagée par le Dr O______ (courriers de celui-ci à l’intimée des 22 octobre et 22 novembre 2021).

8.3.1 À cet égard, le Prof. K______ a indiqué dans son complément d’expertise qu’il était difficile d’imaginer, au vu d’une évolution datant de 1996 à ce jour, qu’une intervention chirurgicale quelle qu’elle fût, ne parvienne à enlever efficacement et de manière générale les douleurs au genou, permettant un plein emploi (complément d’expertise judiciaire p. 4). Or, ni le recourant, ni le Dr O______ n’ont fourni d’élément médical permettant de considérer que l’arthroscopie envisagée permettrait de conserver la capacité résiduelle de gain du recourant de 70% dans son activité habituelle, au sens de l’art. 21 al. 1 let. c LAA.

Au contraire, le rapport succinct du Dr O______ du 26 novembre 2021 indique seulement qu’en présence de douleurs invalidantes, sans tendance à l’amélioration, une réparation par voie mini-invasive sous conduite arthroscopique était indiquée, ce qui permet de comprendre que la capacité de travail de 70% n’est pas, en l’absence de dite intervention, mise en péril.

8.3.2 En conséquence, c’est également à bon droit que l’intimée a refusé la prise en charge d’une telle intervention.

9.              

9.1 Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision de l’intimée étant partiellement annulée dans la mesure où elle supprime au 31 mai 2022 la rente d’invalidité du recourant ; elle sera confirmée pour le surplus.

9.2 Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimée du 23 novembre 2022 dans la mesure où elle supprime la rente d’invalidité du recourant au 31 mai 2022.

4.        Dit que le recourant a droit à une rente d’invalidité de 30% dès le 19 février 2016.

5.        Confirme la décision pour le surplus.

6.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 3'000.- à charge de l’intimée.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le