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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4396/2022

ATAS/107/2023 du 16.02.2023 ( LPP ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4396/2022 ATAS/107/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 février 2023

3ème Chambre

 

En la cause

HELVETIA FONDATION COLLECTIVE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL, sise St. Alban-Anlage 26, BÂLE

 

 

 

demanderesse

 

contre

A______, sise c/o B______, ______, CHÂTELAINE

 

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Le 16 novembre 2017, la société A______ (ci-après : la société) s’est affiliée auprès de HELVETIA FONDATION COLLECTIVE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL (ci-après : la fondation ; contrat d’adhésion n°320863), conformément à son obligation légale de mise en œuvre de la prévoyance professionnelle pour ses employés.

b. La société ne s’étant pas acquittée des cotisations de prévoyance échues, la fondation lui a adressé des rappels.

c. Un commandement de payer (poursuite 1______) a été notifié à la société le 30 novembre 2022 pour un montant de CHF 15'775.50 avec intérêts à 5% à compter du 14 juillet 2022 (+ CHF 384.45 d’intérêts contractuels + CHF 90.- de frais de commandement de payer). Il y a été fait opposition le 1er décembre 2022.

d. Par courrier du 7 décembre 2022, la fondation, constatant que la collaboration avec la société se « heurtait avec des difficultés majeures » a résilié le contrat d’affiliation. Il a été rappelé à la société que son compte présentait toujours un solde en faveur de la fondation de CHF 15'775.50, montant qu’il lui était demandé de verser dans les trente jours.

B. a. Le 23 décembre 2022, la fondation a saisi la Cour de céans d’une demande visant la mainlevée de l’opposition au commandement de payer.

b. Invitée à se déterminer, la société défenderesse ne s’est pas manifestée.

c. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]).

Aux termes de l’art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé.

La défenderesse ayant son siège dans le canton de Genève, la compétence de la Cour de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             Le litige porte sur la demande en mainlevée de l'opposition faite au commandement de payer.

3.             a. Conformément à l’art. 10 LPP, l’assurance obligatoire – au sens de l’art. 2 LPP – commence en même temps que les rapports de travail (al. 1 1ère phr.). Durant un mois après la fin des rapports avec l’institution de prévoyance, le salarié demeure assuré auprès de l’ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d’invalidité. Si un rapport de prévoyance existait auparavant, c’est la nouvelle institution de prévoyance qui est compétente (al. 3).

b. En vertu de l’art. 66 al. 1 LPP, l’institution de prévoyance fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des cotisations de l’employeur et de celles des salariés. La somme des cotisations (contribution) de l’employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l’employeur ne peut être fixée plus haut qu’avec son assentiment.

La convention dite d’affiliation d’un employeur à une fondation collective ou à une fondation commune est un contrat sui generis fondé sur l’art. 11 LPP
(ATF
120 V 299 consid. 4a et les références).

c. À teneur de l’art. 66 al. 2 LPP, l’employeur est débiteur de la totalité des cotisations – fixées dans les dispositions réglementaires – envers l’institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d’un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement.

Le taux d'intérêt se détermine en premier lieu selon la convention conclue par les parties dans le contrat de prévoyance et, à défaut, selon les dispositions légales sur les intérêts moratoires des art. 102 ss CO (SVR 1994 BVG n° 2 p. 5 consid. 3b/aa ; RSAS 1990 p. 161 consid. 4b).

Aux termes de l'art. 102 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (al. 1). Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (al. 2). Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire à 5 % l'an, dans la mesure où un taux d'intérêt plus élevé n'a pas été convenu par contrat (art. 104 al. 1 et 2 CO ; ATF 130 V 414 consid. 5.1 ; 127 V 377 consid. 5e/bb et les références). Des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans le paiement des intérêts moratoires (art. 105 al. 3 CO ; RSAS 2003 p. 500 consid. 6.1).

d. Selon la doctrine, le solde reconnu du compte courant étant une créance nouvelle issue de la novation, convenue par avance, il est le fruit d’une convention qui ne peut être anéantie ou modifiée qu’aux conditions des art. 21 (lésion) et 23 ss CO (vices du consentement), la novation étant elle-même réputée être causale, sauf disposition contraire voulue par les parties (Denis PIOTET, Commentaire romand Code des obligations I, 2021, n. 18 ad art. 117 CO). À teneur de la jurisprudence fédérale, dans des relations contractuelles complexes, il est possible de revenir sur un article comptabilisé à tort lors du bouclement du compte, en cas de vice du consentement (ATF 127 III 147 consid. 2d et e ; 135 V 113 consid. 3.6 ; ATAS/721/2018 du 22 août 2018 consid. 7c/cc ; ATAS/292/2014 du 12 mars 2014 consid. 6).

e. Les institutions de prévoyance ont des frais administratifs, pour le financement desquels elles peuvent prévoir des cotisations et adopter des dispositions dans leurs règlements (cf. art. 65 al. 3 LPP et 48a de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 18 avril 1984 [OPP 2 - RS 831.441.1] ; Jürg BRECHBÜHL/Lara FRETZ respectivement Maya GECKELER HUNZIKER [traduction], in Jacques-André SCHNEIDER/Thomas GEISER/Thomas GÄCHTER, Commentaire LPP et LFLP, 2020, n. 35ss. ad art. 65 LPP et n. 5ss. ad art. 66 LPP ; aussi ATAS/1055/2021 du 13 octobre 2021 consid. 5d).

f. Des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans le paiement des intérêts moratoires (art. 105 al. 3 CO). Cette disposition interdit la composition (anatocisme) de l'intérêt moratoire : le créancier ne peut pas faire courir un (nouvel) intérêt moratoire sur une dette d'intérêt moratoire déjà échue par une (nouvelle) interpellation, ni même une poursuite ou une demande en justice, le but étant de protéger le débiteur contre une augmentation exponentielle imprévue de sa dette qui résulterait de la composition des intérêts. Les parties peuvent cependant convenir d'ajouter un intérêt moratoire échu au capital et faire courir un intérêt sur le tout : il s'agit en principe d'une novation. Celle-ci peut être convenue d'avance, notamment par une convention de compte courant (art. 117 CO). C'est pourquoi le Tribunal fédéral considère que l'art. 105 al. 3 CO est une règle de droit dispositif qui interdit au créancier de provoquer unilatéralement une capitalisation des intérêts, mais pas aux parties de la stipuler (Luc THÉVENOZ, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 6 et 7 ad art. 105 CO, et les références ; aussi ATAS/1055/2021 précité consid. 5c). Cela étant, l'interdiction de l'anatocisme n'est pas applicable aux contrats de compte courant (art. 314 al. 3 CO).

Il est précisé que les frais de poursuite sont d'office supportés par le débiteur lorsque la poursuite aboutit (ATAS/1055/2021 précité consid. 16c ; JdT 1974 III 32). Il n'y a donc effectivement pas lieu de prononcer la mainlevée définitive pour les frais du commandement de payer, dont le sort suit celui de la poursuite (art. 68 LP ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_8/2008 du 11 avril 2008 consid. 4 ; ATAS/1055/2021 précité consid. 16c).

À teneur de l’art. 88 al. 2 LP, le droit du créancier de requérir la continuation de la poursuite se périme par un an à compter de la notification du commandement de payer. Si une opposition a été formée, ce délai ne court pas entre l’introduction de la procédure judiciaire ou administrative et le jugement définitif.

4.             Les décisions des autorités administratives fédérales portant condamnation à payer une somme d'argent sont exécutées par la voie de la poursuite pour dettes et sont, une fois passées en force, assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1 ; Pierre-Robert GILLIÉRON, Commentaire de la LP, 1999 p. 1226 ch. 45).

Il en est de même des décisions passées en force des autorités administratives cantonales de dernière instance qui statuent, dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération, en application du droit fédéral, mais qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit fédéral – autrement dit, dont les décisions sont susceptibles d'un recours administratif auprès d'une autorité fédérale ou d'un recours de droit administratif (Carl JEAGER, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1999 p. 621). Par autorités administratives fédérales, et par extension autorités administratives cantonales de dernière instance, il faut entendre les tribunaux fédéraux et les autres autorités ou organisations indépendantes de l'administration fédérale en tant qu'elles statuent dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération (art. 1 al. 2 lit. b et e de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021).

La chambre des assurances sociales statuant en dernière instance cantonale et dans l'accomplissement de tâches de droit public peut, selon ce qui précède, prononcer la mainlevée définitive d'une opposition à un commandement de payer puisque, statuant au fond, la condamnation au paiement est assimilée à un jugement exécutoire. Cette solution est d'ailleurs la conséquence du fait que, dans les matières qui sont de son ressort, le juge des assurances est effectivement le juge ordinaire selon l'art. 79 LP et qu'il a qualité pour lever une opposition à la poursuite en statuant sur le fond (ATF 109 V 51).

5.              

5.1 En l'espèce, la chambre de céans tient pour établi qu'en sa qualité d'employeur occupant des salariés, la défenderesse devait obligatoirement être affiliée à une caisse de prévoyance professionnelle, ce qui du reste n'est pas contesté.

5.2 Il ressort de l'ensemble des pièces produites par la demanderesse que la défenderesse est demeurée débitrice à son encontre d'un montant de CHF 15'775.50 correspondant aux cotisations des employés dues à la défenderesse. En outre, la simple passivité de la débitrice, celle-ci n'ayant réagi ni aux sommations de la fondation, ni à celles de la Cour de céans, ne saurait empêcher la fondation d'engager et de continuer des procédures de recouvrement afin d'obtenir la reconnaissance de ses droits (ATA J. du 5 septembre 1995).

5.3 En l’espèce, la demande a été formée dans le délai de prescription de cinq ans. Le commandement de payer a été notifié à la défenderesse le 30 novembre 2022, date à laquelle le délai de péremption d’un an de l’art. 88 al. 2 LPP a commencé à courir. Par conséquent, celui-ci n’était pas atteint lorsque la demanderesse a saisi la Cour de céans, le 23 décembre 2022, ce délai ne courant par ailleurs pas durant la présente procédure judiciaire vu l'opposition de la société.

5.4 Aux termes du ch. 2.1 des conditions de la convention, « les droits et les devoirs respectifs des parties contractantes ressortent des dispositions de la présente convention d'affiliation, ainsi que de celles du règlement pour frais de gestion, de l'acte de fondation, du règlement électoral et du règlement d'organisation ».

Les obligations de la défenderesse relatives au « paiement des cotisations/échéances » sont précisées au chapitre 5 (ch. 5.1 à 5.7) des conditions de la convention. En particulier, à teneur du ch. 5.1, « l'employeur s'engage à verser les contributions facturées par [la fondation] ». Selon le ch. 5.4, « tout solde en faveur de la [fondation] à la fin d'une année, ainsi que les intérêts débiteurs, sont reportés à l'année civile suivante à titre de créance en capital. Tout solde en faveur de l'entreprise affiliée, y compris les intérêts éventuels créditeurs sont comptabilisés à titre de paiement d'acompte pour les contributions de l'année suivante » (al. 3). « Pour la fin de l'année civile, la [fondation] établit un relevé du compte d'encaissement. Le solde indiqué sur ce relevé sera considéré comme approuvé dans la mesure où l'entreprise affiliée ne le conteste pas par écrit dans un délai de 4 semaines après réception du relevé » (al. 4).

Par ailleurs, le chapitre 7 des conditions de la convention traite de la « mise en vigueur/résiliation/dissolution », le ch. 7.3 réglant en particulier le droit de résiliation avec effet immédiat « en cas de retard de paiement ou en cas de
non-respect des obligations concernant la coopération ».

Le règlement pour frais de gestion, qui fait partie intégrante de la convention (ch. 2.1 des conditions de la convention), prévoit le montant des frais pour des cotisations encore impayées, relatifs à la « sommation par lettre signature en rapport avec le paiement des cotisations arriérées encore dues » de CHF 300.-, au « plan d'amortissement » de CHF 250.-, et aux « poursuites (non compris les frais officiels) », soit la « réquisition de poursuite » sans montant indiqué, la « réquisition de continuer la poursuite » à hauteur de CHF 500.- et la « réquisition de faillite, resp. de réalisation de gage » à concurrence de CHF 500.- (ch. 2 al. 1).

En l’espèce, le solde en faveur de la fondation de CHF 15'775.50, selon l'extrait de compte du 7 décembre 2022, comprend les cotisations dues jusqu’au 1er mai 2019 – date de prise d’effet de la résiliation de la convention, ainsi que les frais de poursuites et les intérêts.

La défenderesse n’ayant fait valoir aucun élément permettant de faire apparaître la demande de mainlevée comme contestable, il y a lieu d'admettre celle-ci et de prononcer la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer.

En ce qui concerne les frais et dépens de la cause, l'art. 73 al. 2 LPP précise que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite. L'art. 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) prévoit quant à lui que la procédure est gratuite pour les parties.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande en mainlevée de l’opposition recevable.

Au fond :

2.        Condamne A______ à payer à l'institution de prévoyance la somme de CHF 15'775.50 avec intérêts à 5% à compter du 14 juillet 2022, ainsi que les frais de poursuite.

3.        Prononce la mainlevée définitive de l'opposition faite au commandement de payer poursuite 1______ à due concurrence.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le