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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3895/2021

ATAS/676/2022 du 22.07.2022 ( LPP ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3895/2021 ATAS/676/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 juillet 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Yvan JEANNERET

demanderesse

 

contre

PENSIONSKASSE B______, sise à BÂLE

défenderesse

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée) est née en 1989.

b. Elle a été employée chez C______ (ci-après : l'employeur) en tant que « consultant », soit un statut d’employée non-cadre selon le contrat de travail, à un taux d’occupation de 100 % du 1er avril 2017 au 30 septembre 2019 pour un salaire annuel brut de CHF 74'400.-. À partir du 1er octobre 2019, elle a été promue « senior consultant » et son salaire annuel a été augmenté à CHF 91'200.-.

c. Son contrat de travail a été résilié pour le 30 juin 2021 par courriel daté du 25 mars 2021.

d. Pendant son activité au service de l’employeur, l’assurée était affiliée à l’institution de prévoyance professionnelle B______ (ci-après : l’institution de prévoyance).

B. a. En date du 12 juillet 2018, la voiture conduite par l’assurée a réalisé un freinage d’urgence et a été percutée par l'arrière par une autre automobile. L’assurée a été atteinte au cou et au bas du dos.

b. Après deux brèves périodes d’incapacité de travail (incapacité totale du 13 au 16 juillet 2018 inclus et incapacité de travail à 50 % du 25 au 30 juillet 2018 inclus), l’assurée a repris l’exercice normal de son emploi.

c. À partir du 25 mars et jusqu’au 30 septembre 2019 inclus, l’assurée a été en incapacité partielle de travail, d’abord à 50 % (du 25 mars au 31 août), puis à 30 % (du 1er au 15 septembre), puis à 20 % (du 16 septembre au 30 septembre). Sur les certificats médicaux, le motif de cette incapacité de travail était décrit sous le terme « accident ».

d. L’assurée s’est de nouveau retrouvée en incapacité de travail à 50 % du 3 février au 26 avril 2020 inclus. Sur les certificats médicaux, le motif de cette incapacité de travail était également décrit sous le terme « accident ».

Depuis le 27 avril 2020, l’incapacité de travail de l’assurée était totale selon le docteur D______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Les arrêts maladies de l’assurée ont été régulièrement renouvelés jusqu’au 31 juillet 2021 inclus. Sur les certificats médicaux, le motif de cette incapacité de travail était décrit sous le terme « maladie ».

C. a. Par courrier daté du 18 février 2020, l’institution de prévoyance a informé l’assurée qu’elle lui verserait une rente en cas d’incapacité de travail sur la base d’une incapacité de travail de 50 % dès le 1er février 2020 et jusqu’au 31 juillet 2021 au maximum, en lien avec son incapacité de travail « depuis le 16 juillet 2018 ». Le montant de cette rente s’élevait mensuellement à CHF 2'480.-. Ce montant était calculé sur la base d’un salaire annuel de CHF 74'400.-.

b. Cette rente a été doublée à CHF 4'960.- dès le mois de mai 2020 pour tenir compte de l’incapacité de travail totale de l’assurée.

c. Par courriel du 25 mai 2020, l’institution de prévoyance a communiqué à l’assurée qu’elle avait pris pour référence un salaire annuel de CHF 74'400.- car il s’agissait du salaire de l’assurée « au début de l’incapacité de travail (16 juillet 2018) ».

d. Dans un rapport du 22 juin 2020, les docteurs E______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, F______ et G______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, tous trois médecins rattachés au service de psychiatrie ambulatoire des Centres ambulatoires psychiatrie et psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI) ont diagnostiqué un épisode dépressif d’intensité moyenne (code F32.1 CIM-10) à partir du 29 avril 2020.

e. Dans un rapport du 7 décembre 2020, le docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitant de l’assurée, a confirmé qu’il avait constaté une baisse franche de l’humeur de l’assurée dès le 20 avril 2020 et qu’il l’avait orientée vers une prise en charge spécialisée.

f. Dans un rapport du 11 janvier 2021, le docteur D______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui avait pris le relai du CAPPI, a diagnostiqué un trouble dépressif d’intensité moyenne et d’évolution chronique (code F33.1 CIM-10), ainsi que des difficultés physiques et mentales liées à l’emploi de type burn-out (code Z56.6 CIM-10) depuis le début de l’année 2020. Le pronostic d’un rétablissement total était favorable.

g. Le Dr D______ a confirmé ce rapport initial dans un rapport subséquent daté du 30 avril 2021.

D. a. Après plusieurs échanges de courriels entre juin 2020 et avril 2021 n’ayant pas permis d’aboutir à une solution consensuelle, l’assurée a, par mémoire du 15 novembre 2021, introduit une demande en paiement auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle a conclu principalement au paiement par l’institution de prévoyance d’un montant de CHF 18'480.- avec intérêts à 5 % l’an dès la date moyenne de la période de référence, cela sous suite de frais et dépens.

En substance, la demanderesse a fait valoir que son incapacité de travail était survenue en février 2020 suite à une maladie, et non dès l’année 2018. Le salaire net était donc celui perçu à la première date qui s’élevait à CHF 91'200.-, de sorte que le montant du droit à la rente devait être calculé sur cette base.

b. Par mémoire de réponse du 31 janvier 2022, la défenderesse a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet complet de la demande. Elle a par ailleurs produit les pièces requises par la demanderesse, soit les avis de versement de rente des mois de septembre 2020 à juillet 2021.

En substance, la défenderesse a argumenté que le droit à la rente en cas d’incapacité de travail se basait logiquement sur le salaire assuré au moment de l’événement assuré, à savoir la survenance de l’incapacité de travail initiale le 12 juillet 2018.

c. Par courrier du 21 février 2022, la demanderesse a brièvement répliqué.

d. La chambre de céans a transmis cette écriture à la défenderesse.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO –RS 220] ; art. 52, 56a al. 1 et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP –RS 831.40]).

Selon l’art. 73 al. 3 LPP, le for de l’action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé. Or, le lieu de l’exploitation au service de laquelle travaillait la demanderesse était situé à Genève comme cela ressort notamment de son contrat de travail.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce, qui n’est par ailleurs pas contestée par les parties, est ainsi établie.

2.             L’art. 73 LPP prévoit que les litiges soumis à cette norme doivent être réglés par voie d’action (ATF 129 V 450 consid. 2 ; ATF 124 V 285 consid. 4b). L’ouverture de cette action n’est soumise à l’observation d’aucun délai particulier (ATAS/1320/2021 [arrêt de principe] du 16 décembre 2021 consid. 3 ; ATAS/989/2021 du 23 septembre 2021 consid. 2).

Dans le canton de Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA –E 5 10), et plus particulièrement par les art. 89A et suivants LPA (ATAS/310/2022 [arrêt de principe] du 31 mars 2022 consid. 2 ; ATAS/1320/2021 [arrêt de principe] du 16 décembre 2021 consid. 3).

En l’espèce, la demande réalisée sous forme d’action respecte la forme prévue à l'art. 89B LPA, de sorte qu’elle est recevable.

3.             À titre préalable s’agissant de la conclusion d’instruction de la demanderesse, il suffit de constater que les documents requis ont été produits par la défenderesse avec sa réponse et que celle-ci a donc entretemps perdu son objet.

4.             Selon la jurisprudence fédérale, l’objet d’une action fondée sur l’art. 73 al. 1 LPP est déterminé par la partie qui déclenche l’ouverture de la procédure (maxime de disposition). L’état de fait doit certes être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP, mais uniquement dans le cadre de l’objet du litige. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre celui-ci à des questions qui n’ont pas été invoquées (ATF 139 V 176 consid. 5.1 ; ATF 129 V 450 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_865/2008 du 30 décembre 2008 consid. 2.3). Dans ce cadre, l’art. 89E LPA permet cependant au juge d’octroyer le cas échéant un montant inférieur ou supérieur à celui qui a été demandé (ATAS/1320/2021 [arrêt de principe] du 16 décembre 2021 consid. 4.1).

De plus, la maxime inquisitoire de l'art. 73 LPP est limitée par le devoir de coopération des parties, lesquelles doivent détailler les faits qu'elles avancent, et ceux qu'elles contestent, sans que le devoir de contestation ne mène au renversement du fardeau de la preuve, et amener aux procès les offres de preuve pertinentes dans la mesure où cela apparaît raisonnablement exigible (ATF 139 V 176 consid. 5.2 ; ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_89/2021 du 18 novembre 2021 consid. 4.1). La portée de la maxime inquisitoire est plus réduite lorsqu’une partie est représentée par un avocat (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_274/2021 du 22 février 2022 consid. 4.1).

5.             Au vu des conclusions des parties et de la motivation de leurs mémoires respectifs, l’objet du présent litige est limité au montant de la rente en cas d’incapacité de travail prévu par le règlement de prévoyance de la défenderesse.

5.1 Selon la demanderesse, le règlement de prévoyance de la défenderesse doit être interprété à la lumière des principes prévalant en matière d’assurances sociales et, si le texte d’une disposition est équivoque, en défaveur de sa rédactrice. En l’espèce, c’est donc le moment de la survenance de l’ouverture des droits de la demanderesse à l’encontre de la défenderesse en raison de son incapacité de travail, soit le mois de février 2020, qui serait déterminant s’agissant de la base de calcul de sa rente en cas d’incapacité de travail.

5.2 Selon la défenderesse, il faut interpréter les dispositions du règlement de prévoyance selon le principe de la confiance. L’incapacité de travail de la défenderesse est survenue initialement le 12 juillet 2018. Cette incapacité est certes due à une maladie et non à un accident, il n’empêche qu’il est logique que le salaire de référence soit celui perçu par l’assuré au moment de la survenance de son incapacité de travail. Une modification du motif d’une maladie n’a pas à être prise en compte.

6.             La prévoyance professionnelle obligatoire est réglée par la LPP (cf. art. 6 LPP). Au-delà de ce cadre, on parle de prévoyance professionnelle surobligatoire, laquelle est soit enveloppante lorsque la même institution est à la fois compétente pour la couverture obligatoire et surobligatoire d’un assuré, soit autonome (cf. art. 331a à 331f CO et l’art. 89a du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]) (Hans-Ulrich STAUFFER, Berufliche Vorsorge, 2ème éd., 2012, n. 1217-1218, p. 447).

En cas de prévoyance surobligatoire enveloppante, les institutions de prévoyance peuvent prévoir dans leur règlement de prévoyance des prestations qui vont au-delà des dispositions légales minimales, selon l’art. 49 al. 1 LPP. Dans ce cadre, elles sont toutefois tenues par les dispositions légales listées à l’art. 49 al. 2 LPP. Exceptées les règles impératives listées à cet article, l’institution de prévoyance doit uniquement respecter les principes d'égalité de traitement, de proportionnalité et d'interdiction de l'arbitraire (ATF 147 V 146 consid. 5.2.1 et 5.2.2 ; ATF 144 V 376 consid. 2.1 ; ATF 140 V 145 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_255/2018 du 31 octobre 2018 consid. 3.1 [concernant un règlement de prévoyance analogue à celui du cas d’espèce]).

7.             En l’espèce, la défenderesse pratique à la fois la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire. Il s’agit donc d’une institution de prévoyance enveloppante.

La prestation débattue est une rente d’une durée maximale de deux ans visant à couvrir la perte de salaire en lien avec une incapacité de travail après la fin du droit au salaire envers l’employeur selon l’art. 13 du règlement de prévoyance applicable tant dans sa version au 1er juillet 2018, que dans celle applicable depuis le 1er janvier 2020. Une telle prestation n’est pas prévue par la seconde partie de la LPP relative à la couverture obligatoire en matière de prévoyance professionnelle, laquelle couvre exclusivement les risques vieillesse, invalidité et survivant.

La prestation objet du présent litige est donc une prestation relevant exclusivement de la prévoyance surobligatoire.

En conséquence, les règles de la LPP qui ne sont pas comprises dans la liste de l’art. 49 al. 2 LPP, et en particulier l’art. 24b LPP sur la révision d’une rente d’invalidité et son renvoi à l’art. 17 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), ne trouvent pas application.

8.              

8.1 S’agissant d’une contestation qui relève de la prévoyance professionnelle plus étendue et qui oppose un affilié à une institution de prévoyance de droit privé, les employés assurés sont liés à l’institution par un contrat innommé dit de prévoyance (ATF 146 V 28 consid. 3.1 ; ATF 131 V 27 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_196/2018 du 20 juillet 2018 consid. 1.3). Le règlement de prévoyance constitue le contenu préformé de ce contrat auquel l’assuré se soumet expressément ou par actes concluants (ATF 131 V 27 consid. 2.1 ; ATF 129 V 145 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_196/2018 du 20 juillet 2018 consid. 1.3).

En tant que tel, le contrat de prévoyance professionnelle surobligatoire est soumis aux règles générales du droit des obligations (ATF 131 V 27 consid. 2.1 ; ATF 122 V 142 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_196/2018 du 20 juillet 2018 consid. 1.3), respectivement aux règles générales de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA -RS 221.229.1) (en ce sens : ATF 144 V 376 consid. 2.1 ; ATF 138 III 416 consid. 4 ; ATF 134 III 511 consid. 3.1 ; ATF 133 V 408 consid. 5.2.2).

8.2 Un règlement de prévoyance doit être interprété selon le principe de la confiance (ATF 146 V 28 consid. 3.1 ; ATF 144 V 376 consid. 2.2 ; ATF 141 V 589 consid. 4.2.1 ; ATF 131 V 27 consid. 2.2). Une disposition d’un règlement de prévoyance doit ainsi être interprétée selon la lettre de son contenu et à l'aune de son contexte systématique et de son but, tel qu'ils pouvaient raisonnablement être compris par le destinataire (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; ATF 146 V 28 consid. 3.2 ; ATF 144 V 376 consid. 2.2). Dans le cadre de l’interprétation objective, la lettre d’une stipulation joue un rôle prépondérant ; elle n’est toutefois pas déterminante si des éléments permettent sérieusement de remettre en doute la compréhension littérale de celle-ci (ATF 138 III 659 consid. 4.2.1 ; ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 ; ATF 135 III 29 consid. 5.2). Il faut par ailleurs partir du principe que les parties ne désiraient pas mettre en place une règlementation déraisonnable (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; ATF 144 V 376 consid. 2.2 ; ATF 141 V 589 consid. 4.2.1 ; ATF 140 V 50 consid. 2.2). Lorsqu'un concept de droit des assurances sociales est appliqué à la prévoyance surobligatoire, il doit recevoir sa signification usuelle en droit des assurances, sauf si le règlement de prévoyance prévoit expressément une définition différente (ATF 147 V 146 consid. 5.2.1 ; ATF 120 V 106 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_644/2014 du 13 juillet 2015 consid. 7.3).

En matière de contrat d’assurance, le principe d’interprétation en défaveur du rédacteur (in dubio contra stipulatorem) trouve en outre application en tant que méthode d’interprétation subsidiaire lorsqu’il subsiste un doute quant au résultat d’une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 148 III 57 consid. 2.2.2 ; ATF 144 V 376 consid. 2.2; ATF 140 V 50 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2018 du 4 juillet 2019 consid. 4.1).

9.              

9.1 En l’espèce, les dispositions pertinentes du règlement de prévoyance dans leur teneur au 1er janvier 2020 (qui correspondent à celles du règlement de prévoyance au 1er juillet 2018) sont formulées comme suit :

« Art. 13 Rente en cas d’incapacité de travail durant les deux premières années

1 Pendant les deux premières années après que l’incapacité de travail s’est déclarée, l’assuré peut prétendre à une rente dont le montant équivaut à 80 % du salaire annuel déterminant prévu à l’art. 5, al. 1 et 4, dans la mesure où les assurances-accidents par l’entreprise pour les collaborateurs ne fournissent aucune prestation (notamment des indemnités journalières ou une rente d’invalidité). La rente est en outre limitée à 70 % du montant maximum du salaire assuré. En cas d’incapacité de travail partielle, les dispositions de l’art. 14 al. 1 et 2 sont valables par analogie. En cas d’incapacité de travail partielle, la rente d’incapacité de travail est pondérée en fonction du taux d’incapacité de travail selon l’art. 4 al. 2.

2 Le droit à la rente commence dès la fin du versement du salaire selon le règlement de Ernst & Young, indépendamment de la manière de procéder dans ce domaine adopté par l’entreprise affiliée. Il prend fin dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail mais au plus tard deux ans après le début de l’incapacité de travail ».

« Art. 4 Incapacité de travail / invalidité

1 L’assuré est considéré incapable de travailler lorsque, pour des raisons de santé (accident, maladie, sénilité précoce ou infirmité), il n’est plus en mesure d’exercer son ancienne activité ni tout autre activité que l’on est raisonnablement en droit d’attendre de lui et que, pour cette raison, son salaire ne lui est plus versé ou est diminué avant d’atteindre l’âge de la retraite.

2 L’incapacité de travail est déterminée par une expertise médicale. Le degré de l’incapacité de travail se mesure sur la base des pertes de revenu qui résultent de l’incapacité de travail (déterminée par le médecin) par rapport à l’ancien salaire annuel déterminant. Les prestations en cas d’incapacité de travail sont pondérées en fonction du degré de l’incapacité de travail.

5 Le conseil de fondation est habilité à demander en tout temps une expertise médicale sur l’état de santé d’un assuré incapable de travailler. Si l’assuré s’oppose à un tel examen ou s’il refuse d’exercer une activité lucrative qui s’offre à lui et qu’on peut raisonnablement lui demander d’accepter compte tenu de ses connaissances, de ses compétences et de son état de santé, le conseil de fondation peut réduire les prestations au minimum légal, les refuser ou les retirer ».

« Art. 5 Salaire assuré

1 Le salaire annuel déterminant est fixé par le conseil de fondation sur proposition de l’entreprise. Il correspond pour les collaborateurs à douze salaires mensuels. Pour les assurés de la catégorie cadres (à partir du niveau Manager / Assistant Director), le salaire annuel déterminant correspond à douze fois le salaire mensuel plus la partie variable du salaire dépendant de la performance (performance part) sur la base d’un facteur de performance 1. Est réputé salaire annuel déterminant pour les associés le salaire soumis à l’AVS touché pour le dernier exercice ou d’engagement le salaire annuel estimé. Ne sont pas pris en considération les primes et les allocations pour enfant ainsi que d’autres indemnités supplémentaires provisoires. { } Pour les personnes occupées à temps partiel, les parts du salaire touchées auprès d’un autre employeur ne sont pas prises en considération. { }

4 Pour les associés, les prestations assurées d’invalidité et de décès sont calculées sur la moyenne des trois derniers salaires assurés. Les prestations en cas d’incapacité de travail se mesurent sur la base du salaire annuel déterminant moyen des trois dernières années ».

« Art 14 Rente d’invalidité, rentes pour enfant

1 Un assuré a droit à un rente d’invalidité s’il est invalide à au moins 25 % et s’il était assuré à la Caisse de pension lorsque s’est produite l’incapacité de travail dont la cause a entraîné l’invalidité. Le droit débute à l’expiration de la rente d’incapacité de travail (art. 13), dans la mesure où la déclaration à l’AI a été effectuée. Il démarre sinon au plus tôt à la date à laquelle la déclaration à l’AI a été effectuée. Le droit à une rente d’invalidité est reporté aussi longtemps que l’entreprise continue à verser le salaire ou une compensation de salaire (p. ex. indemnités journalières de l’assurance-accidents), qui couvre au minimum 80 % du salaire dont l’assuré est présumé avoir été privé et qui est financé au moins pour moitié par l’entreprise. Déterminant est le montant de la compensation de salaire avant une réduction éventuelle suite à l’obligation de prestations de l’AI fédérale. L’assuré a droit à une rente entière d’invalidité, si le degré d’invalidité est d’au moins 70 % ; à défaut il a droit à une rente d’invalidité partielle. Le droit à la rente d’invalidité s’éteint à la disparition de l’invalidité ou au décès.

2 La rente entière d’invalidité représente, jusqu’à l’âge de la retraite, 70 % du salaire assuré au début de l’incapacité de travail. À l’âge de la retraite, aux termes des dispositions de l’art. 11, la rente entière d’invalidité est calculée en fonction de l’avoir de vieillesse maintenu avec les cotisations d’épargne selon le Plan Standard, disponible à l’âge de la retraite, et du taux de conversion valable à l’âge de la retraite. La rente d’invalidité partielle est égale à la part de la rente d’invalidité entière qui correspond au degré d’invalidité respectif ».

9.2 Afin de déterminer quelle est la base de calcul de la « rente en cas d’incapacité de travail », il faut en premier lieu établir quel est le risque assuré par cette prestation.

À la lecture de l’art. 13 du règlement de prévoyance, il apparaît que le risque couvert par cette disposition est la survenance d’une « incapacité de travail ». Le règlement ne précise pas que le droit à cette prestation serait rattaché à une cause particulière, mais limite en revanche expressément celle-ci à une durée de deux ans par incapacité de travail. Le fait que la « rente en cas d’incapacité de travail » ne débute qu’après la période durant laquelle l’employeur continue de verser le salaire de l’assuré en cas d’empêchement de travailler ou de la période pendant laquelle l’assuré perçoit des indemnités journalières selon l’art. 13 al. 3 dudit règlement, laisse penser que ladite rente vise une situation transitoire où une personne se trouve déjà en incapacité de travail durable, mais ne perçoit pas encore de rente d’invalidité. L’utilisation du terme « rente », au lieu du terme « indemnités journalières » va également dans ce sens. Il apparaît ainsi que l’objectif visé par les parties est de couvrir une perte de gain de l’assuré d’une certaine durée dans l’attente d’un rétablissement complet, ou de l’octroi d’une prestation durable, en particulier d’une rente d’invalidité.

Dans cette situation, il faut interpréter le règlement de prévoyance en ce sens que chaque incapacité de travail de l’assuré fonde, une fois la période de couverture de la perte de gain par l’employeur ou par des indemnités journalières terminée, un droit à une nouvelle rente en cas d’incapacité de travail au sens de l’art. 13 du règlement de prévoyance. Cette interprétation correspond par ailleurs à celle faite par le Tribunal fédéral s’agissant des indemnités perte de gain collective LCA dont la fonction apparaît à tout le moins comparable à celle de la « rente en cas d’incapacité de travail » en cause (cf. ATF 142 III 671 consid. 3.6 et 3.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_339/2021 du 21 septembre 2021 consid. 4.1.2).

Il suit de ce qui précède que la rente en cas d’incapacité de travail doit être initialement calculée sur la base du 80 % du salaire assuré déterminant au moment où cette rente prend naissance.

En l’occurrence, il n’est pas contesté par les parties que l’assurée avait retrouvé sa pleine capacité de travail au 1er octobre 2019 et que ce n’est que le 3 février 2020 qu’une nouvelle incapacité de travail est survenue, d’abord à 50 %, puis complète dès le 27 avril 2020. Il s’ensuit que le début de l’incapacité de travail à l’origine de la rente remonte au 3 février 2020. Partant, c’est le salaire déterminant à cette date, soit un montant (annuel) de CHF 91'200.-, qui constitue la base de calcul de la rente pour incapacité de travail due à la demanderesse.

9.3 Il reste à déterminer le montant concret qui est dû à celle-ci par la défenderesse.

L’art. 13 al. 1 prévoit un plafond à 70 % du montant maximum du salaire assuré. Selon l’annexe « montants déterminants pour l’année 2020 » (cf. pièce 5 demanderesse, p. 36), ce plafond se montait à CHF 597'240.- (CHF 853'200.- x 0.7) au 1er janvier 2020. Au vu du salaire déterminant retenu dans le cas d’espèce, ledit plafond n’est donc pas de nature à influencer le montant de la rente de la demanderesse.

En application de l’art. 13 al. 1, 4ème phrase, du règlement de prévoyance, la rente d’incapacité de travail est pondérée en fonction du taux d’incapacité de travail.

Il n’est pas contesté que la demanderesse se trouvait en incapacité de travail partielle dès le 3 février 2020, et en incapacité de travail totale dès le 27 avril 2020. Il n’est de même pas contesté que la date du début des prestations est le 1er février 2020.

Partant, le montant dû par la défenderesse à la demande sur la base de l’art. 13 du règlement de prévoyance pour la période allant du 1er février au 30 avril 2020 s’élève à : ([CHF 91'200.- / 12] x 0.5 {incapacité de travail de 50 %} x 0.8) = CHF 3'040.-. Pendant cette période, la rente versée à la demanderesse s’est élevée mensuellement à CHF 2'480.-. Il en résulte une différence de CHF 560.- par mois, pour un total de CHF 1'680.- sur l’ensemble des trois mois de ladite période.

Pour la période allant du 1er mai 2020 au 31 juillet 2021, le montant de la rente mensuelle due par la défenderesse à la demanderesse était de : ([CHF 91'200.- / 12] x 0.80) = CHF 6'080.-. Pendant cette période, la rente versée à la demanderesse s’est élevée mensuellement à CHF 4'960.-. Il en résulte une différence de CHF 1'120.- par mois, pour un total de CHF 16'800.- pour l’ensemble des quatorze mois de ladite période.

Il résulte des considérations qui précèdent que le montant total dû par la défenderesse à la demanderesse, sous déduction des sommes déjà versées, s’élève à CHF 18'480.- (CHF 1'680.- + CHF 16'800.-).

10.          

10.1 Selon la jurisprudence fédérale, un intérêt moratoire est dû sur les prestations versées en retard par une institution de prévoyance ; cet intérêt court dès le dépôt d’une demande en justice ou d’une poursuite car les prestations d’une institution de prévoyance doivent être qualifiées d’aréages au sens de l’art. 105 al. 1 CO (ATF 137 V 373 consid. 6.6 ; ATF 119 V 131 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_315/2016 du 25 janvier 2017 consid. 5). Le taux de cet intérêt est défini par le règlement de prévoyance, ou, à défaut, par l’art. 104 CO (ATF 127 V 377 consid. 5e/bb ; ATF 119 V 131 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_222/2014 du 6 mai 2014 consid. 2 et 3.2 ; ATAS/989/2021 du 23 septembre 2021 consid. 24).

10.2 En l’espèce, l’art. 19 al. 4 let. a du règlement de prévoyance dans sa version au 1er janvier 2020 prévoit que le taux de l’intérêt moratoire éventuellement applicable correspond au taux d’intérêt minimal LPP. C’est donc ce taux qui est déterminant, comme le souligne à juste titre la défenderesse. Selon l’art. 12 let. j de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 18 avril 1984 (OPP 2 - RS 831.441.1), le taux d’intérêt minimal LPP est de 1 % depuis le 1er janvier 2018.

Partant, les prestations dues par la défenderesse portent intérêts à 1 % l’an dès le 15 novembre 2021.

11.         En conclusion, la demande doit être admise et la défenderesse condamnée à payer à la demanderesse le montant de CHF 18'480.- avec intérêts à 1 % l’an dès le 15 novembre 2021.

12.         Selon l’art. 89H al. 3 LPA, une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause. Les dépens sont fixés en fonction du nombre d’échanges d’écritures, de l’importance et de la pertinence des écritures, de la complexité de l’affaire et du nombre d’audiences et d’actes d’instruction ; l’art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA -E 5 10.03) prévoit que la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.- (ATAS/989/2021 du 23 septembre 2021 consid. 25).

En l’espèce, la demanderesse obtenant gain de cause, il se justifie de lui octroyer une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Condamne Pensionskasse B______ à payer à Madame A______ le montant de CHF 18'480.- avec intérêts à 1 % l’an dès le 15 novembre 2021.

4.        Condamne Pensionskasse B______ à payer à Madame A______ le montant de CHF 2'000.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX ALY

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le