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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/865/2021

ATAS/73/2022 du 20.01.2022 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

Recours TF déposé le 15.03.2022, rendu le 14.07.2022, REJETE, 9C_137/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/865/2021 ATAS/73/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 janvier 2021

3ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié à VEYRIER, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marco ROSSI

Madame B______, domiciliée à SAINT-REMY-DE-PROVENCE (France), comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marco ROSSI

 

 

 

 

recourants

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, Service juridique, rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

 

intimée


EN FAIT

 

A.      a. La société C______ SA (ci-après : la société) a été inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) le 17 juin 2008 et affiliée à la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après : la caisse).

b. Dès la création de la société, Monsieur A______ a figuré au RC en tant qu'administrateur, avec signature collective à deux ; son nom a été radié le 23 mai 2016.

c. Le 5 mars 2018, la caisse a adressé à la société des factures rectificatives de cotisations paritaires pour les années 2014 à 2016.

d. Le 10 juillet 2018, la faillite de la société a été prononcée.

B.       a. Le 6 juillet 2020, la caisse a notifié une décision en réparation du dommage à M. A______, auquel elle a réclamé la somme de CHF 293'610.10, correspondant aux cotisations paritaires, y compris frais et intérêt moratoires, pour les années 2014 et 2015, ainsi que pour la période courant du 1er janvier au 31 mai 2016. Elle joignait à sa décision un décompte pour la période en cause. Il s'agissait des sommes dues et exigibles lorsque l'intéressé avait pris ses fonctions et échues au cours de son mandat et dont il était solidairement responsable avec l'autre administrateur de la société.

b. Le 5 août 2020, M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a formé opposition contre cette décision, en expliquant que s'il avait certes été formellement administrateur de la société du 17 juin 2008 au 23 mai 2016, il n'était en réalité qu'un simple employé commercial. Son inscription au RC avait été maintenue uniquement à des fins « marketing », car les entreprises pouvant adjuger des travaux à la société le connaissaient. Il ne s'était jamais occupé des aspects financiers et comptables de la société, ni de l'organisation des chantiers ou du contrôle du travail des ouvriers.

À l'appui de sa position, il produisait, d'une part, un courrier qu'il avait adressé en date du 25 avril 2010 à la société (dans lequel il précisait que son rôle serait uniquement commercial, consisterait à obtenir des contrats d'adjudication à partir des soumissions et des devis et n'impliquerait en aucun cas de gérer les aspects financiers, comptables et organisationnels de la société ou de s'occuper des paiements), d'autre part, sa lettre du 14 décembre 2015, par laquelle il démissionnait de son « poste de commercial chargé de la soumission et devis ainsi que de leur suivi », avec effet au 31 mars 2016.

Etaient en outre versés au dossier : des échanges de courriers avec l'administration fiscale genevoise, un procès-verbal d'audience du 11 septembre 2019 du Ministère public, ainsi qu'une ordonnance du 5 juin 2020 du Ministère public ordonnant le classement partiel de la procédure P/12686/2016 ouverte à son encontre pour gestion fautive entre novembre 2015 et mai 2016.

c. Par courrier du 27 novembre 2020, le conseil de M. A______ (ci-après : le de cujus) a informé la caisse du décès de son mandant en date du 25 octobre 2020 et a sollicité le classement du dossier.

d. Par décision du 4 février 2021 notifiée au conseil du défunt, la caisse a confirmé sa décision du 6 juillet 2020.

C.      a. Par acte du 8 mars 2021, Monsieur et Madame A______ et B______ – enfants et héritiers du de cujus – ont interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision du 4 février 2021, au renvoi de la cause à l'intimée en vue de la suspension de la procédure et à ce qu'il soit dit qu'ils ne sont pas tenus d'effectuer de paiement en faveur de l'intimée en raison du dommage subi par cette dernière suite à la faillite de la société.

À la forme, les recourants font valoir que, suite au décès de leur père, l'intimée aurait dû suspendre la procédure ou, à tout le moins, procéder à une nouvelle notification de la décision aux héritiers.

Sur le fond, ils contestent la responsabilité du de cujus dans le dommage causé à l'intimée, suite au défaut de paiement par la société des cotisations paritaires. La société comportait plusieurs administrateurs et il est clairement établi que ce n'était pas leur père, mais un autre administrateur qui était responsable de la gestion financière. Dès lors, ce n'est pas en raison d'une négligence ou de manière intentionnelle que le de cujus n'a pas pris les mesures prescrites, mais en raison de l'organisation de la société au sein de laquelle les deux administrateurs s'étaient réparti le travail à accomplir. Le Ministère public a d'ailleurs classé la procédure pénale qui avait été ouverte à l'encontre du de cujus pour gestion fautive par ordonnance du 5 juin 2020, retenant que l'intéressé ne pouvait se douter que des prescriptions légales n'étaient pas respectées, dans la mesure où le rapport de révision des comptes 2015, effectué par un organe de révision professionnel, ne comportait aucune remarque, ni aucune recommandation.

En tout état de cause, le de cujus avait démissionné le 14 décembre 2015, de sorte que sa responsabilité devait être limitée à la période du 1er janvier 2014 au 14 décembre 2015.

À l'appui du recours, ont notamment été produits : le courrier du 27 novembre 2020 de Me ROSSI à l'intimée, l'acte de décès du de cujus, le certificat d'héritiers et un courriel adressé le 11 février 2021 à l'intimée par leur conseil.

b. Invitée à se déterminer, l'intimée conclut au rejet du recours.

 

EN DROIT

 

1.        1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, le recours étant dirigé contre une décision rendue sur opposition fondée sur la LAVS.

1.2 Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société ayant eu son siège dans le canton de Genève jusqu'au moment de sa faillite, la Cour de céans est également compétente ratione loci pour juger du cas d'espèce.

2.        2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

2.2 La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, a entraîné la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS; RS 831.101) ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

3.        3.1 Les dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS sont entrées en vigueur le 1er janvier 2012. Elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS. En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, p. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références).

En l’espèce, les montants litigieux concernent les cotisations impayées pour la période courant du 1er janvier 2014 au 31 mai 2016, de sorte que l’art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).

3.2 Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c’est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d’espèce.

4.        Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA –
E 5 10).

5.        5.1 Selon l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir. La qualité pour recourir appartient à celui qui est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée; un intérêt de fait suffit, mais le recourant doit être touché de façon plus intense que n'importe quel citoyen et se trouver avec l'objet du litige dans un rapport spécial, direct et digne d'être pris en considération (ATF 112 Ib 158 ss).

En vertu de l’art. 90 al. 1 de la loi fédérale sur le droit international privé, du 18 décembre 1987 [LDIP- RS 291], le droit suisse est applicable à la succession de toute personne domiciliée en Suisse au moment de son décès.

Aux termes de l'art. 560 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les héritiers acquièrent de plein droit l'universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte (al. 1). Sous réserve des exceptions prévues par la loi, ils sont saisis des créances et actions, des droits de propriété et autres droits réels, ainsi que des biens qui se trouvaient en la possession du défunt, et ils sont personnellement tenus de ses dettes (al. 2). Tant que la succession n'est pas partagée, tous les biens qu'elle comporte sont la propriété commune des héritiers. Ceux-ci ne peuvent disposer de l'un ou l'autre d'entre eux, car la part héréditaire ne confère à l'héritier aucun droit direct sur un bien déterminé de la succession (ATF 99 II 21 et 375). Seul l'ensemble des héritiers ou leur représentant est donc en droit de faire valoir les droits appartenant à la communauté (TUOR/PICENONI, n. 32 ss ad art. 602 CC ; ESCHER, n. 4 et 58 ss ad art. 602 CC). Les héritiers doivent ainsi agir en commun pour obtenir une prestation ou pour faire constater un droit (ATF 116 Ib 447 consid. 2a et les références).

L'obligation de réparer le dommage selon l'art. 52 LAVS découlant de la responsabilité prétendue du de cujus en sa qualité d'ancien organe de la personne morale faillie passe à ses héritiers. Au regard de la responsabilité solidaire des héritiers pour les dettes de la succession, la caisse est libre de poursuivre certains des héritiers pour une partie de la créance seulement ou pour la totalité de celle-ci (ATF 129 V 300 consid. 3.1).

5.2 En l'espèce, les recourants, en tant qu'héritiers légaux du de cujus sont touchés par la décision attaquée, de sorte qu'ils ont un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification et donc la qualité pour agir ensemble.

6.        Le litige porte sur la responsabilité du de cujus dans le préjudice causé à l'intimée, par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG, AC, LAMat et AF) pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mai 2016.

7.        À titre préalable, les recourants font valoir un premier grief d'ordre formel. Ils estiment que la décision querellée est nulle, faute pour l'intimée d'avoir suspendu la procédure de demande de réparation du dommage, conformément à l'art. 78 let. b LPA, et demandent que le dossier lui soit renvoyé pour suspension de la procédure ou nouvelle notification.

7.1 En matière de procédure, il sied de rappeler que la LPGA coordonne le droit fédéral des assurances sociales et a pour but notamment d'uniformiser la procédure en matière d'assurances sociales, en fixant les normes d'une procédure uniforme et en réglant l'organisation judiciaire dans ce domaine (art. 1 let. b LPGA). Les dispositions générales de procédure font l'objet du chapitre 4, dont les sections 1 et 2 (art. 27 à 55 LPGA) concernent la procédure non contentieuse.

Aux termes de l’art. 55 al. 1 LPGA, les points de procédure qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux articles 27 à 54 ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021). Ainsi, il faut déterminer si, dans la LPGA elle-même ou dans une loi spéciale, un point particulier de procédure est réglementé exhaustivement. Si tel n’est pas le cas, l’éventuelle réglementation de la PA s’applique (KIESER, Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts (ATSG), in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., n. 193 p. 243). L’art. 55 LPGA a pour conséquence que les dispositions de la PA sont applicables à titre complémentaire à la procédure de tous les assureurs des différentes branches des assurances sociales. Dès lors, depuis le 1er janvier 2003 (entrée en vigueur de la LPGA), la procédure devant les organes d’exécution est régie par les articles 34 à 55 LPGA ou à titre complémentaire par la PA et non par le droit de procédure cantonal (cf. dans ce sens ATF 133 V 441 consid. 3 ; ATF 131 V 153 consid 3.1 et 6.1).

7.2 Ainsi, contrairement à ce qu'allèguent les recourants, l'art. 78 LPA ne trouve pas application dans le cadre de la procédure d'opposition et aucune disposition similaire n'est prévue dans la LPGA, ni dans la PA. Aussi, ce grief doit être écarté.

8.        Se pose néanmoins la question de la régularité de la notification de la décision litigieuse, adressée à l'avocat après le décès du cujus et avant qu'il ne représente les héritiers de son défunt mandant.

8.1 L'art. 49 al. 3 3ème phrase LPGA et l'art. 38 PA prévoient que la notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l'intéressé. Cependant, la jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification ; la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a donc lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa p. 99, 111 V 149 consid. 4c p. 150 et les références; arrêt C 196/00 du 10 mai 2001 consid. 3a et les références, in DTA 2002 p. 65).

8.2 En l'occurrence, les recourants ont valablement pu attaquer la décision litigieuse et sont représentés par un conseil, lequel a d'ailleurs été l'avocat du de cujus lui-même dans la procédure d'opposition. Ils ne subissent donc aucun préjudice. Dans ces conditions, il n'y a donc pas lieu de renvoyer la cause à l'intimée pour nouvelle notification aux recourants. Cela relèverait d'un formalisme excessif.

9.        9.1 L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

9.2 À teneur de l’art. 52 LAVS, en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2019, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

Selon le message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) du 3 décembre 2010 relatif à l’art. 52 LAVS al. 2 à 4, la réparation du dommage est le corollaire des obligations de droit public que l’employeur assume en matière de perception, de versement et de décompte des cotisations paritaires d’assurances sociales en sa qualité d’organe d’exécution de l’AVS. Ce principe occupe une place prépondérante en droit des cotisations. En effet, d’après la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral des assurances depuis 1970, non seulement les employeurs peuvent être tenus de réparer le dommage, mais également, à titre subsidiaire, les personnes physiques qui agissent en leur nom (ATF 114 V 219 et ATF 129 V 11). Actuellement, il est insatisfaisant que la responsabilité subsidiaire des organes, de même que d’autres caractéristiques importantes de la réparation du dommage, ne soient pas réglées dans la loi et ne puissent qu’être déduites de l’étude d’une abondante jurisprudence. Pour le citoyen, la loi doit être conçue de manière plus transparente. La conception de base ne sera pas modifiée; la responsabilité reste limitée à la faute grave (FF 2011 519, p. 536).

En d’autres termes, la nouvelle teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, codifie la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATAS/610/2013 du 18 juin 2013 consid. 4a).

10.    À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de l'intimée est prescrite.

10.1 Les délais prévus par l’art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Cela signifie que ces délais ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

10.2 Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 123 V 12 consid. 5c).

Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

10.3 Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

10.4 S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit.

Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations; RS 220). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

11.    En l'espèce, la faillite de la société a été prononcée le 10 juillet 2018, de sorte qu'en notifiant une demande en réparation du dommage le 6 juillet 2020, l'intimée a agi dans les délais de deux et cinq ans prévus à l'art. 52 al. 3 LAVS.

Par la suite, ledit délai a été interrompu et un nouveau délai de même durée a commencé à courir le 5 août 2020 (opposition), le 4 février 2021 (décision sur opposition), le 8 mars 2021 (recours) et depuis lors, par chaque acte judiciaire des parties, de sorte qu'à ce jour, la prescription n'est pas acquise.

12.    L’action en réparation du dommage n’étant pas prescrite, il convient à présent d’examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 LAVS sont réalisées, à savoir si le de cujus peut être considéré comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée, s’il a commis une faute ou une négligence grave et enfin s’il existe un lien de causalité adéquate entre son comportement et le dommage causé à l’intimée.

13.    À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

14.    Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, n8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu’il n’existe pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07).

15.    S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

16.    En l'espèce, le de cujus était inscrit au RC en qualité d'administrateur de la société dès le 17 juin 2008 et jusqu'au 23 mai 2016. Il avait ainsi indiscutablement la qualité d'organe de la société. Il pouvait donc être appelé à titre subsidiaire à réparer le dommage causé à l'intimée pour le non-paiement des cotisations litigieuses durant son mandat, indépendamment de sa fonction effective et de son influence sur la volonté de la société, ainsi que de la raison pour laquelle il avait accepté le mandat (cf. ATAS/394/2018 du 9 mai 2018 consid. 6b).

Le fait que le de cujus ne disposait que de la signature à deux, et non individuelle, n'y change rien, puisqu'il n'en était pas moins formellement désigné comme organe de plein droit de la société, donc réputé chargé de l'administration et tenu par un devoir de surveillance (cura in custodiendo) à l'endroit de l'activité des autres organes de fait ou de droit (cf. ATAS/869/2011 du 15 septembre 2011 consid. 8).

C'est le lieu de rappeler qu'en cas de pluralité de responsables, la caisse jouit d'un concours d'actions, de sorte qu'elle peut rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d'entre eux, à son choix (ATF 119 V 87 consid. 5a ; 112 V 262 consid. 2b).

17.    Le de cujus ayant revêtu la qualité d'organe formel du 17 juin 2008 au 23 mai 2016, il convient maintenant de déterminer s'il a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS.

L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Commet notamment une faute grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Enfin, commet une faute au sens de l'art. 52 LAVS l'organe qui investit de manière répétée des fonds dans une entreprise sans faire en sorte qu'ils servent en priorité à payer les cotisations sociales en souffrance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 305/00 du 6 septembre 2001 consid. 4b).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution incessible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l'homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3).

En l'espèce, il incombait au de cujus, en sa qualité d'organe formel de la société jusqu'au 23 mai 2016, de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à l'intimée, nonobstant le mode de répartition interne des tâches entre les administrateurs (cf. dans ce sens : arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). À cet égard, le de cujus ne pouvait pas se contenter des seules indications qui lui étaient données par l'autre administrateur. Son devoir de surveillance implique notamment qu'il devait assister aux séances, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires, exiger des rapports, les étudier minutieusement, au besoin, demander des renseignements supplémentaires, et prendre les mesures appropriées en cas d'irrégularités commises dans la gestion de la société (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1), ce d'autant plus qu'il avait eu connaissance du fait que la société rencontrait des difficultés financières.

Le de cujus ne pouvait se libérer de sa responsabilité du fait qu'il n'exerçait pas, dans les faits, d'activité de gestion, car cela constitue déjà en soi un cas de négligence grave. On rappellera que la jurisprudence s'est toujours montrée sévère, lorsqu'il s'est agi d'apprécier la responsabilité d'administrateurs qui alléguaient avoir été exclus de la gestion d'une société et qui s'étaient accommodés de ce fait sans autre forme de procès (arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.2 et les références). Les recourants ne peuvent donc pas se retrancher derrière le fait que le de cujus ne s'occupait pas de la gestion financière de la société, laquelle était gérée par un autre administrateur. En conservant formellement son mandat d'administrateur, qu'il n'assumait pas dans les faits, le de cujus occupait une situation comparable à celle d'un homme de paille qui se déclare prêt à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur d'une société anonyme, tout en sachant qu'il ne pourra (ou ne voudra) pas le remplir consciencieusement, et viole, en cela, son obligation de diligence (arrêt du Tribunal 9C_446/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2 et la référence). S'il était incapable de remplir son mandat, le de cujus aurait dû démissionner sans délai, et à cette fin, requérir au besoin l'assistance d'un tiers (cf. arrêt du Tribunal 9C_446/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2).

Le fait que le Ministère public ait classé la procédure pénale à l'encontre du de cujus pour gestion fautive ne saurait être décisif au regard des conditions de la responsabilité instituée à l'art. 52 LAVS, puisqu'il n'en demeure pas moins qu'en sa qualité d'administrateur de la société, il s'est rendu coupable d'un défaut de surveillance et c'est en cela que réside le fondement de sa responsabilité à l'égard de l'intimée (cf. dans ce sens : arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 259/03 du 22 décembre 2003 consid. 8.4 et H 65/01 du 13 mai 2002 consid. 5).

En définitive, le de cujus a commis une négligence qui doit, sous l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave.

18.    La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

En l'espèce, la passiveté du de cujus est en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par l'intimée, dès lors que, s'il avait correctement exécuté son mandat d'administrateur, il aurait pu veiller au paiement des cotisations aux assurances sociales. Son comportement a donc favorisé la survenance du préjudice.

19.    Quant au montant du dommage, qui comprend les cotisations impayées du 1er janvier 2014 au 31 mai 2016 fondées sur le décompte du 6 juillet 2020 établi par l'intimée à l'égard de la société, ainsi que les frais administratifs, de sommation, de poursuite et les intérêts moratoires – ce qui est conforme aux prescriptions en vigueur –, il est contesté par les recourants. Ils estiment que la responsabilité du de cujus devrait être limitée à la période allant du 1er janvier 2014 au 14 décembre 2015, puisque celui-ci avait démissionné le 14 décembre 2015.

Il convient de relever que le de cujus a été formellement administrateur de la société jusqu'au 23 mai 2016. Or, la responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du registre du commerce. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61). En d'autres termes un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement de cotisations qui sont venues à échéance et auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ces fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires (arrêt du TFA du 6 février 2003, H 263/02). Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration.

En l'espèce, le recourant a bien donné sa démission le 14 décembre 2015, mais avec effet expressément au 31 mars 2016. À cet égard, il sied de relever qu'il avait la possibilité de démissionner sans délai, ce qu'il n'a pas fait.

En revanche, contrairement à ce qu'allègue l'intimée, les déclarations du de cujus au Ministère public (cf. procès-verbal d'audience du 11 septembre 2019) ne permettent pas de fonder sa responsabilité au-delà du 31 mars 2016, puisque celui-ci a peut-être formellement été encore inscrit au RC jusqu'au 23 mai 2016, puis travaillé comme simple employé en 2016, mais cela ne suffit pas à établir qu'après sa démission, il aurait continué à exercer ses fonctions d'administrateur.

Par conséquent, la période prise en compte pour le calcul du dommage s'étend du 1er janvier 2014 au 31 mars 2016, et non jusqu'au 31 mai 2016 comme retenu dans la décision querellée.

Si la responsabilité du de cujus au sens de l'art. 52 LAVS doit être confirmée jusqu'au 31 mars 2016, comme on l'a vu, il n'existe toutefois pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat (cf. consid. 8b ci-dessus ; ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020 consid. 14).

Partant, il y a lieu de déduire du dommage de l'intimée les cotisations impayées découlant de la LAMat.

20.    Eu égard à ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse du 4 février 2021 annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour nouveau calcul du dommage, arrêté au 31 mars 2016 et excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelle décision.

21.    Les recourants, représentés par un conseil, obtenant très partiellement gain de cause, une indemnité leur sera accordée à titre de participation à leurs frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), arrêtée en l'espèce à CHF 1'000.-.

22.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement, dans le sens des considérants.

3.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouveau calcul du dommage, arrêté au 31 mars 2016, excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelle décision.

4.        Rejette le recours pour le surplus et confirme donc la responsabilité du de cujus du 1er janvier 2014 au 31 mars 2016.

5.        Alloue aux recourants une indemnité de CHF 1'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La présidente

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le