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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1945/2021

ATAS/46/2022 du 24.01.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1945/2021 ATAS/46/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 janvier 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée ______, à GENÈVE, représentée par APAS-Association pour la permanence défense des patients et des assurés

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (l’assurée), née le ______ 1960, originaire du Kosovo, titulaire d’une autorisation de séjour C, est entrée en Suisse le 28 janvier 1990. Elle a exercé essentiellement une activité de nettoyeuse dans des bureaux. Elle a été en incapacité de travail depuis octobre 2002 et n’a plus retravaillé depuis lors.

b. L’assurée a déposé, le 30 octobre 2002, une première demande de prestations d’invalidité que l’office de l’assurance-invalidité (OAI) a rejetée par décision du 24 janvier 2007, en considérant que le degré d’invalidité était de 30%. Il s’est fondé sur une expertise rhumatologique concluant à une capacité de travail de 70% dans l’activité habituelle et de 90% dans une activité adaptée, et sur une expertise psychiatrique concluant à un trouble somatoforme différencié léger, non incapacitant.

c. Par décision du 17 mars 2014, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations de l’assurée du 20 novembre 2013.

d. Par décision du 13 juillet 2018, l’OAI a rejeté la nouvelle demande de prestations de l’assurée du 18 mai 2015, en constatant que le degré d’invalidité était de 23,5%. Il s’est fondé sur un rapport du 29 mars 2018 du service médical régional (SMR) retenant que la capacité de travail de l’assurée était, dès février 2014, nulle dans l’activité habituelle et de 90% dans une activité adaptée depuis février 2014 (taux de 100% avec une baisse de rendement de 10%). Ce rapport faisait suite à une expertise pluridisciplinaire (médecine interne, rhumatologie et neurologie) du 8 février 2018 du CEMEDEX, concluant à des diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail, des troubles statiques et dégénératifs du rachis lombaire, prédominant en L4-L5 et L5-S1 (discarthrose), avec importante arthrose postérieure pluri-étagée, rétrécissement du canal lombaire en L3-L4 par hypertrophie des ligaments jaunes, rhizarthrose bilatérale relativement sévère, arthrose débutante des IPP et MCP, gonarthrose bilatérale et syndrome lomboradiculaire S1 bilatéral, essentiellement sensitif. Il était également retenu une fibromyalgie non incapacitante. La capacité de travail était au maximum de 25% dans l’activité habituelle, depuis le 2 avril 2014, et de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes : port de charges lourdes, port répété de charges modérément lourdes, mouvements répétés de torsion du tronc, station debout et assise prolongée, travaux nécessitant de maintenir le tronc fléchi en avant, pratique répétée des escaliers, marche sur terrain irrégulier, ainsi que les activités nécessitant l’utilisation d’échelles ou d’escabeaux. Seules les activités légères, permettant l’alternance des positions, ne nécessitant pas l’utilisation soutenue des mains ou des travaux de manutention en force pouvaient être encore envisagées. Le rapport du CEMEDEX indiquait que le dossier avait été analysé et résumé par un médecin ne participant pas aux examens.

B.       a. Le 7 janvier 2020, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations d’invalidité.

b. Le Dr B______, FMH rhumatologie, a attesté, les 15 juin et 29 septembre 2020, d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée depuis l’été 2019 entrainant une capacité de travail nulle en raison d’un syndrome douloureux chronique vraisemblablement aggravé par de multiples atteintes articulaires avec surcharge pondérale. Celle-ci souffrait d’une polyarthrite touchant le rachis, les genoux et les mains.

c. L’assurée a été examinée au SMR par le Dr C______, FMH médecine physique et réadaptation, lequel a rendu un rapport le 11 décembre 2020, concluant à la présence de diagnostics avec influence sur la capacité de travail, de polyarthrose, lombalgies chroniques non déficitaires et syndrome de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec tendinopathie du sus-épineux, entraînant une capacité de travail nulle comme nettoyeuse depuis le 13 juillet 2018 (date de la décision de l’OAI) et de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles depuis juin 2019, soit la marche au-delà de 30 minutes, la position assise au-delà d’unE heure, la position debout statique au-delà de 15 minutes, le port de charges au-delà de 5kg, une activité au-dessus de l’horizontale, une activité en zone basse, à genoux ou accroupie, une activité répétitive ou contre résistance, une posture en porte-à-faux, des mouvements répétitifs de flexion-extension ou rotation lombaire. Une activité adaptée devait se dérouler en position assise, à hauteur de bureau, avec possibilité de se lever par intermittence. Il a retenu comme diagnostic non incapacitant, une fibromyalgie.

d. Le 19 janvier 2021, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assurée à 60%, sur la base d’un revenu sans invalidité de CHF 55'222.- (selon l’ESS 2012, TA1, femme, niveau 1, pour 41,7 h de travail par semaine, indexé à 2019) et un revenu d’invalide de CHF 22'089.- (sur la même base que le revenu sans invalidité, pour un taux de 50%, avec une déduction de 20% justifiée par l’âge, le temps partiel et la nécessité d’alterner les positions). L’assurée pouvait effectuer toute activité de contrôle visuel dans l’industrie horlogère ou pharmaceutique ou toute activité industrielle légère, en position principalement assise.

e. Par décision du 6 mai 2021, l’OAI a alloué à l’assurée un trois quart de rente d’invalidité depuis le 1er juillet 2020, soit six mois après le dépôt de sa demande, sur la base d’un degré d’invalidité de 60% ; l’assurée était reconnue capable de travailler à 50% dès juin 2019.

C.      a. Le 7 juin 2021, l’assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de l’OAI précitée, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, depuis le 1er juillet 2020. Elle ne pouvait réaliser des activités lucratives sédentaires de petite manutention en raison des atteintes dégénératives aux mains qui interdisaient les activités fines ou répétitives ; l’ensemble des atteintes l’empêchait de retrouver un emploi, ce d’autant qu’elle était âgée de presque 61 ans, était déconditionnée, maîtrisait mal le français et présentait des capacités cognitives et d’adaptation faibles. Le Dr C______, qui n’était pas psychiatre, ne pouvait se prononcer sur l’influence de la fibromyalgie sur sa capacité de travail.

b. Le 5 juillet 2021, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que le SMR avait exclu, en 2018, le caractère incapacitant de la fibromyalgie et que, même si le Dr C______ n’avait pas traité tous les indicateurs pertinents, son évaluation permettait une telle analyse ; il n’y avait pas de limitations uniformes dans tous les domaines de la vie, pas d’atteinte psychiatrique objectivée, la présence de ressources, une exagération des symptômes, des relations sociales intactes, l’absence de demande de soins et l’existence de bénéfices secondaires au comportement d’invalide, de sorte que la fibromyalgie n’était pas incapacitante. Le manque de formation professionnelle et les difficultés d’ordre linguistique de la recourante ne devraient pas être prises en compte.

c. Le 18 août 2021, l’assurée a répliqué, en soulignant que le CEMEDEX n’avait pas relevé de motif d’exclusion niant l’atteinte à la santé et qu’une analyse des indicateurs jurisprudentiels était nécessaire. Par ailleurs, devant alterner les positions, elle ne pouvait assumer une activité essentiellement en position assise.

d. Le 18 octobre 2021, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. La recourante a contesté les perspectives réalistes de retrouver un emploi au vu de ses limitations et de son âge ainsi que de son parcours de vie. Subsidiairement, elle demandait une expertise judiciaire pluridisciplinaire. Le représentant de l’OAI a admis que la date déterminante à prendre en compte pour l’âge de la recourante était juin 2019, moment où la recourante avait 59 ans, âge qui n’empêchait pas une exigibilité.

e. Le 1er novembre 2021, la chambre de céans a versé à la procédure l’arrêt ATAS/839/2020 du 8 octobre 2020, rendu dans la cause opposant l’époux de la recourante et le service des prestations complémentaires (SPC) et dans lequel il a été constaté qu’aucun gain potentiel ne pouvait être imputé à la recourante.

f. Le CEMEDEX a indiqué, le 25 octobre 2021, que le médecin responsable de la synthèse de l’expertise était la doctoresse D______, spécialiste en médecine interne générale, et le relecteur, le Dr E______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. La recourante a observé que la Dresse D______ était l’experte, alors que le CEMEDEX indiquait dans son expertise que le médecin qui analysait et résumait le dossier ne participait pas aux examens. Interpellé sur cette contradiction, le CEMEDEX a répondu qu’il ne voyait pas l’intérêt de la question et que, même si le rapport d’expertise comprenait une erreur de transcription, cela ne modifiait pas les conclusions de l’expertise qui avait fait l’objet d’un consensus entre tous les médecins.

g. Le 12 novembre 2021, l’OAI a observé que l’assurée avait 58 ans au moment de l’exigibilité retenue et 59 ans ensuite, de sorte qu’elle n’était pas proche de la retraite au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral; l'exigibilité du point de vue des prestations complémentaires était différente puisqu’elle tenait compte de facteurs étrangers à l’assurance-invalidité.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.              

2.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

2.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

2.3 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

3.              

3.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

3.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

3.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

3.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

4.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanAnt d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 353 consid. 2.2.2 et 399 consid. 5.3.2). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, il convient ici aussi d'exiger le concours d'un médecin spécialiste en psychiatrie, d'autant plus que, comme on l'a dit, les facteurs psychosomatiques ont, selon l'opinion dominante, une influence décisive sur le développement de cette atteinte à la santé. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaît donc la mesure d'instruction adéquate pour établir de manière objective si l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle - eu égard également aux critères déterminants précités (consid. 4.2.2 supra) - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (voir aussi P. HENNINGSEN, Zur Begutachtung somatoformer Störungen in: Praxis 94/2005, p. 2007 ss). On peut réserver les cas où le médecin rhumatologue est d'emblée en mesure de constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas remplis, ou du moins pas d'une manière suffisamment intense, pour conclure à une incapacité de travail.

5.        En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

6.              

6.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

7.        Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

8.        Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré qui se trouve proche de l'âge donnant droit à la rente de vieillesse, il faut procéder à une analyse globale de la situation et se demander si, de manière réaliste, cet assuré est en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail. Cela revient à déterminer, dans le cas concret qui est soumis à l'administration ou au juge, si un employeur potentiel consentirait objectivement à engager l'assuré, compte tenu notamment des activités qui restent exigibles de sa part en raison d'affections physiques ou psychiques, de l'adaptation éventuelle de son poste de travail à son handicap, de son expérience professionnelle et de sa situation sociale, de ses capacités d'adaptation à un nouvel emploi, du salaire et des contributions patronales à la prévoyance professionnelle obligatoire, ainsi que de la durée prévisible des rapports de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_366/2014 du 19 novembre 2014 consid. 5.2).

Pour apprécier les chances d'un assuré proche de l'âge de la retraite de mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché de l'emploi, il convient de se placer au moment où l'on constate que l'exercice (partiel) d'une activité lucrative est exigible du point de vue médical, soit dès que les documents médicaux permettent d'établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 138 V 457 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_366/2014 du 19 novembre 2014 consid. 5.3). Si on ne peut pas attendre d’un assuré proche de l'âge de la retraite qu’il reprenne une activité adaptée, le degré d'invalidité doit être déterminé en fonction de sa capacité de travail résiduelle dans l'activité qu’il exerçait avant la survenance de son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_913/2012 du 9 avril 2013 consid. 5.3 et 5.4).

À titre d’exemples, le Tribunal fédéral a considéré qu’il était exigible d’un assuré de 60 ans ayant travaillé pour l’essentiel en tant qu’ouvrier dans l’industrie textile qu’il se réinsère sur le marché du travail malgré son âge et ses limitations fonctionnelles (travaux légers et moyens avec alternance des positions dans des locaux fermés; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 376/05 du 5 août 2005 consid. 4.2), de même que pour un soudeur de 60 ans avec des limitations psychiques et physiques, notamment rhumatologiques et cardiaques, qui disposait d’une capacité de travail de 70% (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 304/06 du 22 janvier 2007 consid. 4.2). Notre Haute Cour a en revanche nié la possibilité de valoriser sa capacité de travail résiduelle d’un assuré de 61 ans, sans formation professionnelle, qui n’avait aucune expérience dans les activités fines médicalement adaptées et ne disposait que d’une capacité de travail à temps partiel, soumise à d’autres limitations fonctionnelles, et qui selon les spécialistes ne présentait pas la capacité d’adaptation nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 392/02 du 23 octobre 2003 consid. 3.3), ainsi que dans le cas d’un assuré de 64 ans capable de travailler à 50% avec de nombreuses limitations fonctionnelles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 401/01 du 4 avril 2002 consid. 4c). Le Tribunal fédéral est parvenu au même constat dans le cas d’un agriculteur de 57 ans qui ne pourrait exercer d’activité adaptée sans reconversion professionnelle et qui ne disposait subjectivement pas des capacités d’adaptation nécessaires à cette fin (arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4.3.2).

9.                                 

9.1 En l’occurrence, l’intimé s’est fondé, pour rendre la décision litigieuse, sur l’expertise rhumatologique du Dr C______ du 11 décembre 2020, laquelle conclut à une capacité de travail exigible de la recourante depuis juin 2019 de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (soit en position assise, à hauteur de bureau, avec la possibilité de se lever par intermittence). Selon l’intimé, en 2018, le SMR avait exclu le caractère incapacitant de la fibromyalgie et l’expertise du Dr C______ permettait d’apprécier l’état de santé de la recourante à la lumière des indicateurs déterminants.

9.2 Fondé sur les pièces du dossier et un examen de la recourante, comprenant les plaintes de celle-ci, une anamnèse, la description de la vie quotidienne, des diagnostics clairs et une motivation convaincante de la capacité de travail, le rapport d’expertise du Dr C______ répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

L’expert retient des diagnostics incapacitants de polyarthrose (colonne cervicale, dorsale, lombaire, épaule droite, articulations sacro-iliaques et genoux), des lombalgies chroniques non-déficitaires et un syndrome de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec tendinopathie du sus-épineux. Ces atteintes entraînent des limitations fonctionnelles et une réduction de la capacité de travail à un taux de 50% depuis juin 2019, date à laquelle le Dr B______, médecin traitant, a signalé une aggravation de l’état de santé objectivée à l’imagerie (soit des lombalgies, des gonalgies, une rhizarthrose à droite et des douleurs à l’épaule droite). Il existait en outre une fibromyalgie (les signes comportementaux de Waddel étaient de 5/5 et la recourante présentait des douleurs diffuses). Les douleurs de l’arthrose s’entremêlaient avec celle de la fibromyalgie et celle-ci n’était pas incapacitante.

9.3 La recourante conteste la valeur probante de cette expertise. Elle estime que l’influence de la fibromyalgie sur sa capacité de travail doit être évaluée par un psychiatre, à l’aide des indicateurs jurisprudentiels pertinents, ce d’autant que l’expertise du CEMEDEX de 2018 ne comprend pas de volet psychiatrique, que des motifs d’exclusion du caractère invalidant de l’atteinte n’ont pas été mentionnés par les experts et que l’avis du SMR du 29 mars 2018 était contradictoire sur la question du caractère incapacitant des douleurs. Par ailleurs, l’expertise ne tenait pas compte de ses affections cardiologiques, gastriques et neurologiques (maux de tête).

9.3.1 En l’occurrence, l’expertise du Dr C______ et celle du CEMEDEX permettent de renoncer à l’exigence d’une analyse structurée par un expert psychiatre à l’aune des indicateurs jurisprudentiels pertinents, les experts ayant pu d’emblée constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas présents d’une manière suffisamment intense pour conclure à une fibromyalgie incapacitante, en sus de l’incapacité de travail de 50% déjà reconnue à la recourante dans toute activité.

La recourante présente principalement des douleurs objectivées qui sont étendues puisqu’elles sont liées à des atteintes dégénératives de la colonne cervicale, dorsale, lombaire, de l’épaule droite, du pouce de la main droite, des articulations sacro-iliaques et des genoux. Ces douleurs justifient la limitation de la capacité de travail à un taux de 50% dans une activité adaptée.

Dans ce contexte, l’expert C______ a estimé que les douleurs dues à la fibromyalgie, qui n’étaient pas expliquées par la polyarthrose, s’entremêlaient avec celle-ci et apparaissaient secondaires. À cet égard, la description des plaintes de la recourante démontre que les douleurs avec une prédominance au niveau lombaire sont principalement liées aux atteintes somatiques et que c’est seulement questionnée par l’expert, qu’elle indique qu’elle a mal partout, les plaintes spontanées étant celles liées aux atteintes somatiques objectivées. L’expertise du CEMEDEX pose également le diagnostic de fibromyalgie, avec un seuil abaissé de la douleur et une estimation des douleurs au-delà des articulations lésées ; les atteintes objectivées justifient déjà les limitations fonctionnelles et n’autorisent qu’une activité légère, permettant l’alternance des positions sans utilisation soutenue des mains ou de travaux de manutention en force. L’évaluation de la fibromyalgie par le biais des indicateurs jurisprudentiels pertinents n’apparaît pas nécessaire au vu des constatations des experts rhumatologues. Cela dit, l’expertise du CEMEDEX et le rapport du SMR du 29 mars 2018 permettent néanmoins de faire une telle appréciation, laquelle conduit à nier le caractère incapacitant de la fibromyalgie. Les experts du CEMEDEX relèvent en effet une divergence entre le comportement de la recourante et ses déclarations d’intenses souffrances, suggérant une amplification des douleurs. La recourante était très entourée et sa passivité s’expliquait ainsi par des facteurs socio-culturels ; la cohérence avec la diminution des activités dans tous les domaines de la vie n’est pas confirmée par l’expert et la renonciation aux tâches ménagères est expliquée partiellement par des motifs médicaux. Ces constatations ont été reprises le 29 mars 2018 par le SMR, lequel, après analyse de l’expertise du CEMEDEX, a estimé que la fibromyalgie était d’intensité légère et que l’analyse des indicateurs jurisprudentiels pouvait être effectuée. La fibromyalgie n’était pas incapacitante, ce d’autant qu’il n’y avait pas d’atteinte psychiatrique et que la recourante bénéficiait d’un excellent encadrement familial. Ces considérations n’ont pas été contestées par l’expertise du Dr C______, lequel ne fait pas état de modifications manifestes, que ce soit dans la vie quotidienne de la recourante ou par rapport aux plaintes reliées à la fibromyalgie. Par ailleurs, la recourante n’invoque pas d’atteinte psychiatrique en sus des atteintes somatiques. C’est ainsi avec pertinence que l’intimé a estimé que la fibromyalgie était légère et non incapacitante.

9.3.2. S’agissant de la valeur probante de l’expertise du CEMEDEX, la recourante a relevé que le médecin ayant résumé le dossier est l’experte en médecine générale qui a participé à l’expertise, alors que le rapport d’expertise du CEMEDEX mentionne le contraire. Interpellé sur cette contradiction, le CEMEDEX a estimé que cette erreur n’était pas importante et n’avait aucune incidence sur la valeur probante du rapport d’expertise.

A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que le nom du médecin auquel est confiée la tâche d’établir l’anamnèse de base ou le résumé du dossier ou celle de relire l’expertise afin d’en assurer la pertinence formelle doit être communiqué au préalable à l’assuré. Cette violation peut être réparée en communiquant postérieurement à l’expertise le nom des médecins précités (ATF 146 V 9). En l’occurrence, la recourante a eu connaissance du nom des médecins ayant résumé et relu l’expertise et ne soulève pas de motifs de récusation à leur encontre, étant relevé que l’identité de la Dresse D______ lui était déjà connue. En revanche, c’est à juste titre que la recourante relève que le rapport d’expertise contient une mention erronée, laquelle n’a pas l’importance minime que veut lui donner le CEMEDEX. En tant que l’anamnèse et le résumé du dossier est une tâche fondamentale d’expertise (arrêt du Tribunal fédéral 9C 561/20 du 10 juin 2021), l’assuré est en droit de recevoir des informations conformes à la vérité sur l’identité de son auteur. Indiquer à l’assuré que le médecin qui analyse et résume le dossier ne participe pas aux examens – ce qui entend souligner que le centre d’expertise met en place une procédure qui se veut être la plus objective possible – , alors que tel n’est pas le cas, entache le sérieux et la crédibilité du processus d’expertise. Cela dit, il convient d’admettre que cette erreur n’est, en l’espèce, pas de nature à mettre en cause, sans autre élément pertinent, les constatations et conclusions médicales du rapport du CEMEDEX, dont la valeur probante n’a d’ailleurs pas été contestée par la recourante dans le cadre de la procédure de révision entamée le 18 mai 2015.

9.3.3 Enfin, c’est à tort que la recourante invoque des atteintes cardiologiques, neurologiques et gastroentérologiques qui n’auraient pas été prises en compte par l’intimé. En effet, les céphalées et les épigastralgies ont été mentionnées par les experts dans les plaintes de la recourante (expertise du CEMEDEX p. 23 et 24 et expertise C______ p. 5). L’expertise neurologique et de médecine interne du CEMEDEX n’a cependant pas posé à cet égard de diagnostics avec influence sur la capacité de travail, estimant qu’ils n’étaient pas déterminants. Quant aux plaintes cardiovasculaires de la recourante (qui relate un traitement à l’aspirine cardio), elles ne sont pas étayées par des constatations médicales et le status cardiovasculaire a été établi tant par l’expert de médecine interne du CEMEDEX (expertise p. 29) que par le Dr C______ qui a relevé que la recourante n’avait pas de problèmes cardiaques (expertise C______ p. 5).

9.4 Au vu de ce qui précède, les conclusions de l’expertise du Dr C______ peuvent être suivies et la recourante doit se voir reconnaître une capacité de travail limitée à un taux de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis juin 2019. Par appréciation anticipée des preuves, il sera donc renoncé à l’ordonnance d’une expertise pluridisciplinaire judiciaire, comme requis par la recourante.

10.    La recourante estime encore qu’étant proche de l’âge de la retraite, sans expérience professionnelle, maîtrisant mal le français, possédant peu de capacités cognitives et d’adaptation, éloignée du marché professionnel depuis de longues années et présentant de nombreuses limitations fonctionnelles, il ne peut être exigé d’elle la reprise d’une activité professionnelle. L’intimé n’a pas fixé précisément le moment déterminant pour tenir compte de l’âge de la recourante puisqu’il a évoqué juin 2019 (cf. procès-verbal d’audition du 18 octobre 2021), puis 2018 et 2019 (détermination de l’intimé du 12 novembre 2021). Il convient de déterminer, conformément à la jurisprudence précitée, le moment où les documents médicaux permettent de fixer de manière fiable la capacité de travail de la recourante. À cet égard, le rapport d’expertise du CEMEDEX a été rendu le 8 février 2018. Il a ensuite fait l’objet d’une analyse par le SMR, lequel a estimé le 29 mars 2018 que la capacité de travail de la recourante était finalement de 90% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, depuis février 2014. Cette conclusion n’a pas été contestée par la recourante, la décision de l’intimé qui l’a suivi, du 13 juillet 2018, étant entrée en force.

Il y a ainsi lieu de retenir que le moment où les documents médicaux permettent d’établir de manière fiable la capacité de travail de la recourante, au sens de la jurisprudence précitée, correspond à la date du rapport du SMR du 29 mars 2018. Certes, par la suite, soit en décembre 2020, le Dr C______ a-t-il attesté d’une capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de la recourante réduite à un taux de 50% depuis juin 2019. Reste qu’en 2018 déjà, l’exigibilité avait été clairement fixée par une expertise pluridisciplinaire et un avis du SMR, de sorte que l’aggravation de l’état de santé constatée par la suite depuis juin 2019 ne permet pas d’exclure la prise en compte de l’exigibilité établie en mars 2018. Cela est d’autant plus vrai que l’activité exigible depuis juin 2019, soit une activité en position assise à hauteur de bureau, avec possibilité de se lever par intermittence, est similaire à celle évaluée en 2018, soit une activité légère permettant l’alternance des positions, sans utilisation des mains ou de travaux de manutention en force. Ainsi, la recourante, dont il était admis en 2018 qu’elle présentait une capacité de travail à un taux de 90% dans une activité adaptée, aurait pu la maintenir dès juin 2019 à un taux de 50%, sans nécessité de se réadapter.

À la date de mars 2018, la recourante était âgée de presque 58 ans, soit un âge qui n’est pas considéré comme étant proche de l’âge donnant droit à la rente de vieillesse (à cet égard, arrêt du Tribunal fédéral 8C 761/2014 du 15 octobre 2015) et il convient d’admettre qu’elle était encore objectivement susceptible d’être engagée par un employeur potentiel, même à un taux de travail de 50%, depuis juin 2019, comme attesté par l’expertise de 2020. En conséquence, le moyen tiré de la proximité de l’âge de la retraite est infondé.

11.    Le calcul du degré d’invalidité de la recourante n’est pas contesté par celle-ci et peut être confirmé, étant constaté qu’un abattement de 20% sur le revenu d’invalide tient suffisamment compte de l’âge de la recourante. Cela étant, même si l’on retenait le taux d’abattement maximal de 25%, le degré d’invalidité obtenu (soit 63%) ne donnerait pas droit à une rente d’invalidité supérieure à un trois quart de rente.

12.    Partant, le recours ne peut qu’être rejeté.

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de la recourante (art. 69 al.1bis LAI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le