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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1575/2021

ATAS/1247/2021 du 25.11.2021 ( APG ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;DÉCISION DE TAXATION;PERTE DE GAIN;OBSERVATION DU DÉLAI;PERTE DE TRAVAIL À PRENDRE EN CONSIDÉRATION
Normes : LAPG.11.al1; RAPG.7.al1; LAVS.9.al3; Ordonnance COVID-19.5.al2
Résumé : Après avoir rappelé notamment que la limite fixée au 16 septembre 2020 pour se prévaloir de la décision définitive de taxation 2019 [figurant à l’art. 5 al. 2 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (dans sa teneur au 6 juillet 2020) et au chiffre 1065.1 CCPG (état au 3 juillet 2020)] a été jugée contraire au principe de l’égalité de traitement par les Tribunaux cantonaux des assurances des cantons de Vaud et de Zürich, la Cour de céans a retenu que ce délai n’est pas non plus applicable aux demandes de nouveau calcul des APG-COVID lorsque la taxation fiscale 2019 était disponible avant le 16 septembre 2020. Cette solution se justifie dès lors que le but des APG est de compenser au plus près la perte de revenu subie. Partant, la demande de recalcul des APG-COVID depuis le 17 mars 2020, que la recourante a déposée courant octobre 2020 en se fondant sur la taxation fiscale 2019 du 22 juillet 2020, aurait dû être prise en considération par l’intimée
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1575/2021 ATAS/1247/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 novembre 2021

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée c/o M. B______, à Genève

 

 

recourante

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sis Service juridique, 12, rue des Gares, case postale 2595, Genève

 

 

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée), mère de jumelles nées le ______ 2021, est affiliée auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse). Ses cotisations sociales ont été fixées, le 27 janvier 2019, à CHF 2'337.- pour l'année 2019, sur la base d'un revenu déterminant de CHF 28'000.-.

b. Le 25 mars 2020, l'intéressée a requis de la caisse le versement d'une allocation pour perte de gain en cas de coronavirus (APG-COVID). Du 17 mars 2020 au 16 septembre 2020, la caisse a versé à l'intéressée une APG-COVID d'un montant journalier de CHF 62,40.

c. La caisse a communiqué, le 7 juillet 2020, aux bénéficiaires des APG-COVID l'information que, suite à la décision du Conseil fédéral du 1er juillet 2020, « la reprise du paiement des APG-COVID jusqu'au 16 septembre 2020 se fera automatiquement. Pour cette raison, nous vous remercions de ne pas nous adresser de nouvelle demande, ni de nous contacter par e-mail ou par téléphone ».

d. Le 31 août 2020, l'administration fiscale cantonale (AFC) a communiqué à la caisse un revenu d'une activité indépendante de l'assurée, pour l'année 2019, de CHF 42'149.- selon une taxation du 22 juillet 2020.

e. Par décision du 9 octobre 2020, la caisse a fixé les cotisations sociales de l'assurée, pour l'année 2019, à CHF 4'703,20, sur la base d'un revenu déterminant de CHF 45'300.- (soit CHF 42'149.- + CHF 3'197,85 de rajout de cotisations).

f. Par courriel du 13 octobre 2020, l'assurée a transmis à la caisse le détail de sa taxation définitive 2019 et demandé s'il avait une incidence sur le calcul de ses APG-COVID. Le 28 octobre 2020, la caisse a répondu qu'elle ne pourrait effectuer un recalcul des APG-COVID, la demande de la recourante ayant été formée après le 16 septembre 2020.

B. a. Le 4 janvier 2021, l'assurée a sollicité un recalcul de ses APG-COVID depuis mars 2020, sur la base d'un revenu annuel non pas de CHF 28'000.- mais de CHF 47'896.- (sic). Elle a fait valoir que sa taxation fiscale définitive 2019 avait été émise le 22 juillet 2020 et transmise au plus tard un mois après à la caisse, de sorte qu'elle avait pensé que le réajustement des APG-COVID se ferait automatiquement ; en particulier aucune instruction n'avait été clairement émise par la caisse s'agissant de la nécessité de formuler une demande spécifique de recalcul des APG-COVID. Elle avait néanmoins sollicité la caisse mi-octobre 2020, laquelle lui avait répondu par courriel le 28 octobre 2020 ; les APG-COVID versées depuis le 16 septembre 2020 étaient à tort encore calculées sur la base d'un revenu annuel de CHF 28'000.-, alors que, d’une part, la caisse connaissait bien le revenu réel depuis août 2020, d’autre part, ses cotisations 2019 avaient déjà été réajustées à la hausse.

b. Par décision du 10 février 2021, la caisse a fait suite à la demande de l'intéressée du 13 octobre 2020 de recalcul des APG-COVID et l'a rejetée, au motif que la demande avait été formée postérieurement au 16 septembre 2020.

c. L'intéressée a fait opposition à cette décision, en relevant que son avis de taxation était parvenu avant le 16 septembre 2020 à la caisse et que sa taxation 2019 avait été prise en compte pour le calcul des cotisations.

d. Par décision du 8 avril 2021, la caisse a rejeté l'opposition, au motif que la demande de révision et de reconsidération devait être adressée à la caisse avant le 16 septembre 2020, alors que l'intéressée l'avait déposée le 13 octobre 2020.

C. a. Le 7 mai 2021, l'intéressée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l'encontre de la décision précitée, en concluant au recalcul, depuis le 16 mars 2020, des APG-COVID sur la base de son revenu déterminant 2019 de CHF 45'300.-. Un ajustement des APG-COVID aurait dû avoir lieu postérieurement à l'envoi de sa taxation fiscale du 22 juillet 2020, comme cela avait été le cas pour l'impôt et les cotisations sociales ; elle avait compris, notamment sur la base des décomptes des APG-COVID - précisant que celles-ci étaient communiquées aux autorités fiscales cantonales - qu'un échange d'informations entre la caisse et l'AFC se faisait directement, comme c'était d’ailleurs le cas chaque année pour le calcul des cotisations définitives. Elle avait scrupuleusement répondu aux exigences de la caisse, dont celle de ne pas la surcharger. Elle avait donc attendu avant de contacter la caisse, afin de ne pas entraver le travail de celle-ci, et fini par la contacter par courriel le 6 octobre 2020, puis les 13 octobre 2020, 10 décembre 2020, 4 janvier et 9 février 2021. Elle n'avait jamais été informée d'un délai au 16 septembre 2020 pour requérir un nouveau calcul et s'était fiée aux informations reçues de la caisse. Si elle avait été correctement informée de son obligation de solliciter la caisse avant le 16 septembre 2020, elle aurait évidemment envoyé un courrier à la caisse dans ce délai. Les conséquences du refus de la caisse étaient exorbitantes, puisqu'elles portaient sur une perte de près de 40% des APG-COVID, ainsi que sur ses futures APG maternité.

b. Le 14 juillet 2021, la caisse a conclu au rejet du recours, au motif que lors du dépôt de la demande, le 25 mars 2020, la taxation fiscale 2019 n'était pas établie de sorte que l'APG-COVID avait été calculée sur la base du revenu de CHF 28'000.- ; l'adaptation de l'APG-COVID pouvait être faite sur demande déposée avant le 16 septembre 2020, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; seule l'APG-COVID due dès le 1er juillet 2021 pouvait être adaptée à la taxation 2019.

c. Le 14 septembre 2021, l'intéressée a répliqué, en persistant dans les termes de son recours.

 

EN DROIT

1.

1.1         Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux APG en lien avec le Coronavirus, sous réserve de dérogations expresses [art. 1 de l’ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) du 20 mars 2020 (ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31]. Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître du présent recours (ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

1.2         Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

2. Le litige porte sur le montant des APG-COVID allouées à la recourante depuis le 17 mars 2020.

3.

2          

3          

3.1         Le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, laquelle est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020. L'autorité de recours appliquant le droit en vigueur au jour où l'autorité administrative a statué pour la première fois, soit, en l'occurrence le 10 février 2021 (cf. ATF 144 II 326 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_53/2021 du 30 juin 2021 consid. 2.1 et 5.1 destiné à la publication), c’est la version de l’ordonnance précitée dans sa teneur au 8 février 2021 qui est applicable.

Selon l'art. 2 al. 3 bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA et les personnes visées à l'art. 31 al. 3 let. b et c, LACI, pour autant qu'elles ne soient pas concernées par l'art. 3 et qu'elles remplissent la condition prévue à l'art. 1bis, let. c, ont droit à l'allocation : a. Si leur activité lucrative est significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l'épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité ; b. si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire, et c. si elles ont touché pour cette activité au moins CHF 10'000.- à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 ; cette condition s'applique par analogie si l'activité a débuté après 2019 ; si celle-ci n'a pas été exercée pendant une année complète, cette condition s'applique proportionnellement à sa durée.

En vertu de l'art. 5 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, l'indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l'activité lucrative obtenu avant le début du droit à l'allocation (al. 1). Pour déterminer le montant du revenu, l'art. 11 al. 1 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG – RS 834.1) s'applique par analogie (al. 2). Pour les ayants droit exerçant une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 2, al. 1bis, let. b, ch. 2, al. 3 ou 3bis, qui ont déjà perçu une allocation en vertu de la version de la présente ordonnance qui était en vigueur jusqu'au 16 septembre 2020, la base de calcul reste la même (al. 2 bis). Pour les ayants droit exerçant une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 2, al. 1bis, let. b, ch. 2, al. 3, 3bis ou 3quinquies, le revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 est déterminant pour le calcul de l'allocation. Une fois le montant de l'allocation fixé, un nouveau calcul se fondant sur une base de calcul plus récente est exclu (al. 2 ter).

À teneur de l’art. 11 al. 1 phr. 1 LAPG, le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS. Le Conseil fédéral édicte des dispositions relatives au calcul de l’allocation et fait établir par l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l'OFAS) des tables dont l’usage est obligatoire et dont les montants sont arrondis à l’avantage de l’ayant droit.

Vu la délégation précitée, le Conseil fédéral a édicté le règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain (RAPG - RS 834.11). Selon l’art. 7 al. 1 RAPG, pour les personnes exerçant une activité indépendante, l’allocation est calculée d’après le revenu, converti en revenu moyen, qui a servi de base à la dernière décision de cotisations à l’AVS rendue avant l’entrée en service. L’allocation est ajustée sur demande si, par la suite, une nouvelle décision de cotisation est prise pour l’année pendant laquelle le service a été accompli (al. 1).

Il résulte ainsi de l'art. 7 al. 1 RAPG que le montant de l'allocation doit être fixé en tenant compte de la dernière décision de cotisation prise, même si cette décision est postérieure au début de la période pour laquelle l'APG est demandée. Cela correspond à la volonté du législateur, qui a prévu à l’art. 11 al. 1 phr. 1 LAPG que le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS, mais pas que c'est la dernière décision de cotisation avant l'entrée en service qui l'est. Le but principal du régime des allocations pour perte de gain est en effet de compenser au plus près la perte de revenu subie du fait de l'accomplissement d'un service ou de l'accouchement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_253/2014 du 28 juillet 2014 consid. 6.3.2 ; ATAS/1032/2021 du 6 octobre 2021).

Aux termes de l’art. 9 al. 3 LAVS, le revenu provenant d’une activité indépendante et le capital propre engagé dans l’entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation.

 

3.2         L'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) a émis des lignes directrices relatives à l'application de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans la circulaire sur l'APG en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus, valables à partir du 17 septembre 2020 (ci-après : CCPG dans son état au 29 janvier 2021, version 12, applicable au jour de la décision du 10 février 2021).

D'après le ch. 1065 CCPG, la base de calcul de l'indemnité pour les indépendants correspond, en principe, au revenu réalisé en 2019. Pour ce faire, c'est le revenu retenu pour le décompte des cotisations 2019 (acomptes de cotisations) qui est déterminant. Par contre, si, au moment où l'indemnité est déterminée, la taxation fiscale définitive pour 2019 est déjà disponible, celle-ci doit être prise comme base de calcul. Pour les ayants droit qui ont déjà perçu une indemnité fondée sur la version de l’ordonnance en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020, la base de calcul reste la même.

3.3         En l'espèce, la recourante ayant perçu des APG-COVID antérieurement au 17 septembre 2020, il convient de déterminer le montant de celles-ci, selon les dispositions de l’ordonnance applicable dans sa teneur en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020 (cf. art. 5 al. 2bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 précité), singulièrement d’examiner si, comme le prétend la recourante, l'envoi par l'AFC de sa taxation fiscale 2019 à l'intimée, en date du 31 août 2020, suivi de sa demande de recalcul formée courant octobre 2020, lui permet d’obtenir un nouveau calcul des APG-COVID, depuis le 17 mars 2020, sur la base de son revenu 2019 retenu par l’AFC.

4.

4          

4.1         L'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur la perte de gain COVID-19, dans sa teneur au 6 juillet 2020, en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020, prévoit que, pour déterminer le montant du revenu, l'art. 11, al. 1 LAPG s'applique par analogie. Après la fixation du montant de l'allocation, cette dernière ne peut faire l'objet d'un nouveau calcul que si une taxation fiscale plus récente est envoyée à l'ayant droit d'ici au 16 septembre 2020 et que celui-ci dépose une demande de nouveau calcul d'ici à cette date.

D’après le ch. 1065.1, dernière phrase, CCPG (état au 3 juillet 2020, version 6, applicable jusqu’au 17 septembre 2020), si, au moment de la demande, la taxation fiscale définitive pour 2019 est déjà disponible, c’est celle-ci qui doit être prise en compte. La demande de nouveau calcul, respectivement de révision ou de reconsidération, doit être adressée à la caisse de compensation au plus tard le 16 septembre 2020.

4.2         En l'occurrence, le montant de l'APG-COVID a été fixé le 22 avril 2020, dans le premier décompte établi pour la période du 17 mars au 15 avril 2020, soit un montant journalier de CHF 62,40. L'intimée a reçu, le 31 août 2020, soit antérieurement au 16 septembre 2020, une communication fiscale faisant état du revenu pris en compte dans la taxation fiscale de la recourante du 22 juillet 2020, pour l'année 2019, de sorte que la première condition posée à l’art. 5 al. 2 de l’ordonnance précitée est remplie. S’agissant de la deuxième condition, il convient de constater que la demande de recalcul de la recourante est tardive, soit déposée le 13 octobre 2020, alors que le délai arrivait à échéance le 16 septembre 2020, étant relevé que, même si la date du 6 octobre 2020 était retenue au lieu du 13 octobre 2020, comme allégué par la recourante, la demande serait toujours formée en dehors du délai du 16 septembre 2020.

La recourante estime toutefois que le délai précité ne doit pas lui être appliqué.

5.

5          

5.1         A cet égard, les Tribunaux cantonaux des assurances des cantons de Vaud et de Zürich ont jugé que l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, en vigueur dès le 6 juillet 2020, ainsi que le chiffre 1065.1 CCPG, état au 3 juillet 2020, étaient manifestement contraires au principe de l'égalité de traitement, de sorte que le délai fixé au 16 septembre 2020 pour la prise en compte de la taxation fiscale des recourants n'était pas applicable (arrêt de la cour des assurances sociales du canton de Vaud du 17 mai 2021 – APG 36/20 – 1, entré en force, et arrêt du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Zürich du 29 octobre 2020 EE.2020. 00006, qui a fait l’objet d’un recours de l’OFAS, déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral selon l’arrêt 9C_752/2020 du 9 mars 2021).

Ces considérations peuvent être reprises en l’espèce.

5.2         Selon la jurisprudence, une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1 ; 140 I 77 consid. 5.1 ; 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 134 I 23 consid. 9.1).

En édictant l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, le Conseil fédéral a posé le principe que la base de calcul de l'allocation pour les indépendants devait correspondre en principe au revenu réalisé en 2019. En limitant dans le temps la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 pour fixer le montant du revenu moyen de l'activité lucrative déterminant pour le calcul de l'allocation, l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 ainsi que le ch. 1065.1 de la CCPG sont manifestement contraires au principe de l'égalité de traitement, tel qu'il est consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. En effet, la faculté pour la personne exerçant une activité indépendante qui requiert le versement de l'allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 dépend d'un facteur purement aléatoire, à savoir la célérité mise par les autorités fiscales pour établir ladite taxation. La personne concernée n'a toutefois aucune prise sur la procédure de taxation car elle ne dispose d'aucun moyen pour contraindre les autorités fiscales à rendre une décision de taxation dans un délai précis. De fait, l'introduction d'une limite temporelle au 16 septembre 2020 pour la production de la décision définitive de taxation pour 2019 – laquelle constitue d'ailleurs une dérogation au régime général des allocations pour perte de gain (cf. art. 7 al. 1 RAPG) – revient à privilégier, arbitrairement et sans motif légitime, les personnes dont le dossier a été traité par les autorités fiscales avant cette date par rapport à celles dont la taxation n'a été entreprise que postérieurement. La crainte d'une éventuelle surcharge de l'autorité administrative liée aux demandes de réexamen des décisions d'allocation afin de tenir compte des décisions définitives de taxation pour 2019 ne saurait justifier une violation de ce principe fondamental de l'état de droit qu'est l'égalité de traitement.

Aussi faut-il retenir que la limitation dans le temps de la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 ne repose sur aucun motif sérieux et objectif et est, partant, contraire au principe de l'égalité de traitement (Arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud - APG 36/20 du 17 mai 2021).

5.3         En l'occurrence, au vu des considérations qui précèdent, il doit être répondu négativement à la question de savoir si la recourante aurait dû demander un recalcul de ses APG-COVID avant l'échéance du 16 septembre 2020, ce qui était de fait possible, sa taxation fiscale ayant été notifiée le 22 juillet 2020. En effet, vu l'inapplicabilité du délai au 16 septembre 2020 pour la prise en compte des taxations fiscales 2019 des assurés, il n'y a aucun motif de maintenir ce délai pour les demandes de recalcul des APG-COVID, dans les cas où, comme en l’espèce, la taxation fiscale 2019 était disponible avant le 16 septembre 2020. Comme rappelé ci-avant, le but des APG est de compenser au plus près la perte de revenu subie ; or, en l’occurrence, le revenu à compenser a été précisé par la taxation fiscale du 22 juillet 2020, communiquée à l’intimée le 31 août 2020, laquelle a justifié une nouvelle décision de cotisation, fondée sur le revenu taxé de 2019, rendue par l’intimée le 9 octobre 2020. Dans ces conditions et aux termes de l’art. 7 al. 1 RAPG, la demande de recalcul des APG-COVID déposée au cours de l’année pour laquelle l’APG-COVID est due, doit être suivie d’un ajustement des APG-COVID.

Au demeurant, la demande de la recourante, déposée courant octobre 2020, aurait dû être prise en considération par l'intimée et justifier, sur la base de la taxation fiscale du 22 juillet 2020, un nouveau calcul des APG-COVID depuis le 17 mars 2020.

6. Enfin, la recourante se prévaut du principe de protection de la bonne foi.

6          

6.1         Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; ATF 128 II 112 consid. 10b/aa ; ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d’un comportement de l’administration susceptible d’éveiller chez l’administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

Dans le domaine des assurances sociales, l’art. 27 LPGA prévoit que, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2). L’alinéa premier ne porte que sur une information générale des assurés, par le biais par exemple de brochures d’informations ou de lettres-circulaires. En revanche, l’alinéa 2 prévoit l’obligation de donner une information précise ou un conseil dans un cas particulier, de sorte qu’il peut conduire à l’obligation de verser des prestations sur la base du principe de la bonne foi (ATAS/917/2017 du 16 octobre 2017 consid. 15b).

Le devoir de conseil de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur. Le devoir de conseils s'étend non seulement aux circonstances de faits déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (ATF 135 V 339 consid. 8.3 non publié et les références). De manière générale, on doit également exiger de l'assuré un minimum d'attention, de réflexion et de bon sens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1005/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.2.2). Aucun devoir de renseignement ou de conseil au sens de l'art. 27 LPGA n'incombe à l'institution d'assurance tant qu'elle ne peut pas, en prêtant l'attention usuelle, reconnaître que la personne assurée se trouve dans une situation dans laquelle elle risque de perdre son droit aux prestations (ATF 133 V 249 consid. 7.2).

Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l'autorité (en l'espèce l'assureur) à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. (ATF 131 V 472 consid. 5). 

D'après la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que (e) la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627consid. 6.1 et les références citées). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 131 V 472 consid. 5).

6.2         En l’occurrence, l’intimée a attiré l’attention de la recourante, par sa communication du 7 juillet 2020, sur le fait que les APG-COVID seraient reprises automatiquement du 1er juillet 2020 au 16 septembre 2020, en la priant de ne pas déposer de nouvelle demande, ni de la contacter par e-mail ou téléphone. Par ailleurs, la recourante était informée du fait que l’intimée avait reçu, courant août 2020, de la part de l’AFC, le montant de son revenu issu de sa taxation fiscale 2019. Dans ce contexte, il n’apparaît pas d’emblée infondé que la recourante puisse se prévaloir d’un défaut de renseignement de la part de l’intimée, voire d’un renseignement erroné donné par celle-ci, ayant eu pour conséquence qu’elle a pu croire, de bonne foi, pouvoir renoncer à déposer, avant le 16 septembre 2020, une demande de recalcul de ses APG-COVID. Cette question peut cependant rester ouverte, vu l’issue du litige.

7. Partant, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause sera renvoyée à l'intimée pour nouveau calcul des APG-COVID de la recourante, depuis le 17 mars 2020, en tenant compte de la taxation fiscale 2019 du 22 juillet 2020.

La recourante qui n’est pas représentée, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet

3.        Annule la décision de l'intimée du 8 avril 2021.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le