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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1181/2020

ATAS/650/2021 du 22.06.2021 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1181/2020 ATAS/650/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 juin 2021

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o B______, chemin à COLOGNY, représentée par son curateur, Monsieur C______, et comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc BALAVOINE

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'assurée), née le ______1936, est au bénéfice de prestations complémentaires depuis août 2008.

2.        Une révision du dossier a été initiée en août 2018, au cours de laquelle le service des prestations complémentaires (ci-après le SPC) a notamment appris que l’assurée avait été copropriétaire d’un bien immobilier sis en Italie jusqu’au 15 décembre 2016, date à laquelle ce bien avait été vendu. L’assurée détenait depuis une créance à l’encontre de sa fille, Madame D______, en paiement de sa part du produit de vente, soit EUR 113'333.- (4/6 de EUR 170'000.-).

3.        Par décision du 28 juin 2019, confirmée sur opposition le 28 février 2020, le SPC a réclamé à l’assurée le remboursement de la somme de CHF 150'944.-, représentant les prestations complémentaires qui lui avaient été versées à tort du 1er août 2012 au 30 juin 2019.

Le SPC a par ailleurs fixé le montant des prestations complémentaires fédérales à compter du 1er janvier 2016, et dès le 1er janvier 2019.

4.        Par décision du 2 décembre 2019, également confirmée sur opposition le 28 février 2020, le SPC a établi le droit de l'assurée aux prestations complémentaires fédérales à compter du 1er janvier 2020, en tenant compte d’une épargne de CHF 128'394.30.

5.        L’assurée, représentée par Me Marc BALAVOINE, a interjeté recours le 20 avril 2020 contre les décisions sur opposition du 28 février 2020. Elle conteste les chiffres retenus par le SPC. Elle rappelle que son époux est décédé le 12 novembre 2007.

La liquidation de la succession s'est faite immédiatement sous réserve d'un bien immobilier situé à Comune di Civitella Di Romagna (FC), Viale E______ n. 18, en Italie, de sorte qu'elle est devenue copropriétaire de 4/6 de ce bien immobilier, 1/6 revenant à sa fille, D______, et 1/6 restant revenant à son fils, C______. Elle explique que le produit de la vente du bien immobilier a été détourné par sa fille D______. Cette créance est irrécouvrable, le SPC ne saurait la prendre en considération dans sa fortune. Elle fait ainsi valoir qu'elle avait en effet confié à sa fille une procuration pour procéder à la vente de ce bien. Le 16 décembre 2015, D______ avait procédé à la vente et encaissé le prix. Elle s'était toutefois abstenue d'en informer sa mère et de lui restituer la partie du produit de vente qui lui revenait.

Elle ajoute qu'elle a pourtant mis sa fille en demeure, ce par plis recommandés des 16 avril 2019 et 18 octobre 2019, de restituer sans délai ce montant.

Celle-ci n'a répondu à aucun des courriers.

Elle conclut à ce que ladite décision soit annulée et à ce que le montant des prestations complémentaires fédérales soit fixé à au moins CHF 2'285.- par mois dès le 1er juillet 2019.

6.        Le mandataire de l’assurée a transmis à la chambre de céans, le 5 mai 2020, copie de l’ordonnance rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant le 27 février 2020, aux termes de laquelle une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l’assurée est instituée, et Monsieur C______ désigné aux fonctions de curateur.

7.        Dans sa réponse du 14 mai 2020, le SPC a conclu au rejet du recours s’agissant de la période du 1er août 2012 au 30 juin 2019, mais a accepté de ne plus tenir compte dès le 1er janvier 2020 de la créance de EUR 113'333.- au vu des démarches actives entreprises par l’assurée depuis janvier 2020.

8.        Invitée à se déterminer, l’assurée a, le 4 juin 2020, pris note de ce que le SPC acceptait de considérer la créance envers sa fille comme étant irrécouvrable dès le 1er janvier 2020, mais constate qu’il ne s’est pas déterminé sur les prestations concernant la période du 1er juillet 2019 au 31 décembre 2019. Elle a sollicité de la chambre de céans qu’elle admette partiellement son recours en tant qu’il porte sur son droit à des prestations complémentaires fédérales, en arrêtant leur montant à au moins CHF 2'279.70 par mois à compter du mois de juillet 2019, et à au moins
CHF 2'310.10 dès le mois de janvier 2020. Elle a par ailleurs requis la suspension de la procédure s’agissant du remboursement des prestations complémentaires fédérales perçues du 1er août 2012 au 30 juin 2019, « jusqu’à ce que les démarches intentées en Italie pour recouvrer sa créance aboutissent, soit par la conclusion d’une transaction extrajudiciaire, soit par la décision définitive et exécutoire d’un tribunal » et conclu à l’annulation de la décision de restitution.

9.        Le 1er juillet 2020, le SPC a déclaré s’en rapporter à justice quant à l’opportunité de suspendre l’instance, rappelant toutefois que la durée de la procédure judiciaire en Italie a été estimée à quatre ou cinq ans. Il considère que la période du
1er juillet au 31 décembre 2019 est comprise dans sa décision du 28 juin 2019. Il constate que les seules démarches effectuées afin de recouvrer la créance de l’assurée, sont deux courriers adressés à sa fille par son fils, M. C______ et par Me F______, avocat à Bari (Italie), respectivement les 16 avril 2019 et 18 octobre 2019, courriers auxquels elle n’a reçu aucune réponse, de sorte que le caractère irrécouvrable de la créance n’est pas démontré. Le SPC a parallèlement sollicité l’autorisation de la chambre de céans pour rendre d’ores et déjà une décision rétroagissant au 1er janvier 2020 qui ne tiendrait pas compte de la créance que l’assurée détient à l’encontre de sa fille.

10.    Par décision du 2 juillet 2020, le SPC a repris le calcul du droit de l'assurée aux prestations complémentaires fédérales. Il met ainsi en évidence un solde en faveur de l’assurée de CHF 10'381.- pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2020 dont il précise qu’il sera compensé avec une dette existante.

11.    Le 6 juillet 2020, le mandataire de l’assurée a informé la chambre de céans que Mme D______ n’avait pas donné suite à une mise en demeure du 5 mai 2020 et à un rappel du 8 juin 2020, qu’une ultime mise en demeure lui avait alors été adressée avec un délai au 15 juillet 2020 et qu’à défaut de réponse dans ce délai, il entreprendrait des démarches judiciaires.

12.    Par courrier du 8 juillet 2020, la chambre de céans a laissé au SPC le soin de notifier à l’assurée une nouvelle décision établissant son droit aux prestations complémentaires à compter du 1er janvier 2020.

13.    Par arrêt incident du 17 août 2020 (ATAS/647/2020), la chambre de céans a refusé de suspendre l'instance, après avoir constaté ce jour-là, soit un peu plus d'un mois après l'expiration du délai que l'assurée avait imparti à sa fille, qu'aucune action judiciaire n'avait été déposée.

14.    Par courrier du 5 octobre 2020, l'assurée a transmis à la chambre de céans copie d'un acte introductif d'instance déposé le 11 septembre 2020 auprès du Tribunal de Forli (Italie) contre Madame D______ et a sollicité, partant, la révision de l'arrêt incident du 17 août 2020.

15.    Le 22 octobre 2020, le SPC a pris bonne note du fait qu’une action judiciaire avait finalement été intentée en Italie en septembre 2020. Il a toutefois persisté dans la position qu’il avait développée dans ses écritures du 1er juillet 2020 s’agissant des périodes allant du 1er août 2012 au 30 juin 2019 et du 1er juillet 2019 au 31 décembre 2019.

Il a par ailleurs indiqué que, faisant suite au courrier de la chambre de céans du 8 juillet 2020, il avait rendu une nouvelle décision le 17 juillet 2020 qui rétroagissait au 1er janvier 2020 et qui ne tenait pas compte de la créance que l’assurée détenait à l’encontre de sa fille.

16.    Par arrêt en révision du 3 novembre 2020 (ATAS/1035/2020) dirigé contre l’arrêt incident du 17 août 2020 (ATAS/647/2020), et notifié aux parties le 5 novembre 2020, la chambre de céans a rejeté la demande, considérant que l’action judiciaire déposée le 11 septembre 2020 ne pouvait être considérée comme un fait nouveau important au sens de l’art. 61 let. i LPGA.

17.    Par courrier du 5 novembre 2020, l’assurée a attiré l’attention de la chambre de céans sur le fait qu’elle n’avait pas reçu la décision du 17 juillet 2020 mentionnée par le SPC dans son courrier du 22 octobre 2020. Elle dit n’avoir reçu, datée de ce jour-là, qu’une décision concernant son droit à l’aide sociale à compter du 2 août 2020.

Elle rappelle qu’une décision lui a été notifiée le 2 juillet 2020 portant sur son droit aux prestations complémentaires à compter du 1er janvier 2020, décision à laquelle elle s’était opposée du fait qu’elle prévoyait la compensation des prestations échues avec sa prétendue dette envers le SPC.

Elle rappelle également que sa créance à l’égard de sa fille était irrécouvrable en juillet 2019 et que des prestations devraient dès lors lui être versées pour les mois de juillet à décembre 2019.

Elle maintient sa demande du 5 octobre 2020 visant à la révision de l’arrêt incident du 17 août 2020 et persiste pour le surplus dans ses conclusions du 4 juin 2020.

18.    Invité à se déterminer, le SPC a souligné, le 20 novembre 2020, que la décision du
17 juillet 2020, dont il produit un tirage et qui annule et remplace celle du 2 juillet 2020, faisait partie du même envoi que la décision de prestations d’aide sociale datée du même jour.

Il précise que des copies de la décision du 17 juillet 2020 ont été expédiées à l’EMS B______, à Ital-Uil et au curateur.

Le 16 décembre 2020, l’assurée a persisté à affirmer que ni elle ni son curateur n’avaient reçu la décision du 17 juillet 2020. Elle relève à cet égard qu’elle n’aurait pas formé opposition à la décision du 2 juillet 2020 si tel avait été le cas, dès lors que le SPC, par celle du 17 juillet 2020, renonce précisément à compenser les prestations échues avec sa prétendue dette, au contraire de la première.

19.    Ce courrier a été transmis à l’assurée et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 60 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC). Les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA ;
art. 11 let. a LPFC ; art. 43B let a LPCC).

Compte tenu de la suspension du délai précitée, le recours du 20 avril 2020 contre les décisions sur opposition du 28 février 2020, interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, est recevable (art. 56 et 60 LPGA).

3.        Il y a préalablement lieu de définir l’objet du litige.

a. Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n’a été rendue, la contestation n’a pas d’objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 414 consid. 1a ; ATF 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).

L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).

Les questions qui - bien qu’elles soient visées par la décision administrative, et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation - ne sont plus litigieuses, d’après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s’il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 122 V 244 consid. 2a ; ATF 117 V 295 consid. 2a ; voir aussi ATF 122 V 36 consid. 2a). Par ailleurs, l’autorité de recours n’examine les questions formant l’objet du litige, mais qui ne sont pas contestées, que s’il existe des motifs suffisants de le faire au regard des allégations des parties ou d’indices ressortant du dossier (ATF 125 V 417 consid. 2c).

b. L’assurée, dans son recours du 20 avril 2020, a contesté le bien-fondé de la demande du SPC lui réclamant la restitution de la somme de CHF 150'944.-, ainsi que le montant des prestations complémentaires fédérales établi par le SPC à compter du 1er juillet 2019.

c. Une décision a été notifiée à l’assurée le 2 juillet 2020, compensant les prestations complémentaires échues (solde en faveur de l’assurée de CHF 10'381.-) avec celles qui avaient été versées à tort.

Par décision du 17 juillet 2020 toutefois, le SPC a annulé et remplacé ladite décision. L’assurée soutient à cet égard n’avoir pas reçu la décision du 17 juillet 2020. Il n’est toutefois pas contesté qu’elle a pu en prendre connaissance. Il y a quoi qu’il en soit lieu de constater qu’elle obtient finalement satisfaction quant à la question de la compensation, puisque celle-ci n’est plus prévue.

d. Par sa décision du 17 juillet 2020, le SPC a ainsi établi le droit de l’assurée aux PCF à CHF 2'310.- par mois dès le 1er janvier 2020, sans plus tenir compte de la créance à l’encontre de Madame D______. Le droit aux prestations à compter du 1er janvier 2020 n’est en conséquence plus litigieux.

e. L’assurée, souhaitant qu’on attende le résultat de la procédure engagée auprès du tribunal italien le 11 septembre 2020, maintient sa demande de reconsidération du 5 octobre 2020 dirigée contre l’arrêt du 17 août 2020, lequel lui refuse de suspendre l’instance. Un arrêt a toutefois été rendu le 3 novembre 2020 rejetant sa demande de révision de cet arrêt (ATAS/647/2020). Celui-ci est entré en force.

f. Le litige, déterminé par la décision sur opposition du 28 février 2020, porte en conséquence, d’une part, sur la demande de remboursement de la somme de CHF 150'944.-, représentant les prestations versées à tort du 1er août 2012 au 30 juin 2019 et, d’autre part, sur le montant des prestations complémentaires fédérales auxquelles a droit l’assurée du 1er juillet 2019 au 31 décembre 2019.

4.        a. Les prestations indûment touchées doivent être restituées. Dans son domaine d’application, la LPGA ancre ce principe à son art. 25 al. 1. La teneur de cette disposition est répétée pour les PCF à l’art. 5C de la loi (genevoise) sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20), et elle est reprise pour les PCC à l’art. 24 al. 1 LPCC et – par le biais d’un renvoi par analogie audit art. 25 LPGA – pour les SubAM par l’art. 33 al. 1 LaLAMal.

L’obligation de principe de restituer des prestations indûment perçues suppose que soient remplies les conditions d’une révision ou d’une reconsidération des décisions sur la base desquelles les prestations versées l’ont été en vertu de décisions bénéficiant de la force de la chose décidée.

Selon l’art. 53 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1) ; l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, éd. par Anne-Sylvie DUPONT / Margit MOSER-SZELESS, 2018 [ci-après : CR-LPGA], n. 27 ss ad art. 25).

b. En l’espèce, le SPC était en droit de réviser ou même de reconsidérer les décisions passées en force en vertu desquelles lesdites prestations avaient été fournies à l’assurée, les conditions d’une révocation de ces décisions étant indubitablement remplies (ATAS/815/2019 précité consid. 11b). Lorsqu’il a rendu ces décisions, il ignorait que l’assurée était co-propriétaire d’un bien immobilier sis en Italie qui a été vendu en décembre 2016 et qu’elle avait, depuis, une créance à l’encontre de sa fille en paiement de sa part du produit de la vente. Ce fait nouveau découvert ultérieurement, était important pour déterminer le droit de l’assurée aux prestations complémentaires.

5.        a. Selon l’art. 25 al. 2 LPGA (dans sa teneur ici applicable, modifiée dès le 1er janvier 2021 par la loi fédérale du 21 juin 2019 modifiant la LPGA [RO 2020 5137 ; FF 2018 1597]), le droit de demander la restitution s'éteint un an (à l’avenir trois ans, selon la modification précitée) après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait fondant la prétention en restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation, étant précisé que si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2020 du 11 décembre 2020 consid. 2).

Ces délais sont des délais de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 133 V 579 consid. 4 ; ATF 128 V 10 consid. 1). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue, et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision, le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 271/04 du 21 mars 2006 consid. 2.5).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d'une année commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 140 V 521 consid. 2.1; ATF 139 V 6 consid. 4.1). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1 précité; ATF 111 V 14 consid. 3). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). Dans ce cas, le délai d’un an commence à courir à partir du moment où le montant de la restitution peut être exactement fixé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_112/2011 du 5 août 2011 consid. 1.2 et les références). Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt du Tribunal fédéral 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106 et les références).

b. Lorsqu’il statue sur la créance de l’institution d’assurance en restitution de prestations indûment versées, le juge doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de péremption plus long que les délais relatifs et absolus prévus par 
l’art. 25 al. 2 LPGA est applicable dans le cas particulier. Pour que le délai de péremption plus long prévu par le droit pénal s’applique, il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 20 août 2008 consid. 5.3 et les références). Dans un tel cas, les exigences constitutionnelles en matière d’appréciation des preuves en procédure pénale s’appliquent (ATF 138 V 74 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 10 août 2008 consid. 5.3).

c. En matière de prestations complémentaires, ce sont principalement les art. 31 LPC (art. 16 aLPC), 146 et 148a du Code pénal du 21 décembre 1937 (CP -RS 311.0) qui entrent en considération lorsqu’il y a lieu de déterminer si le délai pénal doit trouver application.

L'art. 31 al. 1 LPC prévoit qu'à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal, est puni d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes notamment, selon la let. a, celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d'un canton ou d'une institution d'utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l'octroi indu d'une prestation au sens de la LPC, et, selon la let. d, celui qui manque à son obligation de communiquer au sens de l'art. 31 al. 1 LPGA. Conformément à cette dernière disposition, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent, toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation.

L'art. 31 LPC - également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales conformément à l'art. 1A LPCC - est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du 28 septembre 2000 consid. 2). Entrent à cet égard en considération d'une part l'infraction d'escroquerie, prévue par l'art. 146 CP - selon lequel celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire - et d'autre part, depuis le 1er octobre 2016 (date d'entrée en vigueur de cette disposition adoptée le 20 mars 2015 dans le cadre de la mise en œuvre de l'art. 121 al. 3 à 6 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] relatif au renvoi des étrangers criminels), l'infraction d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale prévue par l'art. 148a CP - selon lequel quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

Selon l'art. 97 al. 1 let. b à d CP (abstraction faite de la let. a, visant des infractions passibles d'une peine privative de liberté à vie), l'action pénale se prescrit par quinze ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de trois ans (let. b), par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans (let. c), et par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine (let. d).

Le délai de prescription de l'action pénale pour une infraction telle que celle décrite aux art. 31 LPC et 148a CP est donc de sept ans, celui de l'infraction visée à l'art. 146 al. 1 CP de quinze ans.

d. Conformément à l'art. 12 CP, sauf disposition expresse et contraire de la loi, est seul punissable l'auteur d'un crime ou d'un délit qui agit intentionnellement (al. 1). Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (al. 2).

L'art. 31 al. 1 LPC est un délit intentionnel (Urs MÜLLER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3ème éd. 2015, p. 330 n. 926). Cela suppose que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, ou par dol éventuel (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable et agit, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3). Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 133 IV 222 consid. 5.3). Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l'auteur et la façon dont il a agi (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1; ATF 135 IV 12 consid. 2.3.3).

Il y a négligence consciente lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable comme possible, mais, faisant preuve d'une imprévoyance coupable, il escompte que ce résultat - qu'il refuse - ne se produira pas. Celui qui agit par dol éventuel envisage lui aussi l'avènement du résultat dommageable. Mais il se distingue de celui qui agit par négligence consciente par le fait que, même s'il ne souhaite pas le résultat dommageable, il s'en accommode pour le cas où il se produirait (cf. notamment ATF 119 IV 1 consid. 5a). La différence se situe donc sur le plan de la volonté et non de la conscience, puisque l'auteur prévoit dans les deux cas de figure la possibilité que les conséquences se réalisent. Mais, dans le cas du dol éventuel, l'auteur veut (c'est-à-dire accepte) le résultat s'il se produit, alors qu'il compte qu'il ne se produira pas dans le cas de la négligence consciente (ATF 130 IV 83 consid. 1.2.1).

Dans un arrêt 9C_171/2014 du 17 septembre 2014 (consid. 6.5.), rendu en matière de prestations complémentaires, le Tribunal fédéral a jugé que, compte tenu des informations demandées dans le formulaire de demande de prestations, lesquelles concernaient aussi bien sa situation personnelle que celles de son épouse ou de ses enfants, l'assuré ne pouvait ignorer l'importance que revêtait la communication de toute information d'ordre économique le concernant lui ou un membre de sa famille. Dans ces conditions, force était d'admettre qu'il était conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre à l'administration, commettant ainsi un acte par dol éventuel. Le Tribunal fédéral a ainsi constaté que l'assuré réalisait les conditions objectives et subjectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC et que le délai de péremption de plus longue durée prévu par le droit pénal, soit en l'occurrence sept ans (art. 97 CP), était par conséquent applicable.

Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge. Mais ce principe n’est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.        Il appert qu’en ayant rendu sa décision initiale le 28 juin 2019, le SPC a agi dans le délai relatif de péremption d’alors un an à partir du moment où il a disposé de tous les éléments décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fondait – quant à son principe et à son étendue – sa créance en restitution à l'encontre de l’assurée (ATF 122 V 270 consid. 5a ; 111 V 14 consid. 3). Il a en effet initié la révision périodique du dossier en août 2018 et c’est dans ce cadre qu’il a appris l’existence du bien immobilier.

7.        a. En l’espèce, le SPC a réclamé à l’assurée le remboursement de la somme de CHF 150'944.-, représentant les prestations complémentaires versées à tort du 1er août 2012 au 30 juin 2019. Ce faisant, il a appliqué le délai de péremption de sept ans, soit le délai pour les infractions pénales prévues aux art. 31 LPC et 148a CP.

b. Il y a lieu de constater que l’assurée n’a jamais déclaré qu’elle possédait un bien immobilier en Italie, en particulier pas dans la déclaration de succession établie le 16 janvier 2008 après le décès de son époux. Elle n’a pas non plus mentionné l’existence de ce bien immobilier en réponse aux courriers du SPC lui demandant des informations, ce malgré les communications que celui-ci adresse à tous les bénéficiaires en fin d’année, les invitant à l’informer de tout élément de fortune et/ou revenu dont il n’aurait pas été tenu compte dans ses décisions.

c. L’assurée allègue toutefois qu’elle souffre d’Alzheimer et produit à cet égard un certificat du docteur G______, généraliste, du 20 septembre 2019, selon lequel elle « souffre de troubles de mémoire importants, troubles cognitifs avec un MMS à 09/30 déjà en 2008, désorientation spatio temporelle ».

Il apparaît ainsi qu’elle ne pouvait vraisemblablement pas comprendre, en raison de son état de santé, que le bien immobilier dont elle était co-propriétaire en Italie, était pertinent pour le calcul des prestations complémentaires. On ne saurait dans ces conditions lui reprocher de ne pas en avoir signalé l’existence.

d. Il résulte des pièces du dossier (cf. notamment pièce 11, chargé SPC) que c’est son fils qui s’occupait de ses affaires administratives et qui agissait en son nom et pour son compte, en particulier dans ses relations avec le SPC. Il a en effet, notamment, déclaré que « jusqu'à récemment, en l'absence d'un mandat pour cause d'inaptitude donné à un tiers ou à moi-même, je la représentais dans ses rapports avec les tiers. Par ailleurs, aucune autorité n'a remis en question ma légitimité de représenter les intérêts de ma mère, étant précisé que nos intérêts étaient toujours parfaitement concordants ».

Or, en application de l’article 32 alinéa 1 CO, les droits et obligations dérivants d’un contrat fait au nom d’une autre personne par un représentant autorisé passe au représenté. Ces dispositions, qui visent avant tout les déclarations nécessaires à la conclusion d’un contrat, s’appliquent par analogie aux autres cas, en particulier aux actes de disposition (GAUCH, SCHLUEP, TERTIER, partie générale du droit des obligations, tome 1, 2ème édition, page 175.)

La conséquence de la représentation est que l’acte du représentant produit ses effets uniquement en la personne du représenté; tout se passe comme si le représenté avait agi lui-même. Il acquiert directement un droit ou une obligation à l’égard des tiers et devient directement débiteur ou créancier de ces tiers. Le représentant n’est pas lui-même engagé (cf. op. cité).

Toute personne répond ainsi des actes de son représentant comme des siens propres (ATF 5C 24/2002). Cela implique que les actes, comme les omissions, faites par le représentant au nom et pour le compte de cette personne sont directement imputables à celui-ci (ATAS/357/2007 ; ATAS/267/2004). Dans cette mesure, l’assurée répond du fait que son fils n’a pas déclaré au SPC qu’elle était co-propriétaire d’un bien immobilier en Italie.

Étant lui-même co-propriétaire de ce bien immobilier à raison de 1/6ème, le fils de l’assurée en connaissait immanquablement l’existence et ne pouvait ignorer qu’il devait l’annoncer au SPC.

Il a ainsi commis l’infraction prévue à l’art. 31 al. 1 let. a et d LPC.

Selon le SPC, par son silence qualifié, elle a réalisé les infractions prévues aux art. 31 al. 1 let. a et d LPC (ATAS/103/2016) pour toute la période litigieuse, et 148a CP pour la période postérieure au 1er octobre 2016. Partant, la prescription pénale de sept ans est applicable.

Force est en conséquence de constater que c’est à bon droit que le SPC a réclamé à l’assurée le remboursement des prestations versées à tort à compter du 1er août 2012.

8.        Reste à se prononcer sur le bien-fondé du montant retenu par le SPC.

a. Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

b. Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

Selon l’art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment deux tiers des ressources en espèces provenant de l’exercice d’une activité lucrative pour autant qu’elles excèdent annuellement CHF 1'000.- pour les personnes seules et CHF 1'500.- pour les couples (let. a) ; le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b) ; un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules et CHF 60'000.- pour les couples (let. c) ; les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d) ; les allocations familiales (let. f) ; les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (let. g).

Les prestations complémentaires ont pour but de garantir la couverture des besoins vitaux des personnes qui, malgré les prestations de l’AVS ou de l’assurance-invalidité, ne disposent pas de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins. Si elles disposent d’une fortune leur permettant de couvrir tout ou une partie de ces besoins, il n’appartient pas aux prestations complémentaires d’y pourvoir. Le législateur a en effet estimé qu’il était équitable que les bénéficiaires de prestations complémentaires emploient, sous réserve des franchises prévues par la loi, une partie de leur fortune pour la couverture de leur entretien courant. La part de la fortune qui dépasse le montant de la franchise est ainsi « transformée en revenu » (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, p. 142, n° 42 ad art. 11). Pour l’assuré au bénéfice d’une rente d’invalidité, cette transformation s’opère en tenant compte à titre de revenu du quinzième de la fortune nette après déduction de la franchise prévue à l’art. 11 al. 1 let. c LPC.

c. Par fortune au sens de l’art. 11 al. 1 let. b et c LPC, il faut comprendre toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l'assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés (MULLER, Bundesgesetz über Ergänzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, 2006 n° 35, JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, SBVR XIV, 2016, n° 163 p. 1844s). Ainsi, font notamment partie de la fortune : les gains à la loterie, la valeur de rachat d’une assurance-vie, l’épargne, les actions, les obligations, les successions, les versements en capital d’assurances, l’argent liquide, etc. (MULLER, op.cit, n° 35), les créances (JÖHL, op. cit., n° 163 p. 1844) ou encore les prêts accordés (CARIGIET / KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, Supplement, p. 96).

À noter que selon l’art. 11 al. 1 let. c LPC, il y a lieu de prendre en considération la fortune nette, soit la différence positive entre les actifs et les dettes du contribuable. Toutes les dettes peuvent être déduites (dettes hypothécaires, les prêts, etc. ; voir CARIGIET / KOCH, op. cit., p. 166 ; JÖHL, op.cit., n° 220 p. 1793 dans ce sens), à la condition d'exister au moment déterminant et de ne pas être seulement potentielles.

La fortune déterminante englobe tous les actifs que l’assuré a effectivement reçus et dont il peut disposer sans restriction, sous réserve d’un dessaisissement de fortune (ATF 127 V 248 consid. 4a ; 122 V 19 consid. 5a ; Ralph JÖHR / Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Ulrich MEYER [éd.], Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XIV, Soziale Sicherheit – Sécurité sociale, 3ème éd., 2016, p. 1681 ss, n. 163 s ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 43 ad art. 11). Selon le ch. 3443.01 des directives de l’office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : DPC), font partie de la fortune d’un requérant ses biens mobiliers et immobiliers, ainsi que les droits personnels et réels lui appartenant ; l’origine des éléments de fortune est irrelevante.

Les créances constituent des éléments de fortune (ATF 131 V 329 consid. 4.6), quand elles ne représentent pas des éléments de revenus, à l’instar de pensions alimentaires (ATAS/58/2016 du 26 janvier 2016 consid. 3e et f et les références citées). Aussi faut-il considérer en principe que les créances en remboursement de prêts consentis à des tiers doivent être pris en compte comme des éléments de fortune pour établir le revenu déterminant pour l’octroi de prestations complémentaires.

La transformation de la fortune en revenu suppose que celle-ci se compose – à tout le moins s’agissant de la partie prise en considération à titre de revenu – de liquidités (argent liquide ou créances exigibles). Il en résulte qu’outre les liquidités effectivement disponibles, seules les valeurs patrimoniales qui peuvent être transférées à des tiers de manière onéreuse, cédées ou converties en liquidités d’une autre manière, peuvent être prises en compte lors de la fixation du revenu déterminant. Les éléments de fortune qui ne peuvent être convertis en argent ne doivent pas être retenus lors de la détermination de la fortune au sens de l’art. 11 al. 1 let. c LPC, dès lors qu’ils ne peuvent être affectés au financement des besoins vitaux (Ralph JÖHL / Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Band XIV, Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, pp. 1842-1843 n. 161).

d. Par dessaisissement au sens de l’art. 11 al. 1 let. g LPC, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 123 V 35 consid. 1; ATF 121 V 204 consid. 4a). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1).

Les conditions pour la prise en compte d'un dessaisissement de fortune sont alternatives. Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives (ATF 131 V 329 consid. 4.3).

La renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement lorsqu’il est établi qu’il existe une corrélation directe entre cette renonciation et une contre-prestation considérée comme équivalente, soit une contre-prestation atteignant au moins 90% de la valeur de la prestation (ATF 122 V 394 consid. 5 ; voir également Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, note de bas de page n° 572 p. 172 et n° 113 p. 176). Si la contre-prestation n’est pas adéquate, le montant du dessaisissement correspond à la différence entre la valeur de la prestation et celle de la contrepartie (VALTERIO, op.cit., n° 113 ad Art. 11).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420).

À teneur de l'art. 17a OPC-AVS/AI - RS 831.301, la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g LPC) est réduite chaque année de CHF 10'000.- (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette disposition à la loi et à la constitution (ATF 118 V 150 consid. 3c/cc).

Par ailleurs, selon l’art. 17a OPC-AVS/AI, il faut qu'une année civile entière au moins se soit écoulée entre le moment où l'assuré a renoncé à des parts de fortune et le premier amortissement de fortune (JÖHL, n° 211 p. 1895s).

En cas de dessaisissement d'une part de fortune, le calcul de la prestation complémentaire doit se faire comme si l'ayant droit avait obtenu une contre-prestation équivalente pour le bien cédé. Le revenu déterminant est donc augmenté, d'abord, d'une fraction de la valeur de ce bien conformément à l'art. 11 al. 1 let. c LPC. Il est augmenté, ensuite, du revenu que la contre-prestation aurait procuré à l'ayant droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 consid. 4.2.2).

9.        En l’espèce, l’assurée a hérité, lors du décès de son époux le 12 novembre 2007, de la co-propriété, à raison de 4/6ème, d’un bien immobilier sis en Italie. Le SPC a tenu compte à titre de fortune, dans le calcul des prestations complémentaires dues à l’assurée, d’une créance à l’encontre de sa fille qui a encaissé l’intégralité du produit de la vente de ce bien, intervenue le 16 décembre 2016, soit la somme de EUR 113'333.-, représentant les 4/6ème de EUR 170'000.-.

L’assurée fait toutefois valoir que sa créance est irrécouvrable, de sorte qu’il n’y a pas de liquidités effectivement disponibles.

Il est en effet admis que ne peuvent être prises en compte que les créances qui présentent une réelle valeur économique et qui ne sont pas irrécouvrables. Le caractère irrécouvrable d’une créance ne doit généralement être admis qu’après épuisement des voies de droit ouvertes pour obtenir le recouvrement de la créance. On peut toutefois s'écarter de cette règle – et admettre le caractère irrécouvrable d'une créance même en l'absence de démarches en vue de son recouvrement – s’il est clairement établi que le débiteur n'est pas en mesure de faire face à son obligation, notamment à teneur d'une attestation officielle (établie par exemple par l'autorité fiscale ou par l'office des poursuites) relative au revenu et à la fortune du débiteur (arrêt du Tribunal fédéral P 55/06 du 22 octobre 2007 consid. 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances P 12/01 du 9 août 2001, avec réf. à RCC 1991 p. 143ss ; P 68/02 du 11 février 2004 ; Ralph JÖHR / Patricia USINGER-EGGER, op. cit., n. 176 note de bas de page 771 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 123 ad art. 11). Dans de tels cas, on ne saurait en effet exiger du créancier qu'il entreprenne une procédure de recouvrement, voire un procès civil, dans la mesure où ces démarches apparaîtraient comme dénuées de sens et ne changeraient rien au caractère irrécouvrable de la prétention. C’est à lui qu’incombe de démontrer, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante, le caractère irrécouvrable de sa créance (ATAS/679/2019 consid. 6a ; ATAS/58/2016 consid. 3f).

En l’espèce, l’assurée a mis en demeure sa fille les 16 avril et 18 octobre 2019 ; ces deux courriers constituent les seules démarches qu’elle a effectuées, ce qui ne suffit de loin pas à démontrer le caractère irrécouvrable de sa créance. Il est vrai qu’elle a finalement agi en justice le 11 septembre 2020 après avoir été mise sous curatelle de représentation et de gestion le 27 février 2020 et avoir à nouveau écrit les 5 mai et 8 juin 2020, par l’intermédiaire de son mandataire.

Le caractère irrécouvrable d’une créance ne doit toutefois être admis qu’après épuisement des voies de droit ouvertes pour obtenir le recouvrement de la créance, à moins qu’il puisse être clairement établi que le débiteur ne pourra s’en acquitter.

On ignore à cet égard quelle est la situation financière de la fille de l’assurée. Cette dernière n’a produit aucun document qui attesterait qu’elle est insolvable.

Certes ne peut-on que difficilement le reprocher à l’assurée, dès lors qu’elle n’a plus aucun contact avec sa fille.

Force est toutefois de constater qu’il n’a pas été établi, ni rendu vraisemblable au degré requis par la jurisprudence, que la créance était irrécouvrable.

10.    L’assurée a conclu, subsidiairement, à ce qu’il soit tenu compte des frais de recouvrement de la créance, qu’elle évalue au minimum à 20% du montant nominal de la créance, pour fixer le montant de la fortune.

Il y a à cet égard lieu de rappeler que selon l’art. 11 al. 1 let. c LPC, seule la fortune nette doit être prise en considération, soit la différence positive entre les actifs et les dettes du contribuable. Toutes les dettes peuvent être déduites, à la condition toutefois d'exister au moment déterminant et de ne pas être seulement potentielles. On ne saurait dès lors déduire des frais de recouvrement de la créance allégués.

11.    L’assurée, plus subsidiairement encore, considère qu’il conviendrait d’appliquer les règles relatives au dessaisissement par analogie et plus particulièrement l’art. 17a OPC, ce dès le 16 décembre 2015, soit dès le paiement du prix de vente.

Il y a dessaisissement lorsque l’intéressé renonce à un élément de fortune sans qu’il y ait contre-prestation considérée comme équivalente. Or, on ne peut soutenir que l’assurée aurait eu l’intention de renoncer à sa part du produit de la vente qui lui est due, puisqu’elle a précisément déposé une action en justice en ce sens auprès du tribunal italien compétent.

Aussi les dispositions légales relatives au dessaisissement ne sont en l’espèce pas applicables.

12.    Il y a, au vu de ce qui précède, lieu de confirmer la demande du SPC en restitution des prestations versées à tort du 1er août 2012 au 30 juin 2019, ainsi que le montant des prestations complémentaires dues à l’assurée du 1er juillet au 31 décembre 2019 fixé par le SPC dans la décision litigieuse.

Aussi le recours est-il rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le