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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/852/2023

ATA/1223/2025 du 04.11.2025 sur JTAPI/1075/2024 ( EXP ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE PRÉEMPTION;PRATIQUE JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIVE;VALEUR VÉNALE DU DROIT EXPROPRIÉ;INDEMNITÉ D'EXPROPRIATION
Normes : LGL.5.al1; LGL.6; LEx-GE.14; LEx-GE.18; LEx-GE.81E.al1; LEx.75
Résumé : Selon les art. 5 al. 1 et 6 LGL, dans le cadre d’une préemption au sens des art. 3 ss LGL et lorsque le propriétaire refuse l’offre étatique arrêtée à un prix inférieur à celui prévu par les parties au contrat, la fixation du prix de l’immeuble en cause est déterminée par le biais d’une procédure d’estimation selon les dispositions de la LEx/GE. Les dispositions de la LGL / LGZD et les pratiques administratives qui en découlent ne sont donc pas applicables pour fixer le montant de l’indemnité d’expropriation. La pratique administrative PA/SI/001.06, qui se fonde sur l’art. 5 LGZD, n'a pas à être prise en compte pour déterminer l’indemnité d’expropriation en lieu et place des dispositions de la LEx-GE.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/852/2023-EXP ATA/1223/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 novembre 2025

 

dans la cause

 

ÉTAT DE GENÈVE-CONSEIL D’ÉTAT recourant

contre

A______ et B______ intimés
représentés par Me François BELLANGER, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er  novembre 2024 (JTAPI/1075/2024)


EN FAIT

A. a. A______ et B______ sont copropriétaires de la parcelle n° 1’810 de la commune de C______, sise 19, avenue D______, depuis août 2003.

b. Cette parcelle, d’une surface de 245 m2, est située en zone d’affectation primaire 5 et en zone de développement (ci-après : ZD) 3. Y est érigé un bâtiment d'habitation, d’une surface de 72 m2, qui se trouve à la limite du plan de site n° 1______, E______ adopté par le Conseil d’État le 12 février 2014.

Elle forme un ensemble avec ses voisines, les parcelles nos 1'808 et 1'809, sur lesquelles trois petits hôtels particuliers contigus sont construits.

c. Le plan directeur communal 2020 de la ville de Genève identifie la parcelle n° 1’810 et ses parcelles voisines nos 1’808, 1’809 et 1’948, comme « potentiel à prédominance logement » et comme appartenant à un « secteur de renouvellement urbain ».

d. Dans le cadre du plan directeur cantonal 2030, ces parcelles sont identifiées comme faisant partie de la « densification différenciée de la couronne urbaine », pour laquelle l’État de Genève (ci-après : l’État) doit densifier les secteurs déjà bâtis, réaliser des quartiers denses dans des secteurs bien desservis en transports publics, augmenter le parc de logements, y compris des logements à caractère social et mettre à disposition les surfaces nécessaires pour répondre aux besoins de logement de la population.

B. a. Par acte notarié du 8 octobre 2021, A______ et B______ ont signé une promesse de vente et d’achat portant sur leur parcelle en faveur de F______ (ci‑après : F______), active dans l'immobilier.

Cette promesse de vente a été conclue pour un prix de CHF 2'235’000.- et était assortie d’un droit d’emption en faveur de F______. Elle était grevée d’un droit de préemption au profit du canton de Genève et de la ville de Genève, dans la mesure où elle était située en ZD 3 conformément aux art. 3 ss de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05).

b. Le 4 novembre 2021, F______ et G______ ont conclu un acte de cession de la promesse de vente et d’achat portant sur la parcelle n° 1’810 par lequel G______ était subrogé dans tous les droits et obligations de F______ envers A______ et B______, en lien avec la promesse de vente et d’achat portant sur la parcelle n° 1’810, moyennant un prix de cession de CHF 415’000.-.

c. Le 11 novembre 2021, agissant par délégation du Conseil d’État, le département du territoire (ci-après : le département), soit pour lui l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), a informé A______ et B______ et F______ qu’il étudiait la possibilité pour l’État de se porter acquéreur de la parcelle n° 1’810, en conformité avec les art. 3 ss LGL, les invitant à lui indiquer les objectifs poursuivis par la transaction immobilière et les éléments constitutifs du prix convenu.

Cette étude était liée à la densification du périmètre dans lequel se trouvait la parcelle n° 1’810 ainsi qu’au prix convenu entre les parties, soit CHF 2’235’000.-, lequel semblait supérieur aux normes admissibles en ZD, notamment au regard de sa pratique administrative PA/SI/001.06 intitulée « Prix admis dans les plans financiers pour les terrains sis en zone de développement » (ci-après : pratique administrative PA/SI/001.06).

d. Le 17 novembre 2021, l’OCLPF a aussi interpellé G______.

e. Le 19 novembre 2021, A______ et B______ ont indiqué à l’OCLPF avoir mis en vente la parcelle n° 1’810 pour des raisons personnelles. Le prix de vente leur apparaissait convenable sans être exceptionnel, par rapport aux prix des villas et appartements en ville, et conforme aux caractéristiques de la villa érigée sur la parcelle, qu’ils détaillaient.

f. F______ et G______ se sont déterminés en date des 19 et 25 novembre et 3 décembre 2021.

g. Par arrêté n° 6290-2021 du 8 décembre 2021, le Conseil d’État a décidé d'exercer le droit de préemption de l’État sur la parcelle n° 1’810 au prix de CHF 1’100’000.-.

L’exercice du droit de préemption était motivé par la situation de la parcelle et le prix de la transaction. La parcelle disposait d’un potentiel évident de densification, conformément aux normes régissant la ZD 3, aucune mise sous protection n’était envisagée en lien avec le bâtiment et le prix de la transaction s’élevait à plus du double du montant de l’estimation réalisée par l’OCLPF, en conformité avec sa pratique administrative PA/SI/001.06, soit CHF 1’100’000.-. Avec le montant de la cession, la transaction totale s’élevait à CHF 2’650’000.-, ce qui dépassait largement les normes admissibles en ZD et s’inscrivait donc en contradiction avec l’intérêt public visant à lutter contre la spéculation en ZD. Faute d’acceptation du prix estimé, il prendrait la décision de recourir à la procédure d’expropriation afin de faire fixer le prix conformément à la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique du 10 juin 1933 (LEx-GE - L 7 05).

C. a. Par acte du 24 janvier 2022, A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté du 8 décembre 2021, concluant principalement à son annulation.

Ils ont fait valoir notamment la violation de l’art. 3 LGL, faute de possibilité de construire sur la parcelle, même à long terme, et de l’art. 7 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), au regard de la qualité de la villa (recensée avec la valeur « intéressant ») rendant sa démolition impossible. Au surplus, le motif d’un prix excessif était sans pertinence dans la mesure où aucun cas de préemption n’était réalisé. Le contrôle du prix par le Conseil d’État n’était pas admissible, à la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_141/2013 du 5 septembre 2013, qui avait retenu que seule la valeur de marché d’une parcelle était déterminante. En outre, la décision querellée n’avait pas jugé que le prix de vente de CHF 2’235’000.- fixé dans la promesse de vente justifiait l’exercice du droit de préemption mais que c’était le prix de la cession, ajouté au prix de la promesse de vente qui rendait le prix de vente de la parcelle excessif au regard de la pratique administrative PA/SI/001.06. La parcelle n° 1’809 avait été vendue en 2017 pour CHF 1’200’000.- et l’État n’avait pas exercé son droit de préemption lors de cette vente. Enfin, l’exercice du droit de préemption à une valeur d’à peine 49% du prix convenu dans la promesse de vente ne correspondait pas à la valeur vénale de leur propriété et leur causerait un préjudice considérable. Si l’arrêté n’était pas annulé, ils refuseraient le prix proposé par le Conseil d’État et requerraient un prix correspondant à la valeur réelle de leur bien, dans le cadre de la procédure d’expropriation prévue à l’art. 6 LGL. Ils souhaitaient également obtenir réparation des dommages causés par l’action infondée du Conseil d’État.

b. Par arrêt du 30 août 2022 (ATA/872/2022), la chambre administrative a rejeté le recours.

L’objectif du droit de préemption, prévu à l’art. 3 LGL, était notamment d’empêcher des opérations spéculatives qui seraient contraires au rôle de la ZD. Le but des ZD était de maîtriser les prix des terrains situés dans ces zones afin de favoriser la construction de logements bons marché tout en assurant une densification harmonieuse et raisonnable de certains secteurs du canton.

Il existait un potentiel de densification sur la parcelle en cause, de sorte que l’exigence de l’intérêt public à la construction de logements d’utilité publique (ci‑après : LUP) dans les ZD du canton était remplie. Au vu de la pénurie de logements et l’urgence à développer le potentiel constructible du canton, la décision litigieuse permettait, moyennant certains aménagements, d’atteindre concrètement le but d’intérêt public recherché. Dans ces conditions, le Conseil d’État avait exercé son droit de préemption sur la parcelle n° 1’810 sans excès ou abus de son pouvoir d’appréciation. L’intérêt public à la construction de LUP dans les ZD du canton était indéniable et devait l’emporter sur l’intérêt, de pure convenance personnelle, des vendeurs à céder leur parcelle au prix convenu avec leurs acheteurs, ainsi qu’à l’intérêt des acheteurs à acquérir la parcelle.

Leur argumentation relative au prix correspondant à la valeur réelle de leur bien, selon leurs estimations, n’était pas recevable, cet élément devant être discuté dans le cadre d’une procédure d’expropriation, excédant l’objet du litige. Il en allait de même de leurs arguments relatifs à l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_141/ 2013, cet arrêt ne concernant pas, comme le cas d’espèce, une décision de préemption du Conseil d’État, mais une procédure d’expropriation faisant suite à une telle décision, entrée en force.

Aucun recours n’a été formé contre cet arrêt.

c. Aucun accord n’ayant été trouvé entre les parties sur le prix de préemption, le Conseil d’État a émis, le 16 novembre 2022, un arrêté décrétant l’expropriation de la parcelle n° 1’810, uniquement dans le but de permettre la saisine du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en vue de la fixation du prix de préemption de cette parcelle, conformément aux prescriptions de l’art. 6 LGL.

d. À teneur du formulaire d’estimation de la parcelle n° 1’810 de l’OCLPF du 7 février 2023, le montant de CHF 1’100’000.- avait été déterminé selon les critères codifiés dans sa pratique administrative PA/SI/001.06. Cette estimation ne fixait pas la valeur vénale du bien immobilier considéré. En revanche, elle déterminait le prix maximum qu’il pourrait admettre dans le cadre d’un plan financier visé par une autorisation de construire délivrée selon les normes de la ZD.

Le prix de CHF 1’100’000.- se décomposait comme suit :

-       terrain (245 m2) : CHF 1’238.-/m2 = CHF 303’310.-

-       aménagements extérieurs : CHF 62’280.-

-       bâtiment n° F397 : CHF 700’000.- (1’000.-/m3 = 800’000.-
[valeur à neuf] sous déduction de
100’000.- [vétusté 13%])

-       raccordements aux services publics : CHF 25’000.-,

soit un montant total arrondi à CHF 1’100’000.- correspondant à CHF 4’489,80/m2 (prix total divisé par la superficie de la parcelle).

D. a. Par courrier déposé au greffe du TAPI le 8 mars 2023, le Secrétaire général du département, constatant l’entrée en force de la décision de préemption du 8 décembre 2021, lui a transmis le dossier de l’affaire en application de l’art. 44 al. 1 LEx-GE, dès lors que les notifications et publications prévues par les art. 31 et 32 LEx-GE avaient été effectuées. Il a adressé copie de son courrier aux propriétaires concernés.

b. Lors de l'audience de conciliation qui s'est tenue le 2 mai 2023 devant le TAPI, le conseil de A______ et B______ a expliqué n’avoir pas eu de discussions avec le département concernant le prix du bien. La position de ses mandants était celle exprimée dans le cadre de la procédure du droit de préemption. Ils souhaitaient l’application du prix du marché, étant précisé que la maison était en bon état, bien située et qu’elle disposait de beaucoup d’agréments. Le prix proposé n’était ni correct, ni acceptable.

Les représentantes du département ont rappelé les deux motifs sur lesquels se fondait la préemption, à savoir la densification de la parcelle et le prix excessif proposé pour ce bien. La valeur du marché était notamment bien inférieure au prix de vente arrêté pour le bien de A______ et B______, une des parcelles voisines ayant été vendue pour la somme d’environ CHF 1’300’000.-. Ils n’avaient pas encore fait de proposition sur le prix à ce stade. Il était possible d’augmenter un peu le montant estimé par l’OCLPF en appliquant la pratique 32 (applicable lorsque le bien était habité par son propriétaire) et en ajoutant une indemnité complémentaire de déménagement pouvant s’élever à environ CHF 276’000.-. En ZD, les prix devaient pouvoir être contrôlés par l’État. Il ne s’agissait pas ici d’une expropriation « pure et dure », mais d’une préemption. Une densification du périmètre était envisageable, la parcelle voisine appartenait à la ville et l’intérêt patrimonial à préserver le bien sur la parcelle n° 1’810 n’avait pas été retenu. Les offices compétents, soit notamment l’office du patrimoine et des sites et l’office de l’urbanisme, avaient été consultés avant le prononcé de la décision querellée.

Le conseil de A______ et B______ a relevé que le prix de la villa voisine découlait de circonstances particulières et n’était pas représentatif du prix du marché. Ses mandants n’avaient pas la même compréhension que le département de l'ATA/872/2022 rendu par la chambre administrative et persistaient à demander que le prix de la parcelle soit arrêté à celui de sa valeur vénale. Ses mandants s’inquiétaient au surplus du sort de la maison dans le cadre de la procédure. Ils souhaitaient un transfert de possession de cette dernière à l’État avec prise en charge complète des frais liés à celle-ci, ce à quoi les représentantes du département-OCLPF ont donné leur accord. Ceci fait, le département pourrait, s’il le souhaitait, louer le bien. Ses mandants ne voulaient plus avoir à s’occuper de la parcelle durant la procédure de quelque manière que ce soit.

B______ a expliqué que la maison était sur deux niveaux avec une excavation complète. Le toit, plat, n’était pas aménagé. Son frère et lui-même n’avaient pas été informés de l’acte de cession de promesse de vente du 4 novembre 2021 qui s’était fait « derrière leur dos ».

Les parties étaient d’accord avec le fait que le transfert de possession et l’éventuelle location du bien par l’État n’auraient pas d’incidence sur la fixation du prix du bien et ont indiqué souhaiter que la procédure suive son cours. Le TAPI a pris acte du transfert de la possession de la parcelle n° 1’810 à l’État, ainsi que du fait que les parties n’étaient pas parvenues à un accord quant au prix.

E. a. Par demande en indemnités du 5 juin 2023, A______ et B______ ont conclu à ce que l’État soit condamné à leur verser une indemnité de CHF 2’230’000.- plus intérêt à 5% dès le 1er février 2022, ainsi qu’une indemnité de CHF 6’993.35 plus intérêt à 5% dès le 5 juin 2023. Préalablement, une expertise de la valeur de marché en octobre 2021 de la parcelle n° 1’810 devait être ordonnée.

Le droit de préemption légal de l’État, prévu aux art. 3 à 5 LGL, s’était concrétisé par l’arrêté du Conseil d’État déclarant exercer ce droit au prix de CHF 1’100’000.- au lieu du montant de CHF 2’235’000.- figurant dans l’acte de vente. À défaut d’acceptation de cette offre, la procédure prévue à l’art. 6 LGL s’appliquait, laquelle renvoyait à l’application de la LEx-GE.

S’agissant de l’indemnité selon les art. 14 ss LEx-GE, celle-ci comprenait la pleine valeur vénale de l’immeuble exproprié, afin que l’exproprié ne soit ni enrichi ni appauvri par l’expropriation. L’exproprié devait être placé dans une situation économiquement équivalente à celle qui aurait été la sienne sans expropriation.

L’ancrage légal de la pratique administrative PA/SI/001.06 était l’art. 5 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35). Elle avait été adoptée pour mettre en œuvre les exigences relatives aux plans techniques et financiers et déterminer leur contenu admissible et avait un fondement légal limité à la seule question des plans financiers et techniques selon l’art. 5 al. 3 LGZD. Elle ne s’appliquait de plus pas tant qu’il n’y avait pas eu, selon l’art. 2 al. 1 let. b LGZD, l’approbation préalable par le Conseil d’État ayant pour effet que le régime de la ZD puisse s’appliquer. Elle ne pouvait ainsi être appliquée en cas d’expropriation d’un immeuble, en l’absence d’une autorisation de construire nécessitant l’adoption des conditions particulières relatives à celles-ci. Se référer à la pratique administrative PA/SI/001.06 était non seulement illégal mais également contraire à l’art. 6 LGL qui renvoyait exclusivement à l’application de la LEx-GE et non à l’art. 5 LGZD.

L’approche de l’État avait été écartée par le Tribunal fédéral dans un cas similaire à la présente espèce (arrêt 1C_141/2013), la jurisprudence excluant l’application d’un prix théorique, résultant de la pratique PA/SI/001.6, pour le calcul de la valeur vénale du bien exproprié.

S’agissant du montant de l’indemnité, qui devait être pleine et entière, il fallait prendre la valeur du marché de la parcelle qui correspondait au prix de vente de leur bien de CHF 2’235’000.-. Ils demandaient dès lors l’octroi d’une indemnité de CHF 2’235’000.- avec intérêts à 5% à compter du 1er février 2022, dans la mesure où A______ avait dû quitter l’immeuble le 31 janvier 2022, après l’exécution de la vente. Une indemnité complémentaire de CHF 6’993.35, en application de l’art. 18 al. 1 let. c LEx-GE, devrait par ailleurs leur être versée en réparation des coûts (loyer du nouvel appartement de A______ et charges de l’immeuble) engendrés par l’exercice du droit de préemption avec cas d’expropriation.

Enfin, si le TAPI ne devait pas admettre la valeur précitée, une expertise devrait être mise en œuvre afin de déterminer la valeur de l’immeuble à la date de la vente, soit en octobre 2021, en fonction des paramètres du marché, notamment le niveau des taux d’intérêts, prévalant à cette époque.

b. Dans ses observations du 21 juillet 2023, le Conseil d’État, par le biais du département, a conclu au rejet de la demande en indemnités, à la confirmation de l’arrêté du 16 novembre 2022, à ce qu’il soit constaté que le prix d’acquisition via l’exercice du droit de préemption de la parcelle n° 1’810 était fixé au montant de CHF 1’100’000.- qu’il acquitterait en faveur de A______ et B______, pris conjointement et solidairement, et à ce qu’il soit constaté qu’il acceptait de verser aux précités un montant de CHF 6’303.- à titre d’indemnité complémentaire.

La procédure d’expropriation mentionnée par les art. 5 al. 1 let. d et 6 LGL visait uniquement l’ouverture d’une procédure en fixation du prix d’acquisition via l’exercice du droit de préemption. Elle n’était en revanche aucunement assimilable à une procédure d’expropriation stricto sensu, c’est-à-dire à une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique telle que visée par les art. 1 ss LEx-GE.

Le prix d’acquisition via l’exercice du droit de préemption devait être fixé sur la base de la pratique administrative PA/SI/001.06. Toute autre méthode d’estimation reviendrait, d’une part, à contrevenir au contrôle légal des prix de vente des terrains et des parcelles en ZD, fondé sur l’art. 5 LGZD et, d’autre part, à rendre impossible la mise en œuvre des intérêts publics poursuivis par la décision de préemption du 8 décembre 2021. Or, de telles entraves ne seraient aucunement justifiées, en particulier dans la mesure où, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la présente procédure ne constituait pas une procédure d’expropriation à proprement parler, mais visait uniquement la fixation du prix d’acquisition via l’exercice du droit de préemption de la parcelle n° 1’810. Il n’était aucunement justifié de s’écarter du contrôle légal des prix en vigueur en ZD, respectivement de se fonder sur l’art. 18 al. 1 let. a LEx-GE.

Cela étant, si par impossible il était considéré que le prix d’acquisition via l’exercice du droit de préemption correspondait à la « valeur vénale » de la parcelle n° 1’810 au sens de l’art. 18 al. 1 let. a LEx-GE, alors il devrait être retenu que cette valeur en ZD correspondait nécessairement au prix fixé par l’OCLPF en vertu de sa pratique administrative. En cas de prix de vente excessif, l’État était en mesure de préempter la parcelle au prix fixé par la pratique administrative, tout en respectant la condition légale consistant à exercer ce droit de préemption « aux fins de construction de logements » d’utilité publique au sens de la LGL (art. 3 al. 1 LGL). Plus encore, si par impossible le TAPI avait l’intention de décorréler le prix d’acquisition via l’exercice du droit de préemption du contrôle légal des prix en ZD, cela aurait pour effet de rendre impossible la mise en œuvre de l’intérêt public à la construction de LUP au sens de la LGL.

À titre tout à fait superfétatoire, dès lors qu’en vertu de l’art. 23A LEx-GE, la valeur au jour de l’arrêté d’expropriation était déterminante, la valeur de l’indemnité prévue par les art. 14ss LEx-GE, dont l’applicabilité au cas d’espèce était contestée, devrait être déterminée au 16 novembre 2022, date à laquelle avait été rendu l’arrêté du Conseil d’État décrétant l’expropriation de la parcelle, et non à la date de la conclusion de la vente initiale en octobre 2021.

Quant aux autres frais invoqués par A______ et B______, vu la convention de prise de possession anticipée conclue suite à l’audience du 2 mai 2023, ceux-ci n’étaient plus susceptibles d’encourir des frais en lien avec la parcelle n° 1’810. Pour le passé, dans la lignée de cette convention et après examen des pièces produites, il ne s’opposait pas, sur le principe, à la prise en charge des frais invoqués mais à hauteur de CHF 6’303.-, la facture d’assurance bâtiment ne pouvant en effet être prise en charge que pour la période du 1er décembre 2021 au 31 mars 2022, soit à hauteur de CHF 346.‑. En revanche, aucun intérêt couru au sens de l’art. 5 al. 5 LGL ne saurait leur être versé, cette disposition prévoyant le remboursement de tels intérêts en faveur de l’acquéreur évincé, et non du vendeur de la parcelle préemptée.

c. Le 20 mars 2024, le TAPI a informé les parties de son intention d’ordonner une expertise pour déterminer la valeur vénale de la parcelle n° 1’810 au jour de l’arrêté d’expropriation, l’analyse du dossier l’amenant à douter de l’applicabilité de la pratique administrative PA/SI/001.06 dans le cas d’espèce. Il leur a soumis les questions qu’il envisageait de poser à l’expert.

d. Le 25 avril 2024, les parties se sont déterminées sur l’expertise envisagée.

Le Conseil d’État a rappelé son opposition au principe d’une expertise visant à déterminer la valeur vénale de la parcelle en cause. Le cas échéant, il se déterminerait sur les questions soumises à l’expert dans la mesure où la décision relative au principe de l’expertise correspondrait à l’ordonnance d’expertise elle-même.

A______ et B______ ont requis que l’expert se prononce également sur la valeur vénale de la parcelle au jour de la décision d’exercice du droit de préemption, dans la mesure où celle-ci serait différente.

e. Par ordonnance d’expertise du 6 mai 2024, le TAPI a ordonné une expertise aux fins de déterminer la valeur vénale de la parcelle en cause, a désigné en qualité d’expert H______ et lui a confié pour mission notamment de déterminer la valeur vénale de la parcelle n° 1’810 au jour de l’arrêté d’expropriation, de déterminer la valeur vénale de la parcelle n° 1’810 au jour de la décision d’exercice du droit de préemption dans la mesure où celle-ci serait différente, et de faire toutes autres observations ou conclusions qu’il estimera utiles.

f. Dans son rapport du 27 août 2024, l’expert a indiqué avoir acquis la certitude, après avoir effectué les calculs nécessaires, que la valeur vénale de l’objet en décembre 2021 (période de la décision d’exercice du droit de préemption) pouvait être évaluée à sa valeur intrinsèque en situation hypothétique de marché libre (hors ZD) à CHF 2’040’000.-. Les valeurs en novembre 2022 (période de l’arrêté d’expropriation) étaient estimées identiques.

En son point 3.5 « Calculs », le rapport retient que la parcelle est sise en ZD, avec mention d’un droit de préemption en faveur de l’État et de la commune, et hors du plan de site voisin. En l’absence d’indications quant aux intentions de développement futur, l’approche habituelle aurait été de réaliser une estimation sur la base de la pratique administrative PA/SI/001.06 de l’OCLPF. La procédure en cours visait notamment à déterminer si la valeur vénale du bien devait correspondre à celle issue de la pratique administrative précitée, ou si elle devait être calculée par analogie avec une valeur de marché en zone ordinaire. L’expert n’étant pas sollicité à des fins de « dire le droit », il laissait le TAPI apprécier cette question et se concentrer sur la détermination technique de la valeur suivant l’une ou l’autre conclusion. « 1). La valeur selon la pratique administrative PA/SI/001.06 ayant déjà été arrêtée à 1’100’000 CHF par l’OCLPF en date du 7 février 2023, nous ne revenons pas sur cette approche, la détermination de cette valeur étant conforme à la pratique administrative précitée. 2). Dans le cas d’une valeur vénale correspondant à celle d’un bien hypothétiquement situé " hors d’une zone de développement ", l’expert détermine la valeur vénale (valeur de marché) sur la base de la valeur intrinsèque obtenue par comparaison ».

g. Dans leurs observations sur expertise du 30 septembre 2024, A______ et B______ ont constaté que celle-ci concluait à une valeur vénale de la parcelle en cause de CHF 2’040’000.- et confirmait le prix non pertinent en l’espèce calculé selon la pratique administrative de l’OCLPF. Dans la mesure où l’expertise devait évaluer la valeur vénale de la maison à la date de l’arrêté d’expropriation, c’était le chiffre de CHF 2’040’000.-, une valeur vénale cohérente avec celle pour laquelle ils auraient vendu leur parcelle si le Conseil d’État n’avait pas exercé son droit de préemption, qui devait être retenu si le TAPI ne prenait pas en compte le prix de vente effectif de la parcelle.

h. Le 11 octobre 2024, le Conseil d’État a relevé que l’expert avait confirmé à plusieurs reprises que l’approche usuelle pour estimer la valeur – y compris vénale – d’une parcelle située en ZD et disposant d’un potentiel de densification consistait à se fonder sur la pratique administrative PA/SI/001.06. Après avoir pris la précaution de relever que n’étant pas sollicité à des fins de « dire le droit », l’expert avait précisé qu’en l’absence d’indications quant aux intentions de développement futur, l’approche habituelle aurait été de réaliser une estimation sur la base de la pratique administrative PA/SI/ 001.06 et que le montant de CHF 1’100’000.- était conforme à ladite pratique. Il avait ensuite indiqué la manière de déterminer la valeur vénale correspondant à celle d’un bien hypothétiquement situé « hors d’une zone de développement ». Il fallait toutefois relever que la parcelle en cause ne pouvait pas être considérée comme un bien hypothétiquement situé hors ZD et qu’il n’était par conséquent pas possible de déterminer, par analogie avec la zone ordinaire, la valeur vénale sur la base de la valeur intrinsèque obtenue par comparaison.

i. Par jugement du 1er novembre 2024, le TAPI a admis la requête en indemnisation du 5 juin 2023 (ch. 1), fixé le montant de l’indemnité due par l’expropriant à A______ et B______ à CHF 2’040’000.- (ch. 2), fixé le montant de l’indemnité complémentaire due par l’expropriant aux expropriés à CHF 6’302.05 (ch. 3), dit que des intérêts à 1,25% étaient dus sur ces deux montants à compter du 2 mai 2023, jour de la prise de possession anticipée, au 1er juin 2023, puis de 1,50% du 2 juin au 1er décembre 2023 et de 1,75% du 2 décembre 2023 au jour du jugement (ch. 4), condamné l’État aux frais de la procédure (ch. 5), ordonné la restitution à A______ et B______ de leur avance de frais d’expertise de CHF 1’500.- (ch. 6) et condamné l’État à leur verser une indemnité de procédure de CHF 1’000.- (ch. 7).

Il résultait de la lecture des art. 5 al. 1 et 6 LGL, confirmée tant par la jurisprudence que par la doctrine, que dans le cadre d’une préemption au sens des art. 3 ss LGL et lorsque le propriétaire refusait l’offre étatique arrêtée à un prix inférieur à celui prévu par les parties au contrat, la fixation du prix de l’immeuble en cause était déterminée par le biais d’une procédure d’estimation selon les dispositions de la LEx/GE. Partant, il n’était pas question d’appliquer ni des dispositions de la LGL ou de la LGZD ni des pratiques administratives qui en découlaient pour la fixation du montant de l’indemnité d’expropriation. Il ne pouvait donc être admis que la pratique administrative PA/SI/001.06, qui se fondait sur l’art. 5 LGZD, soit prise en compte pour déterminer l’indemnité d’expropriation en lieu et place des dispositions de la LEx-GE.

Le montant de l’indemnité devait être arrêté à CHF 2’040’000.-, ainsi qu’il résultait de l’expertise du 27 août 2024 fixant la valeur vénale de la parcelle n° 1810 en date du 16 novembre 2022. S’agissant des autres frais invoqués par A______ et B______, ainsi que relevé à juste titre par l’État, ceux-ci n’étaient certes plus susceptibles d’encourir de frais en lien avec la parcelle n° 1’810 vu la convention de prise de possession anticipée conclue suite à l’audience du 2 mai 2023, mais ils avaient droit à la prise en charge des frais antérieurs. Il fallait leur reconnaître la somme de CHF 6'647.70, soit le montant qu’ils avaient réclamé et qui était étayé par pièces, sous déduction de la somme de CHF 345.65, dans la mesure où la facture d’assurance bâtiment du 6 février 2021 ne pouvait être prise en charge que pour la période du 1er décembre 2021 au 31 mars 2022 et qu’il fallait donc déduire.

F. a. Par acte du 4 décembre 2024, le Conseil d'État a formé recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative, concluant principalement à l'annulation de ses chiffres 1, 2, 5, 6 et 7, au rejet de la demande en indemnités formée par A______ et B______, à la confirmation de l'arrêté du 16 novembre 2022 et à la fixation du prix d'acquisition via l'exercice du droit de préemption de la parcelle n° 1'810 à CHF 1'100'000.-.

Du fait de sa nature et de ses qualités, la parcelle n° 1'810 pourrait être densifiée conformément aux normes de la ZD. Lorsqu'il s'agissait d'estimer la valeur d'une parcelle, sa localisation en ZD – qui engendrait un contrôle de son prix de vente en vertu de l'art. 5 LGZD et de la pratique administrative de l'OCLPF – constituait une condition locale qui devait impérativement être prise en compte, ce qui avait été confirmé par l'expert H______ en précisant que dans ce cas-là, l'approche usuelle pour estimer la valeur, y compris vénale, de la parcelle consistait à se fonder sur la pratique administrative PA/SI/001.06 de l'OCLPF. Aussi, bien que l'expert ait laissé le soin au TAPI de « dire le droit », le rapport d'expertise du 27 août 2024 permettait indubitablement de conclure que la valeur vénale de la parcelle devait être évaluée à CHF 1'100'000.-, en application de la pratique administrative PA/SI/001.06. Le TAPI avait procédé à une lecture tronquée de l'expertise judiciaire.

En considérant à tort que le prix de préemption de la parcelle n'équivalait pas au prix dûment fixé au regard de l'art. 5 LGZD et de la pratique administrative précitée, le jugement querellé contrevenait au contrôle légal des prix de vente des terrains et des parcelles en ZD, fondé sur cette disposition. Il vidait ainsi de sa substance et de sa portée l'outil que représentait le droit de préemption prévu par la LGL, puisqu'il rendait impossible la mise en œuvre des intérêts publics poursuivis par la décision de préemption du 8 décembre 2021 – confirmés par la jurisprudence – soit la lutte contre la spéculation en ZD, mais aussi la construction de LUP, cruciale au vu de la situation de pénurie de logements notoire prévalant dans le canton. La fixation arbitraire du prix de préemption à un montant hautement spéculatif de CHF 2'040'000.-, correspondant à plus du double que celui estimé par l'OCLPF, ne permettrait pas de produire de futurs logements répondant aux critères fixés, en termes de loyers, pour des LUP au sens de la LGL.

D'un point de vue général, ce jugement aurait pour conséquence notamment que l'État serait privé de la possibilité de préempter des parcelles sises en ZD au prix qu'il détermine et contrôle légalement. Les propriétaires en ZD pourraient être incités à vendre leurs bien-fonds à un prix bien supérieur au prix en vigueur en ZD afin de contraindre l'État à exercer son droit de préemption aux fins d'éviter les transactions spéculatives, lequel serait ensuite intimé d'acquérir la parcelle préemptée à un prix supérieur fixé selon les normes de droit public. Cet effet incitatif se déploierait au détriment des finances publiques et des LUP, et placerait en outre l'État dans une position défavorable par rapport aux développeurs immobiliers en ZD. Le jugement consacrait une violation des art. 14 et 18 al. 1 let. a LEx-GE, des art. 3 ss LGL et 5 LGZD, ainsi que de la pratique administrative PA/SI/001.06.

b. Dans leurs observations du 22 janvier 2025, A______ et B______ ont conclu au rejet du recours.

L'enjeu de la procédure était uniquement la question juridique de l'indemnité d'expropriation en cas d'exercice du droit de préemption à un montant inférieur à celui fixé dans l'acte concerné par la préemption. Les développements du département relatifs aux droits de préemption, aux intérêts publics visés, au contrôle du prix en ZD, ainsi qu'à l'art. 5 LGZD étaient exorbitants au présent litige et étaient donc irrecevables. Il en allait de même de l'allégation selon laquelle cette parcelle pourrait être densifiée conformément aux normes de la ZD, étant relevé qu'elle n'avait jamais été concrétisée par un plan localisé de quartier.

C'était en réalité le département qui faisait une lecture biaisée de l'expertise judiciaire qui avait bien conclu à une valeur vénale, soit à une valeur de marché, de CHF 2'040'000.-.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la chambre de céans, c'était uniquement les art. 5 et 6 LGL, ainsi que la LEx-GE, qui formaient le cadre juridique s'appliquant à la détermination du montant de l'indemnité d'expropriation. En cas d'expropriation faisant suite au refus du prix inférieur à celui du marché offert par l'État dans l'exercice d'un droit de préemption légal, seule la valeur de marché d'une parcelle était déterminante. Il n'était nullement question à ce stade de la délivrance d'une autorisation de construire sur la base de l'art. 5 LGZD, de sorte que cette disposition n'était ici ni applicable ni pertinente. S'agissant de la pratique administrative PA/SI/001.06, elle était limitée à la seule question des plans financiers et techniques selon l'art. 5 al. 3 LGZD et ne disposait pas d'une base légale suffisante pour pouvoir être appliquée pour déterminer le montant de l'indemnité d'expropriation comme en l'espèce. Or, c'était sur cette base qu'avait été réalisée l'estimation du département qui avait abouti à une valeur théorique de CHF 1'100'000.-, qui ne pouvait ici s'appliquer à l'expropriation de la parcelle dès lors qu'il n'existait aucune autorisation de construire.

Il n'était en aucun cas question d'entraves au contrôle légal des prix de vente des terrains et des parcelles en ZD fondés sur l'art. 5 LGZD ni d'entraves à la mise en œuvre des intérêts publics poursuivis par une décision de préemption, mais bel et bien de respect du droit, à savoir de l'art. 6 LGL et de l'intention du législateur quant à l'application de la LEx-GE pour fixation du montant de l'indemnité d'expropriation. Dans l'arrêt 1C_141/2013, le Tribunal fédéral avait expressément rejeté la prise en compte d'un prix fixé par la pratique administrative PA/SI/001.06 qui ne concernait qu'une valeur théorique.

c. Dans sa réplique du 24 février 2025, le Conseil d’État a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             L'objet du litige consiste à déterminer si c'est à bon droit que le TAPI a admis la requête en indemnisations des intimés et a fixé le montant de l'indemnité qui leur est due par l'expropriant à CHF 2'040'000.-. Le département lui reproche de n'avoir pas retenu le prix d'acquisition de CHF 1’100’000.- fixé par l’OCLPF en vertu de la pratique administrative PA/SI/001.06 dans la mesure où la parcelle en cause se situe en ZD 3.

2.1 Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique ; ATF 148 II 299 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_293/2022 du 20 janvier 2023 consid. 5.1 ; ATA/182/2023 du 28 février 2023 consid. 5.4).

2.2 Le droit de préemption légal de l'État est prévu aux art. 3 ss LGL.

En vertu de l’art. 5 al. 1 let. c LGL, lorsque l’État décide de préempter à un autre prix que celui fixé dans l'acte, il notifie au vendeur son offre d’acquérir le bien-fonds aux prix et conditions fixés par lui.

L’art. 5 al. 1 let. d LGL prévoit qu'à défaut d’acceptation de cette offre, il notifie sa décision de recourir, s’il maintient sa volonté d’acquérir le bien-fonds et si les conditions légales sont réunies, à la procédure d’expropriation conformément à l’art. 6 LGL.

L’art. 6 LGL stipule que faute d’accord à l’amiable dans le cas visé notamment à l’art.  5 al. 1 let. c LGL, l’État peut acquérir, par voie d’expropriation aux fins de construction de logements d’utilité publique, les terrains faisant l’objet du droit de préemption, conformément aux dispositions de la LEx-GE.

2.3 Dans un arrêt 1C_250/2007 du 2 juin 2008, le Tribunal fédéral a retenu que lorsque le Conseil d'État a exercé son droit de préemption en prononçant son arrêté, il a pris la décision d'exercer son droit formateur, ce qui empêchait les propriétaires d'aliéner librement leurs biens-fonds (situé en zone de développement industriel dans cette affaire). Dans ce cas, « l'État de Genève n'a pas à engager une procédure complète d'expropriation selon les art. 24 ss LEx-GE, afin d'obtenir par cette voie un autre titre juridique pour le transfert de la propriété. Seule une procédure d'estimation selon les art. 35 ss LEx-GE doit encore être engagée, au terme de laquelle le prix sera fixé, après quoi la propriété des immeubles pourra être transférée » (consid. 3.3). Le Tribunal fédéral qualifie à cet égard le prix figurant dans la décision d'exercer le droit de préemption comme « une simple évaluation prima facie de la valeur approximative que le terrain industriel peut avoir dans les différentes zones de développement industriel du canton de Genève» et relève que le prix de vente sera fixé par la commission cantonale de conciliation et d'estimation et « selon les critères de la loi sur l'expropriation, notamment l'art. 14 LEx-GE qui prévoit une "indemnité pleine et entière", et l'art. 18 al. 1 let. a LEx-GE qui dit que cette indemnité comprend "la pleine valeur vénale du droit" (arrêt 1C 250/2007 précité consid. 7.3 et 7.4).

Dans un arrêt postérieur (1C_141/2013 déjà cité) et similaire à la présente affaire où l'État avait exercé son droit de préemption légal pour le prix estimé par l'OCPLF selon sa pratique, le Tribunal fédéral a confirmé cette analyse. Il a rappelé les règles gouvernant la fixation de l'indemnité d'expropriation en vertu des l'art. 18 et 23 LEx‑GE et indiqué que « comme l'a rappelé la Cour de justice, la valeur vénale d'un bien est la valeur qui lui est attribuée dans des circonstances normales, à une époque déterminée et à l'occasion d'un échange d'ordre économique. Selon la jurisprudence, la valeur vénale d'un bien est le prix que le propriétaire d'un immeuble exproprié aurait objectivement pu obtenir sur le marché, au jour déterminant, pour une aliénation privée (ATF 122 II 246 consid. 4a) » (consid. 5). Il a considéré que l’argumentation de l’État, qui estimait que les terrains situés en ZD ne pouvaient pas être comparés aux biens‑fonds classés en zone ordinaire, ne saurait être suivie. En effet, la valeur vénale correspondait au prix que le propriétaire d’un immeuble exproprié aurait objectivement pu obtenir sur le marché, pour une aliénation privée, et il n’était pas démontré en quoi les différentes caractéristiques de la ZD considérée déprécieraient la valeur de la parcelle et affecteraient négativement son prix d’achat. « En tous les cas, comme l'ont relevé la commission puis la Cour de justice, le montant maximum du terrain de CHF 1’000.-/m2 calculé par l’OCLPF pour la ZD 3 n’avait pas à être retenu, car il s’agissait du prix maximum arrêté par l’État dans le cadre du plan financier d’un projet appelé à remplacer la villa existante, et non pas d’un montant maximum arrêté pour l’achat du bien immobilier appelé à disparaître » (consid. 5.2). Le Tribunal fédéral a ensuite validé la méthode d'évaluation de la valeur de marché appliquée par la commission cantonale d'estimation, soit la méthode comparative, selon laquelle la valeur vénale des terrains est fixée sur la base des prix payés pour des fonds semblables (consid. 5.1 et 5.2).

2.4 Dans son ATA/872/2022, au consid. 9d, la chambre administrative, faisant référence à cet arrêt, a retenu que l’argumentation des expropriés relative au prix correspondant à la valeur réelle de leur bien, selon leurs estimations, n’était pas recevable et que ces éléments devaient être discutés dans le cadre d’une procédure d’expropriation.

Elle a confirmé sa jurisprudence dans un ATA/872/2023 du 22 août 2023, relevant, au consid. 5.2, que le droit de préemption, prévu à l'art. 3 LGL, est destiné notamment à empêcher des opérations spéculatives qui seraient contraires au rôle de la ZD. Le but des ZD est donc de maîtriser les prix des terrains situés dans ces zones afin de favoriser la construction de logements bon marché (MGC 1977, p. 2018) tout en assurant une densification harmonieuse et raisonnable de certains secteurs du canton (ATA/1439/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4e). Dans ce but, l'État contrôle le prix des terrains, le coût de construction des immeubles, le type de logements à construire, le prix de vente éventuel ou encore le montant du loyer futur des logements construits. La fixation des prix et loyers intervient sous la forme de directives administratives de l'OCLPF, ayant leur fondement à l'art. 5 LGZD. Elles sont accessibles sur internet (François BELLANGER, Déclassement et autres mesures de planification dans le canton de Genève, in Bénédict FOËX [éd.], Planification territoriale, Droit fédéral et spécificités cantonales, 2013, p. 92 et 93 et les références citées).

Selon la doctrine, en cas de refus d’une offre à un prix inférieur à celui prévu par les parties au contrat, une procédure d’estimation selon les articles de la LEx/GE doit avoir lieu (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2018, p. 775 ; Thierry TANQUEREL, Le droit de préemption légal des collectivités publiques, in Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, La maîtrise publique du sol : expropriation formelle et matérielle, préemption, contrôle du prix, 2009, p. 147, 178).

2.5 Il résulte clairement de la lecture des art. 5 al. 1 et 6 LGL, confirmés tant par la jurisprudence que la doctrine susmentionnées, que dans le cadre d’une préemption au sens des art. 3 ss LGL et lorsque le propriétaire refuse l’offre étatique arrêtée à un prix inférieur à celui prévu par les parties au contrat, la fixation du prix de l’immeuble en cause est déterminée par le biais d’une procédure d’estimation selon les dispositions de la LEx/GE. Ce choix du préempteur de maintenir la préemption au prix inférieur à celui de l'acte qui a été refusé par le vendeur et de recourir à l'expropriation met ainsi un terme à la procédure régie par la LGL et renvoie à l'application de la LEx-GE qui détermine la suite de la procédure.

Dans ce cadre et compte tenu du texte clair des art. 5 et 6 LGL, il ne peut plus être question d'application de cette loi ou de la LGZD pour la fixation de l'indemnité d'expropriation dès lors que le législateur prévoit expressément une procédure particulière aux art. 5 et 6 LGL, prévoyant l'application de la LEx-GE, comme l'a d'ailleurs déjà admis la chambre de céans dans l'ATA/872/2022. Par ailleurs, l'utilité publique de l'expropriation est donnée par l'art. 6 LGL qui prévoit la possibilité d'acquérir, par voie d’expropriation aux fins de construction de LUP, les terrains faisant l’objet du droit de préemption.

La référence par le département dans son recours à l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_200/2017 du 27 octobre 2017 ne lui est d'aucun secours. Il s'agit en effet d'un litige civil portant sur la décision de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites et tranchée par la Cour de droit civil du Tribunal fédéral. Le contenu de cet arrêt ne peut donc s'appliquer mutatis mutandis à l'exercice du droit de préemption par l'État. Il en va de même de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_22/2021 du 7 mai 2021 qui concerne une affaire dans le domaine fiscal qui ne traite en aucun cas du droit de préemption prévu par la LGL.

2.6 La pratique administrative PA/SI/001.06, sur laquelle se fonde le département, est intitulée « Prix admis dans les plans financiers pour les terrains sis en zone de développement » et énonce expressément que « le prix admis pour le terrain dans le plan financier d'une opération mise au bénéfice des normes de la LGZD est le prix effectivement payé par le requérant mais au maximum jusqu'à concurrence du prix plafond déterminé selon les critères ci-dessous » (p. 2). L'art. 5 LGZD, qui est le fondement légal de la pratique administrative PA/SI/001.06 sur laquelle se fonde le département, prévoit que la délivrance de l’autorisation de construire est subordonnée aux conditions notamment que les plans techniques et financiers, notamment les normes applicables à l’état locatif ou au plan de vente et aux réserves pour entretien, doivent être préalablement agréés par le département (al. 2). Les prix et les loyers des bâtiments visés sous al. 1, let. a et b, sont soumis au contrôle de l’État pendant une durée de dix ans dès la date d’entrée moyenne dans les logements ou locaux, selon les modalités prévues au chapitre VI (art. 42 à 48) de la LGL (al. 3).

Cette pratique administrative est clairement limitée à la question des plans financiers et techniques selon l'art. 5 al. 3 LGZD et est applicable dans le cadre de la délivrance d'une autorisation de construire portant sur un projet de construction devant être érigée. Elle ne saurait être prise en compte pour déterminer l’indemnité d’expropriation en lieu et place des dispositions de la LEx-GE.

Ce qui précède ne remet pas en cause l'objectif du droit de préemption légal de l'État prévu aux art. 1 ss LGL, soit d'empêcher les opérations spéculatives, et que le but des ZD est de maîtriser les prix des terrains situés dans ces zones afin de favoriser la construction de logements bon marché, tout en assurant une densification harmonieuse et raisonnable de certains secteurs du canton (ATA/872/2023 précité consid. 5.2 ; MGC 1977 p. 2018). C'est d'ailleurs dans ce but que l'État contrôle, conformément à l'art. 5 al. 2 LGZD, au moyen des plans financiers des futures constructions le prix des terrains admissibles dans le plan financier, le coût de construction des immeubles, le type de logements à construire, le prix de vente éventuel ou encore le montant du loyer futur de logements à construire. L'OCLPF a émis des directives administratives fondées sur cette disposition afin de concrétiser ces contrôles qui ne sont toutefois pas applicables aux modalités d'exercice du droit de préemption fondé sur l'art. 3 LGL, et notamment la phase de la fixation de l'indemnité d'expropriation.

Le droit de préemption permet certes d'éviter un achat à un prix spéculatif qui rendrait ensuite impossible la réalisation d'un plan financier exigé par l'art. 5 LGZD. Le droit de préemption légal sur les terrains en ZD et le contrôle des prix des terrains en ZD sont toutefois deux moyens de contrôle distincts s'inscrivant dans l'optique étatique générale consistant à éviter une spéculation contraire à la politique de l'État en matière de lutte contre la pénurie de logements. Par conséquent, si l'État utilise le moyen de contrôle indirect qu'est le droit de préemption prévu aux art. 3 ss LGL, l'art. 5 LGZD ne s'appliquera pas, dès lors que c'est la procédure prévue aux art. 5 et 6 LGL qui est applicable avec la procédure d'expropriation. D'ailleurs, les intimés sont propriétaires de la parcelle en question depuis plus de 20 ans et le prix de vente de l'immeuble fixé avec F______ s'élevait à CHF 2'235'000.- alors que l'expert judiciaire a retenu une valeur vénale de CHF 2'040'000.-, preuve qu'il ne s'est pas agi d'une opération spéculative et que, contrairement à ce que soutient le recourant, le prix de vente fixé entre les parties n'était « pas excessif ».

2.7 Il ressort des éléments qui précèdent qu'en tant que les intimés n'ont pas accepté l'offre de l'État s'agissant du prix de l'indemnisation proposé et que, partant, le Conseil d'État a dû adopter un arrêté d'expropriation en application des art. 31 et 32 LEx-GE qui a initié la procédure au TAPI, ce sont uniquement les art. 5 et 6 LGL ainsi que la LEx-GE qui forment le cadre juridique s'appliquant à la détermination du montant de l'indemnité d'expropriation.

C'est donc de manière fondée que le TAPI a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les dispositions de la LGL ou de la LGZD ni les pratiques administratives qui en découlent pour la fixation du montant de l’indemnité d’expropriation et a appliqué la LEx-GE pour déterminer ledit montant.

2.8 À teneur de l'art. 1 LEx-GE, le droit d’expropriation pour cause d’utilité publique peut être exercé pour des travaux ou des opérations d’aménagement qui sont dans l’intérêt du canton ou d’une commune (al. 1). Il ne peut être exercé que dans la mesure nécessaire pour atteindre le but poursuivi (al. 2).

Lorsque l’utilité publique a été constatée, le droit d’expropriation est exercé par l’État ou par la commune intéressée (art. 4 LEx-GE).

L’expropriation ne peut avoir lieu que moyennant indemnité pleine et entière (art. 14 LEx-GE).

Selon l'art. 18 LEx-GE, sont pris en considération, pour la fixation de l’indemnité, tous préjudices subis par l’exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits. En conséquence, l’indemnité comprend notamment la pleine valeur vénale du droit exproprié (al. 1 let. a) et le montant de tous autres préjudices, non réparés par les indemnités allouées en vertu des deux lettres qui précèdent, pour autant que ces préjudices peuvent être prévus, dans le cours normal des choses, comme une conséquence de l’expropriation (al. 1 let. c). Les indemnités allouées pour ces éléments doivent être calculées séparément (al. 2).

Selon l’art. 19 LEx-GE, la possibilité d’une utilisation plus lucrative de l’immeuble doit être prise en considération dans la mesure où elle est de nature à influer sur la valeur vénale comme un élément de plus-value actuelle (al. 1). La valeur des charges particulières dont l’exproprié est libéré est portée en déduction (al. 2). Il n’est pas tenu compte des augmentations ou des diminutions de valeurs résultant ou de la perspective de l’exécution du projet qui donne lieu à l’expropriation ou de la procédure d’expropriation (al. 3).

L’art. 23A LEx-GE prévoit que la date déterminante pour estimer la valeur vénale est celle au jour de l’arrêté d’expropriation.

2.9 La valeur vénale d'un bien est la valeur qui lui est attribuée dans des circonstances normales, à une époque déterminée et à l'occasion d'un échange d'ordre économique (arrêts du Tribunal fédéral 1C_483/2022 et 1C_486/2022 du 9 novembre 2023 consid. 4.1 ; 1C_141/2013 précité consid. 5). La pleine valeur vénale du droit exproprié correspond au prix de vente qui pourrait être obtenu en cas d'aliénation sur le marché, dans des conditions ordinaires (ATF 122 II 246 consid. 4a). Il s'agit de la valeur objective de l'objet, soit celle qui correspond au prix d'aliénation, abstraction faite des prix spéculatifs ou de bradage (arrêts du Tribunal fédéral 1C_483/2022, 1C_486/2022 précités consid. 4.1).

La valeur vénale se fixe selon des critères objectifs : tous les éléments, de droit et de fait qui seraient pris en considération par des acquéreurs potentiels. Parmi ceux qui sont de nature juridique, on tiendra compte des réglementations de droit public qui définissent les utilisations légales possibles (arrêts du Tribunal fédéral 1C_ 483/2022, 1C_486/2022 précités consid. 4.1) ainsi que les restrictions et charges de droit privé - servitudes, baux annotés au registre foncier - diminuant la valeur de l’immeuble, mais non l’existence d’un usufruit ou de garanties hypothécaires (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 800).

Dans l’arrêt 1C_141/2013 précité, au consid. 5.2, le Tribunal fédéral a indiqué que la valeur vénale correspondait au prix que le propriétaire d’un immeuble exproprié aurait objectivement pu obtenir sur le marché, pour une aliénation privée, et qu’il n’était pas démontré en quoi les différentes caractéristiques de la ZD considérée déprécieraient la valeur de la parcelle et affecteraient négativement son prix d’achat. « En tous les cas (…), le montant maximum du terrain de CHF 1’000.-/m2 calculé par l’OCLPF pour la ZD3 n’avait pas à être retenu, car il s’agissait du prix maximum arrêté par l’État dans le cadre du plan financier d’un projet appelé à remplacer la villa existante, et non pas d’un montant maximum arrêté pour l’achat du bien immobilier appelé à disparaître ».

2.10 Le recourant soutient que le TAPI aurait fait une lecture tronquée de l'expertise de H______ qui, bien qu’elle ait laissé le soin au TAPI de « dire le droit », permettrait indubitablement de conclure que la valeur vénale de la parcelle devait être évaluée à CHF 1'100'000.-, en application de la pratique administrative PA/SI/001.06. Or le TAPI a retenu que le montant de l’indemnité devait être arrêté à CHF 2’040’000.-, ainsi qu’il résultait de l’expertise, arrêtant la valeur vénale de la parcelle n° 1810 en date du 16 novembre 2022. Le jugement querellé ne saurait ainsi être critiqué sur ce point, lequel a fait une lecture correcte de l'expertise.

Toutefois, l’expert judiciaire a fixé la valeur vénale de la parcelle n° 1’810 à sa valeur intrinsèque « en situation hypothétique de marché libre (hors ZD) » sans tenir compte qu’il s’agit ici d’une ZD et non d’une zone ordinaire. Or il lui appartenait de calculer la valeur vénale en tenant compte des particularités de la ZD.

Au vu de ce qui précède, le dossier sera renvoyé au TAPI afin qu’il sollicite de H______ de calculer la valeur vénale en tenant compte de particularités de la ZD 3 et, cas échéant, qu’il expose les raisons pour lesquelles il estime que les différentes caractéristiques de cette ZD ne déprécieraient pas la valeur de la parcelle ou n’affecteraient pas négativement son prix d’achat.

Les autres frais pris en considération par le TAPI, son calcul des intérêts et le montant des frais de procédure ne sont pas contestés en soi, de sorte que le jugement querellé sera confirmé sur ces points.

Au vu des éléments qui précèdent, le recours sera admis partiellement.

3.             Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée aux intimés, solidairement.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2024 par l’État de Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er novembre 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

renvoie le dossier au TAPI dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à B______ et A______, solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’État de Genève, à Me François BELLANGER, avocat des intimés, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. RAMADOO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :