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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3060/2025

ATA/1117/2025 du 10.10.2025 ( ANIM ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3060/2025-ANIM ATA/1117/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 10 octobre 2025

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Laurent BAERISWYL, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé



Vu la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) du 15 juillet 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours prononçant le séquestre définitif de la chatte de race F______, nommée B______, née le ______ 2024 (RID 1______), propriété de A______, né le ______ 1997 ; interdisant à ce dernier de détenir tout chat pour une durée de trois ans, y compris au domicile conjugal ; ordonnant qu’à l’échéance de l’interdiction de détention A______ déclare toute nouvelle acquisition d’un animal pour suivi obligatoire de trois ans supplémentaires ; l’informant que tout chat qu’il détiendrait indûment, à savoir en non-respect de la décision, serait séquestré immédiatement et à titre définitif, les frais relatifs étant portés à sa charge, et que cela était également valable pour tout chat de tiers qui serait détenu à son domicile ; l’informant que le service se réservait le droit de faire des contrôles inopinés, et ce à tout moment ; l’informant que le non-respect de la décision ferait l’objet d’une dénonciation pénale pour infraction à l’art. 28 de la loi sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LPA-CH - RS 455) ; lui imputant tous les émoluments et frais inhérents au séquestre du chat B______, notamment les frais de garde, d’hospitalisation, de transport ainsi que les frais vétérinaires, encourus pendant toute la durée du séquestre ;

qu’il ressort, en substance, de la décision que A______ et son épouse ont perdu deux chats en un an à la suite d’accidents domestiques dont les causes n’ont pas été élucidées ; que les lésions subies par B______, telles que constatées par la vétérinaire à laquelle il avait été confié (apathie et hypothermie sévère, dyspnée grave avec discordance respiratoire, hémorragie sclérale et bucco-gingivale bilatérale, pétéchies sous-linguales, griffe cassée du membre antérieur droit, lésions sévères du foie, pneumothorax et pronostic vital engagé) s’expliquaient par une chute du 7e étage, voire plus haut, et non de l’arbre à chats de 190 cm dans l’appartement comme indiqué par A______ ; que le Ministère public avait entendu A______ le 19 février 2025 à titre de prévenu d’infraction à l’art. 26 LPA-CH et lui avait interdit à titre de mesure de substitution de détenir un animal de compagnie et d’avoir tout contact seul dans un endroit clos avec un animal pour une durée de six mois ; que l’enquête du Ministère public avait révélé que le chat C______ avait fait l’objet d’une intervention en urgence le 29 janvier 2024 pour une hémorragie buccale, qu’un hématome sur l’oreille gauche et sur l’oreille droite avait en outre été constaté lors d’un contrôle du 2 février 2024 et qu’C______ était décédé le ______ 2024 dans des circonstances floues ; que le chat D______, adopté une semaine après la mort d’C______, était décédé durant un transport en urgence le 26 avril 2024 après avoir été retrouvé en détresse respiratoire en bas des escaliers avec trois fractures des côtes et des contusions pulmonaires, l’autopsie ayant en outre révélé un pneumothorax, des contusions et hémorragies pulmonaires ainsi qu’une dyspnée sévère avec crépitements à l’auscultation, un étouffement des bruits respiratoires et une hypothermie sévère ; qu’il avait déménagé lorsqu’il avait acquis B______ compte tenu des événements tragiques arrivés à ses deux précédents chatons et que son précédent appartement était risqué pour des félidés ; que dans son nouveau logement, il avait détenu B______ dans des conditions mettant sa santé en danger par des chocs ayant provoqué des lésions sévères ; que les lésions subies par les trois chats étaient similaires ; qu’elles ne pouvaient s’être produites lors d’une chute d’un étage ou d’un arbre à chats, en particulier pour des chatons de quelques mois, une telle chute ne pouvant engager le pronostic vital ; que les déclarations de l’intéressé entraient en contradiction avec les résultats des examens cliniques ; que le propriétaire était certes attaché à son chat mais semblait minimiser non seulement ses blessures mais aussi les morts inexpliquées de ses deux autres chatons dans un délai de moins d’une année ; que tout portait à supposer des actes de maltraitance répétés depuis le 26 avril 2024 commis sur trois chatons différents ; que le 23 juin 2025, le Ministère public avait levé la mesure de substitution ordonnée, dès lors que A______ avait été entendu, que les soupçons demeuraient pleinement mais que le risque de collusion semblait réduit et que d’éventuels risques pouvaient être pris en compte par le droit administratif et lieu et place du droit pénal ;

vu le recours interjeté le 9 septembre 2025 devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par A______ contre cette décision ; qu’il a conclu à son annulation et à la restitution de B______ ; que, subsidiairement, la restitution de B______ pouvait être subordonnée à trois conditions qu’il détaillait ; que, préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours et, cela fait, B______ devait lui être provisoirement rendue, subsidiairement aux conditions qu’il suive, durant la durée jugée nécessaire mais limitée, des cours pratiques dispensés par un éducateur félin et se conforme aux conseils qu’il recevrait, se soumette à un système de contrôle mensuel auprès du SCAV durant la durée jugée nécessaire mais limitée et se conforme à toute autre mesure jugée nécessaire ; la procédure devait par ailleurs être suspendue jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale P/______/2025 ouverte à son encontre ; qu’il avait déjà dû interjeter recours contre une décision du SCAV qui avait été annulée ; qu’il avait dû interjeter recours une seconde fois contre un courrier du SCAV ; qu’il s’agissait de la troisième procédure ; que l’autorité intimée s’employait à prolonger artificiellement le séquestre définitif de son chat en le soustrayant à tout contrôle judiciaire ; qu’il n’avait pas vu B______ depuis près de sept mois ; qu’il s’agissait d’un abus de droit ; que le SCAV ne poursuivait aucun but d’intérêt public légitime mais cherchait à gagner du temps, conscient du caractère illicite et disproportionné de ses décisions afin de le décourager d’entreprendre des démarches pour récupérer son chat ; que son intérêt privé l’emportait manifestement sur l’intérêt public allégué par le SCAV ; que son intérêt privé était d’autant plus grand qu’il requérait la suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale ; qu’il ne serait pas acceptable de le séparer de son chat pendant toute la durée de la suspension ; que cette dernière était justifiée pour éviter des jugements contradictoires ; que pour le surplus la décision violait l’interdiction de l’arbitraire ; que les faits avaient été constatés de façon inexacte et incomplète ; que le principe de la proportionnalité avait été violé dans l’application de la LPA-CH ;

que le recourant a complété son recours le 15 septembre 2025 à la suite de l’arrêt de la chambre administrative du 22 mai 2025 déclarant irrecevable le recours interjeté contre le courrier du 22 mai 2025 du SCAV ;

que le SCAV, sur mesures provisionnelles, a, le 22 septembre 2025, conclu à la confirmation que la chatte B______ reste en ses mains et ne soit pas donnée, vendue ou mise à mort jusqu’à droit connu sur le fond et s’est opposé à la suspension de la procédure administrative dans l’attente de l’issue pénale ;

que, dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions ;

que les parties ont été informées, le 6 octobre 2025, que la cause était gardée à juger sur la question de l’effet suspensif ;

Considérant, en droit :

que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un ou une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA – E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu’au terme de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016) ;

qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ; la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut se statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

qu’en l’espèce, il ressort du dossier qu’entre novembre 2023 et février 2025 trois chatons ont été détenus par le recourant et ont été victimes de blessures extrêmement graves ayant mené à la mort de deux d’entre eux ; que le présent litige porte sur le séquestre du troisième ; que les parties s’opposent sur les causes des lésions, leur gravité étant toutefois attestée par les pièces du dossier ;

qu’au vu de la brieveté de la période concernée (moins de 18 mois), du nombre de chats concernés, de la gravité des lésions, les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise à savoir séquestrer le troisième chaton, ayant pour effet de l’éloigner du milieu dans lequel les deux autres animaux ont trouvé la mort, sont plus importantes que celles justifiant le report de l’exécution de la décision à savoir une restitution temporaire de l’animal à son propriétaire dans l’attente de l’issue de la présente procédure ; que le SCAV a en effet, à ce stade de la procédure, rendu suffisamment vraisemblable un risque pour la santé du chat au vu notamment du rapport de consultation vétérinaire du 15 février 2025 ; que la protection de l’animal doit donc, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, primer sur l’intérêt privé du recourant à reprendre possession de son chat ;

que la question de l’interdiction de détenir des chats pour une durée de trois ans fera l’objet de l’examen au fond du litige ;

qu’au vu de ce qui précède, l’effet suspensif ne sera pas restitué au recours ;

qu’en revanche, et comme le SCAV y a conclu le 22 septembre 2025, il sera ordonné que B______ reste, jusqu’à droit jugé, en mains du SCAV et ne soit ni donnée, ni vendue ni mise à mort ;

que par ailleurs le recourant sollicite la suspension de la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale ;

que selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être ordonnée jusqu'à droit connu sur ces questions ;

que l’art. 14 LPA est une norme potestative et que son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/829/2025 du 5 août 2025 consid. 2.1 ; ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c) ; que la suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/994/2024 du 21 août 2024 ; ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5) ;

qu’en l’espèce, si les complexes de faits sont similaires, les questions juridiques posées ne sont pas les mêmes ; que dans un cas de séquestre de chien, la chambre administrative a déjà jugé que la suspension de la procédure administrative n’avait pas lieu d'être, en raison des finalités distinctes des procédures administrative et pénale (ATA/1397/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2b) ; que l’issue de la présente procédure ne dépend pas de la procédure pénale ; que pour le surplus de nombreuses pièces ont été versées à la présente procédure ; qu’il apparaît de prime abord qu’elles seraient suffisantes pour pouvoir trancher le fond du litige ; que de surcroît la suspension telle que souhaitée pourrait durer, ce qui n'apparait pas non plus dans l’intérêt du recourant au vu du présent refus de restitution de l’effet suspensif ;

que le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne que la chatte de race F______, nommée B______, née le ______ 2024 (RID 1______), reste jusqu'à droit jugé en mains du service de la consommation et des affaires vétérinaires et ne soit ni donnée, ni vendue ni mise à mort ;

rejette la requête d’effet suspensif pour le surplus ;

rejette la requête de suspension de la présente procédure ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laurent BAERISWYL, avocat du recourant, ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

 

 

Le président :

 

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :