Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3990/2024

ATA/997/2025 du 09.09.2025 sur JTAPI/318/2025 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3990/2024-PE ATA/997/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 septembre 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2025 (JTAPI/318/2025)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1992, est ressortissante de Bulgarie.

b. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), elle est arrivée à Genève le 8 octobre 2004. Elle y réside, depuis cette date, avec ses parents et son frère.

c. Elle a été mise au bénéfice de cartes de légitimation du 15 décembre 2004 au 7 novembre 2017, par regroupement familial avec son père travaillant auprès de la Mission permanente de C______ à Genève.

d. Le 20 mars 2017, elle a sollicité la délivrance d’une autorisation de séjour pour exercer une activité lucrative. Dans sa demande, elle a expliqué qu’elle résidait en Suisse depuis l’âge de 12 ans et qu’elle avait un contrat de travail de durée indéterminée pour une activité de vendeuse auprès de la société B______ Sàrl.

e. Une autorisation de séjour (Permis B) UE/AELE valable jusqu’au 5 juillet 2022 lui a été délivrée.

B. a. Le 1er juillet 2022, A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour.

Elle a exposé être confrontée à l’état de santé très compliqué de son père, lequel avait été hospitalisé plusieurs mois et pour qui elle avait consacré toute son énergie et son temps. Entre octobre 2022 et mai 2023, les choses s’étaient dégradées. Son père était enfin à la maison dans un état de santé médiocre et faible mais plusieurs personnes s’occupaient de lui et elle avait pu se décharger de certaines responsabilités.

b. Le 2 septembre 2024, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser le renouvellement de son autorisation de séjour ou l’octroi d’une nouvelle autorisation, et de prononcer son renvoi de Suisse. L’exécution de son renvoi apparaissait être a priori possible, licite et exigible. Un délai de 30 jours lui était accordé pour exercer par écrit son droit d’être entendu.

c. A______ n’a pas transmis d’observations.

d. Par décision du 1er novembre 2024, l’OCPM a refusé le renouvellement de son autorisation de séjour ou l’octroi d’une nouvelle autorisation. L’octroi d’une autorisation d’établissement était également refusé. L’OCPM prononçait également son renvoi de Suisse, avec un délai de départ au 1er février 2025.

Elle n’exerçait plus d’activité lucrative à tout le moins depuis le mois de septembre 2019 et ne disposait plus du statut de travailleur depuis le 1er novembre 2019, date à partir de laquelle elle a bénéficié de prestations d’aide sociale.

Elle ne remplissait pas les conditions relatives au droit de demeurer en Suisse, aucune raison majeure ne pouvant être reconnue.

Après sept années de séjour en Suisse, elle ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration dite exceptionnelle au point de ne plus raisonnablement exiger le renvoi en Bulgarie, ni que sa réintégration dans ce pays serait compromise. Il n’existait pas de motif démontrant que le retour en Bulgarie la placerait dans une situation personnelle d’extrême gravité.

Son intégration sociale et professionnelle ne pouvait à l’évidence pas être qualifiée de particulièrement poussée et irréprochable, bénéficiant de prestations d’aide sociale depuis le 1er novembre 2019 pour un montant de CHF 83'263.80 (état au 19 octobre 2024) et qu’elle faisait l’objet de 27 actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 31'747.80 (état au 24 juillet 2024). Elle n’avait pas acquis des connaissances à ce point spécifiques qu’elle ne pouvait les mettre en pratique dans son pays d’origine. En conséquence, son intégration en Suisse ne revêtait aucun caractère exceptionnel.

Sa situation personnelle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités en Bulgarie.

Pour ce qui était précisément de la situation médicale de ses parents et du support qu’elle leur apportait, ces derniers pouvaient être aidés par son frère, qui était également domicilié à Genève et au bénéfice d’une autorisation de séjour pour l’exercice d’une activité lucrative, valable jusqu’au 11 octobre 2025. Les problèmes de santé dont souffraient ses parents ne représentaient pas un motif déterminant, considérant qu’elle pouvait leur rendre visite et que ces derniers pourraient également recevoir des soins de qualité équivalente en Bulgarie.

En définitive, l’examen des circonstances et la pesée des intérêts en présence, dont ressortait la prépondérance de l’absence d’intégration sociale et économique par rapport à la durée de séjour de A______ en Suisse, ne faisait pas apparaître le refus de renouvellement de l’autorisation de séjour comme disproportionné, ni contraire au droit. Considérant qu’il existait un motif de révocation d’une autorisation de séjour, les conditions d’octroi d’une autorisation d’établissement n’étaient a fortiori pas réalisées.

C. a. Par acte du 30 novembre 2024, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI).

Sa réintégration sociale dans son pays d’origine était fortement compromise. Elle vivait en Suisse depuis plus de 20 ans et y était arrivée en tant que mineure. L’ensemble de sa famille proche était en Suisse et elle ne possédait en Bulgarie que des membres de sa famille éloignée avec qui elle n’entretenait aucune relation. Ses chances d’obtenir un emploi en Bulgarie étaient nulles, ne maîtrisant pas suffisamment le bulgare pour pouvoir trouver un emploi. Elle n’avait pas non plus terminé son cursus scolaire obligatoire et ne possédait aucune formation qu’elle pourrait faire valoir en Bulgarie. Enfin, elle ne connaissait pas le système administratif bulgare, de sorte qu’elle était devenue une parfaite étrangère. Ainsi, pour ce motif déjà, la décision de l’OCPM devait être annulée.

La décision de l’OCPM était manifestement disproportionnée. S’il était vrai qu’elle bénéficiait des aides sociales depuis que son droit au chômage s’était éteint, ce n’était pas par complaisance. La grave maladie qui avait atteint son père et la nécessité qu’il suive un traitement lourd, au point que son pronostic vital fut engagé, l’avaient particulièrement atteinte et avaient compliqué ses possibilités de retrouver un emploi rapidement. Cette situation avait perduré pendant plusieurs années et, malgré tout, elle avait suivi un stage pendant plusieurs mois dans le but de retrouver un emploi. L’état de santé de son père s’était toutefois stabilisé. Les dettes auxquelles elle faisait face étaient sur le point d’être liquidées suite à la procédure de désendettement entreprise par l’Hospice général (ci-après : l’hospice). Ces dettes étaient en réalité un problème administratif lié au fait qu’elle avait, par erreur, été inscrite à deux primes d’assurance maladie obligatoire, ce qui n’était pas de sa responsabilité et ne lui était donc pas imputable. L’amélioration prochaine de sa situation professionnelle lui permettrait, à terme, de sortir définitivement et durablement de l’aide sociale.

Au surplus, elle maîtrisait parfaitement le français, était inconnue des services de police et n’était pas inscrite dans le casier judiciaire.

Si, par impossible, le motif exposé ne devait pas suffire à lui octroyer la prolongation de son autorisation de séjour, il convenait d’analyser les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité, conditions semblant manifestement remplies.

Elle a notamment produit un courrier de l’hospice du 19 novembre 2024, selon lequel des démarches avaient été entamées en vue de procéder à son désendettement. Toutefois, une grosse partie des dettes étaient due à une double affiliation à l’assurance-maladie, problème qui avait été réglé. L’assurance CONCORDIA ASSURANCE SA n’avait toutefois pas fait les démarches pour annuler les poursuites.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

L’autorisation de séjour avait été délivrée à A______ en 2017 grâce à son emploi auprès de B______ Sàrl, et non pas en vertu des dispositions sur le regroupement familial. Elle était alors âgée de 25 ans et ne pouvait plus prétendre à une carte de légitimation, respectivement à un permis Ci. N’exerçant plus d’activité lucrative et percevant des prestations de l’aide sociale depuis 2019, elle ne contestait pas ne plus remplir les conditions pour l’octroi d’un tel permis.

Si les conditions d’admission sans activité lucrative n’étaient plus remplies, une autorisation de séjour pouvait être délivrée lorsque des motifs importants l’exigeaient. L’admission des personnes sans activité lucrative réelle et effective dépendait simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie. A______ résidait en Suisse depuis 2004. Bien que la durée de son séjour pouvait être qualifiée de longue, cet élément n’était pas déterminant à lui seul. Elle n’avait en particulier pas démontré être intégrée sur le plan professionnel et réalisait, de par sa dépendance durable à l’aide sociale, un motif de révocation. Les explications fournies à l’appui du recours en lien avec les graves problèmes de santé de son père ne suffisaient pas à justifier l’absence d’activité lucrative de 2019 à ce jour, d’autant plus que sa mère et son frère vivaient au même domicile et que des solutions alternatives, telles que le recours à l’aide à domicile, étaient possibles. Elle n’avait pas non plus allégué avoir été elle-même frappée par une incapacité de travail durable.

En tant que ressortissante de l’union européenne, elle pourrait prétendre à un nouveau titre de séjour dès qu’elle aurait un nouvel emploi lui permettant de subvenir à ses besoins.

c. Par jugement du 27 mars 2025, le TAPI a rejeté le recours.

A______ étant de nationalité bulgare, sa situation devait être examinée sous l'angle de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et de l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne1 et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203). Elle avait perdu sa qualité de travailleur, ce qu’elle ne semblait pas contester. Elle n’avait plus exercé d’activité professionnelle depuis novembre 2019, à l’exception de quelques mois de stage en 2022-2023. Elle se trouvait entièrement prise en charge par l’hospice. Elle ne semblait pas non plus effectuer de recherches d’emploi et ne démontrait pas qu’à brève échéance, elle serait à nouveau employée. En conséquence, les conditions pour le renouvellement de son autorisation de séjour sous l’angle de l'art. 6 § 1 Annexe I ALCP n’étaient plus remplies.

Elle ne disposait pas des moyens financiers nécessaires pour prétendre à la prolongation de son autorisation pour séjour sans activité lucrative. Elle se trouvait entièrement à la charge de l’hospice depuis plus de cinq ans – pour un montant ascendant, au 19 octobre 2024, à plus de CHF 83'000.- – et n’indiquait pas bénéficier d’autres sources de revenu, voire d’une fortune.

Enfin, aucun motif important ne commandait qu’elle puisse obtenir un titre de séjour en se fondant sur l’art. 20 OLCP. Elle résidait en Suisse depuis 2004, soit depuis plus de 20 ans, ce qui représentait une longue durée. Cela étant, cette durée de séjour n’était pas suffisante pour permettre, à elle seule, de lui octroyer le renouvellement de son autorisation de séjour. Son intégration sociale ne dépassait pas celle qui résultait ordinairement d'une telle durée de séjour, n’ayant pas fait valoir qu’elle se serait particulièrement engagée dans la vie culturelle ou associative genevoise, ou aurait créé des liens particulièrement marqués avec Genève. Son intégration ne pouvait être considérée comme réussie, d’une part parce qu’elle dépendait totalement de prestations de l’hospice depuis le novembre 2019 et, d’autre part, parce qu’elle faisait l’objet de 27 actes de défaut de bien. De plus, elle ne possédait pas de connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre à profit en Bulgarie, étant rappelé qu’elle avait elle-même reconnu ne jamais avoir terminé de formation professionnelle alors qu’elle avait suivi un cursus scolaire à Genève depuis qu’elle a 12 ans. Elle n’avait d’ailleurs pas prouvé, ni même allégué, qu'elle aurait développé des attaches si profondes avec la Suisse que son départ ne pourrait être exigé. Aucun élément ne permettait enfin de retenir que son retour en Bulgarie la placerait dans une situation plus difficile que celle de ses compatriotes restés au pays.

Concernant l’aide qu’elle apportait à son père malade, sa mère et son frère vivaient dans le même foyer qu’elle et pouvaient également prendre soin de son père ; de plus il existait des services d’aide à domicile. Elle pouvait également rendre visite à son père depuis la Bulgarie.

D. a. Par acte expédié le 20 mai 2025, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à la prolongation de son autorisation de séjour pour une « période d’une année supplémentaire ».

Contrairement à ce qui avait été retenu par le TAPI, elle effectuait des recherches d’emploi depuis de nombreux mois. Elle avait réussi à obtenir un stage auprès de D______ SA, une société de business consulting. Ce stage pourrait être suivi d’un contrat de travail. Elle était déterminée à obtenir un emploi qui lui permettrait de quitter définitivement l’aide sociale. Le TAPI n’avait pas pris en considération le fait qu’elle était arrivée en Suisse à l’âge de 12 ans. Elle avait construit l’ensemble de sa vie en Suisse, y avait tous ses repères et toutes ses relations sociales. Le TAPI n’avait pas non plus pris en compte le fait que toute sa famille se trouvait en Suisse et qu’elle ne connaissait personne dans son pays d’origine. Les seuls membres de sa famille qui y vivaient encore étaient des personnes particulièrement éloignées avec lesquelles elle n’avait aucun contact. La situation médicale de son père n’avait pas non plus été prise en considération. Elle était très bien intégrée en Suisse. Elle parlait parfaitement le français, langue qu’elle maîtrisait le mieux. Elle était inconnue des services de police et n’avait aucun casier judiciaire. Bien qu’elle fasse l’objet de dettes en raison d’une erreur administrative, celles-ci étaient sur le point d’être liquidées à la suite de la procédure de désendettement actuellement en cours auprès de l’hospice. Elle était motivée à retrouver un emploi après une période très difficile sur le plan familial.

Elle a produit un courrier de D______ SA daté du 28 mars 2025, confirmant que la société était disposée à l’accueillir en stage dans le cadre de son parcours de réinsertion professionnelle et précisant que la société envisageait l’ouverture de postes au cours du troisième trimestre de l’année, de sorte que le stage pourrait déboucher sur un éventuel poste au sein de l’entreprise. Étaient également produits des échanges de courriels entre l’hospice et la société, dont il résulte que le stage était prévu pour une durée de douze semaines.

b. Le 17 juin 2025, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM d’octroyer une autorisation de séjour à la recourante ainsi que sur son renvoi.

2.1 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’ALCP. La loi ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

2.2 En l'occurrence, la recourante est de nationalité bulgare, de sorte que sa situation est réglée par l'ALCP et l'OLCP, notamment l'Annexe I de l'Accord (art. 3, 4 et 6 ALCP).

3.             Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'Annexe I de l'accord (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 Annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante qui occupe un emploi, d'une durée égale ou supérieure à un an, au service d'un employeur de l'État d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Celui-ci est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs. Le caractère automatique de la prolongation n’empêche cependant pas la révocation ou le refus de prolongation de l’autorisation de séjour si les conditions requises pour sa délivrance ne sont plus remplies (cf. art. 23 OLCP).

Selon l'art. 6 al. 6 Annexe I ALCP, le titre de séjour en cours de validité ne peut être retiré au travailleur salarié du seul fait qu'il n'occupe plus d'emploi, soit que l'intéressé ait été frappé d'une incapacité temporaire de travail résultant d'une maladie ou d'un accident, soit qu'il se trouve en situation de chômage involontaire dûment constatée par le bureau de main-d’œuvre compétent.

3.2 La qualité de travailleur salarié constitue une notion autonome de droit de l'Union européenne (UE), qui doit s'interpréter en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après: la Cour de justice) (ATF 140 II 460 consid. 4.1 ; 131 II 339 consid. 3.1). Cette notion doit être interprétée de façon extensive. Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (existence d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et d'une rémunération). Cela suppose toutefois l'exercice d'activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires (ATF 141 II 1 consid. 2.2.4 ; 131 II 339 consid. 3.2 ; arrêt 2C_322/2020 du 24 juillet 2020 consid. 3.5.1).  

Pour apprécier si l'activité exercée est réelle et effective, il faut tenir compte de l'éventuel caractère irrégulier des prestations accomplies, de leur durée limitée ou de la faible rémunération qu'elles procurent. Ainsi, le fait qu'un travailleur n'effectue qu'un nombre très réduit d'heures – dans le cadre, par exemple, d'une relation de travail fondée sur un contrat de travail sur appel – ou qu'il ne gagne que de faibles revenus, peut être un élément indiquant que l'activité exercée n'est que marginale et accessoire (ATF 131 II 339 consid. 3.4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.2.2). À cet égard, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser qu'un travail exercé au taux de 80% pour un salaire mensuel de CHF 2'532.65 ne représentait pas un emploi à tel point réduit ou une rémunération si basse qu'il s'agirait d'une activité purement marginale et accessoire sortant du champ d'application de l'art. 6 Annexe I ALCP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1061/2013 du 14 juillet 2015 consid. 4.4). En revanche, le Tribunal fédéral a considéré qu'une activité à taux partiel donnant lieu à un salaire mensuel d'environ CHF 600.- à 800.- apparaissait tellement réduite et peu rémunératrice qu'elle devait être tenue pour marginale et accessoire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1137/2014 du 6 août 2015 consid. 4.4).

S'agissant des emplois d'insertion, le Tribunal fédéral a jugé qu'aucun motif de principe ne s'oppose à ce que des activités rémunérées proposées aux bénéficiaires de l'aide sociale dans le but de réinsertion sur le marché général de l'emploi soient réelles et effectives. Il a toutefois relevé que la notion d'activités réelles et effectives implique une appréciation au cas par cas, en fonction de toutes les circonstances d'espèce, ayant trait à la nature tant des activités concernées que de la relation de travail en cause (arrêts du Tribunal fédéral 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 5.3.1 ; 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.5 concernant un emploi d'insertion dont le salaire mensuel s'élevait à CHF 3'000.-).

3.3 En procédant à une interprétation de ces principes, le Tribunal fédéral a jugé qu'un étranger au bénéfice d'une autorisation de séjour UE/AELE peut perdre le statut de travailleur au sens de l'ALCP et par conséquent se voir refuser la prolongation, respectivement se voir révoquer l'autorisation de séjour dont il est titulaire si 1) il se trouve dans un cas de chômage volontaire ; 2) on peut déduire de son comportement qu'il n'existe (plus) aucune perspective réelle qu'il soit engagé à nouveau dans un laps de temps raisonnable ou 3) il adopte un comportement abusif, par exemple, en se rendant dans un autre État membre pour y exercer un travail fictif ou d'une durée extrêmement limitée dans le seul but de bénéficier de prestations sociales meilleures que dans son État d'origine ou que dans un autre État membre (ATF 144 II 121 consid. 3.1 in RDAF 2019 I p. 534 ; 141 II 1 consid. 2.2.1 ; ATA/156/2020 du 11 février 2020 consid. 5b).

3.4 En l’espèce, la recourante s’est vue délivrer une autorisation de séjour UE/AELE d’une durée de cinq ans, soit jusqu’au 5 juillet 2022. La question qui se pose est de savoir si l'intéressée a perdu la qualité de travailleuse salariée.

Il ressort de l’extrait de son compte individuel, qu’hormis un emploi de courte durée en 2018 ayant généré un revenu total de CHF 2'400.-, la recourante n’a plus exercé d’activité professionnelle depuis 2017, à l’exception de quelques mois de stage en 2022 et 2023. Elle a perçu des indemnités de chômage en 2018 et 2019, puis s’est trouvée entièrement prise en charge par l’hospice. Il convient donc de considérer qu’au plus tard à fin 2019, elle ne pouvait plus être qualifiée de travailleuse au sens de l’ALCP. En effet, à ce moment-là, elle avait épuisé son droit aux indemnités de chômage et émargeait à l’aide sociale. De plus, elle ne semblait pas être en mesure de trouver un emploi durable au regard des deux ans passés sans activité lucrative et de son manque de qualification professionnelle.

Devant la chambre de céans, elle se prévaut d’un contrat de stage qu’elle serait sur le point de signer pour une durée de douze semaines. Or, outre le fait qu’une telle activité ne saurait être considérée comme étant réelle et effective au sens de la jurisprudence précitée, elle ne suffit à l’évidence pas pour retenir qu’il existe une perspective réelle qu’elle soit engagée à nouveau dans un laps de temps raisonnable. On ne trouve en particulier au dossier aucune promesse d’engagement à court terme lui permettant de sortir définitivement et durablement de l’aide sociale. Quant à l’argument tiré de la nécessité de s’occuper de son père depuis 2019, il ne permet pas de justifier, au regard des dispositions précitées, l’absence d’activité lucrative durant cette période, ce d’autant plus que d’autres membres de la famille, vivant dans le même foyer, auraient été en mesure de l’assister.

Force est dès lors d'admettre que la recourante a perdu sa qualité de travailleuse au sens des dispositions de l'ALCP. Les conditions pour le renouvellement de son autorisation de séjour sous l’angle de l'art. 6 § 1 Annexe I ALCP ne sont dès lors plus remplies.

4.             Il convient donc d’examiner si elle remplit les conditions de l’art. 24 § 1 Annexe I ALCP.

4.1 Selon l’art. 24 § 1 Annexe I ALCP, une personne ressortissante d’une partie contractante n’exerçant pas d’activité économique dans l’État de résidence et qui ne bénéficie pas d’un droit de séjour en vertu d’autres dispositions de l'accord reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à condition qu’elle prouve aux autorités nationales compétentes qu’elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l’aide sociale pendant leur séjour (let. a) et d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des risques (let. b). Les moyens financiers susvisés sont considérés comme suffisants lorsqu’ils dépassent le montant en dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle et, le cas échéant, et à celle des membres de leur famille, peuvent prétendre à des prestations d’assistance (art. 24 § 2 Annexe I ALCP).

Le requérant n’exerçant pas d’activité économique et ne disposant pas de revenus suffisants pour ne pas devoir faire appel à l’aide sociale ne saurait bénéficier d’une autorisation de séjour au sens de l’art. 24 § 1 annexe I ALCP (arrêts du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 6 ; 2C_567/2017 du 5 mars 2018 consid. 5.1).

4.2 Selon l'art. 16 al. 1 OLCP, les moyens financiers sont réputés suffisants s’ils dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » de la Conférence suisse des institutions d'action sociale, à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. En d'autres termes, on considère que la condition de l'art. 16 al. 1 OLCP est remplie si les moyens financiers d'un citoyen suisse, dans la même situation, lui fermeraient l'accès à l'aide (ATF 144 II 113 consid. 4.1 ; 142 II 35 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_987/2019 du 8 juillet 2020 consid. 5.1).

Les conditions posées à l'art. 24 § 1 annexe I ALCP servent uniquement à éviter de grever les finances publiques de l'État d'accueil. Ce but est atteint, quelle que soit la source des moyens financiers permettant d'assurer le minimum existentiel de l'étranger communautaire et sa famille (ATF 144 II 113 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2015 du 2 novembre 20215 consid. 3.4.2).

4.3 En l’espèce, la recourante se trouve entièrement à la charge de l’hospice depuis plus de six ans – pour un montant ascendant, au 19 octobre 2024, à plus de CHF 83'000.- – et n’indique pas bénéficier d’autres sources de revenu, voire d’une fortune. 

Ainsi, dans la mesure où la couverture des besoins minimaux de la recourante nécessite le versement de prestations financières de l’hospice, elle ne peut pas se prévaloir de l'art. 24 § 1 annexe I ALCP et de l’art. 16 OLCP pour obtenir une autorisation de séjour.

5.             Reste à examiner si la recourante peut, à un autre titre, obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour.

5.1 Selon l’art. 20 OLCP, si les conditions d'admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l'ALCP ou au sens de la Convention instituant l'AELE, une autorisation de séjour UE/AELE peut être délivrée lorsque des motifs importants l'exigent. Il n'existe cependant pas de droit en la matière, l'autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l'approbation du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM ; art. 29 OLCP). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

S'agissant de la notion de « motifs importants », les conditions posées à l’admission de l’existence de tels motifs au sens de l'art. 20 OLCP correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l'art. 30 al. 1 let. b LEI en lien avec les précisions apportées par l’art. 31 OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-4332/2018 du 20 août 2019 consid. 6.2 et les arrêts cités).

Dès lors que l'admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP et l'art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (par ex. frère et sœur, oncle, neveu, tante ou nièce ; Directives OLCP ch. 8.5).

5.2 Selon l’art. 31 al. 1 OASA, pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration de la personne requérante sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive. Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

5.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

La durée de présence en Suisse d’un étranger constitue un critère très important. Les mesures d’éloignement sont ainsi soumises à des conditions d’autant plus strictes que l’intéressé a séjourné en Suisse durant une longue période (ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 5.3). Le renvoi d’étrangers vivant depuis longtemps en Suisse, voire ceux qui y sont nés et y ont passé toute leur existence, n’est exclu ni par l’ALCP, ni par la CEDH (ATF 130 II 176 consid. 4.4 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_401/2012 du 18 septembre 2012 consid. 3.3). À cet égard, les années passées en Suisse dans l’illégalité, en prison ou au bénéfice d’une simple tolérance ne sont pas déterminantes dans la pesée des intérêts (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_317/2012 du 17 octobre 2012 consid. 3.7.1).

L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 ; 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; ATA/394/2023 précité consid. 2.7 ; ATA/434/2020 précité consid. 10a).

5.4 Même si le droit interne ne confère pas de droit au regroupement familial, il est admis que l'art. 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH - RS 0.101) peut conférer, à certaines conditions, un droit de séjourner en Suisse aux enfants étrangers encore mineurs, notamment si leurs parents disposent d'un droit certain à une autorisation de séjour, soit d'un droit de présence assuré en Suisse leur permettant de résider durablement dans le pays (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.1 ; 137 I 284 consid. 2.6 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.2.2 ; 122 II 1 consid. 1e). L'art. 8 CEDH vise en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 144 II 1 consid. 6.1 ; 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1). Le Tribunal fédéral admet toutefois qu'un étranger peut, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 § 1 CEDH, s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire), notamment un enfant majeur, au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'un handicap - physique ou mental - ou d'une maladie grave dont il souffrirait (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1; 140 I 77 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_279/2021 du 16 novembre 2021 consid. 4.2 ; 2C_433/2021 du 21 octobre 2021 consid. 6.1 et autres références citées).

Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH n'ouvre le droit à une autorisation de séjour qu'à des conditions restrictives. L'étranger doit en effet établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (cf. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres (cf. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/2014 du 4 mars 2015 consid. 5.2).

6.             Dans le cas particulier, la recourante se prévaut de la durée de son séjour en Suisse et le fait qu’elle y a passé son adolescence, son intégration scolaire, les attaches familiales, les difficultés auxquelles elle serait confrontée en cas de retour dans son pays d’origine et l’état de santé de son père.

Arrivée en octobre 2004 avec ses parents, elle a d’abord obtenu une carte de légitimation du DFAE, puis une autorisation de séjour, valable jusqu’au 5 juillet 2022. À ce jour, elle totalise ainsi près de vingt et un ans de séjour en Suisse, ce qui constitue sans conteste une durée importante. S’ajoute à cela que la recourante est arrivée en Suisse à l’âge de 12 ans. Elle a ainsi passé son adolescence en Suisse, soit une période jugée essentielle pour la formation de la personnalité. Cette longue durée de séjour doit toutefois être relativisée, dès lors que, de 2004 à 2017, il a été effectué au bénéfice d’une carte de légitimation. En effet, selon la jurisprudence, la durée du séjour accompli à ce titre n'est en principe pas déterminante pour la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. En effet, compte tenu de leur caractère temporaire, les séjours sous carte de légitimation du DFAE ne sauraient être pris en considération, pas plus que les séjours précaires (cf. notamment ATAF 2007/45 consid. 6.3 ; 2007/44 consid. 4.3 et 5.2 ; 2007/16 consid. 5.4; voir également l'arrêt du TAF C-2146/2012 du 15 octobre 2013 consid. 6.2). La présence en Suisse d'un étranger qui y séjourne au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE est en effet liée à la fonction occupée par lui-même ou le membre de sa famille (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2D_3/2024 du 2 mai 2024 consid. 1.2.1 ; 2C_1023/2016 du 11 avril 2017 consid. 6.3; 2C_360/2016 du 31 janvier 2017 consid. 5.4). Il s’ensuit que la recourante ne saurait tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission. La durée de son séjour en Suisse, accompli en partie durant la période d’adolescence, constituent ainsi des éléments à prendre en considération dans l’appréciation de l’ensemble de sa situation.

Or, comme l’a relevé l’autorité intimée, la recourante ne peut pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable. La recourante reconnait n’avoir jamais terminé de formation professionnelle alors qu’elle a suivi un cursus scolaire à Genève depuis l’âge de 12 ans. Selon son extrait de compte individuel, son emploi auprès de B______ Sàrl n’a duré que dix mois. Elle n’a, depuis, pas retrouvé d’activité lucrative, hormis un stage effectué en 2022-2023. Comme déjà indiqué, elle dépend entièrement de l’aide sociale depuis 2019 et fait l’objet de 27 actes de défaut de bien. Le prétendu assainissement prochain de sa situation financière n’est aucunement documenté. La recourante ne peut être suivie en tant qu’elle fait valoir que ces dettes ne seraient qu’un problème administratif lié au fait qu’elle avait, par erreur, avait souscrit à deux primes d’assurance maladie obligatoire. Il ressort en effet du décompte global établi par l’office cantonal des poursuites le 24 juillet 2024 que la dette de CONCORDIA ASSURANCE SA n’est citée qu’une fois parmi les 27 actes de défaut de biens.

Certes, la recourante maîtrise parfaitement le français et dispose à Genève de sa famille proche, en particulier ses parentes et son frère, avec qui elle réside. Par ailleurs, compte tenu de la durée de son séjour en Suisse et de son arrivée à l’âge de 12 ans, elle y a vraisemblablement tissé des liens sociaux importants. Elle ne l’a toutefois aucunement allégué, ni a fortiori, démontré. Il convient donc de retenir que son intégration en milieu socio-professionnel n’est pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet, et cela quand bien même il nécessitera un effort d’adaptation important.

Quant à l’aide apportée à son père, elle ne suffit à l’évidence pas pour retenir un rapport de dépendance particulier fondant un droit à une autorisation de séjour au sens de la jurisprudence précitée. Il convient par ailleurs de relever, comme l’a fait la juridiction précédente, que sa mère et son frère, qui vivent dans le même foyer qu’elle, peuvent également prendre soin de son père et qu’il existe des services d’aide à domicile. Il apparait au demeurant que l’état de santé de son père est désormais stabilisé, ce que la recourante ne conteste pas.

Compte tenu de ces éléments, l'OCPM n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'aucun motif important ne justifiait la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de la recourante sur la base de l'art. 20 OLCP.

7.             Il convient encore d’examiner le bien-fondé de la décision de renvoi.

7.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé. Le renvoi d'un étranger ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

7.2 En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que l'exécution du renvoi serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l'art. 83 LEI ; la recourante ne fait d'ailleurs pas valoir que tel serait le cas. La décision de renvoi est donc fondée.

Mal fondé, le recours sera rejeté. Comme l’ont indiqué l’OCPM et le TAPI, la recourante pourra prétendre à un nouveau titre de séjour dès qu’elle aura obtenu un nouvel emploi lui permettant de subvenir à ses besoins.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mai 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 mars 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'au Secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.