Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2669/2025

ATA/972/2025 du 08.09.2025 ( FPUBL ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2669/2025-FPUBL ATA/972/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 8 septembre 2025

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Nathalie PERUCCHI, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

 



Vu, en fait, le recours formé le 4 août 2025 devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) du 17 juillet 2025 résiliant ses rapports de service avec effet au 31 juillet 2025, au motif qu’elle avait été mise au bénéfice d’une rente complète de l’assurance invalidité depuis le 1er février 2019 ; que la décision devait être annulée et sa réintégration dans sa fonction de maîtresse d’enseignement professionnel ordonnée ; que préalablement l’effet suspensif devait être restitué au recours ;

qu’elle était titulaire du brevet d’avocate depuis le 1er décembre 2008, avait travaillé plusieurs années comme salariée puis s’était installée en 2015 comme avocate indépendante ; elle avait en parallèle été engagée pour la rentrée scolaire 2016-2017 en qualité d’enseignante suppléante en droit auprès de l’école de culture générale (ci‑après : ECG) B______ ; son poste avait évolué en septembre 2017 ; le 6 mars 2018 elle avait été victime d’une rupture d’anévrisme cérébrale, qui avait entraîné la perte de l’usage de ses deux jambes ainsi qu’une atteinte sévère du nerf optique gauche ; elle avait également subi deux lésions ischémiques qui avaient eu des répercussions sur la motricité fine de la main droite et son plancher pelvien ; la directrice de l’ECG avait accepté de maintenir son contrat d’enseignante vacataire à 2.33 périodes d’enseignement pour l’année scolaire 2018-2019 ; la directrice connaissait ses démarches auprès de l’assurance-invalidité (ci‑après : AI) et son souhait de maintenir une activité accessoire d’enseignante et de reprendre une activité d’avocate indépendante à 40% ; elle n’était pas parvenue à maintenir son activité d’avocate mais avait honoré sa charge d’enseignement de 3.85 périodes d’enseignement pour l’année 2019-2020, sous le regard bienveillant de sa directrice ; la rééducation lui avait permis de rétablir l’usage de ses jambes, la motricité de sa main droite et son plancher pelvien ; le médecin mandaté par l’AI avait reconnu qu’elle connaissait des limitations fonctionnelles durables, soit un manque d’endurance, une fatigabilité, un trouble de concentration, une faiblesse et un manque de dextérité de la main droite, une difficulté à gérer le stress, un léger déficit d’attention sélective, un ralentissement et une fragilité émotionnelle ; elle devait privilégier une activité avec des tâches clairement définies et sans pression temporelle ; le 22 avril 2020, l’AI lui avait octroyé une rente d’invalidité complète avec effet rétroactif au 1er février 2019 ; elle avait suivi une formation d’enseignante à la formation professionnelle et obtenu brillamment son certificat le 13 juillet 2024 ; une visite en classe et un entretien du 14 janvier 2024 avaient mis en avant positivement ses prestations ; elle avait été engagée le 20 août 2024 par le DIP en qualité de maîtresse d’enseignement professionnel à un taux de 21.16% correspondant à 5.08 périodes d’enseignement ; elle avait été victime le 27 janvier 2025 d’un grave accident de scooter ; alors qu’elle était à l’arrêt depuis plusieurs mois, le DIP lui avait remis un formulaire d’annonce précoce à l’AI, ce dont elle s’était étonnée auprès de lui puisqu’elle était déjà à l’AI ; sa directrice lui avait remis son horaire pour l’année 2025‑2026, lequel respectait le retour thérapeutique prévu ; sans préavis ni entretien de service ni visite chez le médecin‑conseil, elle avait reçu le 23 juillet 2025 la décision mettant fin à ses rapports de service ;

la décision était peu claire et ne mentionnait pas qu’elle était exécutoire nonobstant recours ; le délai de congé laissait entendre que le licenciement était avec effet immédiat ; son droit d’être entendue avait été violé ; aucune faute grave ne pouvait lui être reprochée ; la décision violait le principe de la bonne foi, sa directrice étant au courant de son état de santé et de sa rente AI ; la décision violait la loi ;

que le DIP a conclu le 15 août 2025 au rejet de la demande d’effet suspensif et du recours ; au moment de la reconduction de son contrat de vacataire le 13 juillet 2020, la recourante avait attesté par sa signature que son état de santé n’occasionnait aucune entrave importante et n’avait pas transmis à sa hiérarchie la décision de l’AI du 22 avril 2020 ; à chacune des reconductions ultérieures de son contrat, elle avait renouvelé l’attestation et n’avait pas transmis la décision de l’AI ; il en était allé de même lors de la signature, le 12 septembre 2024, de son contrat d’engagement en qualité de chargée d’enseignement ; son mari avait informé, le 23 juin 2025, la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES-II) qu’elle bénéficiait d’une rente AI à 100% et avait produit la décision d’octroi, laquelle ne mentionnait pas le degré d’invalidité ; à la demande de la DGES-II, il avait communiqué la décision mentionnant le degré d’invalidité ; la décision mettant fin aux rapports de service était fondée ; la recourante avait fait l’objet d’un examen médical approfondi dans le cadre de l’octroi de sa rente AI, dont il ressortait qu’elle était en incapacité de travail à 100% dans toute activité ; aucun document au dossier ne démontrait que son état de santé s’était amélioré et qu’elle avait retrouvé une capacité résiduelle ; le DIP n’avait pas connaissance de la décision AI et du fait qu’elle avait été reconnue en incapacité à 100% ; s’il l’avait su, il n’aurait pas continué à lui attribuer des heures d’enseignement comme vacataire puis comme chargée d’enseignement ; elle était en outre à l’arrêt à 100% depuis le 27 janvier 2025 ; selon l’attestation médicale du 8 juillet 2025 qu’elle avait produite, son état de santé ne lui permettait pas de revenir à son poste de travail au taux initialement prévu dans le projet d’horaire, soit 4 périodes hebdomadaires ; la reprise du travail devait se faire selon un aménagement horaire précis ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a indiqué qu’elle avait tenu informée sur son état de santé et son invalidité sa responsable hiérarchique, soit la directrice de l’ECG, dont elle demandait l’audition ; dans un rapport du 8 juillet 2025, la docteure C______, neurologue, avait attesté qu’elle était apte à reprendre son activité de chargée d’enseignement dès le 15 août 2025 en prescrivant des modalités de retour thérapeutiques ; elle bénéficiait d’une faible rente, d’environ CHF 2'000.- et la perte de son revenu d’enseignante, d’environ CHF 1'500.- précariserait sa situation ;

que, le 29 août 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux‑ci, par un ou une juge ;

que l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) prévoit que, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; qu’elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ; que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que selon l’art. 66 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE ‑ B 5 10.04), est une chargée ou un chargé d'enseignement la maîtresse ou le maître au bénéfice de tous les titres requis pour l'enseignement et, dans l'enseignement professionnel, de l'expérience professionnelle exigée : (a) qui est en période probatoire en vue d'une nomination ; (2) qui exerce dans l'enseignement professionnel une activité accessoire à l'année parallèlement à une activité professionnelle principale du même domaine ; (3) qui dispense un enseignement professionnel spécialisé pour une durée déterminée ; (4) qui exerce une activité d'enseignement à temps partiel inférieure à 50%, dans des situations particulières justifiées ; l’engagement d'une chargée ou d'un chargé d'enseignement est du ressort de la direction générale concernée (art. 67 al. 1 RStCE) ; le contrat d’engagement est un contrat de droit public et les chargées et chargés d’enseignement ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les fonctionnaires (art. 67A RStCE) ;

que selon l’art. 70 RStCE, le contrat d’engagement fait l’objet d’une lettre adressée à l’intéressé par l’autorité d’engagement (al. 1) ; la lettre d’engagement mentionne notamment : le fait que l’engagement est de durée indéterminée ; exceptionnellement, le contrat peut être de durée déterminée ; dans ce cas, l’engagement correspond à une période dûment précisée, d’une année scolaire au maximum (al. 2 let. c) ; la durée de la période probatoire, qui est, en principe, de 2 ans ou, si le contrat est de durée déterminée, le fait qu’il prend fin à son échéance, sous réserve de l’art. 76 (al. 2 let. e) ; la charge de l’enseignement et la répartition des périodes hebdomadaires (al. 2 let. f) ; le nombre de périodes hebdomadaires confiées à la chargée ou au chargé d’enseignement dépend prioritairement des besoins de l’administration et n’est pas nécessairement identique d’une année scolaire à l’autre (al. 3) ;

que selon l’art. 76 RStCE, les rapports de service d'une chargée d'enseignement ne peuvent prendre fin que dans les cas suivants : (a) résiliation des rapports de service (art. 78) ; (b) invalidité (art. 79) ; (c) démission (art. 79A) ;

que l’art. 78 RStCE prévoit que la direction d’établissement scolaire, agissant d’entente avec la direction des ressources humaines compétente du département, peut mettre fin aux rapports de service avec préavis de 3 mois pour la fin d’un mois : (a) en cas de suppression de l’activité exercée par la chargée ou le chargé d’enseignement ; (b) en cas d’insuffisance de prestations ; (c) en cas d'inaptitude à remplir les exigences du poste ; (d) en cas de disparition durable d'un motif d'engagement (al. 1) ; la direction d’établissement scolaire, agissant d’entente avec la direction des ressources humaines compétente du département, peut libérer, le cas échéant immédiatement, la chargée ou le chargé d’enseignement de son obligation de travailler (al. 2) ; la conseillère d'État chargée du DIP peut mettre fin aux rapports de service avec effet immédiat, en particulier en cas de violation grave des devoirs de service ou de fonction ; dans ce cas, elle libère en principe immédiatement la chargée d’enseignement de son obligation de travailler (al. 3) ; la décision est notifiée par lettre motivée après que l'intéressée a été entendue (al. 4) ;

que l’art. 79 RStCE prévoit que la conseillère d'État chargée du département peut mettre fin aux rapports de service lorsqu'une chargée d'enseignement n'est plus en mesure, pour des raisons de santé ou d'invalidité, de remplir ses devoirs de fonction (al. 1) ; il ne peut être mis fin aux rapports de service que s’il s’est avéré impossible de reclasser la chargée ou le chargé d’enseignement dans une autre fonction (al. 2) ; l’incapacité de remplir les devoirs de service, à moins qu’elle ne soit reconnue d’un commun accord par le département, la caisse de prévoyance et la chargée d’enseignement, doit être constatée par le médecin‑conseil de l’État, à la suite d’un examen médical approfondi pratiqué en collaboration avec le médecin de la caisse de prévoyance et le ou les médecins traitants de l’intéressée (al. 3) ;

que selon l’art. 79 RStCE, la chargée d'enseignement peut résilier les rapports de service sous préavis donné un mois à l’avance pour la fin d’un mois durant la première année de service, de trois mois à l'avance pour la fin d'un mois ultérieurement ;

que sous la note marginale « résiliation en temps inopportun », l’art. 40A RStCE prévoit que les art. 336c et 336d de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sont applicables par analogie (al. 1) ; après l'accouchement, le délai de protection de la mère est de 20 semaines (al. 2) : les cas de révocation, selon l'art. 142 al. 1 let. c ch. 2 de loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) et de résiliation pour motif fondé (période probatoire), avec effet immédiat, demeurent réservés (al. 3) ;

que l’art. 336c al. 1 let. b CO prévoit qu’après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputables à la faute du travailleur, et cela, durant 30 jours au cours de la première année de service, durant 90 jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant 180 jours à partir de la sixième année de service ; que selon l’a. 2 de la même disposition, le congé donné pendant une des périodes prévues à l’al. 1 est nul ; si le congé a été donné avant l’une de ces périodes et si le délai de congé n’a pas expiré avant cette période, ce délai est suspendu et ne continue à courir qu’après la fin de la période ;

qu’il n’est pas contesté, en l’espèce, que la recourante a le statut de chargée d’enseignement selon un contrat signé le 12 septembre 2024, pour une durée illimitée ; qu’elle expose enseigner depuis 2016 sans être contredite ;

que la décision attaquée invoque l’incapacité de remplir les devoirs de fonction en raison d’une invalidité à 100% ; elle ne mentionne pas qu’elle est prononcée avec effet immédiat ; la recourante n’a par ailleurs pas été libérée de son obligation de travailler et soutient être apte à travailler ; enfin, la décision ne mentionne pas qu’elle est exécutoire nonobstant recours et l’intimé ne le soutient pas dans ses observations sur effet suspensif ;

que, quelque fondée que puisse être la décision au fond, ce qu’il appartiendra à l’instruction d’établir, il appert que celle-ci n’a pas été déclarée exécutoire nonobstant recours, de sorte que le recours a effet suspensif en application de l’art. 66 al. 1 LPA, ce qui sera constaté ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

constate que le recours a effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Nathalie PERUCCHI, avocate de la recourante ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

 

 

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN RUFFINEN

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :