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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1132/2025

ATA/930/2025 du 26.08.2025 sur JTAPI/649/2025 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : DÉLAI;RETARD;CONDITION DE RECEVABILITÉ;AVANCE DE FRAIS
Normes : LPA.86
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1132/2025-LCI ATA/930/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 août 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourants
B______

C______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2025 (JTAPI/649/2025)


EN FAIT

A. a. Par jugement du 16 juin 2025, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a déclaré irrecevable pour défaut de paiement de l’avance de frais le recours formé par A______, B______ et C______ le 28 mars 2025 contre la décision du département du territoire (ci-après : DT) du 26 février 2025.

Par lettre recommandée du 2 avril 2025, le TAPI avait imparti aux recourants un délai échéant le 2 mai 2025 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 900.-, sous peine d’irrecevabilité de leur recours.

Les services financiers du Pouvoir judiciaire avaient enregistré le paiement de l’avance de frais du montant de CHF 900.- à la date déterminante du 5 mai 2025.

Interpellés par le TAPI sur la date de leur versement, A______, pour le compte des recourants, avait précisé avoir donné l’ordre de paiement à sa banque le vendredi 2 mai 2025. Malheureusement, il n’avait été exécuté que le lundi 5 mai 2025. Elle joignait un échange de courriels avec sa banque, laquelle expliquait que les paiements saisis après 13h00 s’exécutaient le jour ouvrable suivant. Ainsi, son paiement avait été débité le 5 mai 2025.

B. a. Par courrier du 17 juillet 2025, A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Elle reconnaissait avoir effectué le paiement l’après-midi du jour de l’échéance et avoir été adéquatement informée par la lettre l’invitant au paiement que la date du débit du compte était déterminante et non celle de l’ordre de paiement. Le jugement du TAPI apparaissait cohérent et inattaquable. Elle assumait sa pleine responsabilité. Sa conscience l’avait toutefois motivée à interpeller la justice afin que les considérations humaines et la souffrance physique puissent être pris en considération. Par sa faute, un co-recourant, souffrant d’une hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, voyait son recours déclaré irrecevable. Il habitait l’immeuble concerné par l’installation de l’antenne, au 61 rue D______. Il avait déjà dû déménager en raison d’une antenne à proximité qui affectait sa santé, notamment son pouvoir d’attention, sa fatigabilité et son sommeil. Or, à peine installé dans son nouveau logement, il avait appris que Swisscom avait un projet d’antenne sur le toit. L’intéressé souhaitait, dans le cadre du présent recours, pouvoir être entendu au moins une fois pour évoquer sa souffrance face aux antennes 5G.

À l’origine, le recours était motivé par sa profonde révolte qu’une antenne soit fixée en face d’une école primaire et à côté d’un foyer pour adolescents. Si elle était peu impactée, habitant à une certaine distance de cette installation, la situation était tout autre pour les époux B______ C______ puisque l’antenne projetée se situait exactement au‑dessus de leur montée d’immeuble.

Il convenait donc de mettre en balance les 2h30 de retard de l’ordre de paiement qui avait entraîné l’irrecevabilité du recours et la vie d’un homme, déjà lourdement handicapé par les conséquences des ondes électromagnétiques et qui le serait encore davantage dans le futur si l’antenne litigieuse pouvait être installée.

Elle espérait une oreille bienveillante pour reconsidérer le jugement d’irrecevabilité.

b. Les époux B______ C______ ont cosigné le recours dans le délai.

c. Le DT n’a pas été invité à se déterminer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI déclarant le recours irrecevable en l’absence du paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

2.1 Selon l’art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l’avance de frais n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

2.2 La référence au « délai suffisant » de l’art. 86 al. 1 LPA laisse une certaine marge d'appréciation à l’autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c).

2.3 La LPA ne prévoit pas, contrairement à l’art. 62 al. 3 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), l'octroi d'un délai supplémentaire lorsque le versement de l'avance de frais n'est pas effectué dans le délai fixé. L'octroi d'un tel délai ne résulte pas non plus d'une pratique constante du TAPI (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4 ; ATA/830/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.1.2 ; ATA/1234/2022 du 6 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/684/2021 du 29 juin 2021 consid. 4g ; ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 6b).

2.4 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressée a été empêchée sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2 et les arrêts cités). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’influence de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/394/2024 du 19 mars 2024 consid. 2.4 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et les références citées).

2.5 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

La sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2). L'irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l'avance de frais ne peut cependant intervenir que si la partie a été avertie de façon appropriée du montant à verser, du délai fixé pour le versement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; 104 Ia 105 consid. 5). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_107/2019 du 27 mai 2019 consid. 6.3 ; 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées).

2.6 En l’espèce, les recourants ne contestent pas ne pas s’être acquittés de l'avance de frais en faveur du TAPI dans le délai imparti. Ils ne soutiennent, à juste titre, pas non plus que le délai de paiement d’un mois qui leur avait été imparti aurait été insuffisant.

Ils ne se prévalent pas non plus d’un empêchement non fautif de s’acquitter de l’avance de frais dans le délai imparti.

Les recourants sollicitent l’empathie de la chambre de céans et une certaine compréhension sur les conséquences médicales que pourrait avoir la confirmation du jugement du TAPI pour l’un d’entre eux. Or, les principes de la légalité et de l'égalité de traitement ancrés aux art. 5 al. 1 et 8 al. 1 Cst. s'opposent à ce que soit prise en compte la gravité des conséquences du retard du paiement de l'avance sur la situation conformément à la jurisprudence précitée. Ils se prévalent dès lors en vain de la disproportion qui existerait entre le retard de 2h30 pour le paiement de l'avance de frais et les effets négatifs qui résulteraient pour l’un d’entre eux principalement de l'irrecevabilité de leur recours.

Enfin, en application de la jurisprudence constante, le TAPI n’avait pas à leur fixer un nouveau délai pour s’acquitter de l'avance de frais, ni la LPA ni la pratique ne le prévoyant, comme exposé ci-avant.

Les recourants n’ayant pas été empêchés d’agir sans faute de leur part dans le délai imparti par le TAPI, c’est à bon droit que ce dernier a déclaré le recours irrecevable.

Le jugement étant conforme à la loi, le recours, manifestement mal fondé, sera rejeté, ce que la chambre de céans peut constater sans échange d’écritures (art. 72 LPA).

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2025 par A______, B______ et C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______, B______ et C______ ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, B______ et C______, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :