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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/514/2024

ATA/900/2025 du 19.08.2025 sur JTAPI/519/2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.09.2025, 9C_536/2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/514/2024-ICCIFD ATA/900/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Jean-Marie CRETTAZ, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mai 2025 (JTAPI/519/2025)


EN FAIT

A. a. Le litige porte sur une procédure en rappel d’impôt et en soustraction fiscale ouverte à l’encontre de A______ et B______, résidant à Genève (avenue C______ 1______) pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) de la période fiscale 2010.

b. L’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a également ouvert une procédure en rappel d’impôt et soustraction fiscale à l’encontre des contribuables pour les périodes fiscales 2011 à 2019, actuellement en cours d’instruction.

Activités du contribuable

B. a. B______ exerçait une activité indépendante de conseil et de gestion en matière financière.

b. Le 30 juin 2005, il a ouvert auprès du D______ une relation bancaire au nom de « E______» (ci-après : le compte E______). Il était désigné comme ayant droit économique des valeurs patrimoniales déposées auprès de cette relation.

c. À teneur d’un formulaire A daté du 15 mai 2009, le contribuable était également l’ayant droit économique d’un compte no 2______, ouvert auprès du D______ au nom de F______ (ci-après : le compte F______).

d. Le contribuable était en outre actionnaire de G______, sise H______, laquelle exploitait la plus grande blanchisserie industrielle des Caraïbes. Lorsque le fondateur était décédé à la fin de l’année 2008, il avait proposé de diriger G______ et en avait convaincu les autres actionnaires.

e. Le contribuable était par ailleurs un ami proche de I______. Tous deux se connaissaient depuis 1972 et entretenaient une relation d’affaires de longue date, essentiellement sous forme d’une activité de conseil du contribuable en faveur de I______ et de sa famille.

f. En 2004, B______ a créé, d’entente avec I______, la société J______, sise aux Îles Vierges britanniques. B______ en était l’administrateur unique.

En octobre 2008, ce dernier a ouvert, en accord avec I______, une relation bancaire pour le compte de J______ auprès de la banque K______ (ci-après : la banque K______), sise à Genève. B______ était identifié en tant qu’ayant droit économique de ladite relation et disposait de la signature individuelle sur les comptes ouverts au nom de J______.

g. Le 7 novembre 2008, il a conclu avec I______ un contrat de fiducie relatif à J______.

Ce contrat prévoyait notamment que B______ était propriétaire à titre fiduciaire de la totalité des actions de J______, lesquelles appartenaient entièrement à I______, et qu’il était autorisé à ouvrir un compte bancaire au nom de J______ auprès de la banque K______ (art. 2, 3 et 10). B______ serait enregistré comme bénéficiaire économique des avoirs déposés auprès de la banque (art. 3) et disposerait d’une procuration générale avec signature individuelle sur le compte (art. 5). En contrepartie de ses services de fiducie et de gestion, il serait autorisé à débiter le compte de J______ d’une commission de fiducie de 1% par an, prélevée trimestriellement sur la valeur des actifs nets (art. 11).

Procédure de taxation ICC et IFD 2010

C. a. Par bordereaux et avis de taxation du 9 novembre 2011, A______ et B______ ont été taxés d’office sur la base d’un revenu imposable ICC de CHF 179'961.-, d’une fortune imposable ICC de CHF 88'901.- et d’un revenu imposable IFD de CHF 180'600.-.

b. Par décisions sur réclamation du 13 septembre 2012, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

c. Par courrier du 18 décembre 2013, les contribuables ont formé une demande de révision pour la période fiscale 2010. Leur revenu imposable avait été très nettement surévalué et ils n’étaient pas en mesure de s’acquitter des sommes dues.

Par décisions du 7 juillet 2014 entrées en force, elle a émis des bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2010, en retenant un revenu imposable ICC de CHF 95'074.- et un revenu imposable IFD de CHF 104'600.- et une fortune imposable nulle. Les cotisations sociales admises en déduction des revenus de l’activité indépendante correspondaient au montant déclaré par le contribuable (CHF 4'905.-). L’ICC s’élevait par conséquent à CHF 12'815.- et l’IFD à CHF 2'447.-.

Procédure pénale auprès du Ministère public de la Confédération

D. a. Au mois de juillet 2015, le Ministère Public de la Confédération (ci-après : le MPC) a ouvert une procédure pénale SV.3______-REC (ci-après : la procédure pénale) à l’encontre de A______ et B______.

b. Les 6 août 2015, 4 mars 2016 et 8 novembre 2016, le MPC a entendu B______ en qualité de prévenu dans le cadre de ladite procédure. À teneur des documents bancaires transmis, d’importants montants avaient été crédités sur la relation bancaire de J______ auprès de la banque K______ durant l’année 2010. De nombreux débits avaient également été effectués, sous forme de retraits ou de virements bancaires en sa faveur et celle de G______.

Lors de ces auditions, ce dernier a reconnu que les débits sur le compte de J______ avaient été effectués tant pour ses intérêts que pour ceux de I______. Il a admis qu’une partie de ces débits étaient intervenus sans que ce dernier en soit informé. Selon les investigations menées par le MPC, une comparaison des relevés remis à I______ et de ceux retrouvés dans les données informatiques du contribuable révélait que des transactions pour un montant total de USD 7'293'239.-, CHF 1'663'668.-, EUR 79'450.- et GBP 36’246.-n’apparaissaient pas dans les premiers relevés.

À teneur des déclarations de B______, l’investissement le plus important qu’il avait effectué au fil du temps pour le compte de J______ concernait G______. Cet investissement avait pris la forme d’un prêt. Le contribuable figurait parfois comme prêteur à côté de J______ dans la comptabilité de G______. Dans son esprit, l’ensemble des prêts provenaient cependant de J______ et devaient être remboursés à cette dernière par G______. Aucun remboursement n’était encore intervenu et les deux sociétés n’avaient pas convenu quand tel serait le cas. Il avait été défini que G______ procéderait à des remboursements quand son cash-flow serait positif. Le contribuable a reconnu avoir effectué les investissements dans G______ de son propre chef, sans en informer I______. Il a confirmé avoir procédé à l’insu de ce dernier, dès lors qu’il n’aurait très vraisemblablement pas obtenu son accord pour agir en ce sens.

c. Dans un courrier adressé le 18 avril 2019 au MPC, B______ a notamment exposé que le contrat de fiducie conclu avec I______ ne limitait aucunement sa liberté de disposer des fonds déposés au nom de J______ auprès de la banque K______. Ce contrat ne prévoyait pas non plus de devoir d’information particulier sur la gestion des avoirs. Le contribuable jugeait d’ailleurs qu’il était dans l’intérêt de I______ qu’il effectue un certain nombre d’investissements hors du champ de connaissance de ce dernier, afin de consolider sa propre position d’ayant droit économique à l’égard de la banque K______. Ceci lui permettait également de protéger la sphère fiscale de I______, ce qui constituait l’objectif premier de la structure mise en place. Ces investissements étaient naturellement aussi censés produire des rendements intéressants et, pour ce qui concernait ceux qui avaient été dirigés vers la H______, de constituer une première étape dans le déplacement du patrimoine de J______ hors de Suisse.

Le contribuable a notamment annexé au courrier susmentionné des tableaux qui retraçaient tous les débits effectués par le contribuable sans en référer à I______.

d. Le 22 juillet 2020, le MPC a adressé à l’AFC-GE une dénonciation pour soupçon de soustraction fiscale à l’encontre de A______ et B______.

À teneur de cette dénonciation, le MPC menait une procédure depuis 2015 contre A______ et B______ des chefs d’abus de confiance, subsidiairement participation à abus de confiance, de faux dans les titres et de blanchiment d’argent.

Procédure en soustraction et en rappel d’impôt

E. a. Le 27 novembre 2020, l’AFC-GE a avisé A______ et B______ de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et soustraction fiscale portant sur la période fiscale 2010 en raison de la découverte de revenus non déclarés.

Les reprises envisagées s’élevaient à CHF 1'728'377.-, composés des revenus pour l’activité de gestionnaire auprès d’L______ (CHF 44'008.-), des rétrocessions de la banque K______ (CHF 16'996.-), de la bonification de GBP 160'800.- sur le compte E______ (soit CHF 246'760.-) et des paiements et prélèvements effectués en faveur du contribuable depuis la relation bancaire de J______ auprès de la banque K______ (CHF 1'420'613.-).

b. En l’absence de réponse des contribuables dans le délai octroyé pour se déterminer, l’AFC-GE leur a adressé, le 17 décembre 2020, des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende 2010 faisant état des reprises suivantes : CHF 1'161'998.- au titre d’autres revenus ; CHF 566'379.- au titre d’autres produits de l’activité indépendante. Les cotisations sociales admises en déduction des revenus du contribuable étaient inchangées par rapport au montant admis dans le bordereau initial, soit CHF 4'905.-.

L’ICC 2010 s’élevait par conséquent à CHF 561'970.- (soit un rappel d’impôt de CHF 549'155.-) et l’IFD 2010 à CHF 210'795.- (soit un rappel d’impôt de CHF 208'348.-). Les amendes étaient fixées à 1.25 fois le montant de l’impôt soustrait, soit CHF 686'444.- pour l’ICC et CHF 260'435.- pour l’IFD. Les soustractions avaient été commises intentionnellement et s’étaient étendues sur plusieurs périodes fiscales. Elles dénotaient en outre une absence de scrupules.

c. Le 12 janvier 2021, B______ et A______ ont formé réclamation à l’encontre des bordereaux susmentionnés.

d. Par courrier du 24 février 2021, l’AFC-GE leur a communiqué des précisions au sujet des reprises effectuées.

La reprise de CHF 566'379.- dans le cadre de l’activité indépendante du contribuable (autres produits) comprenait les éléments suivants : les revenus pour l’activité de gestionnaire auprès d’L______de CHF 44'008.- ; les rétrocessions de la banque K______ de CHF 16'996.- ; la bonification de GBP 160'800.- sur le compte E______, soit CHF 246'760.- ; les frais et commissions prélevés pour la gestion de la relation bancaire de J______, soit CHF 258'615.-.

Le montant des frais et commissions prélevés par B______ pour la gestion de la relation bancaire de J______ (soit CHF 258'615.-) ressortait du tableau annexé au rapport du 24 août 2020 de la division Analyse financière forensique du MPC (ci-après : le rapport FFA). Ce tableau figurait en annexe.

La reprise de CHF 1'161'998.- (autres revenus) correspondait à l’ensemble des paiements et prélèvements effectués par le contribuable en son propre intérêt et à l’insu de I______ depuis la relation bancaire de J______, et qui n’avaient pas été comptabilisés en tant que frais et commissions pour la gestion de la relation bancaire.

Ce montant ressortait d’un tableau annexé au rapport FFA du 24 août 2020. Le tableau susmentionné était annexé au courrier de l’AFC-GE et mentionnait, pour la période fiscale 2010, des virements de CHF 885'823.- en faveur de G______. Ce tableau mentionnait également, pour la période fiscale 2010, des paiements de CHF 276'175.- à des prestataires de G______.

e. Par courrier du 30 mars 2021, les contribuables ont relevé que les décisions de rappel d’impôt prises par l’AFC-GE se fondaient essentiellement sur le rapport FFA établi par les analystes du MPC. Celui-ci ne constituait pas un rapport d’expertise établi conformément aux règles de procédure pénale. Le contribuable n’avait notamment jamais été entendu sur son contenu.

Les revenus pour l’activité de gestionnaire auprès d’L______ (CHF 44'008.-) avaient été mentionnés dans les déclarations de revenus 2010 des contribuables. La reprise de ce montant était dès lors contestée, sous réserve d’une rétrocession de CHF 8'500.- versée au contribuable par L______.

La reprise de CHF 16'996.- liée à des rétrocessions de la banque K______ était en revanche admise.

La reprise de CHF 246'760.- correspondant aux GBP 160'800.- versés en décembre 2010 sur le compte E______ ouvert auprès du D______ était contestée. B______ apparaissait certes comme ayant droit économique du compte sur le formulaire A, « ce qu’il avait oublié ». Cependant, le véritable « initiateur et utilisateur » de ce compte était toutefois M______, un ami et partenaire d’affaires de nationalité américaine, aujourd’hui décédé. À l’époque, celui-ci n’avait pas souhaité apparaître afin de simplifier l’ouverture de la relation bancaire. Il avait toutefois choisi le nom du compte, l’avait alimenté par ses propres ressources et l’avait fait débiter en faveur des personnes qu’il désignait. Lui-même n’avait tiré aucun profit personnel de ce compte.

La reprise de CHF 258'615.- à titre de frais et commissions prélevés pour la gestion de la relation bancaire de J______ était contestée, sous réserve de CHF 3'000.- dont le contribuable avait lui-même bénéficié et des deux versements en faveur de son fils N______ s’élevant au total à CHF 11'175.-.

Le courrier reprenait in extenso le contenu du tableau établi par l’AFC-GE au sujet de la reprise de CHF 258'615.-.

Les transferts de CHF 28'329.- et CHF 10'000.- en faveur de F______ étaient destinés à M______ à titre de participation à des investissements pour le compte de J______. Les montants retirés en liquide avaient été transportés par B______ en H______ et utilisés pour couvrir ses frais professionnels « liés aux investissements réalisés [sur place] pour le compte de J______ ». Ce procédé s’expliquait par le fait qu’il ne possédait, à l’époque, ni compte bancaire ni carte de crédit locale.

La reprise de CHF 1'161'998.- était également contestée. Les transferts litigieux n’avaient pas été réalisés dans son intérêt mais dans celui de J______, en vue de réaliser ou d’appuyer des investissements ayant un potentiel de rendement intéressant. Ils avaient tous participé au financement de G______ sous forme de prêts. Ils ne constituaient dès lors pas des revenus personnels.

f. Le 17 mai 2021, l’AFC-GE a demandé aux époux A______B______ de lui transmettre les preuves permettant de démontrer l’identité du véritable ayant droit économique du compte E______ ouvert auprès du D______ ainsi que les justificatifs des paiements et prélèvements effectués en faveur de G______.

g. Par courrier du 30 septembre 2021, A______ et B______ ont communiqué à l’AFC-GE les extraits du compte E______ pour la période allant du 1er janvier 2010 au 19 août 2013, date de clôture du compte.

Ils ont également joint un courriel daté du 13 août 2021 signé par O______, citoyen américain domicilié aux États-Unis, dans lequel celui-ci confirmait avoir été un ami et partenaire d’affaires de M______, décédé en 2016. Ce dernier était en particulier le bénéficiaire final (« ultimate beneficial owner ») des comptes ouverts au nom de E______ et F______.

h. Par courriel du 21 mars 2022, l’AFC-GE a rappelé à B______ qu’elle souhaitait obtenir des renseignements complémentaires sur les investissements qu’il prétendait avoir effectués en H______ dans l’intérêt de J______ et de I______ et le priait de lui communiquer les pièces permettant de démontrer l’existence de la créance de J______ envers le groupe G______, ainsi que son état au 31 décembre des années 2009 et suivantes et une copie intégrale du procès-verbal de l’assemblée générale du groupe G______ d’octobre 2017, y compris les annexes.

i. Par courrier du 7 juin 2022, B______ a communiqué à l’AFC-GE de nombreux documents démontrant selon lui que les sommes transférées par J______ à G______ n’avaient pas constitué des gains personnels mais des prêts de la première société à la seconde. Ces prêts avaient été convertis en actions de G______, lesquelles avaient été remises à J______.

Il s’agissait notamment d’une attestation en espagnol du 31 août 2021 de P______, ancienne assistante administrative de G______, qui confirmait qu’entre 2008 et 2015, G______ avait reçu de J______ une somme totale de USD 7'469'974.- sur ses comptes bancaires, ainsi qu’une somme de USD 233'429.- sous forme de paiements directs à ses fournisseurs. Ces montants avaient été comptabilisés en tant que prêts dans les livres de la société ; d’une attestation du 25 mai 2022 de Q______, contrôleur financier de G______ entre 2010 et 2017. Le contribuable lui avait présenté une liste de tous les paiements effectués par J______ en faveur de G______ entre 2008 et 2015, d’un montant total de USD 7'470'075.-. Les montants versés par J______ sur les comptes bancaires de G______ entre 2010 et 2015 avaient été, sous réserve de quelques exceptions mineures, utilisés par la société pour financer ses investissements et ses opérations. Même s’ils n’avaient pas fait l’objet de contrats ad hoc, ces transferts avaient été comptabilisés en tant que prêts, conformément à l’intention de la prêteuse. Les rapports d’audit de G______ avaient inclus ces paiements dans les dettes à long terme (« cuentas por pagar a largo plazo ») et l’administration fédérale des impôts de H______ avait traité ces montants comme des prêts d’entités externes, ainsi qu’en attestait le formulaire de la direction générale des impôts relatif à l’exercice 2016 produit en annexe. Selon un exemplaire des comptes audités de G______ pour les exercices 2010 à 2015, les dettes à long terme (« cuentas por pagar a largo plazo ») de la société représentaient notamment DOP 578'271'050.-, soit environ CHF 14'670'000.-. La société était largement surendettée. Enfin, il ressortait d’un exemplaire du contrat de prêt conclu le 16 juin 2012 entre J______ et G______, qu’un prêt pour un montant total de USD 1'605'469.- (recte : USD 1'605'542.-), devait permettre à G______ de régler sa dette envers le fisc et envers R______.

j. Entre le 26 octobre 2023 et le 21 novembre 2023, l’AFC-GE et B______ ont eu des échanges au sujet des pièces susmentionnées.

k. Par courrier du 21 novembre 2023, les contribuables ont persisté dans leurs précédentes écritures.

l. Par décision sur réclamation du 11 janvier 2024 portant sur la période fiscale 2010, l’AFC-GE a modifié partiellement les taxations en faveur de A______ et B______. La bonification de GBP 160'800.- (CHF 246'760.-) sur le compte E______ et les frais et commissions prélevés pour la gestion bancaire de J______ (CHF 258'615.-) étaient maintenues, tout comme la reprise de CHF 1'161'998.- au titre de prestations appréciables en argent. La quotité des amendes était maintenue à 1.25 fois le montant de l’impôt éludé et les montants de ces dernières calculés sur la base des taxations rectifiées. L’ICC s’élevait à CHF 550'076.-, soit un rappel d’impôt de CHF 537'261.- et l’IFD à CHF 206'713.- soit un rappel d’impôt de CHF 204'266.-.

F. a. Par acte expédié le 12 février 2024, B______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) à l’encontre de la décision sur réclamation du 11 janvier 2024, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour complément d’instruction. L’AFC-GE avait en effet gravement violé son droit d’être entendu en omettant de prendre en considération ses déterminations du 7 juin 2022, dont elle n’avait pas fait mention dans la décision attaquée.

La présente procédure devait être suspendue jusqu’au prononcé du jugement pénal au lieu de considérer des faits contestés comme acquis, comme retenu par
l’AFC-GE. Une fois l’issue de la procédure pénale connue, un délai pour compléter son recours devait lui être octroyé.

Il a conclu à l’apport du dossier de l’autorité fiscale et à l’audition de trois témoins, O______, P______ et S______. Il contestait intégralement les faits qui lui étaient reprochés par le MPC dans le cadre de la procédure pénale, en particulier d’avoir commis un détournement de fonds au préjudice de I______, ce que le procès pénal confirmerait. Les transferts incriminés avaient au contraire été effectués au bénéfice exclusif de ce dernier. Les fonds litigieux ne constituaient pas un « revenu imposable propre ».

b. Dans ses observations, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La période fiscale 2010 visée par la procédure allait en effet se prescrire le 31 décembre 2025. Les reprises étaient du reste clairement établies et ne dépendaient pas de l’issue du procès pénal.

L’AFC-GE avait non seulement basé son raisonnement sur les déclarations de B______ au MPC, mais aussi sur les observations écrites qu’il avait adressées au MPC et à l’autorité fiscale, sur le contrat de fiducie et les divers documents bancaires transmis. Il ressortait de ces éléments qu’il avait effectué de nombreux prélèvements à l’insu de I______, qu’il lui avait remis des relevés bancaires falsifiés et que celui-ci n’aurait pas consenti à de tels investissements s’il avait été informé. B______ avait également reconnu avoir prélevé CHF 1'420'613.- sur le compte de J______ « sous sa seule autorité » et sans en référer à son partenaire. Partant, les faits n’avaient pas été établis de manière arbitraire.

Concernant les reprises, il était établi que les prélèvements sur le compte de J______ en lien avec G______ et ses prestataires avaient été effectués par B______ qui avait des intérêts dans cette société. Celui-ci avait reconnu qu’il apparaissait comme créancier dans les comptes de G______ pour certains des « investissements ». Il avait également reconnu avoir falsifié les relevés bancaires afin de dissimuler les débits effectués à l’insu de
I______. L’AFC-GE avait en outre démontré qu’il avait perçu des montants sur des comptes dont il était l’ayant droit économique, en particulier les comptes E______ et F______. Ces montants avaient dès lors été perçus par B______ à son profit et constituaient des revenus imposables.

La quotité des amendes avait été fixée à 1.25 fois le montant de l’impôt éludé en raison du caractère intentionnel et répétitif de la soustraction et de l’absence de scrupules des contribuables. Cette quotité était dès lors adéquate. Les bordereaux rectificatifs d’amendes ICC et IFD 2010 comportaient toutefois une erreur de calcul, qui devait être rectifiée. Les amendes y figurant correspondaient en effet aux impôts soustraits et non à 1.25 fois ceux-ci comme indiqué dans la motivation. Cette erreur de plume devait être rectifiée.

c. B______ a répliqué et produit de nouvelles pièces.

d. L’AFC-GE a dupliqué et persisté dans ses arguments.

e. Entre le 22 janvier 2025 et le 25 février 2025, divers échanges se sont tenus entre le TAPI, qui demandait à l’AFC-GE et au contribuable de se déterminer sur la question de savoir si le contribuable était personnellement titulaire, au 31 décembre 2010, d’une créance en remboursement du ou des prêts octroyés à G______, qu’il conviendrait de comptabiliser dans sa fortune imposable et de se prononcer sur une éventuelle fixation des amendes pour soustraction fiscale à 1.25 fois le montant de l’impôt éludé, conformément à la motivation figurant dans les bordereaux d’amende rectificatifs du 11 janvier 2024.

f. Par jugement du 13 mai 2025, le TAPI a très partiellement admis le recours de B______.

La suspension de la procédure était refusée, car dénuée de fondement. L’AFC-GE avait procédé aux reprises litigieuses en se fondant sur les déclarations de B______ dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre. Le fait qu’une partie des faits reprochés soit consignée dans le rapport FFA établi par les analystes du MPC ne l’empêchait pas de reprendre ces faits à son propre compte, les extraits pertinents du rapport ayant été produits dans le cadre de la procédure de contrôle.

Le procès pénal portait sur la question de savoir si le contribuable était coupable d’abus de confiance, de faux dans les titres et de blanchiment d’argent. La résolution de ces questions en droit pénal ne conditionnait pas l’issue de la présente procédure, qui portait uniquement sur le fait de savoir si le contribuable avait réalisé, durant la période fiscale 2010, des revenus non déclarés à l’autorité fiscale et non de savoir si ces revenus provenaient de la commission d’infractions pénales. Le risque de prescription de la période fiscale litigieuse commandait au surplus de n’admettre qu’avec retenue des mesures susceptibles de prolonger la procédure.

Le droit d’être entendu du contribuable n’avait pas été violé. Si la décision du 11 janvier 2024 ne faisait pas mention explicitement des déterminations du 7 juin 2022, l’AFC-GE en avait accusé réception le lendemain et demandé à l’intéressé de lui transmettre une version lisible de certaines annexes. Ces observations avaient dûment été versées au dossier. En outre, l’AFC-GE s’était fondée sur plusieurs des annexes dans sa décision. Même à retenir que l’AFC-GE, en omettant de discuter explicitement de la portée des attestations produites, aurait commis une violation du droit d’être entendu, le recourant avait pu réitérer ses arguments devant le TAPI, lequel disposait du même pouvoir d’examen que l’AFC-GE. Cette éventuelle omission était donc considérée comme rétablie.

Refusant les auditions de témoins sollicitées, le TAPI a retenu que les conditions pour ouvrir une procédure de rappel d’impôt de l’ICC et IFD 2010 étaient remplies, ce qui n’était pas contesté. Il en allait de même de l’imposition des frais de CHF 3'000.- retirés pour son propre compte et du montant de CHF 11'175.- versé en faveur de son fils.

S’agissant de la reprise de CHF 205'710.- en lien avec les frais et commissions prélevés pour la gestion de la relation bancaire de J______, le TAPI a retenu que le recourant avait affirmé dans son courrier du 18 avril 2019 au MPC que la somme susmentionnée lui revenait, correspondant globalement aux commissions de 1% prévues par le contrat de fiducie conclu avec
I______. Il admettait donc que ce montant était un revenu imposable. Ce n’était que dans la procédure de contrôle qu’il avait déclaré que cette somme servait à couvrir ses frais professionnels liés aux investissement réalisés en H______ pour le compte de la société.

Contredite par ses précédentes déclarations, cette affirmation ne découlait d’aucun document, le recourant n’ayant produit aucun justificatif des frais qu’il alléguait avoir encourus lors de ses déplacements dans ce pays. L’attestation produite au stade de la réplique, visiblement pour les besoins de la cause, ne revêtait pas une force probante suffisante pour démontrer le bien-fondé des déductions sollicitées. L’appréciation de l’AFC-GE selon laquelle le bien-fondé des déductions sollicitées n’était pas démontré était parfaitement fondée et la reprise de CHF  205'710.- confirmée.

S’agissant des reprises en lien avec les montants crédités sur les comptes E______ (GBP 160'800.-) et F______ (CHF 38’329.-), le TAPI a considéré que les extraits de comptes bancaires versés à la procédure ne permettaient pas de déterminer quelle personne physique ou morale était titulaire du compte E______. Le contribuable n’avait jamais allégué que ce compte était détenu par un tiers. Il en était l’unique ayant droit économique. La somme créditée sur le compte était donc de prime abord imposable auprès de B______.

L’affirmation selon laquelle le titulaire réel des comptes E______ et F______ était M______ était insuffisamment étayée au vu des exigences de preuve très strictes prévues en la matière par la jurisprudence. Le prétendu rapport de fiducie, uniquement illustré par un courriel daté d’août 2021 d’un ancien ami du défunt, document visiblement établi pour les besoins de la cause, ne répondait pas aux exigences de preuve accrues. Le rapport de fiducie allégué par B______ ne pouvait être pris en considération. L’audition de l’auteur du courriel susmentionné ne pouvait compenser l’absence de documents probants.

Les reprises de CHF 246'760.- correspondant à la bonification de GBP 160'800.- reçue au mois de décembre 2010 sur le compte E______ et de CHF 38'329.- versée en 2010 sur le compte F______ étaient confirmées. La reprise totale de CHF 530'871.- effectuée par l’AFC-GE devait être confirmée. Seul restait nécessaire de calculer d’office le montant vraisemblablement dû par le contribuable au titre de cotisations AVS, l’AFC-GE ayant admis au titre de déduction celle fixée à CHF 4'905.-, soit le montant initialement déclaré par l’intéressé. Le TAPI a ainsi partiellement admis le recours sur ce point, la déduction à opérer entrainant une réduction de l’imposition des époux.

Enfin, la reprise de CHF 1'161'998.- correspondant aux virement et paiements effectués en faveur du groupe G______ depuis la relation bancaire de J______ était confirmée, les montants transférés pouvant être assimilés à des prestations appréciables en argent imposables dans le chef du contribuable. Les extraits pertinents du rapport FAA avaient été versés au dossier, par le contribuable lui-même dans sa réplique. S’agissant de la véracité des éléments du rapport, l’intéressé ne contestait pas avoir effectué, en 2010 des virements depuis la relation bancaire de J______ sur les comptes bancaires de G______ (virement de CHF 885'823.-.) et des paiements de CHF 276'175.- en faveur de prestataires de cette société. Son affirmation selon laquelle les éléments comptables n’étaient pas établis était contredite par ses courriers adressés les 30 mars et 30 septembre 2021 à l’AFC-GE, qui reprenaient les chiffres sans les contester.

Les conditions jurisprudentielles pour admettre l’existence de prestations appréciables en argent étaient remplies : B______ disposait de la signature individuelle sur les comptes ouverts par J______ ; les contrats de prêts sur lesquels se basaient les virements n’avaient jamais été formalisés par écrit pour la période fiscale 2010 ; B______ n’avait jamais allégué que ces prêts devaient être remboursés. Les prestations avaient été faites sans contre-prestations correspondantes.

B______ détenait l’intégralité du capital-actions de J______ à titre fiduciaire et présidait le conseil d’administration de G______. Il avait déclaré au MPC que les transferts effectués depuis J______ l’avaient été à l’insu de I______ et que ce dernier n’aurait pas consenti à de telles transactions s’il en avait été informé. Ces opérations, non conformes au contrat de fiducie, imposaient de traiter le contribuable comme actionnaire réel de J______. Compte tenu de la situation financière obérée de G______, les prêts consentis n’auraient pas été accordés aux mêmes conditions à un tiers indépendant dans une situation similaire. Le contribuable était d’ailleurs conscient des avantages qu’il accordait à G______, et avait reconnu que I______ n’aurait pas consenti à ces investissements s’il en avait été informé.

Conformément à la théorie du triangle, le fait que les fonds transférés n’aient pas transité dans le patrimoine de B______ n’empêchait pas de les imposer dans son chapitre fiscal. Enfin, les circonstances permettant d’imposer les montants transférés en tant que revenus dans le chapitre fiscal du contribuable s’opposaient à la comptabilisation d’une créance en remboursement du même montant dans la fortune de l’intéressé.

Les amendes fixées par l’AFC-GE à 1.25 fois le montant de l’impôt soustrait mais inscrites, par erreur, dans les bordereaux à une fois le montant de l’impôt soustrait, étaient également justifiées. Si l’AFC-GE ne pouvait pas invoquer le caractère répété des soustractions commises comme circonstance aggravante, les périodes fiscales 2011 à 2019 étant encore en cours d’instruction, l’importance du montant de l’impôt soustrait en 2010, le caractère intentionnel de l’infraction et l’absence de scrupules de B______ justifiaient à eux seuls de fixer la quotité de l’amende à 1.25 fois le montant de l’impôt soustrait,

En définitive, le recours était très partiellement admis uniquement s’agissant de la provision pour cotisations AVS.

G. a. Par acte du 19 juin 2025, B______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre du jugement précité, concluant à son annulation et la fixation de sa taxation 2010, sans la prise en considération des reprises, dont l’annulation était requise. Au préalable, il convenait de suspendre la procédure jusqu’à droit jugé dans la cause 3______, de l’autoriser à compléter son recours, d’ordonner l’apport du dossier de l’autorité intimée et de procéder aux auditions de O______, P______, S______, Q______ et T______.

Son droit d’être entendu avait été violé, ses déterminations du 7 juin 2022 ayant été ignorées par l’AFC-GE. Les faits pertinents avaient été constatés inexactement et incomplètement. Il contestait tout détournement de fonds au préjudice de
I______. Il n’avait pas perçu, à titre personnel, des fonds constituant un revenu imposable propre. Il entendait plaider son acquittement devant le Tribunal pénal fédéral. La procédure devait donc être suspendue. Il devait être autorisé à compléter son recours.

Au surplus, il n’a pas développé d’arguments spécifiques à l’encontre de la motivation du jugement du TAPI, se contentant d’alléguer que les fonds ne constituaient pas « un revenu imposable propre ».

b. Dans sa réponse du 7 juillet 2025, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours, aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige n’étant avancé et aucune pièce déterminante n’étant produite. Elle s’opposait à tout acte visant à retarder l’instruction de la cause. Il n’était pas pertinent d’attendre le verdict de la procédure pénale fédérale à l’encontre du contribuable. Il en allait de même des demandes d’audition de témoins sollicitées par le contribuable, ces derniers s’étant déjà exprimés par écrit, comme le TAPI l’avait d’ailleurs relevé. Enfin, le grief de violation du droit d’être entendu était infondé également, les déterminations du 7 juin 2022 et les pièces jointes en annexe ayant été cités dans les décisions querellées.

c. Dans sa réplique déposée dans le délai prolongé, à sa demande, par la chambre de céans, B______ a persisté dans sa demande de prolongation de délai. La prescription absolue n’interviendrait que dans cinq mois. Au plan pénal, il avait déposé une annonce d’appel auprès du Tribunal pénal fédéral.

Il a joint à sa réplique le dispositif du jugement de la chambre des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral, dont il ressort qu’il a été reconnu coupable le 11 juillet 2025 d’abus de confiance aggravé répété, de tentative d’abus de confiance aggravé, de faux dans les titres répétés et de blanchiment d’argent répété et condamné à 7 ans et 11 mois de peine privative de liberté.

d. Sur ce, les parties ont été informées le 25 juillet 2025 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Le recourant conclut au préalable à la suspension de la procédure jusqu’à droit connu dans la procédure pénale fédérale et à pouvoir compléter son recours.

2.1 Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA).

L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b et l'arrêt cité). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l'autorité saisie n'ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d'une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l'interdiction du déni de justice formel fondée sur l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d'attendre la décision d'une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d'autres motifs (ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

2.2 En l’occurrence, à teneur des explications mêmes du recourant, le Tribunal pénal fédéral a rendu son verdict en juillet 2025. Par conséquent, en tant qu’elle était justifiée selon le recourant, cette conclusion a désormais perdu de sa pertinence, étant précisé que la présente procédure ne porte que sur le fait de savoir si le recourant a réalisé, durant la période fiscale 2010, des revenus qu’il n’a pas déclaré à l’autorité fiscale et non de savoir si ces revenus proviennent de la commission d’infractions pénales. Le risque de prescription que présente ce dossier conduit également à considérer que la suspension n’apparaît pas indiquée.

Il en va de même de la demande visant à compléter le recours. Le recourant a eu l’occasion de le compléter, dans le délai de réplique, prolongé à sa demande par la chambre de céans, dans le cadre du second échange d’écritures.

Il ne sera donc pas donné suite aux demandes du recourant.

3.             Le recourant conclut préalablement à l’apport du dossier de l’autorité intimée et à l’audition de cinq témoins, comme devant le TAPI.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1 et les références citées). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1.2).

3.2 En l’espèce, la chambre de céans est en possession du dossier relatif à la présente cause. Le recourant ne soutient pas ne pas y avoir eu accès. La conclusion formulée sur ce point par le recourant est ainsi sans objet.

Comme le TAPI l’a constaté à juste titre, les témoins dont l’audition a été demandée par le recourant, soit O______, P______, S______, Q______ et T______, se sont déjà exprimés par écrit, au moyen soit d’un courriel adressé au recourant (O______) ou d’attestations rédigées pour les besoins de la cause (P______, S______, Q______ et T______). Le recourant n’indique pas en quoi leur audition orale serait pertinente et utile au présent litige, ni en quoi elle permettrait d’apporter des éléments supplémentaires, nécessaires à la résolution du présent litige, qu’ils n’auraient pu apporter par écrit.

La chambre administrative étant en possession d'un dossier complet qui contient les éléments pertinents pour trancher le litige, il ne sera pas donné suite aux demandes d'auditions formulées par le recourant.

4.             Se pose en premier lieu la question de la prescription et de la péremption.

4.1 La prescription et la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative, à l'instar du Tribunal fédéral, examine d'office lorsqu'elles jouent en faveur du contribuable (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_598/2023 du 22 novembre 2023 consid. 6.1 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4).

L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 LHID posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et l’ICC.

Les art. 120 al. 1 LIFD, 47 al. 1 LHID et 22 al. 1 LPFisc prévoient que le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. Selon les art. 120 al. 3 let. a et d LIFD et 22 al. 3 let. a et d LPFisc, un nouveau délai de prescription commence à courir (a) lorsque l'autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l'impôt, ainsi que (d) lorsqu'une poursuite pénale est introduite ensuite de soustraction d'impôts consommée ou de délit fiscal. La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (art. 120 al. 4 LIFD et 22 al. 4 LPFisc).

Selon la jurisprudence, toutes les mesures des autorités tendant à la fixation de la prétention fiscale et portées à la connaissance du contribuable, de mêmes que de simples lettres ou injonctions, interrompent le délai de prescription. La notion d'acte tendant au recouvrement de la créance peut même comprendre des communications officielles qui n'annoncent qu'une taxation ultérieure et dont le but se limite précisément à interrompre le cours de la prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; 137 I 273 consid. 3.4.3 ; 126 II 1 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 4.1 et 4.2).

Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de la soustraction d'impôts consommée se prescrivait dans tous les cas par quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée ou l'avait été de façon incomplète, ce délai ne pouvant être prolongé (art. 184 al. 1 let. b aLIFD en relation avec l’ATF 134 IV 328). La prescription était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (art. 184 al. 2 aLIFD).

Depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit, au plus tôt, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 LIFD).

4.2 En l'occurrence, le 27 novembre 2020, un avis d'ouverture de la procédure de rappel d'impôts 2010 a été notifié au recourant. En application du nouveau droit, la poursuite pénale de la soustraction d'impôts consommée reprochée au recourant pour la période fiscale 2010 n'est pas prescrite, dès lors que l'AFC-GE lui a notifié les bordereaux d'amende y relatifs le 17 décembre 2020, soit avant l’échéance du délai de dix ans après la fin de cette période fiscale. L'application de l'ancien droit, rappelé plus haut, n’est pas plus favorable au recourant. S’agissant des rappels d’impôts, le délai de prescription de dix ans des art. 152 al. 1 LIFD, 53 al. 2 LHID et 61 al. 1 LPFisc a été respecté. Le délai de quinze ans n'est pas écoulé pour l’année fiscale 2010 à la date du présent arrêt. Le droit de procéder aux rappels d’impôts 2010 n'est ainsi pas périmé.

5.             Se pose la question de la qualité pour recourir seul de B______.

5.1 Selon l’art. 113 LIFD, les époux qui vivent en ménage commun exercent les droits et s’acquittent des obligations qu’ils ont de manière conjointe (al. 1). La déclaration d’impôt doit porter les deux signatures (al. 2). Pour que les recours et autres écrits soient réputés introduits en temps utile, il suffit que l’un des époux ait agi dans les délais (al. 3). Toute communication que l’autorité fiscale fait parvenir à des contribuables mariés qui vivent en ménage commun est adressée aux époux conjointement (al. 4). L’art. 16 LPFisc a une teneur similaire.

Cette disposition institue une forme de représentation réciproque des époux dans la procédure fiscale. Chacun des époux peut en principe exercer ses droits ou s’acquitter de ses obligations de manière indépendante. Peu importe de savoir lequel des époux a exercé seul un droit ou s’est acquitté seul d’une obligation, son acte de procédure déployant également des effets pour l’autre époux (ATA/576/2020 du 9 juin 2020 consid. 4 ; ATA/923/2018 du 11 septembre 2018 consid. 2g et les références citées).

5.2 En l’espèce, si seul l’époux a interjeté recours auprès de la chambre de céans contre la décision sur réclamation de l’AFC-GE et reçu en son nom seulement l’ensemble de la correspondance émise par le greffe, tout comme devant le TAPI d’ailleurs, il ressort des dossiers de l’OCPM qu’il vit en ménage commun avec son épouse. Son recours devant la chambre de céans est ainsi réputé émaner des deux époux. Le présent arrêt déploie donc des effets également à l’encontre de l’épouse du recourant.

6.             Le recourant se plaint en premier lieu d’une violation de son droit d’être entendu car l’AFC-GE n’avait, selon lui, pas pris en considération ses déterminations du 7 juin 2022.

6.1 Le droit d’être entendu ne contient pas d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1). La jurisprudence déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b ; ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

6.2 En l’espèce, si la décision du 11 janvier 2024 ne mentionne pas explicitement les déterminations du 7 juin 2022, elle se fonde toutefois notamment sur des pièces figurant en annexe de ces déterminations (états financiers de J______ et tableau des financements octroyés à G______), comme l’a retenu le TAPI à juste titre. En outre, l’AFC-GE a pris en considération les arguments du recourant dans leur globalité et n’avait pas l’obligation de faire un examen spécifique et détaillé de tous les points soulevés par le recourant dans l’ensemble de leurs échanges avant la prise de la décision sur réclamation. Le recourant ne démontre d’ailleurs pas, dans son acte de recours devant la chambre de céans, quels griefs ni quels éléments figurant dans ses déterminations, qui pourraient, selon ses termes « entraîner l’annulation de la décision contestée », n’auraient pas été examinés par l’AFC-GE. Quoi qu'il en soit, même à retenir que son droit d’être entendu aurait été violé de ce fait, il aurait été, sous cet angle également, réparé devant la chambre de céans. En effet, le recourant a pu s'exprimer dans son acte de recours et dans sa réplique devant la chambre de céans, ainsi que produire toute pièce jugée utile. Il a dès lors pu valablement exercer son droit d'être entendu.

Le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté.

7.             Le litige concerne l’année fiscale 2010. Il convient donc de déterminer le droit applicable.

7.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5 et la référence). Les questions à trancher dans le cadre du recours étant traitées de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts (ICC et IFD), comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

7.2 En l'occurrence, en matière d'impôt fédéral direct, c'est la LIFD, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, dans sa teneur en 2010, qui est applicable à la période fiscale litigieuse. Reste réservé le principe de la lex mitior qui s’applique aux amendes.

La loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) trouve également application. Quant à l'ICC, le 1er janvier 2010, est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). L’art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Elle s'applique donc pour la période fiscale en cause.

8.             Le recourant se plaint d’une constatation inexacte des faits.

8.1 Le recours peut être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b).

8.2 La jurisprudence pose le principe selon lequel l’autorité administrative est en principe liée par les constatations de fait d’un jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés. Si les faits retenus au pénal lient donc en principe l’autorité et le juge administratifs, il en va différemment des questions de droit et de l’appréciation juridique à laquelle s’est livrée le juge pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7f et les références citées).

8.3 En l’espèce, le recourant conteste « les faits qui lui sont reprochés dans le cadre de la procédure pénale » et conteste « tout détournement de fonds », les transferts litigieux ayant selon lui été effectués exclusivement au profit de l’ayant droit économique des fonds concernés.

La chambre de céans souligne, à l’instar du TAPI, que la présente procédure ne porte pas sur les infractions pénales reprochées au recourant mais sur la question de savoir si ce dernier a réalisé pour l’année 2010, des revenus qu’il n’a pas déclarés à l’autorité fiscale et non sur celui de savoir quelle était l’origine de ces revenus ni de savoir s’ils provenaient de la commission d’infractions. À cela s’ajoute que contrairement à ses dires, le recourant a lui-même déclaré devant le MPC que les transferts litigieux à G______ avaient été faits à l’insu de I______ et que ce dernier n’aurait pas été d’accord avec ces transferts s’il avait été au courant. Le recourant n’a au demeurant jamais contesté les montants des reprises, reprenant à son compte les chiffres établis par l’AFC-GE, notamment dans ses déterminations des 30 mars et 30 septembre 2021.

En réalité, le recourant a une appréciation différente des conclusions pouvant être tirées des moyens de preuves figurant au dossier par rapport à cette question. Son argumentation ne relève donc pas du grief de mauvais établissement des faits mais porte en réalité sur l'analyse de la force probante des preuves administrées et les conclusions juridiques pouvant en être tirées, problématique qui relève du fond du litige et qui sera examinée infra.

9.             Le litige concerne le bien-fondé de la reprise de GBP 160'800.- et de CHF 258'615.- au titre d’autres produits de l’activité indépendante et de la reprise de CHF 1'161'998.- au titre d’autres revenus, ainsi que des amendes pour soustraction fiscale.

9.1 Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc).

En l’occurrence, le recourant ne conteste pas que les conditions de ces dispositions sont remplies.

9.2 Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1). L’art. 17 LIPP a un contenu similaire à l'art. 16 LIFD et conforme à l'art. 7 al. 1 LHID.

Tout revenu que la loi n'exclut pas expressément du champ d'application de la LIFD et de la LIPP est considéré comme faisant partie du revenu imposable. Celui-ci comprend l'ensemble des revenus du contribuable, quelle qu'en soit leur nature ou leur forme. L'impôt frappe le revenu global (ATA/1727/2019 du 26 novembre 2019 consid. 6b et les arrêts cités). Le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, ce qui peut provenir tant d'une augmentation des actifs que d'une diminution des passifs (ATA/1727/2019 précité consid. 6b).

Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD, art. 30 LIPP, 10 al. 1 LHID).

Seuls les frais justifiés par l’usage commercial ou professionnel sont déductibles du revenu brut. Si l’énumération de ceux-ci n’est qu’exemplative aux art. 27 al. 2 à 31 LIFD, leur déductibilité est conditionnée par la preuve de leur nécessité au regard de l’activité poursuivie. Cette preuve incombe au contribuable, puisqu’elle tend à la diminution de la charge fiscale. La jurisprudence retient que la notion de frais justifiés par l’usage commercial doit être interprétée de manière large. Tout ce qui selon l’usage commercial et la bonne foi peut être considéré comme frais doit être admis du point de vue fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1 ; Yves NOËL in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2e éd., 2017, n. 2 ad art. 27 LIFD). Selon la jurisprudence, des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l'usage commercial justifie les frais comptabilisés. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d'apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l'acquisition ou le maintien du chiffre d'affaires (ATA/182/2024 du 6 février 2024 consid. 8.2 ; ATA/1218/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2c).

9.3 Selon la jurisprudence (ATF 131 II 627 consid. 5.2 ; 109 Ib 110 consid. 3 ; 103 Ia 20 consid. 4), le principe de transparence (« Durchgriffstheorie »), fondé sur la réalité économique, permet de considérer que la forme juridique des relations d'où provient le revenu imposable n'est pas nécessairement décisive du point de vue fiscal. Sous certaines conditions, l'autorité peut s'en tenir à la réalité économique et admettre en particulier l'existence d'un seul contribuable en présence de plusieurs entités juridiquement distinctes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_742/2008 du 11 février 2009 consid. 5.5). Le Tribunal fédéral n'admet ce mode de faire que si la forme juridique à laquelle a recouru le contribuable est insolite, inadéquate ou anormale, qu'elle n'a été choisie qu'aux fins d'éluder l'impôt et qu'elle conduirait effectivement à une économie d'impôt. En d'autres termes, il faut que l'on se trouve en présence d'un cas d'évasion fiscale (ATF 102 Ib 151 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_724/2010 du 27 juillet 2011 consid. 7.4 ; 2P.92/2005 du 30 janvier 2006 consid. 7.2).

9.4 En principe, les autorités fiscales peuvent imputer les rapports de droit et leurs conséquences juridiques au contribuable dont le nom apparaît, sous réserve d’une contre-preuve. Selon le cours ordinaire des choses, un accord conclu en son propre nom est réputé l’avoir été pour son propre compte. L’existence, à titre exceptionnel, d’un rapport fiduciaire impose donc au contribuable qui entend s’en prévaloir, en tant que facteur diminuant son imposition, d’en apporter la preuve. L’affirmation selon laquelle une relation juridique conclue en son propre nom l’a été pour le compte d’un tiers ne sera prise en compte que si le contribuable parvient à démontrer sans discussion possible le rapport fiduciaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2016 ; 2C_149/2016 du 25 août 2017 consid. 8.1 ; 2C_24/2014 du 29 janvier 2015 consid. 4.3.1 ; 2C_387/2007 du 4 mars 2008 consid. 4.2). À défaut d’une telle preuve, on ne peut reprocher à l’autorité de conclure que toute somme d’argent reçue par une personne en son nom propre l’a enrichie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2016 ; 2C_149/2016 précité, ibid. ; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 9.2).

Lorsque le contribuable se prévalant d’un rapport de fiducie n’est pas en mesure de produire la documentation contractuelle écrite requise par la notice, il ne peut se limiter à établir son existence abstraitement par d’autres moyens, tels que des témoignages, pour échapper au paiement de l’impôt. Les éléments de preuve qu’il doit apporter doivent permettre d’arriver à un résultat équivalent à celui demandé par la notice, soit à une preuve stricte de l’existence d’un rapport de fiducie (ATA/22/2016 précité, consid. 10).

9.5 Dans ses écritures, le recourant ne conteste aucune des reprises en détail, concluant uniquement à l’annulation du jugement entrepris, en tant qu’il confirmait leur prise en compte à titre de revenus, et réfutant avoir perçu, à titre personnel, des fonds constituant un revenu imposable propre.

9.5.1 Le TAPI a considéré que le retrait en espèces par le recourant de CHF 205'710.- du comptes J______ était constitutif d’un revenu imposable. À l’appui de son raisonnement, il a retenu que le recourant avait tout d’abord affirmé que la somme susmentionnée lui revenait, étant donné qu’elle correspondait aux commissions de 1% prévues par le contrat de fiducie conclu avec I______, avant de déclarer que cette somme servait à couvrir ses frais professionnels liés aux investissements réalisés en H______. Le recourant n’avait produit aucun justificatif lors de la procédure de contrôle et les documents produits au stade de la réplique n’étaient pas probants. L’attestation de son ancienne assistante administrative évaluant ses dépenses ne démontrait pas le bien-fondé des déductions sollicitées et était visiblement rédigée pour les besoins de la cause, sans justificatifs. Les affirmations très générales figurant dans le document ne permettaient pas d’établir une causalité directe entre les dépenses et l’activité de gestion fiduciaire que le recourant était censé conduire pour le compte de J______. Le lien entre les retraits effectués sur le compte de J______ au titre de frais pour la gestion de cette relation bancaire et la comptabilité de G______ n’était au surplus pas évident.

Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. La chambre de céans souligne que le recourant n’en élève d’ailleurs aucune à l’encontre de celui-ci et se contente d’affirmer qu’il n’a pas perçu de fonds constituant un revenu imposable propre. Partant, c’est à juste titre que le TAPI a considéré que l’AFC-GE était fondée à retenir que les déductions sollicitées n’étaient pas établies et à reprendre ces sommes au titre de revenu imposable.

9.5.2 Le TAPI a ensuite examiné la question des reprises effectuées par l’AFC-GE en lien avec les montants crédités sur les comptes E______ (GBP 160'800.-) et F______ (CHF 38'329.-).

Le TAPI a exposé la jurisprudence applicable de sorte qu’il peut y être renvoyé. Il ressort de l’ensemble des pièces du dossier que le recourant était l’ayant droit économique de F______ et E______. Le TAPI a analysé en détail les rapports de fiducie allégués par le recourant et expliqué pourquoi ceux-ci ne pouvaient être retenus. Le recourant ne conteste aucun élément du raisonnement du TAPI ni les montants retenus comme revenus par l’AFC-GE.

Devant la chambre de céans, il se contente d’alléguer que les transferts litigieux avaient été effectués au profit de l’ayant droit économique. Or, conformément à la jurisprudence rappelée supra, il appartenait au recourant de contester dans les détails la nature et le montant des reprises alléguées par l’intimée. Le recourant n’apporte aucun élément permettant de s’écarter de ce constat.

Partant, l’ensemble des revenus ainsi réalisés doit être considéré comme des revenus personnels perçus par le recourant. La chambre de céans ne peut qu’appuyer et confirmer le raisonnement du TAPI, auquel il sera pour le surplus renvoyé. Les reprises effectuées par l'AFC-GE en lien avec les versements susmentionnés seront donc confirmées, aucun autre élément y relatif n'étant d’ailleurs contesté.

9.5.3 Enfin, le TAPI a confirmé la reprise de CHF 1'161'998.- au titre de prestations appréciables en argent. Il a retenu, sans être contredit devant la chambre de céans par le recourant, que les conditions jurisprudentielles d’une prestation appréciable en argent étaient remplies, le recourant ayant effectué, en faveur de G______, une prestation sans contre-prestation correspondante, les explications données par le recourant étant dénuées de fondement ou douteuses. Compte tenu de la situation financière (obérée) de G______, au sein de laquelle le recourant disposait d’une participation et dont il présidait le conseil d’administration, les prêts consentis n’auraient pas été accordés aux mêmes conditions à une autre société. Conformément à la théorie du triangle, le détenteur de parts, en l’occurrence le recourant en sa qualité d’actionnaire fiduciaire de J______ pouvait et devait être imposé sur les attributions de la société lui appartenant réalisées en faveur d’une autre société dont il était proche.

La chambre de céans constate que TAPI a correctement exposé les règles et la jurisprudence topiques, auxquelles il peut être renvoyé tel quel. Le recourant ne critique pas le raisonnement, complet, du TAPI ni ne met en évidence une violation du droit fédéral ou encore une mauvaise application de la jurisprudence rendue en matière de prestations appréciables en argent.

Le recourant n’allègue aucun élément supplémentaire permettant de remettre en cause ce raisonnement devant la chambre de céans. Il ne fournit aucune justification ni explication relative à ces versements. C’est à juste titre que le TAPI a considéré que l’AFC-GE pouvait considérer que la reprise de CHF 1'161'998.- était fondée.

9.6 Le recourant ne critique enfin pas le constat du TAPI selon lequel il n’avait établi ni l’existence de prêts en sa faveur ni son absence de volonté de les rembourser, dans l’hypothèse où leur existence devrait être admise. Faute de critique précise sur ce point, le recourant supportant le fardeau de la preuve, s’agissant d’éléments tendant à la diminution de son imposition, ce point du jugement attaqué ne sera pas examiné plus avant.

Le recourant ne conteste pas non plus, à juste titre, l’analyse du TAPI concernant le montant de la déduction AVS en sa faveur, à recalculer, ainsi que l’absence de prise en compte de créances en remboursement des « prêts » évoqués, également en sa faveur, de sorte que ces éléments ne seront pas examinés plus en détails.

10.         Le recourant a finalement uniquement conclu à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle confirmait les amendes qui lui ont été infligées.

10.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1).

Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/376/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3 et l'arrêt cité).

10.2 En l’espèce, dans le cadre de la fixation des amendes, le TAPI a retenu que le caractère intentionnel de l’infraction, l’importance du montant de l’impôt soustrait et l’absence de scrupules du recourant, justifiaient à eux-seuls de fixer la quotité de l’amende à 1.25 fois le montant de l’impôt soustrait.

Cette appréciation n’est pas critiquable et le recourant ne la conteste d’ailleurs pas. La quotité des amendes a été fixée à 1.25 fois le montant des impôts soustraits. Elle respecte ainsi la jurisprudence et le recourant n’a d’ailleurs pas développé d’argumentation spécifique cet égard. Pour le surplus, il peut être renvoyé aux considérants détaillés développés par le TAPI dans son jugement aux consid. 40 et suivants, que la chambre de céans fait siens, pour confirmer les amendes fixées par l’AFC-GE.

Au vu de ce qui précède, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

11.         Au vu de l'issue du litige, en application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et ne peuvent dès lors se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juin 2025 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mai 2025 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de A______ et B______ un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marie CRETTAZ, avocat de A______ et B______, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :